OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LA CROIX
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 231-237.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 APOSTOLAT SPIRITUEL
    1 CHATIMENT
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 ENFER
    1 GRACE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    1 SALUT DES AMES
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    2 ADAM
    2 JEAN, SAINT
    2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
  • 1875
La lettre

Nos autem praedicamus Christum,crucifixum(1). -La croix est le trône du Sauveur. Elle est l’instrument de son supplice. Elle est sa chaire.

Mais comment a-t-il groupé les âmes autour de son trône? par son obéissance. Quel fruit de ses douleurs? L’exemple de la pénitence. Que fait-il par l’enseignement de la croix?. Il attire toutes choses à lui.

A son exemple, la croix doit être pour moi le terme de mon obéissance, le modèle de ma pénitence, le moyen d’attirer à Dieu.

I. La croix, terme de mon obéissance.

Jésus « a été obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix ». Une grande révolte, celle du premier Adam, ne pouvait être expiée que par une obéissance aussi grande, et, par la bonté de Dieu, plus grande encore que la révolte. Et voilà le Fils de l’homme qui s’est fait obéissant. Sa vie n’a été qu’un acte continuel d’obéissance, et sa mort y a mis le sceau. Un Dieu attaché à une croix, voilà jusqu’où le Sauveur du monde a su obéir. L’ordre de sa mort était très injuste, sans quoi Jésus eût été coupable, et il a obéi. Le supplice était affreux, et il a obéi. Il portait le poids de la terre et du ciel, et il a obéi. Obediens usque ad mortem, mortem autem crucis« (2). Tel est le terme de toute obéissance. La mienne doit aller jusque-là.

Or, cette obéissance se présente à moi comme abandon complet, absolu, à la volonté de Dieu dans les événements de la vie, et dans ce cas, de quoi puis-je me plaindre si quelquefois j’ai à souffrir de l’obéissance, si elle me répugne, soulève ma raison et mon coeur? Non, rien ne doit plus m’être difficile, en fait d’épreuves, si je pars du principe que je veux imiter en tout Jésus-Christ. Que les ennemis s’élèvent, que les plus rudes oppositions se manifestent, qu’importe? Je prends ma croix et j’obéis.

D’autre part, l’obéissance religieuse trouve ici une force nouvelle; on peut même dire que sa racine plonge dans la croix, au lieu même où elle fut plantée. Etre obéissant jusqu à la mort de la croix, voilà le but du religieux imitateur de Jésus crucifié, et tant qu’il n’obéira pas ainsi, il n’aura pas atteint le but de la vie religieuse.

Seigneur, faites que je prenne ma croix et que j’obéisse.

II. La croix, modèle de pénitence.

Si Jésus-Christ est mon modèle, je ne puis le contempler à la croix sans me rendre compte de la pénitence que je dois pratiquer. En effet, pourquoi Jésus- Christ a-t-il souffert? Pour expier le péché. Or, ce n’est pas lui qui est pécheur, c’est moi. C’est donc à moi de souffrir. Seulement, ma souffrance n’eût été qu’un châtiment et non une expiation. Jésus-Christ, au contraire, pouvait ne répandre qu’une goutte de sang, le monde eût été sauvé. Il pouvait, s’il l’eût voulu, ne point souffrir et sauver le monde. Mais la souffrance était pour lui, outre une immense satisfaction offerte à l’éternelle justice, un acte d’immense amour, et c’est pourquoi il a souffert jusqu,à la mort.

Ma pénitence doit, en considérant la croix, avoir deux motifs: mes péchés et mon amour.

Mes péchés, et quelle pénitence serait capable d’expier mes fautes si j’étais seul a m’immoler? Jésus est à côté de moi. Il donne à ma pénitence sa valeur, mais il n’en est pas moins vrai que sa justice attend beaucoup de ma part. Quand donc entrerai-je dans cette voie du châtiment qui m’est dû, avec l’impression d’humiliation dans laquelle je dois m’établir? Ah! je ne comprendrai jamais assez combien je suis pécheur et à quel point je dois faire pénitence! La vue de Jésus-Christ étendu pour moi sur la croix m’en donnera une idée, et comme il a mille et mille fois plus souffert que je ne suis capable de souffrir, je ne croirai jamais avoir assez souffert.

Mais, de plus, je dois aimer Jésus, m’aimant et me prouvant son amour par ses souffrances. Je veux supposer que je ne lui dois rien. Pourquoi ne lui donnerais-je pas comme il me donne? Et puisqu’il me donne jusqu’à sa vie pour me prouver son amour, pourquoi, sous le regard de sa croix, ne lui donnerais-je pas la mienne dans l’immolation la plus absolue, dans une mortification tout embrasée de reconnaissance? Ah! que c’est bien le moment, en contemplant Jésus à la croix, de dire: Diligamus ergo Deum quoniam ipse prior dilexit nos(3).

III. La croix, principe d’attraction.

Et ego, si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum(2). Quel spectacle qu’un homme annonçant qu’il sera, par un honteux supplice, élevé entre le ciel et la terre, et que, dans cet état, il attirera à lui toutes choses. En effet, il se donne, il s’immole, il endure les plus atroces douleurs, il meurt dans un horrible abandon, au milieu des blasphèmes de la haine triomphante. A peine si sa Mère, le disciple bien-aimé, Madeleine la pénitente, s’approchent au moment du dernier soupir. Il expire et il attire. Il attire le bon larron, il attire une partie des soldats qui s’en vont se frappant la poitrine. Il attire les morts qu’il ressuscite et qui, sortant du tombeau, représentent le monde qui ressuscitera à son tour. Sans doute, des païens, des hérétiques, des mauvais chrétiens périront, mais parce qu’ils n’auront pas voulu être attirés. Attirés, ils auront repoussé l’attrait. Rien de plus assuré s’il est vrai que personne ne périra que par sa faute. Les damnés ne seront damnés que parce qu’ils auront dédaigné l’attrait de la croix. Et tout ce qui est sauvé n’est sauvé que par cet attrait divin.

Or, voici le développement du mystère. Jésus-Christ n’attire pas seul. Il veut que nous attirions avec lui; mais si tous ne peuvent pas prêcher comme ses apôtres, si tous ne peuvent pas répandre autour d’eux la sainte attraction de l’exemple, tous peuvent souffrir au pied de la croix, et tous peuvent attirer dans l’esprit de la croix. Que d’âmes se perdent tous les jours parce que l’attraction ne les a pas saisies. Pourquoi n’aiderais-je pas en quelque sorte Jésus.Christ? Quelle est l’âme tendant à la perfection, si cachée qu’elle soit, qui ne puisse exercer cette mystérieuse influence? C’est là le travail des saints dans la solitude, dans les cloîtres les plus cachés. C’est le concours de l’Eglise, par ses membres les plus parfaits, au grand travail de son époux. C’est à quoi je puis travailler si je le veux. Oui, j’y travaillerai moi aussi par ma ferveur, ma prière, mes désirs intimes, mes immolations cachées. J’attirerai tout à Jésus-Christ.

O mon divin Maître, du haut de votre croix, donnez-moi d’attirer beaucoup d’âmes, parce que je veux prendre part à vos travaux, obéir comme vous, faire pénitence avec vous, afin d’être avec vous, ô vrai conquérant des âmes! Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. "Nous, nous prêchons un Christ crucifié." (I Cor. I, 21.)
2. Phil. II, 8.
3."Nous donc aimons Dieu, puisque Dieu nous a aimés le premier." (1 Ioan. IV 19.)
4. "Et moi quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi." (Ioan. XII. 32.)