OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE
  • INSTRUCTIONS SUR LA SAINTE VIERGE
    X
    MARIE ET LA DOULEUR.
  • Les Instructions du Samedi. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1932, p. 50-55.
  • CO 100
Informations détaillées
  • 1 CHATIMENT
    1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
    1 DOULEUR
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 SANG DE JESUS-CHRIST
    1 SOCIETE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    2 PAUL, SAINT
    3 THEBAIDE
  • Collégiens de Nîmes
  • 1876
  • Nîmes
La lettre

O vos omnes qui transitis per viam attendite et videte si est dolor sicut dolor meus(1).

Je ne prétends pas m’arrêter à toutes les souffrances endurées par Marie lorsqu’elle contemplait son Fils sur le Calvaire.

Il y a là toutefois un enseignement merveilleux à voir la plus pure des créatures souffrir comme aucune créature n’a souffert.

Pourquoi? Pour nous apprendre qu’en dehors de l’expiation pour soi il y a, dans la souffrance, une fécondité et d’expiation et de sanctification [pour les autres], sur quoi je veux fixer votre très sérieuse attention.

I. Douleur de Marie féconde pour l’expiation.

Je ne vous présenterai pas toutes les tortures dont le coeur de Marie a été déchiré sur le Calvaire. Je sais que de toutes les créatures la plus pure est celle qui a le plus souffert, et cela me suffit, puisqu’il est évident qu’elle n’a pas eu à souffrir pour elle. Pour qui donc? Pour l’expiation des péchés qu’elle n’avait pas commis.

Eh bien! il y a des moments pénibles dans la vie des nations, où les crimes montent et où les âmes descendent; où le sentiment du vrai, du juste va s’effaçant. C’est une insouciance universelle, c’est l’inintelligence des choses supérieures; on n’y comprend plus rien et l’on ne veut pas comprendre de peur d’avoir des remords. Le pécheur, a dit le Saint-Esprit « n’a pas voulu comprendre de peur d’être obligé à bien faire: Noluit intelligere ut bene ageret« (2). Alors c’est la mort de l’âme, et quand la masse des âmes en est là, c’est la mort de la société. Or, nous en sommes là… Tout est-il absolument [perdu]? Pour moi je ne le pense pas, mais à une condition, c’est qu’il y aura des âmes qui s’offriront à souffrir. Grande leçon donnée sur le Calvaire. Certes, l’effusion du sang de Jésus y était plus que suffisante; pourtant, le divin Maître ne voulut pas qu’elle suffit et c’est pourquoi il dit à Marie: « Femme, voilà votre fils. » Sans doute, il est beau de contempler cette adoption dont Marie est seule capable, si nous la considérons dans son ensemble par rapport aux pécheurs; mais il y a là quelque chose de plus: Marie adopte les hommes en souffrant pour eux. Eh bien! je vais vous révéler un mystère, vous pourrez adopter vous aussi des âmes en proportion de ce que vous voudrez souffrir pour elles.

Je touche ici à une question des plus graves. Ecoutez avec attention. Nous sommes en ce moment dans un péril extrême. Tous les bons le reconnaissent en tremblant, tous les méchants, en rugissant, d’infernales espérances. On propose bien des remèdes pour asseoir la société sur ses bases bouleversées. [Le meilleur], c’est qu’il y ait des âmes qui se dévouent à la souffrance.

La base du monde est Jésus-Christ, on n’en peut mettre une autre, et après Jésus-Christ c’est Marie, et après Marie ce sont toutes les âmes qui acceptent de souffrir.

Parmi vous en est-il qui comprennent ce mystère? En est-il qui disent: Je supposerai un instant qu’à l’imitation de Marie je n’ai pas besoin de faire pénitence pour mes péchés et pourtant je m’immolerai. Eh bien! si parmi vous il y en avait plusieurs qui vécussent dans ces pensées, je maintiens que le mal social serait vaincu; la vie, une vie nouvelle coulerait par ces vies immolées pleines d’expiation.

Je demande à la Très Sainte Vierge qu’elle touche de son doigt ensanglanté par la croix de son Fils quelques-unes des âmes qui m’écoutent et qu’elle leur fasse comprendre la nécessité du dévouement pour sauver le monde en souffrant en union avec Marie.

Doctrine étrange, je le sais bien, mais doctrine qui a sauvé le monde. Non pas que le sang de Jésus-Christ n’y suffît pas, mais parce que ce sang divin, pour relever l’humanité, a voulu manifester ses effets de la manière la plus admirable en les communiquant dans leur fécondité à Marie d’abord, ensuite à d’autres hommes choisis pour l’aider dans la mesure où il a voulu l’être. A vous de voir dans quelle mesure vous voulez être les aides de Jésus-Christ.

II. Douleur de Marie féconde pour la sanctification.

La douleur de Marie n’a pas seulement été féconde pour l’expiation de nos péchés. Il y a là quelque chose de si universel que Jésus-Christ a voulu dans son universalité même le retenir pour lui.

Mais la douleur de Marie a été surtout féconde pour la sanctification des âmes. Et ici je sens bien que je ne m’adresse pas à tous, bien que tous puissent y prendre de quoi se sanctifier et aider à la sanctification des autres.

Quel est le saint qui n’a pas souffert? Jésus-Christ, le Saint des saints, a été l’homme des douleurs. Marie, la Mère des douleurs et en même temps la Reine de tous les saints. Pourquoi cela? Parce qu’il a été dit à la première femme: « Tu enfanteras dans la douleur(3). » Marie n’enfante les saints que par des souffrances inouïes.

Car, après tout, savez-vous comment les saints s’enfantent?

D’abord Jésus-Christ a prié pour eux.

Ensuite la Reine des saints a offert ses douleurs plus spécialement pour ces âmes d’élite et leur communique une plus grande aptitude pour la souffrance.

Puis d’autres âmes ont prié, ainsi saint Etienne pour saint Paul, sainte Monique pour saint Augustin.

Que de saints enfantés par les austérités de la Thébaïde et les veilles des cloîtres!

Mais vient un moment où, après avoir donné les mérites, Jésus et Marie présentent le modèle, et l’âme appelée à la sainteté comprend la nécessité d’imiter les saints.

Si saint Paul a pu dire: Et tantam habentes impositam nubem testium…, per patientiam curramus ad propositum nobis certamen(4), n’avons-nous pas dix-huit siècles qui ont suivi le grand Apôtre? Et n’y voyons-nous pas des armées de saints que l’Ancien Testament n’avait pas connus?

Et comment se sont-ils sanctifiés? Par la souffrance, que Marie leur a prêchée du haut du Calvaire. Aujourd’hui il faut des saints. Quand en trouverons-nous? Lorsque, à l’imitation de Marie, nous aurons des hommes avides de souffrances, de douleurs et de sacrifices.

Nous aurons des saints quand on acceptera de souffrir.

Notes et post-scriptum
1. "O vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez s'il est une douleur comme ma douleur." (Thren. I, 12.)
2. Ps. XXXV, 4.
3. *In dolore paries*. (Gen. III, 16.)
4. "Puisque nous sommes environnés d'une si grande nuée de témoins..., courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte." (Hebr. XII, 1.)