OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS AUX TERTIAIRES DE L’ASSOMPTION.|INSTRUCTIONS POUR LES REUNIONS DU TIERS-ORDRE (1879).

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS AUX TERTIAIRES DE L'ASSOMPTION.|INSTRUCTIONS POUR LES REUNIONS DU TIERS-ORDRE (1879).
  • PILATE.
  • Instructions aux Tertiaires de l'Assomption, 1878-1879. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1930, p. 119-123.
  • CO 134
Informations détaillées
  • 1 AMBITION
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 AVARICE
    1 CHRETIEN
    1 CLASSES SUPERIEURES
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 DECADENCE
    1 DEESSE RAISON
    1 GRANDEUR MORALE
    1 INTEMPERANCE
    1 LACHETE
    1 LUXURE
    1 MANQUE DE FOI
    1 PAGANISME
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PEUR
    1 REGNE DE VERITE
    1 ROI DIVIN
    1 SCEPTICISME
    1 SOUVERAIN PROFANE
    1 VERBE INCARNE
    1 VIOLENCE
    1 VOL
    2 HERODE AGRIPPA I
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
    2 PILATE
    3 ROME, VIA APPIA
    3 ROME, VIA LATINA
  • Tertiaires de l'Assomption
  • 1879
  • Nîmes
La lettre

Il faut que Jésus-Christ expie tous les péchés. Et que l’on en compte chez les conducteurs des peuples! Voici Pilate, arrivé de Rome avec tous les pouvoirs de vie et de mort sur le peuple juif asservi au joug des Césars. Que trouvons-nous en lui?

1° L’esclavage de l’ambition; 2° l’incrédulité; 3° l’absence de toute conscience.

I. -Esclavage de l’ambition.

Les Romains, dans les classes élevées, comptaient deux espèces d’hommes: ceux qui étaient devenus riches, et ceux qui aspiraient à le devenir. Acquérir de l’or au moyen des provinces à exploiter était un but avoué de tous ceux qui ne croyaient pas leurs coffres suffisamment remplis. Ils voulaient avoir la puissance, quelquefois pour la puissance elle-même, mais aussi pour s’enrichir. Quand on parcourt aux environs de Rome, sur la voie Appienne ou sur la voie Latine, ces longues files de tombeaux détruits, on se demande à quoi bon tant de richesses, pour n’avoir pas seulement la satisfaction de conserver la dalle où avaient été inscrits les gouvernements exercés, les victoires remportées, les villes conquises, les peuples soumis, les triomphes obtenus.

Mais quand ils étaient sur la terre, ils se croyaient quelqu’un; ainsi Pilate, homme de rapine et d’ambition, homme cupide et peureux: cupide devant l’argent à prendre, peureux devant César qui pouvait le briser. C’est devant un pareil homme que Jésus est traduit. Examinez les angoisses du juge devant la majesté calme de l’accusé. Pilate sait fort bien que Jésus est innocent. Il tient à se débarrasser de lui au plus tôt, d’autant plus que Jésus n’a rien et ne pourra pas payer sa mise en liberté. Que faire? L’innocence d’un côté, la fureur du peuple de l’autre, et derrière le peuple d’habiles ambitieux qui, soumis à Pilate, savent pourtant par quels ressorts secrets on peut le forcer à se prononcer.

« Je ne trouve en lui aucun sujet de condamnation », dit Pilate(1): Et le peuple: Si hunc dimittis nos es amicus Caesaris(2). Pilate combattra, retournera interroger Jésus, se lavera les mains, mais finira par livrer l’innocent.

L’ambition et l’avarice sont de cruels tyrans. Ah! qu’il est nécessaire de méditer cette première parole de la prédication du Sauveur: « Heureux les pauvres d’esprit, les hommes désintéressés qui veulent avant tout le royaume de Dieu. Mais ceux-là, oû sont-ils?

II. -Incrédulité de Pilate.

Ce qu’était la croyance chez les hommes au temps de Pilate ne se peut définir. Il y avait bien un culte légal des dieux à qui l’on sacrifiait des victimes, et même des victimes humaines, sans parler des gladiateurs dans les jeux funèbres, des martyrs sur les échafauds. Mais qui croyait, dans le monde officiel, à quelque chose de la religion officielle? Qui, il y a moins d’un siècle, croyait, en France, à la déesse Raison, et pourtant on l’adorait sur les autels profanes de nos églises. Je ne parle pas du peuple, je parle des grands et des riches. Pilate en est là. Et quand Jésus, lui révélant sa mission, lui dira qu’il est venu pour rendre témoignage à la vérité, Pilate levant les épaules lui tournera le dos et s’en ira en s’adressant à lui-même cette question: « Qu’est-ce que la vérité: Quid est veritas?« (3)

Ah! sans doute commençait à paraître cette grande puissance, principe de vie quand elle pénètre les sociétés; principe de mort quand elle s’en retire; la vérité!

Or, cet accusé que Pilate peut leur [abandonner] ou délivrer à son choix et selon son caprice, c’était le grand témoin de la vérité comme homme; c’était le grand témoin de la vérité même comme Dieu, et il avait le droit de dire: « Je suis né pour ceci, afin de rendre témoignage à la vérité »(4); voilà l’explication et de mon apparition sur la terre, et de ma mission divine, et de ma royauté éternelle.

Ne sentez-vous pas comme Pilate est petit et combien Jésus captif est grand, parce qu’il est le témoin de la vérité. Mais vous pouvez participer à cette grandeur. Rendez témoignage à la vérité au milieu de cet affaiblissement universel de la foi. Quelle magnifique mission qui peut, par la foi, transporter les montagnes!

III. -Absence de toute conscience.

Qu’est-ce qu’un homme qui, par peur ou par ambition, condamne un innocent et subit le joug des passions populaires? Qu’est-ce que l’homme qui dispose de la vie des autres comme en se jouant? A certains moments, Pilate se laissera aller à l’exigence de ses droits; il fera un écriteau d’une certaine façon, et quand on l’invitera à le changer, il s’y refusera obstinément. Et cet écriteau sera placé sur la tête de l’homme qu’il sait innocent et qu’il livre pourtant à la fureur du peuple. On résiste pour un écriteau; on cède pour une question de vie ou de mort. Ainsi se forment certaines consciences. Ainsi quelquefois se forme peut-être la vôtre.

Mais alors, que devient la conscience publique? J’ai parlé de Pilate, et je n’ai pas le temps de parler d’Hérode. Je n’en dirai qu’un mot, pour me demander lequel des deux est le plus méprisable, du proconsul ambitieux et lâche, ou du roi voluptueux et cruel. L’un a fait trancher la tête de Jean- Baptiste parce qu’il a vu danser dans un festin avec des yeux troublés par l’orgie et la luxure. L’autre, par crainte de l’empereur romain, condamne un innocent -et qu’il proclame innocent, -au supplice de la croix.

Ah! quand Jésus, en rétablissant le règne de la vérité, proclamera-t-il les droits de la conscience? Et quelle obligation pour des hommes sérieux d’être des hommes chrétiens, afin de rester des hommes dignes!

Au milieu des ruines morales qui s’accumulent, souvenons-nous qu’en face de ces caractères aplatis qui nous entourent, il est une grandeur et une beauté qui restera toujours le signe des disciples de Jésus: la grandeur et la beauté du caractère chrétien.

Notes et post-scriptum
1. *Nullam in eo invenis causam*. (Joan. XVIII, 38.)
2. "Si tu délivres celui-là, tu n'es pas l'ami de César." (Ibid., XIX, 12.)
3. Ibid., XVIII, 38.
4. *Ego in hoc natus sum et ad hoc veni in mundum ut testimonium perhibeam veritati. (Ibid., 37.)