OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • BUT DE LA VIE RELIGIEUSE (1)
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 155-164.
  • CO 45
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DIVIN
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 EUCHARISTIE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 GRACE
    1 GRACES
    1 JESUS-CHRIST MEDIATEUR
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PERFECTION
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SAINT-ESPRIT
    1 VIE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOIE UNITIVE
    2 PAUL, SAINT
  • 1875
La lettre

Mihi autem adhaerere Deo bonum est(2).

Le terme de la vie chrétienne, c’est l’union à Dieu. Le terme de la vie religieuse, c’est l’union la plus absolue à Dieu. Il y a là un double travail à examiner: 1° Travail de la volonté de Dieu qui m’attire; 2° travail de ma volonté, qui doit correspondre à cet attrait.

I. Volonté de Dieu qui m’attire.

Je suis appelé à la perfection, et, de toute éternité, Dieu, qui m’a aimé, m’a attiré à lui. In caritate perpetua dilexi te, ideo attraxi te(3).

1° Dieu m’a attiré dans le passé. -Pourquoi m’a-t-il créé et arraché du néant? Pourquoi, en me créant, avait-il sur moi des vues si pleines de miséricorde? Qu’avais-je fait quand j’étais néant, ou plutôt quand je n’étais pas, pour mériter cette faveur d’arriver à l’être? Le néant ne mérite rien, ne peut rien mériter. Et pourtant, mon Dieu, vous m’aimiez!

Vous m’avez appelé au baptême, vous m’avez adopté; vous m’avez, à cause de mon péché, dont la souillure avait pénétré jusqu’à la moelle de mes os, plongé dans votre sang et j’en suis sorti purifié. Votre sang m’a rendu la vie, ou plutôt m’a donné la vie divine, en laquelle je puis croître et me développer dans le bienfait continué de ce sang.

Dieu m’a donné son amour, son esprit; et son désir que je le possède est tel, que cet esprit veut être appelé « le don de Dieu, donum Dei« (4). Il m’appartient en don.

O Esprit qui êtes Dieu! Qu’ai-je fait d’un don si beau? Mais que ne puis-je faire de vous et avec vous, si je le veux bien! Et dire que je suis marqué de cet esprit comme d’un sceau(5). Signali sumus, sed spiritu(6), dit saint Augustin après saint Paul. Seigneur, je veux rendre toujours plus profonde cette divine empreinte.

Puis, j’ai été appelé à me nourrir de la chair d’un Dieu: j’ai mangé le pain des anges et j’ai pu le manger tous les jours. Jusqu’où ne peut atteindre l’homme nourri d’un pareil aliment!

Mais là où a éclaté votre miséricorde, ô mon Dieu, c’est quand vous m’avez appelé à la perfection religieuse. Ah! c’est bien à ceux que vous attirez ainsi que vous dites, avec plus de vérité encore qu’aux enfants d’Israel Sancti estote quia ego sanctus sum(7).

Voilà ce que vous avez fait pour moi dans le passé, et je n’y réfléchis pas.

2° Et dans le présent, Seigneur, que ne faites-vous pas eéncore? En ce moment, à vos pieds, plein de distractions, je me débats; je veux et je ne veux pas. pourquoi suis-je en retraite? Vous m’y avez appelé, mon Dieu, mais quelles en seront les conséquences? Mon Dieu j’ai peur de trop répondre à votre volonté? Et pourtant, je vous sens bien à la porte de mon âme; je vous entends bien, comme malgré moi, me dire: « Ecce sto ad ostium et pulso. Je suis à la porte et je frappe. »(8)

La plus grande louange que les anges puissent donner à Dieu, c’est de reconnaître qu’il est saint, c’està-dire qu’il a la plénitude de toutes les perfections: Sanctus, Sanctus, Sanctus. Or, ce qu’il est, Dieu veut que je le devienne: Haec est enim voluntas Dei sanctificatio vestra(9). Je ne suis pas saint; mais, avec la grâce de Dieu, je puis le devenir. Et j’hésite. Ah! Seigneur, je sens bien que vous me reprochez, à juste titre, et mon temps pérdu, et les grâces profanées, et vos avances repoussées.

Si, d’autre part, j’envisage les perfections de votre Fils fait homme pour mettre à ma portée vos perfections divines, je vois les trésors de grâce ouverts pour moi, de sorte que je reste sans excuse. Je vois, ô Jésus, votre anéantissement à l’Incarnation, votre pauvreté à Bethléem, votre travail à Nazareth, vos souffrances évangéliques dans la Judée et la Galilée, votre zèle, vos persécutions à Jérusalem, votre mort sur la croix, et tout cela pour m’attirer.

O Seigneur! quand donc correspondrai-je à votre tendresse si persévérante?

3° Et dans l’avenir, mon Dieu, vous m’offre des grâces toujours plus grandes, à mesure que je correspondrai à vos grâces premières. C »est un fleuve qui ne s’arrêtera que devant la digue de mes ingratitudes. O Jésus! ce que sera la durée de mon avenir ici-bas, je l’ignore; je sais seulement que je puis devenir un saint. Je n’ai qu’à le vouloir.

Vous m’offrez en même temps des épreuves, mon Dieu, mais n’est-ce pas juste. et pour me punir et pour me faire connaître à moi-même? Le Saint-Esprit dit de vous que vous savez ce qu’il y a dans l’homme; mais moi, mon Dieu, je ne le sais pas. L’épreuve seule me fera connaître ce qu’il y a en moi de faiblesse, de malice, de corruption, de bonne ou mauvaise volonté, de défauts, de fautes ou de vraies vertus. Or, il importe que je sois fixé, car c’est la vertu parfaite que vous attendez désormais de moi.

Encore tout cela n’est rien, car cette union à votre substance très parfaite, très glorieuse, infiniment heureuse, source de tout bonheur, vous voulez, après les tribulations de cette terre, la consommer au ciel et pour toujours.

O Père, qui êtes dans les cieux, votre divin Fils voit ce que vous voulez pour vos enfants. O Père, je veux votre volonté. Qu’elle s’accomplisse, cette volonté! Qu’elle me rende saint! Qu’elle prenne ma volonté faible, imparfaite, impure, et qu’elle se l’unisse pendant toute l’éternité! Fiat voluntas tua.

II. Ce que doit donner ma volonté.

1° L’obéissance; 2° l’amour; 3° le sacrifice. 1° L’obéissance. -Si je veux entrer dans la sainteté, m’unir à Dieu dans sa perfection, mon âme doit dire comme Marie: Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbunt tuum (10).

A proprement parler, l’union avec Dieu s’opère par une sorte d’incarnation de Jésus-Christ en moi. « Vivo autem, iam non ego, vivit vero in me Christus; je vis, non plus moi, mais Jésus-Christ vit en moi. »(11)

Mais si ma vie se perd ainsi dans la vie de Jésus-Christ, dans les perfections de Jésus-Christ, où cela s’arrêtera-t-il? « Je suis descendu du ciel, nous dit-il, n’on pour faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé: Quia descendi de coelo, non ut faciam voluntatem meam, sed voluntatem eius qui misit me« (12)

Voilà celui que nous avons vu « plein de grâce et de vérité, plenum gratiae et veritatis« (13). Mais en même temps plein d’obéissance. « En lui habite corporellement la plénitude de la divinité. In ipso inhabitat omnis plenitudo divinitatis corporaliter. »(14) Pourtant, il obéit.

Ne parlons, en ce moment, que de l’obéissance à la grâce, du concours de ma volonté à la volonté divine. Quoi de plus raisonnable que d’obéir à l’infinie puissance, à l’infinie sagesse et à l’amour infini qui ne sont qu’un en Dieu! Quelle ne sera pas la plénitude de cette obéissance!

Je me recueille, ô mon Dieu, et je frémis, car dans les profondeurs de mon être révolté, j’entends cette parole: Christus factus est pro nobis obediens usque ad mortem, mortem autem crucis(15).

Ah! mon Dieu, j’aperçois quelque chose de cette terrible obéissance: ma volonté se perdant dans votre volonté comme celle de votre Fils sur la croix se perdait dans les profondeurs de votre impitoyable justice. Veux-je me laisser attirer, mais tout entier, mais jusqu’au Calvaire, mais jusqu’à la croix. mais jusqu’à la mort? O terreurs étranges! Le bonheur éternel est là, et je frémis dans le plus intime de mon être. Seigneur, il me semble pourtant que je veux.

2° Je dois donner l’amour. -D’abord, parce que Dieu m’a aimé le premier. Quand il n’y aurait que ce motif, il serait bien suffisant pour enlever mon coeur. Il m’a aimé le premier, mais l’aimerai-je jamais autant qu’il m’a aimé et surtout autant qu’il m’aimera, car son amour croitra sans cesse à mesure que je l’aimerai davantage.

Il m’aime et ne se laisse pas décourager. Ni mes ingratitudes ni mes péchés ne l’ont rebuté jusqu’à ce jour. Fussé-je coupable comme cette femme pécheresse au milieu de sa ville: Mulier quae erat in civitate pecca trix(16), pourvu que j’aime Dieu, il suffit, je suis pardonné. N’ai-je pas entendu cette parole: « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé! »(17).

Le but de ma vie, ô mon Dieu, c’est de vous aimer, de vous aimer beaucoup, de vous aimer d’un amour que votre grâce fera croître sans cesse. Qui dira jusqu’où peut aller la puissance d’aimer dans mon coeur, lorsque c’est vous qui le dilatez? Seigneur, j’admire votre si longue patience, mais, à cause de cela même, je n’en veux plus abuser.

Ma vie doit donc être une vie toute d’amour, puisque l’amour unit et que le terme de mon existence, ô mon Dieu, est de vous être uni aussi parfaitement que possible et pendant toute l’éternité.

3° Je dois vivre de la vie de sacrifice.

Voilà le difficile, et pourtant à quoi bon dire que l’on aime quand on ne le prouve pas? « Ce n’est pas celui qui dit: Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux? Mais celui qui fait la volonté de mon Père céleste, celui-là entrera dans le royaume des cieux. »(18)

Ce sont vos paroles, Seigneur, et, de même que la foi, la charité sans les oeuvres est morte. Mais l’oeuvre la plus propre à la charité, c’est le sacrifice. Comme Jésus-Christ s’est sacrifié, il faut que je me sacrifie. Personne n’ira à Dieu que par Jésus-Christ: Nemo venit ad Patrem nisi per me(19).

Seigneur Jésus, si vous voulez que j’aille au Père, il faut que je passe par vous, et vous avez été l’homme des douleurs et des sacrifices. Que n’avez-vous pas souffert et avec quelle perfection! O condamnation des idées humaines! Malgré toute l’horreur que j’en ai, il faut que je devienne un homme de sacrifice. C’est sur votre croix, ô mon Dieu, et là seulement, que se consommera la pleine réconciliation et l’union. O divin Médiateur entre Dieu et les hommes, qui êtes en même temps la divine Victime, apprenezmoi à me sacrifier dans l’obéissance la plus absolue et dans l’amour le plus pur.

Ce sera ainsi, ô mon Dieu, que je vous porterai dans mon corps, dans mes sens, dans mon coeur, dans tout mon être et que je mériterai, en vous portant ainsi par le sacrifice, de vous être éternellement uni dans la plus grande perfection. Ainsi soit-il(20).

Notes et post-scriptum
1. Cette méditation a été quelquefois reproduite sous le titre plus général: *Motifs de Perfection* titre qui lui convient également.2. "Il m'est bon d'être uni à Dieu." (Ps. LXXII, 28.)
3. "Je t'ai aimé d'un amour éternel, voilà pourquoi je t'ai attiré."(Jer. XXXI, 3.)
4. Seconde strophe de l'hymne *Veni, Creator Spiritus*.
5. *Signati estis spiritu*. (Eph. I, 13.)
6. Nous sommes marqués comme d'un sceau, mais par l'Esprit.
7. "Soyez saints parce que je suis saint." (Lev. XI, 44.)
8. Apoc. III, 20.
9. La volonté de Dieu est que vous deveniez saints." (Thess. IV, 3.)
10. "Voici la servante di Seigneur; qu'il me soit fait selon votre parole." (Luc. I, 38.)
11. Gal. II, 20.
12. Ioan. VI, 38.
13. Ioan. I, 14
14. Col. II, 9.
15. "Pour nous, le Christ s'est fait obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix." (Phil. II, 8.)
16. Luc. VII, 37.
17. *Remittuntur ei peccata multa, quoniam dilexit multum*. (Luc. VII, 47.)
18. *Non omnis qui dicit mihi, Domine, Domine, intrabit in regnum caelorum, sed qui facit voluntatem Patris mei, qui in coelis est, ipse intrabit in regnum coelorum*. (Matth. VII, 21.)
19. "(Personne ne vient au Père que par moi." (Ioan. XIV, 6.)
20. Cette méditation peut-être partagée ou faite à plusieurs reprises avant d'aller plus avant. (Note du P. d'Alzon.)