OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LES EPREUVES (1)
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 225-231.
  • CO 62
Informations détaillées
  • 1 CHATIMENT
    1 COMBATS DE L'EGLISE
    1 CRAINTE
    1 DECADENCE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EPREUVES
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 ESPERANCE
    1 FILS DE L'EGLISE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MANQUE DE FOI
    1 MARTYRS
    1 ORGUEIL
    1 PARESSE
    1 PERSECUTIONS
    1 PRIERE POUR L'EGLISE
    1 PURIFICATION
    1 SCANDALE
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 TIEDEUR
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    2 DANIEL, PROPHETE
    2 EZECHIEL
    2 JEREMIE
    2 NEHEMIAS
    2 PAUL, SAINT
    2 TOBIE, BIBLE
    3 BABYLONE
  • 1875
La lettre

Qui non est tentatus, quid scit(2)?

Sans épreuves, sans tentations, sans souffrances, il n’y a pas de science vraie de la vie et l’on peut dire que ceux qui savent le plus sont ceux qui ont le plus souffert. Les épreuves sont utiles, nécessaires, fécondes. Il n’y a de vraiment homme que l’homme éprouvé. Je veux examiner la grande loi de l’épreuve: I° par rapport au chrétien; 2° par rapport au catholique. Le premier aspect est plus individuel, le second plus général.

I. Epreuves du chrétien.

Elles sont pour lui un principe d’expiation, de préservation et de développement spirituel.

1° Les épreuves, principe d’expiation. Fili, accedens ad servitutem Dei… praepara animam tuam ad tentationem(3).

Le chrétien se souille tous les jours, il a tous les jours besoin de purification; à chaque instant, le péché le saisit, à chaque instant il a besoin de l’expier. Voilà pourquoi il lui est utile d’être purifié par l’épreuve comme par le feu. Hélas! il a beau dire comme l’épouse du Cantique: « Lavi pedes meos; quomodo inquinabo illos? J’ai lavé mes pieds; comment les souillerai-je encore?(4), tous les jours, la poussière du chemin s’y attache. Je me laisse aller aux faiblesses de mon coeur; il faut que mon coeur souffre pour se relever.

L’orgueil aussi fait des ravages en moi; il faut que l’humiliation le brise, et cela est excellent. Bonum mihi quia humiliasti me, ut discam iustificationes tuas(5). Je m’étais trop attaché au monde; certaines séparations douloureuses sont nécessaires. Ainsi se détruit dans son principe le péché, ainsi s’expie-t-il du même coup.

2° Les épreuves, principe de préservation. -La mer, sans les tempêtes, serait, dit-on, exposée a se corrompre. Il faut des agitations salutaires qui empêchent les eaux de croupir. C’est pourquoi Dieu permet aux vents de souffler et à l’océan de lancer ses flots contre les cieux.

Que devient l’âme qui s’endort dans le repos, et, pendant son sommeil, quelle facilité n’a pas l’homme ennemi de jeter les semences de zizanie dans son champ? L’oisiveté produit tous les vices, et la mollesse permet à toutes les influences mauvaises de pénétrer au plus intime de mon âme. Il est une paix trompeuse, toujours funeste ici-bas. Il faut le combat, la lutte; il faut l’incessante menace de l’ennemi, afin de me tenir toujours en éveil et de me préserver de ces attiédissements qui amènent trop souvent les chutes les plus déplorables. Seigneur! faites que je trouve dans les épreuves un abri contre le mal que me causerait une fausse sécurité.

3° Les épreuves, principe de développement spirituel. -Quel est le grand principe de la sainteté? L’amour. Or, l’amour veut se prouver. Jésus-Christ a prouvé le sien par la souffrance. Nonne haec oportuit pati Christum et ita intrare in gloriam suam(6)? Mon Maître m’a montré par où je dois passer pour arriver jusqu à lui, c’est de souffrir avec lui, en imitation de ses exemples d’immolation. Nonne haec oportuit pati Christum?

Et moi aussi, il faut que je souffre comme le Christ, comme les saints. Quel saint n’a pas été tenté? A proprement parler, qu’est-ce que la science des saints, sinon la science de la lutte et des combats contre la chair, le monde et l’enfer?

Seigneur, donnez-moi cette science qui m’apprendra à expier mes péchés, à me préserver de toute chute et à avancer dans la perfection à laquelle vous m’appelez.

II. Epreuves du catholique.

1° Notre-Seigneur ayant voulu former son Eglise de deux éléments, l’élément divin et l’élément humain, ce second élément subit nécessairement l’influence de toute condition humaine: la décadence et l’abus. Oui, il y a des abus dans l’Eglise, et Dieu, qui aime son Eglise, tient à les réparer. Point de meilleur moyen pour cela que l’épreuve. Ainsi guérissait-il Israël languissant: il l’abandonnait à ses ennemis, et quand il lui avait fait porter le joug des Philistins ou des Assyriens, il lui rendait la liberté et la gloire. Ainsi Jésus-Christ fait-il pour son Eglise, et, dans la nouvelle comme dans l’ancienne Loi, les saints subissent le sort commun. Il y a toujours des Jérémie, des Tobie, des Daniel, des Ezéchiel, des Néhémias, qui ont à partager la captivité de Babylone. pourquoi se plaindre, s’il plaît à Dieu de me plonger dans l’épreuve générale? Puis-je dire que je ne la mérite pas, et, d’ailleurs, n’y ai-je pas un grand avantage? Jésus-Christ n’a-t-il pas dit à ses apôtres précisément parce qu’il les instituait ses apôtres: In mundo pressuram habebitis(7)?

Avec quoi Jésus-Christ a-t-il bâti son Eglise pendant les premiers siècles? Avec le sang et les ossements de ses martyrs.

Saint Paul prévoit des abus dès les commencements de l’Eglise: Ego scio quoniam intrabunt post discessionem meam lupi rapaces(8).

Jésus-Christ a dit qu’il fallait des scandales. Mais, ô prodige! l’épreuve vient et les scandales se dissipent, le bon grain reste, se séparant du mauvais; l’Eglise retranche ses membres impurs.

Seigneur! que je ne sois pas de ces derniers, mais que, dans la mesure de mon amour et de mon zèle pour l’Eglise, votre Epouse, je sois de ces bons ouvriers qui, au prix de leurs sueurs, travaillent à l’aire du Père de famille, séparant le bon grain du mauvais et enfermant le bon dans ses greniers.

2° Agrandissement des devoirs. -Il y a certaines époques marquées pour les grandes luttes. Elles font les grands soldats. Ils ont à courir plus de dangers, à combattre un ennemi plus puissant. Le chef suprême dit: « Arrière les pusillanimes! » C’est l’époque des grands caractères et des coeurs généreux; c’est l’époque des saints. Tel est le précieux résultat des grandes épreuves imposées aux grandes causes. Heureux les catholiques qui le comprennent! Heureux les religieux qui trouvent leur joie dans l’accomplissement de tout ce que leur demande leur mère, l’Eglise catholique!

Quelques-uns, il est vrai, succombent: mais n’auraient-ils pas succombé sous l’action d’une corruption lente?

Ah! que les devoirs sont magnifiques, glorieux, pour celui qui comprend la parole de Jésus-Christ à propos se saint Paul: Ostendam illi quanta oporteat illum pro nomine meo pati(9). Seigneur, donnez-moi la science de souffrir pour votre nom et votre Eglise!

3° Manifestation de l’assistance divine. Il n’est que trop vrai, l’élément divin dans l’Eglise de Dieu semble quelquefois obscurci. l’épreuve le fait briller. Jésus dort dans la barque: où est le Dieu? On le réveille, il commande aux vents et aux flots. Et facta est tranquillitas magna(10). Vous cherchez le Dieu, le voilà. Ainsi dans l’Eglise; elle va périr; priez et voyez. Jésus-Christ se réveille et le calme se fait. Mais s’il n’y avait pas eu de tempête, Jésus-Christ n’aurait pas eu a ramener le calme. Telle est la raison de cette succession de revers que traverse l’Eglise.

Mais voyez la fin, la consolation. Ah! que ces pensées augmentent la confiance! Seigneur, n’avons-nous pas souvent tremblé? N’avons-nous pas souvent mérité ce reproche fait à vos disciples: Quid timidi estis, modicae fidei(11)? Seigneur, je veux agrandir mon âme et celle des autres par une confiance absolue en votre protection. In te, Domine, speravi: non confundar in aeternum(12).

Notes et post-scriptum
1. Cette méditation fait partie du recueil de la *Retraite intime*. En tête, le P. d'Alzon a écrit cette note : On peut partager cette méditation en deux."2. "Celui qui n'a pas été tenté, que sait-il?" (Eccl. XXXIV, 9.)
3. "Mon fils, quand tu approches du service de Dieu prépare ton âme à la tentation." (Eccl. II, 1.)
4. Cant. V, 3.
5. "Il est bon que vous m'ayez humilié, afin que j'apprenne vos jugements." (Ps. CXVIII, 71.)
6. "Ne fallait-il pas que le Christ souffrit toutes ces choses et qu'il entrât ainsi dans sa gloire?" (Luc XXIV, 26.)
7. "Vous aurez de grandes tribulations dans le monde." (Ioan. XVI, 33.)
8. "Je sais qu'après mon départ il entrera parmi vous des loups rapaces." (Act. XX, 29.)
9. "Je lui montrerai combien il faut qu'il souffre pour mon nom." (Act. IX, 16.)
10. "Et il se fit un grand calme." (Marc. IV, 39.)
11. "Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi." (Matth. VIII, 26.)
12. " Seigneur, j'ai espéré en vous, que je ne sois pas confondu à jamais!" (Ps. XXX, 2.)