OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • SUR LE TRAVAIL
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 86-91.
  • CO 28
Informations détaillées
  • 1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CRITIQUES
    1 HONTE DU PECHE
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 PARESSE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 SAINTE FAMILLE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TENTATION
    1 TRAVAIL
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 TRAVAIL MANUEL
  • 1875
La lettre

In sudore vultus tu vesceris pane(1). Telle est la sentence portée contre l’homme pécheur. Il faut qu’il travaille, et ce travail n’est pas l’occupation légitime de l’intelligence qui préside aux arrangements des choses matérielles et spirituelles; ce travail est une punition. L’homme trouvera dans le monde physique des ronces et des épines: dans le monde de l’intelligence, l’ignorance et l’erreur. Il sera condamné au travail: travail du corps et travail de l’esprit. Etudions ce double châtiment.

I. Travail du corps.

1° « Châtiment.] Voilà le premier homme chassé du paradis des délices, portant dans son corps, qu’il n’ose plus regarder, la honte de son péché. Il s’est révolté contre Dieu, la terre entière se révolte contre lui. Ce n’est plus que par la violence quelle consentira à lui fournir sa nourriture. D’elle-même, elle n’a plus pour lui que des ronces et des épines. Pourtant, il faut vivre. Quelles seront les inventions de l’homme pour pourvoir à ses besoins? Quels efforts pour se fabriquer des instruments, un abri, des vêtements! Enfin, il travaille. Il travaille, et dans ce travail se trouve le châtiment du péché; c’est le travail de l’esclave. Qui facit peccatum servus est peccati(2). Et celui qui était le roi de la création est réduit à la plus honteuse servitude.

Il faut travailler, et ici ne nous faisons pas illusion. Le travail est un châtiment; mais pour être méritoire, il faut qu il soit accepté, voulu, fait par obéissance, sinon a quoi bon? C’est le prisonnier chargé de chaînes que l’on conduit à un honteux labeur, ce n’est pas le fils repentant qui veut réparer le tort commis envers son père.

2° Force contre la tentation. Je pourrais dire que c’est d’abord une leçon terrible. Le travail imposé au moment de la révolte me montre quelle confiance je dois avoir aux paroles séductrices de Satan. S’il est capable de quelque joie, quelle ne doit pas être la sienne quand il voit le joug imposé à toute vie humaine. Mais par la miséricorde de Dieu, le travail accepté se transforme en force contre lui. Le travail des mains assainit mon âme si je le veux, et la rend plus vigoureuse. En effet, l’habitude de la lutte et de l’effort m’aide contre les tentatives de l’ennemi. Plus un homme est occupé, moins il a le temps d’écouter les tentations auxquelles il est exposé, et les anciens religieux condamnaient les plus jeunes des leurs à de rudes travaux, pour les rendre forts contre la tentation.

3° Sanctification du travail. Je me transporte par la pensée à Nazareth, et je contemple la sainte Famille. Jésus travaille, Marie travaille, Joseph travaille. Que s’est-il donc passé que le Fils de Dieu se condamne à la vie d’un pauvre ouvrier? Rien, sinon que Jésus-Christ a voulu sanctifier le travail, et qu’il a choisi le plus rude pour nous donner l’exemple. Quand le comprendrai-je, et quand accepterai-je les humiliations d’un travail par lequel je ressemblerai à Jésus-Christ salué par le prophète, disant: Pauper sum ego et in laboribus a iuventute mea(3).

O Jésus, donnez-moi le désir du travail!

II. Travail intellectuel.

Mais il ne s’agit pas de faire travailler les mains seulement; l’âme aussi doit avoir son travail, et il faut que je me rende compte du travail que je dois lui imposer. Il est nécessaire que je m’instruise.

I° Comme moyen de payer la dette du péché. -Le travail est une honte, une humiliation que les savants ne veulent pas assez envisager. La science enfle; mais si je la prends comme moyen de payer la dette du péché, je pourrai y voir un moyen de rester à la place humiliante que le péché m’a faite. Quoi de plus humiliant, en effet, si je vois les choses avec les yeux de la foi, que cette obligation, pour étendre les limites de mon intelligence, de courber mon front, de fatiguer ma tête, et d’aller avec cette lenteur insupportable dans le champ de la science? Mais surtout quelle bonté de la part de Dieu d’accepter cette façon moins rude de payer la dette du travail!

2° Comme moyen de donner à mon intelligence le développement voulu. -L’intelligence, faculté où réside la science, est comme le champ où pousse l’épi. Il faut la cultiver pour la rendre féconde. Si je ne cultive pas par le travail cette intelligence, l’ignorance et l’erreur l’environneront de toutes parts. Je dois donc lui donner la culture convenable pour la maintenir à son niveau légitime. Que fais-je à cet égard? Et n’ai-je pas à me reprocher une paresse d’autant plus coupable que Dieu m’avait traité avec une plus grande bonté, en écartant de mon front le poids du jour et de la chaleur et en me permettant de me livrer à des occupations plus douces et où la portion la plus noble de mon être pouvait acquérir un légitime développement?

3° Comme moyen de fuir beaucoup de dangers. -Voilà ce que je ne veux pas assez voir. Si je ne travaille ni des mains ni de la tête, l’oisiveté m’expose à une foule de tentations. N’en ai-je pas fait l’expérience? C’est au milieu de l’oisiveté que l’imagination s’exalte, que les murmures se produisent, que les médisances se font, et que d’autres fautes se commettent. Si je veux éviter tous ces péchés, il faut que je travaille.

4° Comme moyen de faire du bien aux autres. Je dois, par l’instruction, me maintenir à un niveau supérieur; j’y dois maintenir les autres. C’est là un devoir bien plus sérieux qu’on ne le croit ordinairement. L’humanité s’en va à la décadence, il faut la relever sans cesse. Quel honneur Dieu ne nous fait-il pas quand il nous dit: j’ai fait de l’homme une admirable créature, le péché l’a dégradé, eh bien! je veux relever le niveau de son intelligence, obscurcie par l’ignorance et l’erreur: soyez, par votre instruction, l’organe de ce relèvement. Je dois comprendre que c’est d’une action religieuse qu’il s’agit.

Seigneur, illuminez mes yeux pour que je ne m’endorme pas dans la mort et pour que j’empêche les autres de s’y endormir.

Notes et post-scriptum
1. "C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain." (Gen. III, 19.)
2. "Celui qui commet le péché est l'esclave du péché." (Joan. VIII, 34.)
3. "Je suis pauvre et dans le labeur depuis ma jeunesse." (Ps. LXXXVII, 16.)