OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LE CARACTERE
    [QUATRIEME MEDITATION]
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 146-151.
  • CO 43
Informations détaillées
  • 1 AMBITION
    1 CARACTERE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 COLERE
    1 DECADENCE
    1 DEFAUTS
    1 DESOBEISSANCE
    1 DOUCEUR
    1 EGOISME
    1 ENERGIE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 HUMILITE
    1 HYPOCRISIE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 LACHETE
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 ORGUEIL
    1 PECHES CAPITAUX
    1 REVOLTE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 TEMPERAMENT
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VANITE
    2 FABIUS CUNCTATOR
    2 SCIPION L'AFRICAIN
    2 TACITE
    2 TIBERE
  • 1875
La lettre

Perditio tua ex te(1) Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance et, de plus, il nous a donne à chacun un cachet spécial, qui fait que nous sommes cet homme et non pas un autre. Nous sommes appelés à des degrés différents; voilà pourquoi le divin Sauveur- nous dit qu’il y a diverses demeures dans la maison de son Père (2).

I. Le péché originel a jeté sa lèpre sur cette participation aux perfections divines. Il faut les rétablir. Etudions: 1° les ravages apportés à notre caractère par le péché; 2° les moyens de les réparer et de rétablir en nous le caractère de Dieu.

I. Ravages du péché dans notre caractère.

Qui ignore combien sont nombreux les défauts de caractère se rapportant plus ou moins à quelque péché capital? Un examen attentif aura de grands avantages. Peut-être m’y reconnaîtrai-je, et en conclurai-je la nécessité d’employer tous mes efforts à me corriger.

Le premier trait, c’est l’orgueil. Je le dois à Satan, qui a osé, dans le ciel, se complaire en lui-même et non pas en Dieu. Il s’est complu dans ses perfections, comme s’il ne tenait pas tout de Dieu; et, dans la solitude qu’il s’est faite, ne restant plus dans la vérité, sa lumière et son aliment, il a été condamné aux ténèbres éternelles et à une indigence inexprimable.

Puis, vient le caractère indépendant: A saeculo confregisti iugum meum, rupisti vincula mea, et dixisti: Non serviam(3). Voilà bien un des traits spéciaux du temps présent. A quoi sert cette indépendance? A dissoudre, à pulvériser hommes, institutions, croyances. On se révolte contre le pouvoir humain; on se révolte contre les lois; on se révolte contre la vérité; on se révolte contre Dieu, et personne n’est épouvanté des suites. On l’accepte comme un fait parfaitement légitime. Le contraire surprendrait bien davantage. En attendant, le mal gagne, car l’indépendance est le contraire de cette obéissance par laquelle Jésus-Christ a sauvé le monde. Qui peut dire jusqu’où l’on ira?

Que dire des absurdités du caractère vaniteux, du mensonge dont il se nourrit pour feindre [un] mérite qu’il n’a pas, des applaudissements qu’il mendie, pour se persuader qu’il est bien ce qu’il se figure être?

Que dire du caractère égoïste, personnel, qui ne voit que lui dans le monde, qui rapporte tout à lui? L’égoïste a le coeur desséché. Il n’éprouve de tendresse que pour lui-même, et tout lui est un moyen d’établir et de, servir ses intérêts.

De là au caractère dominant, la distance est petite. Quelques-uns ont une ambition sans frein; d’autres ont la frénésie du pouvoir

Passons sur les caractères emportés, querelleurs, faits pour porter toute espèce de désordres dans une maison d’où les supérieurs ne les écarteraient pas. Passons sur les caractères légers, sans consistance, qui reçoivent toutes les empreintes et les effacent aussitôt, sables mouvants que le vent pousse en tous les sens, et sur lesquels il est impossible de bâtir, dignes de pitié, mais indignes de confiance.

Je veux m’arrêter un peu plus sur les caractères faibles et lâches, car ils sont, eux aussi, une des pestes du temps présent. Sous prétexte de prudence, on voit des hommes se livrer à toutes les lâchetés! Que ne sacrifieront-ils pas à un intérêt secret? Le bien public sera un manteau facile à jeter sur les turpitudes de cette poltronnerie d’un nouveau genre dans ses manifestations! Tibère, en contemplant le Sénat, esclave de sa tyrannie, se donnait le plaisir d’insulter aux vils successeurs des Scipion et des Fabius: « O homines ad servitutem natos! s’écriait-il. O hommes, nés pour la servitude! »(4) Et cette servitude, même avec l’indépendance du jour, n’est-ce pas ce qui domine partout?

Avec la lâcheté, on sera habile, dissimulé; on se portera à toutes les fourberies, à tous les marchés honteux, et l’on s’en applaudira. La vertu et l’honneur ne seront que des mots.

Et, au fond, si vous fouillez le mur(5), que voyez-vous? La luxure, l’envie, la vengeance, la haine imprimer aux caractères modernes le cachet de l’enfer. Le pays de la haine, n’est-ce pas le royaume de Satan qui hait Dieu, ses complices entraînés par lui, l’homme créature de Dieu, et qui, s’il pouvait avoir une jouissance, la mettrait à pousser les hommes à la plus inextinguible haine de Dieu et de leurs frères!

Que deviennent les hommes dans leurs relations avec des caractères pareils? Que devient la joie du foyer domestique, le lien de l’obéissance, la soumission a la loi, aux chefs des nations? Tout se dissout, tout meurt; en un mot, l’enfer a commencé sur la terre. Cela s’est vu quelquefois, et, seule, une immense effusion de l’amour de Dieu peut arrêter ces ravages. Mais Dieu méprisé, insulté, nié, voudra-t-il donner une nouvelle preuve de son amour? Grave question! En attendant, voyons, pour ce qui nous concerne, comment nous pouvons arrêter les funestes perturbations des caractères ravagés par le péché.

II. Moyens de réparer et de rétablir en nous le caractère de Dieu.

A proprement parler, nous aurons toujours notre caractère, et ce caractère se développant [en bien ou] en mal, selon les passions qui nous dominent, nous n’avons qu’à bien diriger nos passions.

Or, un modèle nous est donné: Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et que nous dit le divin Maître? « Apprenez de moi, parce que je suis doux et humble de coeur »(6), l’humilité et la douceur qui est la fleur de la charité. Ne cherchons pas davantage.

Si je suis persuadé de mon néant, quelles prétentions puis-je avoir? Quel prétexte à mon orgueil et à mon indépendance? Tout cela devient parfaitement insensé, avant d’être profondément coupable. Si, de mon propre fonds, je n’ai rien à quoi prétendre? Et voilà toutes les vaines enflures de mon caractère crevées, si je puis dire ainsi, par la pointe de l’humilité.

Ah! oui, si Jésus-Christ, la perfection même, a été humble, à combien plus forte raison ne dois-je pas le devenir?

D’autre part, si la charité me rend doux, à l’imitation de l’agneau de Dieu, l’emportement, l’envie, la colère, la vengeance n’ont plus de place en moi, et l’amour, étant fort comme la mort(7), m’aidera encore à remplir mon caractère de cette énergie surnaturelle dont j’ai un si grand besoin.

Mon Dieu, rendez-moi humble et la moitié des défauts de mon caractère aura disparu.

Donnez-moi la douceur de la charité, et, par elle, l’autre moitié de mes défauts se transformera.

Jésus, doux et humble de coeur, accordez-moi votre grâce, et mon caractère deviendra le caractère d’un saint.

Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1."Ta perte vient de toi." (Osée, XIII, 9.) -Le texte exact et complet est celui-ci: "*Perditio tua, Israel; tantummodo in me auxilium tuum*, ta perte (vient de toi), ô Israel, et ton secours est en moi seul."
L'expression *ex te* ne se trouve pas dans la Vulgate, mais le sens du contexte la suppose. Saint Thomas, citant ce texte dans la *Somme théologique*, ajoute toujours *ex te*, notamment dans la q. CLXI. art. III, IIa-IIae *de Humilitate*.
2. *In domo Patris mei mansiones multae sunt*. (Ioan. XIV, 2.)
3. "Depuis longtemps, tu as brisé mon joug, tu as rompu mes liens, et tu as dit: Je ne servirai point." (Jer. II, 20.)
4. Tacite Annal. III, 45; Le texte exact; au moins d'après certaines éditions, est: *O homines ad servitutem paratos*. Le sens est le même.
5. *Fode parietem*. (Ezech. VIII, 8.)
6. *Discite a me, quia mitis sum et humilis corde*. (Matth. XI, 29.)
7. *Fortis est ut mors dilectio*. (Cant. VIII, 6.)