OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS AUX TERTIAIRES DE L’ASSOMPTION.|INSTRUCTIONS POUR LES REUNIONS DU TIERS ORDRE (1879).

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS AUX TERTIAIRES DE L'ASSOMPTION.|INSTRUCTIONS POUR LES REUNIONS DU TIERS ORDRE (1879).
  • PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR
    I. CAUSES DE LA PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR.(1)
  • Instructions aux Tertiaires de l'Assomption, 1878-1879. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1930, p. 57-61.
  • CO 119
Informations détaillées
  • 1 AMBITION
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DES AISES
    1 ANCIEN TESTAMENT
    1 ATHEISME
    1 AUGUSTIN
    1 AVARICE
    1 BIEN SUPREME
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 ENFER
    1 FOI
    1 GRACE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 INTELLIGENCE
    1 JUIFS
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LOI DIVINE
    1 MANQUE DE FOI
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MONDE CREE
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 MYSTERE
    1 ORGUEIL
    1 PAGANISME
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PECHE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PECHES
    1 PECHEUR
    1 PROVIDENCE
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 REVOLTE
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SANG DE JESUS-CHRIST
    1 SAUVEUR
    1 TYRANNIE DES SENS
    2 ADAM
    2 BOSSUET
    2 DANTE ALIGHIERI
    2 PAUL, SAINT
    3 BABEL
    3 JERUSALEM, TEMPLE
    3 JUDA, ROYAUME
  • Tertiaires de l'Assomption
  • 1879
  • Nîmes
La lettre

S’il est un fait qui domine l’histoire entière de l’humanité, c’est à coup sûr la Passion de notre-Seigneur; et, puisque je veux l’aborder en détail devant vous dans une série d’instructions, il m’a paru indispensable d’examiner d’abord les causes de la Passion et les fruits que nous devons en retirer.

Les causes principales sont la justice et la miséricorde de Dieu.

Aujourd’hui j’envisagerai la justice divine; dans le prochain entretien, nous parlerons de la miséricorde.

1° LA JUSTICE DE DIEU, CAUSE DE LA PASSION

Rappelons-nous cette parole: Justus Dominus et justitiam dilexit; aequitatem vidit vultus ejus(2). Or, cette justice a été offensée, elle veut une réparation.

I. -Le péché originel et ses suites.

Le premier de tous les péchés, c’est le péché d’Adam, en qui tous les hommes ont péché, et il faut avant tout poser ce principe: depuis la révolte du premier père, nous naissons tous ennemis de Dieu, »enfants de la colère par nature: Natura filii irae« .(3)

Or, cette inimitié que Dieu nous porte est telle, qu’il a le droit de perdre pour toujours chacun d’entre nous. Et quoique nous soyons sous la loi nouvelle, il faut établir que, même après la mort de Jésus-Christ, Dieu ne doit la grâce à personne. Donc quand même tous tant que nous sommes nous serions damnés, nous n’aurions aucun droit de nous plaindre: Natura filii irae. Pourquoi? Parce que, « sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu ».(4) Mais la foi est une grâce, et une grâce qui est due n’est plus une grâce, ce n’est plus un don bénévole, c’est une dette; or, Dieu ne nous doit rien.

-Mais je ne comprends pas le péché originel.

-On vous explique le fait, mais non pas le mystère, sur l’explication duquel la doctrine catholique se tait. Nous pouvons cependant établir que les biens qu’un père perd ne peuvent être transmis à ses enfants, et que si Adam a, par son péché, perdu la justice originelle, ses enfants, comme lui, en ont été dépouillés.

C’est que le péché est une révolte contre la loi de Dieu, et cette révolte, fait observer Bossuet, est un acte d’athéisme pratique contre la puissance, la sagesse et l’amour de Dieu.

Contre la puissance. -L’homme qui pêche dit à Dieu: « Tu m’as donné une loi, je vais te prouver que tu n’es pas assez puissant pour me la faire observer. » Or, si Dieu n’est pas puissant, il n’est pas.

Le pécheur s’attaque à la sagesse, trouble l’ordre établi par elle, refuse d’accepter la beauté de ses voies. Il importe à la sagesse divine de montrer qu’elle existe par le rétablissement de l’ordre qui consiste, avant tout, dans le châtiment du coupable.

Enfin Dieu, dans son amour, a voulu nous rendre celui de la terre; Dieu, irrité de cette ingratitude, le précipite dans l’éternel malheur. C’est pourquoi le poète italien place sur la porte de l’enfer cette inscription: « C’est l’amour éternel qui m’a fait ».(5).

Il faut donc à une pareille révolte un châtiment digne de la justice de Dieu; mais l’homme est incapable d’apaiser la justice infinie par une réparation digne d’elle.

Au lieu de cela, les siècles suivent leur cours, et les désordres se multiplient. Faut-il vous faire jeter les yeux sur la face de la terre? Adam a été chassé du paradis, mais toute chair a corrompu sa voie. Le déluge couvre la face du monde; une seule famille est préservée. L’avertissement est-il assez terrible? Voyez Babel.

Puis le paganisme se répand. Dieu se choisit un peuple qu’il comble de bienfaits. De combien de crimes ce peuple ne se rend-il pas constamment coupable! Le sanctuaire est profané, les rois qu’on avait cru les plus saints tombent dans les plus affreux désordres. Que reste-t-il chez les peuples paîens? Ils ont quelques sages; mais écoutez saint Augustin: Quo intelligentia appropinquaverunt eo superbia recesserunt(6).

Qu’était le monde entier, qu’était Israël, qu’était Juda, qu’était Jérusalem et son Temple? Quand Jésus-Christ parut, le lieu le plus saint était une caverne de voleurs. C’est Jésus-Christ qui le dit en chassant les vendeurs du Temple. Si le Temple était une caverne de voleurs, qu’était le reste du monde!

II. -Les péchés, considérés individuellement.

Voilà pour l’ensemble des pécheurs pris en masse. Mais si je descends dans le détail et que je prenne chacun en particulier, ah! qu’il sera vrai de dire que, devant Dieu, aucun être vivant ne peut être justifié: Quia non justificabitur in conspectu tuo omnis homo vivens(7). Voyez le péché se développant chez chaque homme avec ses caractères divers. L’orgueil le plus éhonté, l’avarice, l’amour des richesses, celui des plaisirs, l’ambition; qui peut retenir l’homme sur cette pente fatale? Bientôt l’incrédulité envahit de toute part. Le péché était un acte d’athéisme comme inconscient, il deviendra un péché positif, on niera Dieu. Jetez les yeux autour de vous. La croyance en Dieu se perd, la volonté va s’affaiblissant, les sens triomphent; la nuit se fait, aucune lumière surnaturelle ne la dissipera; le mal se fait, aucune force ne se trouvera dans l’homme pour le combattre et l’en affranchir. Or, la justice divine est là, prononçant ses jugements; il est là ce Dieu qui a dit: Ego justilias judicabo(8). Qui nous donnera le moyen de nous soustraire au châtiment.

III. -Conclusion pratique.

Reconnaissons-le, l’homme n’a jamais ajouté que péché à péché. C’est pourquoi, pour en arrêter le cours, pour apaiser la justice, il a fallu une victime d’un prix infini. Dieu pourrait sans doute sauver le monde par un autre moyen que l’effusion du sang d’un Dieu fait homme, mais il fallait faire connaître à l’homme le prix de son rachat.

Et quant à la conclusion pratique, je la trouve dans ces paroles de saint Paul: Quomodo effugiemus, si tantam neglexerimus salutem?(9) Le salut nous est offert par le sang d’un Dieu répandu pour nous; où nous tournerons-nous, si nous négligeons l’occasion de nous sauver? » Ah! prenons d’énergiques résolutions et sauvons-nous de la justice de Dieu dans sa miséricorde infinie.

Notes et post-scriptum
1. Ce double titre est tout entier de la main du P. d'Alzon sur la feuille de garde de son manuscrit.2. "Le Seigneur est juste, et il aime la justice; son visage contemple l'équité." (Ps.X, 8.)
3. *Eph. II, 3*.
4. *Sine fide impossibile est placere Deo*. (Hebr. XI, 6.)
5. *Fecemi la divina potestate, la Somma sapienza ed il primo amore. (DANTE, Enfer, 3e chant.)
6. "Plus ils se sont approchés de Dieu par l'intelligence, plus ils s'en sont éloignés par l'orgueil."
7. *Nul homme vivant ne sera trouvé juste devant vous." (Ps. CXLII, 2.)
8. "Je jugerai les justices." (Ps. LXXIV. 3.)
9. "Comment échapperons-nous, si nous négligeons un si excellent moyen de salut?" (Hebr. II, 3.)