- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE.|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES
- LE SACERDOCE
- Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 299-305
- CO 80
- 1 ADMINISTRATION DES SACREMENTS
1 APOSTOLAT
1 BON PRETRE
1 CHASTETE DU PRETRE
1 ENNEMIS DE L'EGLISE
1 ESPRIT SACERDOTAL
1 ETERNITE
1 FONCTION SACERDOTALE
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 LIBRE PENSEE
1 MAUVAIS PRETRE
1 MINISTERE SACERDOTAL
1 SACERDOCE
1 SACERDOCE DE JESUS-CHRIST
1 SAINTETE DU CLERGE
1 VERTU DE FORCE
1 VERTUS SACERDOTALES
2 JOB, BIBLE
2 JUDAS
2 MELCHISEDECH
2 PAUL, SAINT - 1875
Juravit Dominus et non poenitebit eum: tu es sacerdos in aeternum, secundum ordinem Melchisedech(1).
Qu’il est triste, quand on médite sur le sacerdoce, sur ce puissant moyen que Jésus-Christ a choisi pour sauver le monde, de constater l’affadissement du sel de la terre! Serions-nous, par rapport au sacerdoce, à un moment semblable à celui que dépeint le saint homme Job, lorsqu’il nous représente le Seigneur irrité contre les pécheurs, tenant entre ses mains les extrémités de la terre et en secouant les impies? Et tenuisti concutiens extrema terrae et excussisti impios ex ea(2). Dieu préparerait-il les révolutions pour secouer de la terre non seulement les mauvais chrétiens, non seulement les religieux gâtés, mais aussi les membres pourris du sacerdoce?
C’est sous cette douloureuse impression que je veux méditer sur le sacerdoce, instrument principal du salut des âmes entre les mains de Jésus-Christ et en considérer:
1° le caractère;
2° la mission.
I. Caractère du sacerdoce.
Ce caractère, c’est Dieu lui-même qui l’imprime. Juravit Dominus… Il l’a imprimé à son Fils. Jésus-Christ, à proprement parler, est seul le véritable pontife dont le sacerdoce soit éternel. Hic autem, eo quod maneat in aeternum, sempiternum habet sacerdotium(3).
En lui, ce caractère est accompagné de toutes les perfections énumérées par saint Paul, quand il dit: Talis enim decebat ut nobis esset pontifex, sanctus, innocens, impollutus, segregatus a peccatoribus et excelsior coelis factus (4).
Telle est la notion du sacerdoce: la sainteté sans aucun mélange de péché, de souillure ou d’imperfection, innocens; la séparation d’avec les pécheurs, pour pouvoir mieux intercéder en leur faveur, sans toutefois faire avec eux cause commune, segregatus a peccatoribus; et, dans cette perfection, cette innocence et cette pureté, une élévation au-dessus des cieux, excelsior coelis factus, au-dessus des anges qui l’habitent, afin de pouvoir offrir des sacrifices en expiation du péché. Omnis namque pontifex ex hominibus assumptus pro hominibus constituitur in iis quae sunt ad Deum, ut offerat dona et sacrificia pro peccatis(5).
Le prêtre est un homme, mais séparé des autres hommes du milieu desquels il est tiré, chargé de leurs intérêts auprès de Dieu, en même temps que des intérêts de Dieu même; homme vraiment extraordinaire, placé entre la terre et le ciel, ambassadeur des hommes, mais aussi ambassadeur de Dieu et pour cela marqué d’un sceau particulier, indélébile, éternel: Sacerdos in aeternum.
Ce sceau, il le portera toujours imprimé sur son front. Les mains du pontife lui ont été imposées, et ses mains à lui, sur lesquelles a coulé l’huile sainte, ont été consacrées et sanctifiées.
Il ira avec le caractère sacerdotal; il pourra tomber, mais le caractère restera; il commettra des fautes secrètes, le caractère restera;, il donnera des scandales, le caractère restera; il désertera le temple, le caractère restera; au terme de sa vie souillée de crimes, il voudra dissimuler son caractère et le caractère restera. Au fond de l’enfer, les flammes ne le feront pas disparaître. Ni l’enfer ni l’éternité n’y pourront rien, car ce caractère est éternel. Tu es sacerdos in aeternumh secundum ordinem Melchisedech(6).
Ce caractère, condamnation éternelle du mauvais prêtre, est aussi la force et la confiance du prêtre fidèle. Il va, partageant les destinées de son Maître lui-même. Tant qu’il est fidèle, il y a en lui quelque chose que Dieu ne peut pas ne pas aimer; c’est son caractère de prêtre. Il sera l’objet de la persécution des hommes, mais il est prêtre, et, comme Jésus-Christ, son caractère le met au-dessus des cieux. Si le découragement s’empare de lui, il regardera ses mains qui portent les traces de l’onction sacerdotale et il reprendra sa force, car il est prêtre.
Qu’importent les cris de rage ou de fureur? Jésus-Christ, le prêtre par excellence, en a entendu bien d’autres sur la croix.
On le mettra à mort, mais son caractère ne disparaîtra pas; Jésus-Christ le reconnaîtra à ce signe, et, dans le ciel, ce caractère accroîtra sa récompense, car si le mauvais prêtre est éternellement. prêtre dans l’enfer avec Judas, le bon prêtre est éternellement prêtre avec Jésus-Christ dans le ciel, et quand il montera vers le trône du Très-Haut, les anges, en le saluant, chanteront: Le Seigneur l’a juré et il ne s’en repentira point. Vous êtes prêtre pour l’éternité. Juravit Dominus et non poenitebit eum. Tu es sacerdos in aeternum(7).
II. Mission du sacerdoce.
Deux mots de saint Paul suffisent pour le définir: Sic nos existimet homo ut ministros Christi et dispensatores mysteriorum Dei(8).
Le prêtre est l’envoyé de Jésus-Christ: Ecce ego mitto vos(9). Voilà la mission: « De même que mon Père m’a envoyé, de même aussi je vous envoie. »(10) Mission divine, bien propre à exciter la haine. Le prêtre est le ministre de la vérité, qui est Dieu fait homme. Le libre penseur est le représentant non pas d’une idée, mais de toutes les idées les plus folles et les plus absurdes qui peuvent germer dans un esprit et que, sous le nom menteur de science, il prétend substituer à la prédication du prêtre. Telle est la raison de sa haine contre le sacerdoce.
Il y a plus encore. Dieu envoie le sacerdoce prêcher la vérité; il l’envoie promulguer sa loi: Docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis(11). Or, le coeur repousse bien plus la loi de Dieu que l’intelligence ne repousse la vérité.
Voyez-vous toutes les passions soulevées contre le sacerdoce? Et le prêtre doit accomplir sa mission, malgré tout, être comme un autre Jésus-Christ sur la terre et se montrer son ministre parfait.
Ah! quelle belle mission: être un ministre parfait de Jésus-Christ: Sic nos existimet homo ut ministros Christi et dispensatores mysteriorum Dei! L’initiation à la vie divine par le baptême, la participation à la chair et au sang du Sauveur par l’Eucharistie, le pardon des péchés par l’absolution, mystères ineffables dont le sacerdoce est le dispensateur! Quels développements ne faudrait-il pas ici!
Je n’insiste pas. Voilà la mission du prêtre. Mais quelle ne doit pas en être la préparation! Rien de grand, rien de beau, rien de fécond comme le sacerdoce; mais que de conditions n’exige-t-il pas de moi? La sainteté tout d’abord; la crainte de m’approcher du sanctuaire avec une âme ternie: pavete ad sanctuarium meum(12); la pureté, l’innocence: innocens, impollutus; l’énergie pour me séparer des pécheurs: segregatus a peccatoribus; des pensées, des désirs plus élevés que le ciel; en un mot, les perfections de Jésus-Christ; voilà les conditions de la vie sacerdotale.
Suis-je un saint, ô mon Dieu? Mon âme est-elle pure? Ai-je effacé toute souillure en moi? N’ai-je jamais fait aucune concession sacrilège aux hommes de péché? Mon être tout entier s’élève-t-il avec ardeur vers vous? Questions terribles, puisque de leur réponse dépend mon éternité.
O Seigneur! Que je sois un vrai prêtre! Et qu’aux siècles des siècles je jouisse avec vous, ô vrai pontife éternel, de la gloire des bons prêtres, vos fidèles imitateurs.
2. Iob. XXXVIII, 13.
3. "Mais celui-ci, demeurant éternellement, possède un sacerdoce éternel." (Heb. VII, 24.)
4. "Il était convenable que nous eussions un tel pontife, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs et élevé au-dessus des cieux." (Heb. VII, 26.)
5. "Tout pontife, en effet choisi parmi les hommes, est établie pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin d'offrir des dons et des sacrifices expiatoires du péché." (Heb. V, 1.)
6. "Tu es prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melchisédech." (Ps. CIX, 4; -Heb. V, 6; VII, 17.)
7. Ps. CIX, 4.
8. "Que les hommes nous regardent comme les ministres de Jésus-Christ et comme les dipensateurs des mystères de Dieu." (I Cor. IV, 1.)
9. "Voici que je vous envoie." (Luc. X, 3.)
10. *Sicut misit me Pater, et ego mittos vos*. (Ioan. XX, 21.)
11. "Allez... à toutes les nations...), leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé." Matth. XXVIII, 20.)
12. "Tremblez devant mon sanctuaire." (Lev. XXVI, 2.)