OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LA MORTIFICATION
    SES CARACTERES.
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 216-222.
  • CO 60
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU CHRIST
    1 CHATIMENT
    1 ENFER
    1 HUMILITE
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 MORTIFICATION
    1 ORGUEIL
    1 PARDON
    1 PURGATOIRE
    1 REVOLTE
    1 SALUT DES AMES
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 TRIPLE CONCUPISCENCE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIGILANCE
    2 ISAIE, PROPHETE
    2 PAUL, SAINT
  • 1875
La lettre

Poenitentiam agite(1). -Si je veux me convertir, je ne le puis, non seulement sans briser avec le passé, mais encore sans chercher à offrir à Dieu la pénitence qui convient. Aussi faut-il examiner la vertu la plus répugnante à la nature après l’humilité: je veux parler de la mortification; j’en étudierai aujourd’hui divers caractères.

I. Caractère de destruction.

Oui, c’est bien la mort. Saint Paul appelle notre corps un corps de péché. Or, rien de souillé n’entrera dans les ci eux. Il faut détruire le péché dans notre corps, le péché dans nos sens, le péché dans tout notre être, car le corps n’est que l’instrument, et le péché a sa source plus haut. C’est donc une destruction absolue qu’il importe d’opérer, et la nature frémit, [pour elle] tout cette qui est un sujet de pénitence doit disparaître. Quelle honte que je tienne à tant de causes de péché, qui se trouvent en moi! Pourtant, si je n’y apporte pas le fer et le feu, où irai-je?

II. Caractère de châtiment.

Le péché est une révolte contre la loi de Dieu. Toute loi a sa sanction, et si la loi est violée, il faut que le violateur reçoive un châtiment convenable. Combien de fois n’ai-je pas violé la loi de Dieu? Quelle multiplicité dans mes révoltes! Quelles réparations ne dois-je pas désormais apporter, avec le sentiment profond de la justice divine irritée contre moi? Cette sentiment de la justice de Dieu embrasait les saints d’un zèle de pénitence, contre eux-mêmes dont je suis encore bien éloigné. Et pourtant, si je descends par la pensée dans l’enfer que j’ai mérité, dans le purgatoire, où j’irai très certainement si je ne fais pénitence en cette monde, quels supplices m’y sont préparés! Il ne faut pas dire: Je m’abonne au purgatoire. Isaïe, parlant des châtiments divins, adresse ces paroles aux pécheurs: Quis poterit habitare de vobis cum igne devorante? Il ajoute: Cum ardoribus sempiternis(2). Mais à combien le purgatoire ne semblerait-il pas une éternité à cause de ses feux; et je ne me châtierais pas en cette monde?

III. Caractère d’humiliation.

Quoi de plus humiliant, pour une créature formée à l’image et à la ressemblance de Dieu, d’être forcée de constater en elle les ravages de la triple concupiscence! Quoi de plus affreux que cette concupiscence de la chair qui révolte en moi les passions d’une façon si honteuse; cette concupiscence des yeux, de quelque façon qu’on l’entende, ces désirs d’avoir, de posséder, de jouir de la science du mal pour y plonger mon esprit; quoi de plus propre à me couvrir de confusion que cet orgueil qui me fait ressembler à Satan! Or, tous ces sentiments affreux, je les trouve en moi, et il faut que je m’en humilie: Et peccatum meum contra me est semper(3). Humiliation bien nécessaire, et qui l’est d’autant plus, qu’au jugement dernier je serai humilié aux yeux de tous, si je ne porte dans cette monde l’humiliation de mes défauts par la pénitence que j’en ferai: telle est la raison de l’humilité des saints.

Il y en a une autre. L’humiliation atteint la partie la plus intime de l’âme. C’est, à proprement parler, la pénitence de l’esprit. Il est donc excellent de la vouloir pour briser le péché dans son principe, et, en prenant en mains les intérêts de Dieu, de réparer par mes abaissements les outrages que j’ai faits à sa gloire. La vue de l’orgueil qui m’a si souvent entraîné, voilà de quoi m’humilier profondément et dire avec le prophète: Non est sanitas in carne mea a facie irae tuae, non est pax ossibus meis a facie peccatorum meorum: quoniam iniquitates meae supergressae sunt caput meum et sicut onus grave gravatae sunt super me… Afflictus sum et humiliatus sum nimis(4). Oui, je veux accepter l’humiliation, aller au-devant, abattre mon orgueil, et, en cessant de m’aimer moi-même, m’exciter à glorifier et aimer Dieu dans l’humiliation autant qu’il dépendra de moi.

IV. Caractère de précaution.

Oui, la pénitence est nécessaire pour prévenir le mal, le péché, les chutes, comme le sel est nécessaire pour prévenir la corruption des chairs. L’expérience est là. Si je ne m’interdis pas certaines jouissances, certains plaisirs, je suis certain de succomber. Je ferai donc pénitence par précaution.

V. Caractère d’expiation.

Mais le caractère que Jésus-Christ du haut de la croix a donné à la pénitence, à la mortification, c’est le caractère de l’expiation par le sacrifice. Oui, Jésus-Christ est admirable de vouloir être l’Homme des douleurs, connaissant toutes nos infirmités. Dieu ayant placé en lui les iniquités de nous tous, il a bien voulu les porter et les expier. En lui s’est faite la réconciliation, dans sa mort et dans son sang. La Victime a tout assumé en elle, parce qu’elle pouvait trouver dans son fond le prix du sacrifice, les mérites infinis que la divinité donnait à son humanité. Voilà cette qu’il faut avoir toujours devant les yeux.

Cette qui est non moins admirable, c’est la possibilité de m’emparer de tous les châtiments que j’ai mérités, pour les transformer en sacrifices méritoires et agréables. Cette n’est plus la justice qui impose le supplice, c’est la miséricordieuse bonté qui accepte l’expiation. De là, cette mot de saint Paul: Adimpleo ea quae desunt passionum Christi in carne mea*(5). Merveilleuse tendresse du Sauveur qui, dans cette grande oeuvre de la réconciliation du ciel avec la terre, veut me laisser quelque chose à faire!

VI. Caractère d’amour.

Enfin, et c’est ici le prodige des inventions de Dieu, la mortification peut devenir une forme de l’amour. L’âme pardonnée oublie ses propres dettes pour s’unir à Jésus crucifié. Elle monte au Calvaire, se couvre du sang du Christ et lui demande de s’étendre avec lui sur la croix. Elle veut vivre avec lui, souffrir avec lui, s’immoler avec lui. Pourquoi? parce qu’elle aime son Dieu crucifié, et qu’elle veut le lui prouver en lui devenant semblable. Du haut du Calvaire, elle voit les âmes qui se perdent, les démons qui rugissent, l’Eglise que l’on persécute, les colonnes du temple que l’on ébranle, et elle se dévoue dans un immense amour.

Notes et post-scriptum
1. "Faites pénitence." (Matth. III, 2. -IV, 17.)
2. "Qui de vous pourra séjourner dans le feu dévorant... dans les flammes éternelles." (Is. XXXIII, 14.)
3. "Et mon péché est constamment devant moi." (Ps. IV, 5.)
4. "Il n'y a rien de sain dans ma chair à la vue de votre colère, mes os ne sont pas en paix à cause de mes péchés: car mes iniquités s'élèvent au-dessus, de ma tête, comme un lourd fardeau elles m'accablent de leur poids... Je suis affligé, humilié outre mesure." (Ps. XXXVII, 4, 5, 7.)
5. "J'achève cette qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair." (Coloss. I, 24.)