OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
  • LA PAUVRETE
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 249-254.
  • CO 69
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 AVARICE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHATIMENT
    1 CLASSES SOCIALES
    1 DESINTERESSEMENT DE L'APOTRE
    1 DETACHEMENT
    1 DON D'INTELLIGENCE
    1 ENERGIE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INSENSIBILITE
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 PAIX DE L'AME
    1 PAUVRETE
    1 PAUVRETE DE JESUS-CHRIST
    1 PREDICATION
    1 SOUCIS D'ARGENT
    1 VERTU DE FORCE
    1 VERTU DE PAUVRETE
    1 VOEU DE PAUVRETE
  • 1875
La lettre

Vulpes foveas habent et volucres coeli nidos: Filius autem hominis non habet ubi caput reclinet(1).

Voilà la vérité: un Dieu venu sur la terre n’a pas où reposer sa tête. Où naît-il? Dans une crèche. Où meurt-il? Sur une croix. Pendant sa vie de travail, où vit-il? Chez son père nourricier. pendant sa vie évangélique, où prend-il son repos? Sur la montagne ou chez les étrangers. Etrange conduite, qui me porte à examiner les bienfaits de la pauvreté au point de vue de la perfection du religieux en général, et du religieux apostolique en particulier.

I. Pauvreté du Religieux en général.

Mon modèle, le modèle de toute perfection, a été pauvre. Il a vu à quoi conduisait l’amour des richesses.

1° A la jalousie envers ceux qui ont. Celui qui aime les biens de la terre est jaloux de ceux qui en ont plus que lui. Hélas! la grande cause du mal social présent, n’est-ce pas la jalousie de ceux qui n’ont pas envers ceux qui ont? De là, les inquiétudes, les agitations et la perte de la paix. Or, pour avancer dans la vie parfaite, je dois couper court à toute cause de trouble, je dois couper court au désir d’avoir.

2° L’amour des richesses conduit au désir d’avoir pour avoir. -Que fait le riche dont parle l’Evangile? Il amasse et amasse encore, espérant jouir plus tard. Or, combien de préoccupations ne cause pas ce désir de posséder? Mammon devient le dieu de cet insensé; il adore l’or et l’argent.

3° L’amour des richesses conduit à la sécheresse du coeur et à la dureté envers les pauvres. -N’est-ce pas ce que l’on voit tous les jours? L’extrême richesse à côté de l’extrême indigence. pourquoi? Parce que ceux qui ont ne veulent avoir que pour eux. Les pauvres meurent de faim à la porte du riche.

4° L’amour des richesses prépare la colère de Dieu. -Les pauvres délaissés crient vers le Seigneur, et le Seigneur exauce leurs cris: Non est oblitus clamorem pauperum(2). Alors [éclatent] des châtiments terribles, qui justifient, même en ce monde, le gouvernement très juste de la providence divine.

Au contraire, le détachement des richesses procure une foule de biens spirituels!

1° La liberté de coeur. -Il ne s’agit ici que de la pauvreté vraie, sincère, volontaire. Celui qui ne tient à rien ici-bas est libre pour penser aux choses d’en haut. « Sursum corda! En haut les coeurs! » Pourquoi, en effet, son coeur ne monterait-il pas toujours vers les richesses supérieures, puisqu’il n’a que du mépris pour les fanges de la terre?

2° La facilité à aimer Dieu. -A bien plus juste raison que le clerc, le pauvre volontaire dit: Dominus pars hereditatis meae(3). En effet, n’ayant plus d’affection pour la créature, son coeur appartient sans réserve au Créateur. Il peut le prier avec une familiarité toute filiale. Sa confiance en lui s’accroît de toutes les preuves que Dieu lui donne de sa vigilance paternelle. S’il dit à Dieu: « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien », c’est qu’il sait n’avoir pas besoin de demander celui du lendemain. Dieu y pourvoit non pas à chaque jour, mais à chaque heure.

3° Une intelligence plus vive des choses surnaturelles. -L’oeil de l’âme n’est pas troublé par toutes les impuretés de la richesse; il est libre, très libre, car il n’a pas à se perdre dans ces vaines et coupables combinaisons où les riches du monde obnubilent si souvent la pensée de l’éternité.

4° La vigueur du caractère. -Les richesses inspirent l’amour du bien-être et des plaisirs des sens.Plus tard, elle excitent l’appétit du vice. Que devient la force du caractère sous le poids de tous ces fardeaux impurs? Le pauvre volontaire, désintéressé, a l’oreille bien plus délicate pour écouter le cri de la conscience et le sentiment du devoir. Vendra-t-il son honneur pour quelques pièces d’argent, celui qui a repoussé du pied l’or et l’argent depuis longtemps?

II. Pauvreté du Religieux apostolique.

Je parle de la force de caractère; mais n’est-elle pas surtout nécessaire à l’apôtre?

Or, la pauvreté l’aide:

1° A braver toutes les séductions. -On le dépouillera! que lui importe? S’il n’a rien, que peut-on lui enlever? Condition admirable pour prêcher la vérité avec une sainte hardiesse. Cette liberté pour le prêtre est, de nos jours, plus nécessaire que jamais, soit pour retremper son âme, en voyant que le monde le considère trop souvent comme un homme d’argent, soit pour lui faire repousser les avances honteuses que les gouvernements terrestres ne manquent pas de faire aux hommes cupides.

2° A faire constater la divinité de sa mission. -Le religieux apostolique qui ne veut pas l’argent de ceux qu’il évangélise, mais leur âme: Non enim quaero quae vestra sunt, sed vos(4), celui-là a le droit de parler haut. Il peut conjurer, solliciter sans bassesse; il peut menacer avec autorité: ce ne sont pas ses intérêts qu’il cherche, mais les intérêts de Dieu et des pécheurs. Quel avantage immense que celui-là! Quelle puissance de conversion n’aura pas un tel apôtre! L’homme écoute plus facilement celui qui parle sans intérêt personnel.

Or, telle est la position du religieux vraiment pauvre.

3° A porter plus aisément la paix au milieu des passions humaines. -Seul, ce religieux peut dire aux riches: « Appauvrissez-vous de votre superflu, comme je me suis appauvri moi-même du nécessaire. » Lui seul peut dire aux pauvres: « Acceptez votre pauvreté, puisque je me suis fait, à l’exemple du Sauveur, comme l’un d’entre vous. » Situation admirable dans les temps présents.

Est-il nécessaire d’ajouter que le Religieux de l’Assomption doit s’appliquer surtout la parole de l’Apôtre: « Hilarem datorem diligit Deus(5), et qu’il doit être un donateur plein de gaieté, c’est-à-dire qu’il doit être heureux de donner et de porter la joie en donnant? Chose étonnante! Les peuples épris du désir d’avoir sont tristes.

La joie est le partage de ceux qui se dépouillent volontairement.

Soyons pauvres comme de vrais religieux, pour les avantages spirituels que nous en retirerons; soyons pauvres comme des religieux apostoliques, pour le bien que nous ferons autour de nous; soyons pauvres comme des Religieux de l’Assomption, pour la joie que nous posséderons et que nous répandrons autour de nous, parce que nous irons la puiser dans le coeur même de Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. "Les renards ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids, mais le Fils de l'homme n'a pas ou reposer sa tête." (Luc. IX, 58.)
2. "Il n'oublie pas le cri des pauvres." (Ps. IX, 13.)
3. "Le Seigneur est ma portion d'héritage." (Ps. XV, 5.)
4. "Je ne cherche pas vos biens, mais vous-mêmes." (II Cor. XII, 14.)
5. "Dieu aime celui qui donne avec joie." (II Cor. IX, 7.)