OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES. APPENDICE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|MEDITATIONS SUR LA PERFECTION RELIGIEUSE|II. MEDITATIONS POUR RETRAITES. APPENDICE
  • VI. DE LA FOI COMME VERTU (1).
    [IIa - IIae, q. IV.]
  • Méditations sur la perfection religieuse pour les Augustins de l'Assomption. Paris, 1927, II, p. 417-421.
  • BI 9
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 BIEN SUPREME
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 DOGME
    1 FOI
    1 INTELLIGENCE
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VERITE
    1 VERTUS
    1 VOLONTE
  • 1875
La lettre

I. [La foi réside dans l’intelligence, mue par la volonté. (Ibid., a. 2.)]

L’objet de la foi étant l’ensemble des vérités révélées et toute vérité s’adressant à mon intelligence, c’est par l’intelligence que la foi peut venir en moi tout d’abord, mais pour être une vertu il faut que ma volonté adhère à ce que mon intelligence lui propose, de telle sorte que je puis dire que la foi, don de Dieu, par lequel j’ai la puissance de connaître la vérité surnaturelle, s’adresse à mon intelligence, et que la foi, vertu, où j’ai encore besoin de la grâce de Dieu, s’adresse à ma volonté. D’où découle pour moi un double devoir: 1° de recevoir par l’effort de mon intelligence, par l’étude, par la méditation, la vérité de Dieu, et d’en agrandir en moi les germes déposés par la main divine; 2° d’adhérer par toute la puissance de ma volonté aux vérités qui me sont proposées.

Ai-je suffisamment réfléchi à ce que je puis mettre de l’énergie de ma volonté dans la pratique de la vertu de foi? Ai-je bien vu combien je suis coupable de n’avoir pas suffisamment lutté contre les affaiblissements de ma foi causés par les entraînements de ma volonté, qui se dégoûte trop souvent de rester dans les sphères supérieures de l’ordre surnaturel?

II. [La foi opère par la charité. (Ibid. a. 3.)]

Tout s’unit dans le monde divin, et la foi, qui est l’ensemble des vérités révélées, doit se traduire par l’action. Or, j’entends l’Apôtre dire que « la foi opère par la charité: Fides quae per caritatem operatur« (2) Tout acte de la volonté tire sa spécialisation du but que la volonté se propose. Or, le but de la vertu de foi est la jouissance de l’éternelle vérité; la volonté, par la foi, veut jouir de Dieu bien suprême. Or, ce bien suprême est l’objet de la charité, et c’est dans la charité que la foi en jouira. Dès ici-bas, la foi commence et montre à l’intelligence le bien suprême; aussitôt la volonté, en qui se trouve le besoin invincible du bonheur, s’élance vers lui et c’est ainsi que la foi, qui opère par la charité, trouve en elle sa forme, comme disent les théologiens.

Mais s’il en est ainsi, quelle folie de me livrer aux spéculations les plus élevés de la foi, spéculations qui ne dépasseront jamais celles des démons qui croient et qui tremblent(3), si je ne m’efforce pas de donner à ma foi toute sa perfection par un effort constant d’amour pratique envers la vérité éternelle, bien infini de mon être!

III. [La foi, accompagnée ou non de la charité, est toujours essentiellement la même vertu. (Ibid., a. 4.)]

La foi déposée dans l’intelligence, informe ou formée par la charité, est toujours la même foi, la foi étant la perfection de l’intelligence. Mais par la charité à l’aide de laquelle la foi agit, je puis la développer en la rendant pratique: Fides quae per caritatem operatur. A moi de perfectionner la foi par la charité et de la rendre parfaite quoique dans son imperfection elle soit toujours la même foi, comme l’enfant et l’homme parfait sont le même homme.

IV. [La foi, formée par la charité, est une vertu parfaite. (Ibid., a. 5, 6.)]

La foi est une vertu puisque c’est par la foi que Jésus-Christ rend mon coeur pur, fide purificans corda, et que c’est dans la justification de la foi que nous pouvons avoir la paix. Mais pour cela il faut que la foi soit formée par la charité, c’est-à-dire par l’adhésion de la volonté au don de Dieu, qui révèle la vérité. Et cette vertu de foi est une dans son objet qui est la vérité première, Dieu, mais elle peut s’appliquer à plusieurs vérités secondaires et là encore elle est une vertu.

V. [La foi précède toutes les vertus. (Ibid., a. 7.)]

Elle est la première des vertus puisque par elle nous sommes introduits dans le monde surnaturel et que, sans elle, nous ne pouvons pas connaître Dieu, source de tous nos devoirs et par conséquent de toutes les vertus. Rien de plus assuré que la foi, qui repose sur la parole de Dieu, et quand même la science humaine rendrait quelque vérité plus évidente à mon esprit, il est certain que toute conception humaine est inférieurs, sans aucune proportion, à la certitude de la parole de Dieu.

Mon Dieu, augmentez-en moi la vertu de la foi, faites-m’en comprendre l’absolue nécessité et faites-moi voir combine je suis obligé d’aller à vous en obéissance de la foi et en amour dans la charité qui opère par la foi!

Notes et post-scriptum
1. Cette méditation est une application de la doctrine très philosophique que saint Thomas expose, en huit articles, dans la question IV de la IIa-IIae: *De ipso fidei virtute*. Pour mieux saisir les développements du Père, il est bon de ne pas perdre de vue les principes fondamentaux de cette doctrine, qui sont les suivants:
1° Croire est un acte de l'intellect embrassant une vérité sous l'impulsion de la volonté, d'où le concours des deux puissances dans l'acte de foi.
2° Puisque croire est un acte de l'intellect, il faut que la foi, qui est proprement le principe de cet acte, réside dans l'intellect comme dans son sujet.
3° L'acte de la foi se rapporte, comme à sa fin, à l'objet de la volonté, qui est le bien; or, ce bien, fin de la foi, n'est autre que le bien divin objet propre de la charité: il s'ensuit que la charité qui réside dans la volonté est la *forme* de la foi, au sens scolastique de cette expression. Sans la charité, la foi est morte.
4° Mais que la foi soit *formée* ou *informe*, c'est-à-dire avec ou sans la charité, elle ne change pas de nature; son essence, qui consiste dans l'adhésion de l'esprit à la vérité révélée, reste toujours la même, soit qu'elle possède la perfection qui lui vient de la charité, soit qu'elle en soit dépourvue. Il en résulte que la foi *formée* et la foi *informe* ne sont pas deux habitudes différentes.
5° Toutefois elle n'est pas la même vertu dans les deux cas; la foi *formée* (par la charité) est une vertu parfaite, la foi informe est une vertu imparfaite, non qu'elle ne reste une vertu réelle puisque, en tout état de cause, elle perfectionne l'intellect en le faisant adhérer à une vérité d'ordre divin; mais parce que, sans la charité, elle est incapable de justifier l'homme.
Ces quelques explications aideront à mieux saisir les pensées du P. d'Alzon, qui suit, dans cette méditation, l'exposé de saint Thomas, mais sans s'astreindre à la rigueur des termes scolastiques, peu propres à nourrir l'oraison. La méditation n'est pas une dissertation.2. Gal. v, 6.
3. *Daemones credunt et contremiscunt*. (Iac. II, 19.)
4. Act. XV, 9.