OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS AUX TERTIAIRES DE L’ASSOMPTION.|INSTRUCTIONS POUR LES REUNIONS DU TIERS-ORDRE (1878)

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS AUX TERTIAIRES DE L'ASSOMPTION.|INSTRUCTIONS POUR LES REUNIONS DU TIERS-ORDRE (1878)
  • DERNIER JOUR DE L'ANNEE
    [1878].
  • Instructions aux Tertiaires de l'Assomption, 1878-1879. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1930, p. 52-55.
  • CO 118
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 BIEN SUPREME
    1 CREATEUR
    1 DIEU
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 DIEU LE PERE
    1 EFFORT
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 ENFER
    1 ETERNITE DE DIEU
    1 FINS DERNIERES
    1 IMITATION DE DIEU
    1 IMMORTALITE DE L'AME
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 MORT
    1 PERFECTION
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PURGATOIRE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 SAUVEUR
    1 SOUVERAIN JUGE
    1 TIEDEUR
    1 VIE HUMAINE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 PAUL, SAINT
  • Tertiaires de l'Assomption
  • 1878
  • Nîmes
La lettre

Au milieu des voeux, des espérances que tant de personnes forment, expriment au jour de l’an, je veux mêler quelques pensées sérieuses et m’inspirer de réflexions qui, pour être vulgaires en apparence, n’en sont pas moins fertiles en résultats, si je le veux bien.

I. -Regrets du temps perdu.

Quelqu’âge que j’aie, il est certain que le temps de ma vie écoulé ne reviendra plus. Qu’ai-je fait de ce que Dieu m’a donné de vie jusqu’à ce jour? Que de jours inutilement employés! Que de travaux oubliés! Que de défauts acquis! Que de vertus étouffées! Que de facultés gaspillées! Quels caprices n’ai-je pas eus! Que d’idées préconçues où je me suis entêté! Que d’émotions ai-je cherchées! Tout cela compose un ensemble où je me trouve pris comme malgré moi, et au bout du compte, je suis bien obligé de le dire, si mes années écoulées ne me jettent pas en enfer, ce sera certainement dans un long purgatoire.

Veux-je rester ans un état si triste, et ne veux-je pas prendre la résolution de réparer le temps perdu? Que de personnes mortes ces jours derniers pour qui la lumière s’est faite, et qui du sein des flammes me crient de bien employer mon temps!

II. -Brièveté de la vie.

D’autant plus que ce temps ne m’appartient pas. Comme on l’a dit si souvent, le passé ne m’appartient plus, l’avenir ne m’appartient pas encore, et m’appartiendra-t-il jamais?

Combien de temps ai-je encore à vivre? Que de personnes de mon âge ont disparu! Et après tout, que penser de la vie la plus longue lorsqu’elle est tranchée? Que puis-je me promettre à cet égard? Quels rêves, qui s’évanouissent sans cesse? Ah! que la vie est peu de chose!

Donc je n’en dois pas perdre une minute. Oui, le présent n’est rien. Ce présent qui s’écoule à chaque imperceptible instant m’appartient pourtant au moment où il passe. Est- ce que j’y songe, est-ce que je l’emploie? Que de gens autour de moi le perdent. Jusqu’à présent, je l’ai perdu. En sera-t-il toujours ainsi?

III. -Dieu seul reste.

Le temps s’en va, mais Dieu reste, éternel, immuable: Il était avant moi, et quand mon corps sera détruit, il sera encore. Il a donné l’immortalité à mon âme, et un moment vient où je serai seul à seul avec lui pour mon jugement.

Mais avant d’être mon juge, il est mon créateur, mon père, mon Sauveur. Ne puis-je pas comprendre que s’il reste quand tout va m’être enlevé, c’est sur lui seul que je dois m’appuyer? Comme dit saint Augustin, « je dois sans doute me servir des créatures passagères comme moi, mais ne m’appuyer que sur Dieu. ».(1)

J’entends changer bien souvent ces paroles: Et veritas Domini manet in aeternum(2). Qu’est-ce à dire? La vérité de Dieu, c’est l’être de Dieu, la réalité de Dieu; Dieu dans sa plénitude, la beauté de son être; Dieu avec son infini pouvoir, sa sagesse, sa bonté, son amour, sa gloire, son bonheur. Or, si Dieu reste, et si je puis aller à Dieu, qu’ai-je besoin d’autre chose?

Mon Dieu, qui restez pour l’éternité, je n’ai plus besoin de quoi que ce soit puisque vous me serez à moi éternellement, si je le veux.

IV. -Sentiment de la perfection.

Mais pour cela, il faut être digne de Dieu. Il est infiniment parfait. A mon tour, je dois tendre à la perfection dont je suis capable. La perfection, c’est l’abondance de l’être, et Jésus-Christ est venu pour que j’aie la vie, et que je l’aie plus abondante(3).

O prodige! Tandis que d’une part la vie s’en va, m’échappe à chaque minute, Dieu a envoyé son Fils pour me donner la vie divine toujours plus abondante en moi, si je l’accepte. Eh bien! n’ai-je pas là de quoi me consoler? La vie de mon corps disparaîtra bientôt, « mais, dit l’Apôtre, nous nous reformons de jour en jour au dedans ».(4) Et pourquoi? Parce que Jésus-Christ, qui m’a apporté la vie au baptême, me l’apporte tous les jours plus abondante. Mais qu’est l’abondance de cette vie, sinon l’imitation plus grande des perfections de Dieu, selon l’abrégé que Jésus-Christ m’en donne. Donc, je m’appuierai sur Dieu, j’imiterai Dieu, je me perfectionnerai sur le modèle de Dieu, et ce sera ainsi que, malgré le temps qui passe et la rapidité de la vie qui s’en va, je conquerrai avec Dieu et par lui l’éternité et le bonheur.

Notes et post-scriptum
1. Pensée familière à saint Augustin, et qui revient sous diverses formes dans ses traités et dans ses sermons. Nous ignorons à quel passage du saint Docteur se réfère ici le P. d'Alzon, mais on en trouvera de superbes sur ce sujet dans la *De Doctr. christ*., ch. III. Cf. *Sum. theol.* Ia, IIae, q. XI et q. XVI.2. "Et la vérité du Seigneur demeure éternellement." Ps. CXVI, 2.)
3. *Veni ut vitam babeant et abundantius babeant*. (Joan. X, 10.)
4. *Licet is qui foris est noster bomo corrumpatur, tamen is qui intus est renovatur de die in diem*: bien qu'en nous l'homme extérieur se détruise, cependant l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. (II. Cor. IV, 16.