- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES. APPENDICE
- COMMENT S'ACQUIERT LE BONHEUR
[Ia - IIae, q. V.] - Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 360-362.
- BH 5
- 1 BIEN SUPREME
1 BONHEUR
1 CIEL
1 CREATURES
1 DEVOIR
1 DIEU
1 ENFER
1 GRACE
1 PUISSANCES DE L'AME
1 THOMAS D'AQUIN
1 VISION BEATIFIQUE
2 JOB, BIBLE - 1875
I. -L’homme peut-il acquérir le bonheur? Le bonheur est l’acquisition du souverain bien. Quiconque est capable d’acquérir le bien par excellence est capable d’être heureux. Et l’homme a cette capacité puisque son intelligence peut comprendre le bien universel et parfait. En effet, l’homme peut parvenir à la vision divine en quoi consiste son bien souverain.
O Dieu, vous êtes le bien suprême, vous êtes mon bonheur, et j’ose chercher autre chose que vous!
II. -Dieu est le bonheur suprême de toute créature intelligente, et en cela il y a un même bonheur pour tous, qui est Dieu. Mais, de même que l’on voit mieux le même objet à mesure que la vue est plus parfaite, qu’on entend mieux le même son à mesure que l’ouïe est plus fine: de même l’on jouit plus du bonheur à mesure que l’on a plus de capacité pour jouir. Or, les uns sont plus capables, les autres le sont moins.
Seigneur, nul ne peut dire à quelle capacité de bonheur je puis arriver, si je corresponds à vos grâces. Donnez-m’en d’assez fortes pour que mes résistances soient vaincues et que je jouisse de vous sans mesure.
III. -Je puis, assurément, être heureux en ce monde, mais d’un bonheur imparfait. Quant au bonheur parfait, il n’est que là-haut. Tant que je vivrai, je devrai répéter les paroles de Job: Homo natus de muliere, brevi vivens tempore, repletur multis miseriis(1). Il faut que la dissolution arrive, alors mon âme jouira de Dieu.
Qu’y a-t-il de stable ici-bas? Ni durée, ni apaisement des désirs; par conséquent, point de bonheur absolu.
Donc, ô mon Dieu, pardonnez-moi d’avoir cherché mon bonheur dans un monde dont la figure passe si vite(2), et donnez-moi de le chercher ailleurs et plus haut.
IV. -Le vrai bonheur ne saurait être perdu. Que serait pour moi le bonheur dont je pourrais prévoir la perte? Il viendrait un moment où je ne serais plus heureux. Non, mon Dieu, tandis que les damnés iront au feu éternel, les justes iront, vous l’avez dit, dans la vie éternelle où se trouve l’éternel bonheur.
O Seigneur, que je ne m’arrête à rien de ce qui peut périr, et que je ne me fixe qu’en vous seul, ô mon Dieu!
V. -Et comment l’homme, par ses facultés naturelles, peut-il monter si haut? Il faut qu’il soit aidé. Par lui-même, il peut acquérir, pour un temps, un bonheur relatif, imparfait; mais le bonheur absolu, tel que son intelligence le conçoit, jamais, jamais il ne l’aura par lui-même. Seulement, c’est beaucoup que pouvoir y parvenir en y étant aidé. Et c’est, ô mon Dieu, ce qu’opère votre grâce; c’est là ce que l’homme doit vous demander sans cesse, et, dans votre miséricorde, vous ne le refuserez pas à sa prière.
VI. -Ce n’est pas par l’action d’une créature, quelque supérieure qu’elle soit, que l’homme peut trouver le bonheur. En effet, une créature, si parfaite qu’on la suppose, a des limites, et j’ai le désir d’un bien sans limites. O folie de me tourner vers quelque créature que ce soit!
VII. -Pour être heureux, il faut deux choses: connaître son devoir et l’accomplir. Si haec scitis, beati eritis si feceritis ea(3). L’action est donc nécessaire de la part de la créature. Dieu seul, bien infini, n’a pas besoin d’agir pour obtenir le bonheur, parce que son bonheur se trouve dans la jouissance de lui-même. Les anges ont pu être fixés dans le bien par un seul acte; mais par la disposition de la sagesse divine, la faiblesse humaine est telle qu’elle a besoin de plusieurs actes souvent répétés pour acquérir les mérites que Dieu récompense par l’obtention du bonheur.
VIII. -Les hommes se trompent en plaçant le bonheur ici ou là; mais tous veulent être heureux. Folie de l’homme de se tromper à cet égard! O Dieu donnez-moi l’intelligence pour me bien convaincre que vous seul pouvez me rendre éternellement heureux! Donnez-moi la sagesse de ne chercher que vous! Faites, Seigneur, que, vous ayant trouvé, je jouisse de vous éternellement(4).
2. *Praeterit enim figura huius mundi*. (I Cor, VII, 31.)
3. "Si vous savez ces choses, vous serez heureux pourvu que vous les accomplissiez." (Ioan. XIII, 17.)