- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES. APPENDICE
- EN QUOI CONSISTE LE BONHEUR DE L'HOMME
[Ia - IIae, q. III.] - Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 353-356.
- BH 5
- 1 AMOUR DES AISES
1 AUGUSTIN
1 BIEN SUPREME
1 BONHEUR
1 CIEL
1 CREATURES
1 DESIR
1 DIEU
1 POSSESSION DE DIEU
1 THOMAS D'AQUIN
1 VOIE UNITIVE - 1875
I. -Le bonheur de l’homme est un fait. L’homme peut être heureux, il peut ne pas l’être; il peut l’être plus, il peut l’être moins. Donc, en l’homme, le bonheur est quelque chose d’accidentel, quelque chose de créé.
Dieu, sans doute, est le bonheur infini, parce qu’en Dieu le bonheur est de l’essence de son être. Dieu infiniment intelligent, infiniment aimant, infiniment parfait, est nécessairement infiniment heureux de la jouissance de lui- même. Mais ce bonheur, infini dans son immensité, est incommunicable comme l’étre même de Dieu.
Dieu, bonheur des êtres intelligents, ne peut, en dehors de son essence, être possédé que par des créatures, et aucune créature, limitée, ne peut posséder un Dieu sans limites, ni par conséquent le bonheur sans limites de ce Dieu. En tant que Dieu, il est le bonheur infini, mais seul il peut jouir infiniment de lui-même, et il ne peut communiquer son bonheur aux créatures qu’en proportion de leur capacité. Toutefois, cette capacité peut être accrue d’une manière ineffable selon la correspondance de ces créatures à la grâce, et selon la miséricorde de Dieu sur elles.
II. -L’homme est parfait, non par son principe passif, mais par son principe actif. Et autant que le bonheur implique quelque chose de créé existant dans l’homme par le fait de l’homme, il faut dire que le bonheur implique une action de sa part. Dieu est incontestablement le bonheur de l’homme. Sans Dieu, l’homme ne saura jamais ce que c’est qu’être heureux. Mais de la part de l’homme, il faut un effort, un acte, pour saisir le bonheur. Il faut, si je puis dire ainsi, que je saisisse Dieu, par conséquent que j’agisse. L’acte par lequel je saisis Dieu et j’en jouis, c’est le bonheur.
Mon Dieu, sans qui je ne puis rien, par qui je suis capable de tout effort, donnez-moi de pouvoir arriver jusqu’à vous, de vous atteindre, de vous posséder, dans la mesure où j’en suis capable, et de ne plus vous laisser aller loin de moi.
III. -Dans le ciel, nous serons unis à Dieu par une seule et pure action continue; sur la terre, par l’effet de notre faiblesse et de nos péchés, il faut sans cesse renouveler l’acte par lequel nous nous unissons à Dieu, et c’est pourquoi nous ne pouvons avoir ici-bas le vrai bonheur. La misère humaine est telle que la distraction seule lui fait abandonner l’objet de son éternelle joie. Mais l’effort peut le lui rendre, et telle est la perfection dont nous sommes capables: nous rapprocher toujours de celui en qui nous trouverons l’indéfectible joie.
IV. -Ce n’est certainement pas dans la satisfaction des sens que peut se trouver le vrai bonheur. Pourtant, dans le ciel, l’homme devant être heureux selon tout son être, jouira aussi du bonheur qui convient aux sens, parce que tout y étant réglé et les sens étant soumis à l’âme, l’âme leur versera quelque chose de son bonheur. Quelque chose du bonheur de l’âme s’écoulera dans les sens.
V. -Le bonheur, d’après saint Thomas, est un acte de l’intelligence, selon cette parole de l’Evangile: Haec est vita aeterna ut cognoscant te, solum Deum verum(1). La vie éternelle, c’est le bonheur éternel, et ce bonheur consiste dans la connaissance, qui est un acte de l’intelligence. Et, en effet, si le bonheur de l’homme est Dieu possédé par la partie la plus noble de notre être, la vision béatifique peut seule nous donner ce bonheur, qui nous rend semblables à Dieu: cum apparuerit similes ei erimus(2).
VI. -L’homme ne peut être heureux tant qu’il lui reste quelque chose à désirer. Or, l’homme a toujours quelque chose à désirer tant qu’il ne se repose pas dans le principe et le terme de son être qui est Die (3).
O Dieu, qui m’avez créé, et qui m’avez créé pour vous, faites que je possède ce pour quoi vous m’avez appelé du néant, [objet] qui n’est autre que vous- même, et que je vous possède éternellement, autant qu’une créature en est capable.
2. "Quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui." (I Ioan. III, 2.)