OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE
  • INSTRUCTIONS SUR LA SAINTE VIERGE
    VIII
    MARIE ET L'ESPERANCE
  • Les Instructions du Samedi. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1932, p. 40-44.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 BIEN SUPREME
    1 CIEL
    1 EPREUVES
    1 ESPERANCE
    2 PAUL, SAINT
  • Collégiens de Nîmes
  • 1876
  • Nîmes
La lettre

Si nous considérons la manière dont Marie a supporté les épreuves qui lui ont été imposées, et si nous descendons au fond de son coeur, il est impossible de n’y pas trouver la plus vive espérance. Si Marie a été patiente à Bethléem, en Egypte, à Nazareth, sur le Calvaire, c’est qu’elle espérait. Elle espérait pour cette vie tout ce que Dieu promet aux siens. Elle espérait au terme de cette vie le bonheur éternel, d’une inébranlable espérance.

I. Espérance de Marie pour ce monde.

Sur quoi repose l’espérance dans les souffrances de la vie? Sur ce principe que la vie présente n’est qu’un temps d’épreuves, combiné avec l’ensemble des dispositions de la Providence, pour l’ordre général, sans doute, mais aussi pour notre avantage personnel. Nonne duo passeres asse veneunt? et unus ex illis non cadet super terram sine patre vestro… Multis passeribus meliores estis vos(1).

Voilà: rien, si petit qu’il soit, ne se fait dans ce monde sans la permission de Dieu notre Père, et nous sommes bien plus que tout cela. Donc, si nous venons à tomber dans l’épreuve, Dieu très juste l’a voulu.

Fidelis Deus est qui non patietur vos tentari supra id quod potestis(2). Aucune épreuve n’excédera jamais nos forces, pourvu que nous ayons recours à la prière pour solliciter la grâce. Sans doute il faut prier; mais si nous savons prier, la grâce de Dieu nous soutiendra. Et par-dessus tout: Omnia propter electos(3); et plus encore: Omnia vestra sunt; vos autem Christi Christus autem Dei(4). Quel admirable enchaînement! Nous sommes dans ce monde à proprement parler les maîtres de tout pourvu que nous sachions tout rapporter à Dieu..

Telle est la vertu de Marie, et c’est ce qu’elle exprimait quand elle disait: Et misericordia eius a progenie in progenies timentibus eum(5). Voilà ce que nous aussi devons dire en voyant comment, avec de la confiance et de l’amour de Dieu, tout s’arrange dans la vie. Diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum(6).

II. Marie et l’espérance du ciel.

Mais la source [de la confiance] de Marie était dans son espérance du ciel. Elle portait dans son âme un besoin invincible de bonheur, qui est le fond de toute créature. Plus elle était parfaite, plus elle comprenait où est le vrai bonheur, et plus elle était capable de l’atteindre: elle le plaçait en Dieu. Que lui importaient les souffrances du temps? Non sunt condignae passiones huius temporis ad futuram gloriam quae revelabitur in nobis(7). Et si elle était la Mère des douleurs, elle se disait: Qu’est-ce que cela auprès du ciel? Elle portait en elle son Fils, source de son espérance, comment eût-elle pu se plaindre?

Etudions cette doctrine par rapport à nous.

Nous sommes faits pour être heureux. Nous avons, par la bonté de Dieu, les moyens d’acquérir ce bonheur; seulement les passions nous mettent un voile sur les yeux, nous empêchent de voir le bonheur où il est vraiment, et nous le montrent là où il n’est pas. De là ces excitations mauvaises, ces rêveries coupables, ces habitudes criminelles. Nous cherchons le bonheur là où il n’est pas.

Mais, direz-vous, j’ai eu les jouissances que je voulais. -J’accepte. Pour combien de temps? -Enfin, j’ai eu un grand enivrement. -Question de cabaret; question de chiens se précipitant sur un morceau de viande, et puis? Eh bien! si vous n’aspirez pas à autre chose, il faut convenir que vous êtes dégradé au point de ne plus rien comprendre; et c’est d’abord un commencement de châtiment.

Oui, il y a des hommes qui « n’ont plus l’espérance divine: Spem non habent(8), » dit l’Apôtre, mais ne vous en réjouissez pas. L’espérance c’est, après l’amour, le ressort des grands dévouements et des grands sacrifices; l’espérance, c’est un désir immense de bonheur tel que rien de la terre ne peut le satisfaire; l’espérance, c’est l’éternité; l’espérance, c’est le bonheur toujours accru par une capacité plus grande d’être heureux: Ibunt de virtute in virtutem(9); l’espérance, c’est Dieu. Video coelos apertos et Filium hominis stantem a dextris Dei(10). Qu’importe à Etienne qu’à ces mots les Juifs le lapident? Il a vu le ciel, il a vu Jésus, il a vu Dieu.

Restez dans vos jouissances mauvaises; allez, le regard courbé vers la terre, fouiller dans ses boues pour obtenir quelque émotion des sens! Le chrétien qui espère regarde le ciel. Plus il se dispose à en jouir, plus il devient parfait, plus aussi ses désirs augmentent et, en même temps, augmente aussi l’espoir que, par Jésus-Christ, ses désirs seront comblés.

Choisissez donc et voyez ce que vous préférez ou des plaisirs si rapides et si dégradants de la terre ou de ces joies sans limites que Dieu donne et qui n’auront pas de fin, parce qu’elles dureront autant que lui.

Notes et post-scriptum
1. "Deux passereaux ne se vendent-ils pas un as? Cependant il n'en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père... Vous valez mieux que beaucoup de passereaux." (Matth. X, 29, 31.)
2. "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au delà de vos forces."(I Cor. X, 13.)
3. "Tout pour les élus." -Ce texte a un mot de plus (II Tim. II, 10): "*Omnia sustineo propter electos*, je supporte tout pour les élus."
4. "Tout est à vous, et vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu." (I Cor. III, 22, 23.)
5. "Et sa miséricorde se répand d'âge en âge sur ceux qui le craignent." (Luc. I, 50.)
6. " Toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu." (Rom. VIII, 28.)
7. "Les souffrances du temps présent n'ont pas de proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous." (Rom. VIII, 18.)
8. I Thess. IV, 12. Dans ce passage saint Paul exhorte les Thessaloniciens à ne pas s'attrister de la mort de leurs proches comme les païens "qui n'ont pas d'espérance."
9. "Ils iront de force en force" (Ps. LXXXIII, 8) jusqu'à la parfaite vision de Dieu.
10. Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu (Act. VII, 55.)