OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • L'HUMILITE
    [CONSIDEREE DANS SON DOUBLE CARACTERE]
    CE QUE DOIT ETRE L'HUMILITE POUR NOUS
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 243-246.
  • CO 67
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 ANEANTISSEMENT
    1 AUGUSTIN
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CONNAISSANCE DE DIEU
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 DESESPOIR
    1 HUMILITE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MAJESTE DE DIEU
    2 BERNARD DE CLERVAUX, SAINT
    2 SOCRATE
    3 BABYLONE
    3 CASSISSIACUM
    3 JERUSALEM
    3 MILAN
  • 1875
La lettre

Il y a deux sortes d’humilité, selon les motifs qui l’inspirent: l’humilité naturelle et l’humilité surnaturelle. L’une et l’autre sont bonnes puisqu’elles ont été définies et recommandées par des saints. Examinons-les sommairement.

I. L’humilité naturelle.

Bien que cette sorte d’humilité puisse être fortifiée en nous par la grâce, elle semble découler de la maxime des philosophes païens: « Connais-toi toi-même. »(1) En effet, saint Bernard, partant de cet axiome, dit: Humilitas est virtus qua homo verissima sui cognitione sibimetipsi vilescit(2). L’homme ne peut se regarder dans ses misères, ses faiblesses, ses égoïsmes ses chutes, ses vices, ses crimes, sans se mépriser profondément, et, si un sentiment surnaturel ne le relève, il est exposé à tomber dans le découragement et le désespoir. Cette humilité est particulièrement utile à ceux qui sont portés à creuser les abîmes du coeur humain; mais elle a quelque chose qui attriste, c’est le poids de nos infirmités, qui seraient inguérissables, si Dieu ne venait y remédier par sa grâce.

II. L’humilité surnaturelle.

Il est une autre humilité qui part de Dieu pour descendre jusqu’à l’homme. Elle nous est indiquée par notre patriarche saint Augustin quand, dans son traité de la Cité de Dieu, il dit: « Deux amours ont fait deux cités: l’une, Babylone, la cité de Satan, repose sur l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu (tel est l’orgueil et la révolte du péché); l’autre, Jérusalem, la cité de Dieu, repose sur l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. »(3)

Amor Dei usque ad contemptum sui: telle est l’humilité la plus haute. Elle part de la connaissance de Dieu, de ses perfections, de sa bonté, de son amour, de ses bienfaits, et elle trouve Dieu si infiniment admirable qu’elle ne se préoccupe plus que de lui, et, quand l’âme se replie sur elle-même, le contraste entre la perfection de Dieu et son propre néant lui inspire le plus profond mépris d’elle-même.

Mais l’amour la relève aussitôt. Elle sent qu’elle ne peut plus se reposer en elle-même, il faut qu’elle s’élance vers Dieu et, s’il est permis d’employer une comparaison familière, c’est comme deux poids attachés à une chaîne, dont l’un baisse à mesure que l’autre monte. Lorsque l’amour de Dieu s’élève en moi, l’estime de moi-même s’enfonce dans l’abîme de mon néant, comme dans la lumière de Dieu.

O mon Dieu, « que je vous connaisse et que je me connaisse: Noverim me, noverim te« (4), et que, dans cette double connaissance, j’apprenne par la contemplation de votre être infiniment parfait à voir combien, par ma nature, je ne suis rien; combien, par mon péché, je suis digne de tout mépris. Que je me méprise moi-même en proportion de ce que je vous connaîtrai et je vous aimerai! Que, dès lors, j’aille chercher une humilité plus grande dans un plus grand voisinage de votre grandeur et de votre majesté infinie; mais qu’à côté de votre puissance et de votre justice je trouve votre miséricorde, votre pardon et votre amour!

Notes et post-scriptum
4. On lit ces paroles dans les *Soliloques* de saint Augustin IIe livre. ch. I. Il s'agit non du petit volume si pieux, si affectueux et si répandu, intitulé *Soliloques de l'âme avec Dieu*, faussement attribué à saint Augustin, mais des *Soliloques* authentiques, ouvrage que saint Augustin composa à Cassiciacum, près de Milan, peu après sa conversion. On le trouve à la fin du premier volume des OEuvres du saint Docteur, dans l'édition des Bénédictins de Saint-Maur. Ce sont de vrais soliloques sous la forme d'un dialogue entre saint Augustin et sa propre raison. Au livre II, saint Augustin traite longuement avec lui-même de ce qui est vrai et de ce qui est faux. Après avoir affirmé que Dieu le soutiendra dans cette recherche, la Raison dit: "*Itaque ora brevissime et perfectissime quantum potes*: Priez-le donc aussi brièvement et aussi parfaitement que vous le pourrez." A quoi saint Augustin répond: "*Deus semper idem, noverim me noverim te! Oratum est*: O Dieu qui êtes toujours le même, que je vous connaisse, que je me connaisse! Telle est ma prière." Saint Augustin semble considérer cette courte phrase comme la formule la plus parfaite de l'oraison, les mots *oratum est* le laissent clairement entendre. Pensée profonde qui pourrait inspirer tout un traité. Cette méditation du p. d'Alzon sur l'humilité, considérée comme le fruit de la connaissance de soi-même et de Dieu, est une pénétrante application de la Pensée de saint Augustin.1. Maxime familière à Socrate.
2. "L'humilité est une vertu par laquelle l'homme ayant une vraie connaissance de lui-même est vil à ses propres yeux." (S. BERN. *de Humilitate*, c. I.)
3. *Fecerunt itaque civitates duas amores duo: terrenam scilicet amor sui usque ad contemptum Dei, coelestem vero amor Dei usque ad contemptum sui*. (De Civit. Dei. XVI.)