OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE
  • INSTRUCTIONS SUR LA SAINTE VIERGE
    IX
    MARIE ET L'AMOUR DIVIN
  • Les Instructions du Samedi. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1932, p. 45-49.
  • CO 99
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DIVIN
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 EGOISME
    1 HAINE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SOCIETE
    2 MAHOMET
  • Collégiens de Nîmes
  • 1876
  • Nîmes
La lettre

Le monde est sous l’inspiration de trois courants principaux: l’égoïsme, la haine, l’amour. Quelquefois ces trois principes d’action se combinent, se neutralisent ou se surexcitent. Examinons ces diverses dispositions de l’âme à un point de vue général.

I. Egoïsme.

Qu’un individu soit égoïste, c’est un très grand malheur pour lui et pour les siens, ce sera toujours un homme de peu au point de vue moral. Mais quand l’égoïsme gagne les masses, qu’on rencontre des agrégations d’égoïstes, que les peuples finissent par le devenir, il y a là un symptôme, une cause de décadence. Que sont les peuples devenus égoïstes? Quelquefois, au nom de je ne sais quelle raison d’Etat, ils auront une certaine vigueur; mais quand l’égoïsme a gagné le corps de la nation, qu’attendre, sinon une dissolution, plus ou moins prochaine?

Que se passe-t-il, en effet? Chacun s’occupe de soi et l’intérêt général est sacrifié à l’intérêt particulier, et alors il se fait de honteux calculs; on n’aime que soi, on a horreur des autres, à moins que ce ne soit pour s’en servir, pour se grandir ou bien pour en jouir.

Mais où sont les caractères? Il n’y en a plus. Examinez, Messieurs, où vous en êtes. L’égoïste n’a pas de tradition, il est du jour présent. On m’a rapporté un mot d’un égoïsme profond: « Que nous importent les souvenirs de nos aînés, nous n’y tenons pas. » Si le mot a été prononcé, je veux croire qu’il est inconscient, car s’il avait été prononcé avec la claire vue de ce qu’un pareil sentiment exprimé révèle, il faudrait supposer ou une intelligence bien bornée ou une décadence morale bien profonde.

II. La haine.

La haine, sa source est en enfer. Les démons ont la haine la plus profonde pour Dieu, pour les hommes qu’ils voudraient entraîner dans leurs cachots, pour Jésus-Christ Rédempteur des hommes, pour l’Eglise, société des hommes rachetés à qui sont promis un bonheur et une gloire éternels.

La haine! Du coeur de Satan elle est tombée dans le coeur des hommes ennemis de Dieu et de son Christ. Et tel est le spectacle que nous avons eu à certaines époques: aux trois premiers siècles par les païens, puis par les hérétiques, puis par Mahomet, puis par la Réforme, pandemonium de toutes les hérésies; enfin par la Révolution, fille de la Réforme. Et rien de plus évident quand on considère d’une part que la Réforme a fait bon marché des croyances, de l’autre que son organisation comme collection d’Eglises repose sur le pouvoir civil. Si le pouvoir civil a le pouvoir d’organiser l’Eglise, à plus forte raison peut-il s’organiser lui-même. Et voilà Dieu chassé de son droit sur l’Eglise et sur la société, le pouvoir humain fera tout. Et si Dieu est l’objet de la haine de la révolution, la révolution supprimera Dieu et son Eglise, en attendant que les révolutionnaires se suppriment entre eux.

Voilà donc la société composée des égoïstes et des révolutionnaires. Les uns, moutons honteux qui fuient sans songer à se défendre jusqu’à ce que le boucher les égorge; les autres, pleins de haine pour leurs ennemis qu’ils immoleront, jusqu’au jour où ils s’immoleront mutuellement.

Mais, grâces à Dieu, il y a les chrétiens, les hommes de l’école de l’amour envers Dieu et leurs semblables: à eux comme toujours appartient l’avenir.

III. L’amour de Dieu.

Eh bien! en face de ces deux courants, écoutez Jésus-Christ dire la veille de sa mort: « Mes petits enfants, je vous laisse un commandement nouveau, c’est que vous vous-aimiez les uns les autres(1). » Ecoutez l’Eglise mettre dans la bouche de Marie ces paroles que le Saint-Esprit avait placées sur les lèvres de la Sagesse: Ego Mater pulchrae dilectionis(2).

Oui, depuis que Marie, après le dernier soupir de Jésus sur la croix, fut descendue du Calvaire, elle sembla avoir emporté comme son héritage une partie de l’amour de Jésus pour Dieu et pour les hommes. Ce trésor, à la manière des choses divines, est partout sans doute, il est dans l’Eucharistie, il est dans le coeur de Marie.

Et c’est là le remède par excellence de tout ce que l’humanité peut souffrir dans l’ordre moral.

Laissez à la révolution ses passions, laissez-lui les ruines qu’accumulent les haines; la ressource des chrétiens c’est la charité. Par la foi, l’homme reçoit la vérité, et par la vérité, la liberté: Veritas liberabit vos(3). Par la charité, il reçoit l’énergie sainte, la force de faire le bien. Et comment cela?

La haine semble plus puissante parce qu’il est plus facile de renverser un édifice que de le construire, de briser une statue que de la sculpter, de frapper un coup de poignard et de donner la mort que de former un homme et lui donner la vie.

La puissance vraie, c’est l’amour. L’artiste qui n’aime pas son oeuvre ne sera jamais un artiste. Il faut aimer ce que l’on fait pour lui donner de la vie.

Mais, de plus, l’amour donne et se donne.

Voilà la puissance des chrétiens.

Donner. La charité a bien été singée par le diable quand le diable a poussé les siens à donner, mais quand il s’agit de donner avec amour, nul ne donne comme dans l’Eglise de Dieu.

Puis il faut se donner, et c’est là le difficile.

Messieurs, voulez-vous sauver la société? Donnez-vous.

Notes et post-scriptum
1. *Filioli..., mandatum novum do vobis ut diligatis invicem*. (Ioan. XIII, 34.)
2. "Je suis la mère de la belle dilection." (Eccl. XXIV, 24.)
3. "La vérité vous délivrera." (Ioan. VIII, 32.)