OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • RECUEILLEMENT
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 197-201.
  • CO 55
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DES RELIGIEUX
    1 BAVARDAGES
    1 DEFECTIONS DE RELIGIEUX
    1 DEGOUTS
    1 DETACHEMENT
    1 IDEES DU MONDE
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 MORT MYSTIQUE DE L'AME
    1 PAIX DE L'AME
    1 RETRAITE DES RELIGIEUX
    1 SAINTS DESIRS
    1 SOLITUDE
    1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
    1 VOIE UNITIVE
  • 1875
La lettre

Venite seorsum in desertum locum et requiescite pusillum(1). -Jésus-Christ, au milieu de ses travaux, se repose.

La vie du religieux devrait être un recueillement perpétuel. Si je ne me recueille pas, à quoi bon quitter le monde? Aussi veux-je examiner: 1° la nécessité, 2° les conditions, 3° les fruits du recueillement.

I. Nécessité du recueillement.

Encore une fois, pourquoi suis-je religieux? Pour sortir des choses terrestres et m’unir à Dieu, qui est un pur esprit. Mais comment m’unir à Dieu pur esprit, sinon par la pensée, et par la pensée la plus fréquente possible? Or, pour cela, il faut un effort; il faut réfléchir, il faut le recueillement. Reste donc à savoir si je veux être un religieux par l’habit et quelques formes extérieures, ou si je veux l’être par l’esprit, l’âme, le coeur; en un mot, par le fond. Impossible de l’être réellement si je ne me recueille pas. On peut dire que la vie religieuse prend sa source dans le recueillement.

Sans recueillement, rien de sérieux dans la vie religieuse.

Allons plus loin; sans recueillement, je serai un mauvais religieux, car il est impossible que, sans recueillement, les pensées humaines ne m’envahissent pas, et si je me laisse entraîner par ces pensées humaines, j’en aurai bientôt de mauvaises. L’imagination m’emportera, les sens reprendront leur empire. Où irai-je avec cette disposition? Je sortirai de ma vocation. Je pourrai être un honnête homme, je ne serai pas un vrai religieux. Je serai nécessairement un religieux déchu comme on en voit tant. Et comme tant de religieux qui ont perdu leur vocation, parce qu’ils n’ont pas été des religieux recueillis, je ferai une chute d’autant plus terrible que je serai tombé de plus haut.

II. Conditions du recueillement.

1° L’amour de la solitude. Ma vocation m’expose à aller souvent dans le tumulte du monde. L’enseignement, la prédication, les oeuvres apostoliques ou de charité envers les pauvres m’entraînent dans je ne sais quel tourbillon. Cela est bon, mais si je ne suis pas un ami de la solitude, cela est très dangereux. Il faut que j’aime à fuir et que, comme le prophète, j’aie le courage de fuir. Elongavi fugiens et mansi in solitudine(2). Ma cellule, la chapelle, voilà mon refuge, sans compter les temps de retraite prolongée que je dois m’imposer. Rien d’odieux pour certains esprits inquiets comme la retraite; et pourtant, rien de précieux comme la retraite de la cellule, rien de doux comme son repos quand on en a pris l’habitude: Cella continuata dulcescit(3).

2° L’éloignement des conversations oiseuses. Je ne veux pas en parler au point de vue de la vulgarité qu’elles impriment à l’esprit. Rien de médiocre et de vulgaire comme le religieux bavard! Mais surtout rien de moins surnaturel. Comment, si je succombe à la tentation des entretiens inutiles -qui ne peuvent rouler que sur des sujets terrestres et dont le moindre défaut est le murmure contre les supérieurs et la malveillance envers le prochain, – comment puis-je espérer de monter vers les sujets divins? Comment puis-je ouvrir rues ailes et prendre mon vol vers la contemplation des vertus à pratiquer, des sacrifices à offrir, des vérités de la foi à goûter, de l’union avec Notre-Seigneur à opérer? Sans recueillement, impossible d’atteindre ces sommets, et pourtant, c’est là que je dois fixer mes désirs et mon éternelle félicité.

III. Fruits du recueillement.

1° La paix. Ce qui trouble vient du monde en grande partie. Le recueillement m’en sépare. Recueilli, je cherche Dieu plus aisément, parce que, entre lui et moi, les obstacles ont disparu, et la paix me le fait goûter avec plus de douceur.

2° La joie. Les déceptions s’en vont, je n’attends rien du monde, et je sais à qui je me suis confié: Scio cui credidi(4). Comment n’être pas joyeux dans la certitude de n’être pas trompé? Dieu peut-il tromper ses créatures? Et quand je me repose en lui par le recueillement, quelle plus grande joie puis-je attendre? Cette joie n’est pas toujours sensible du premier coup, mais n’est-ce pas ma faute? Mes aridités, mes dégoûts ne viennent-ils pas de mes dissipations d’autrefois, et dont je dois porter le châtiment?

O Dieu, détachez-moi de moi-même, séparez-moi des créatures et faites que, me cachant dans les plis de votre face par le recueillement, je trouve en vous la joie et la paix, prélude de la paix et de la joie du ciel.

Notes et post-scriptum
1. "Venez à l'écart dans un lieu désert et prenez un peu de repos." (Marc. VI, 31.)
2. "J'ai fui bien loin et je suis demeuré dans la solitude." (Ps. LIV, 8.)
3. "La cellule fidèlement gardée devient douce." (*De Imit. Christi*. L. I, c. XX, 5.)
4. II Tim. I, 12.