OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|PREMIERE SERIE
  • INSTRUCTIONS SUR LA SAINTE VIERGE
    XIII
    MARIE ET LA GLOIRE
  • Les Instructions du Samedi. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1932, p. 65-71.
  • CO 103
Informations détaillées
  • 1 BONHEUR
    1 GLOIRE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 REINE DU CIEL
    1 SAINTS
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRINITE
    1 VISION BEATIFIQUE
    1 VOIE UNITIVE
    2 JEAN, SAINT
    2 PAUL, SAINT
  • Collégiens de Nîmes
  • 1876
  • Nîmes
La lettre

Marie prend possession de la gloire. Examinons: 1° En quoi consiste sa gloire; 2° quelle part y prend l’adorable Trinité; 3° quelle gloire, à l’imitation de Marie, nous pouvons espérer.

I. Gloire de Marie.

La gloire de Marie n’est pas autre, sans doute, dans sa nature, que celle que peut recevoir une nature créée, que celle des anges et des saints, et cette gloire consiste dans la vision de Dieu et l’union à Dieu.

Ici-bas nous voyons Dieu « comme en image, per speculum; » alors, « face à face, facie ad faciem« , tel qu’il est. sicuti est(1). »

Entendons-nous. De nous-mêmes nous en sommes incapables, mais la grâce de la récompense consiste en cela. Or, plus nous verrons Dieu, plus nous l’aimerons, et plus nous l’aimerons, plus nous serons heureux; plus nous serons heureux, plus nous jouirons de lui.

La vue, l’amour, le bonheur.

Est-ce que le bonheur sur la terre n’est pas dans l’amour qui jouit de l’objet aimé? Le gourmand, l’avare, le vaniteux, l’ambitieux, le voluptueux, que sont-ils? Des êtres qui aiment certains objets, malheureux quand ils en sont privés, heureux quand ils en jouissent.

Seulement, insensés quand ils mettent leur jouissance dans des objets vains; coupables, quand ils la mettent dans des objets mauvais.

Mais voyez, l’objet de l’amour au ciel c’est Dieu, le Saint des saints, le plus pur, le plus beau, le plus parfait des objets qu’on puisse aimer, et nous le verrons et nous l’aimerons et nous en jouirons.

Seulement, nous le verrons en proportion de nos efforts pour purifier l’oeil de notre âme, nous l’aimerons en proportion de notre degré de vision, nous en jouirons, nous serons heureux en proportion de nos progrès dans son amour. Et il y a des degrés. In domo Patris mei mansiones multae sunt(2).

Plus nous aurons vécu par la foi dans la pureté de la vie, plus nous aurons préféré dans notre amour Dieu à tout autre objet, plus nous le verrons, plus nous l’aimerons là-haut.

Personne ne peut voir Dieu comme Dieu se voit, mais la pureté et l’amour ici- bas sont la condition de la vision, de l’union et de la jouissance là-haut. Qui a été plus pur que Marie? Qui a plus aimé que Marie? Qui dès lors au ciel jouit plus que Marie?

II. Part de la Trinité à la gloire de Marie.

Toute la Trinité y concourt d’une manière spéciale. Rappelons-nous les paroles de l’ange au moment de l’Incarnation: Spiritus Sanctus superveniet in te(3). Les flammes du Saint-Esprit descendent sur elle pour la purifier. Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te(4). Le Saint-Esprit, l’amour par excellence, lui apporte l’amour le plus grand qu’une créature puisse avoir pour son Dieu qui est en même temps son Fils.

Et virtus Altissimi obumbrabit tibi(5). La puissance de Dieu le Père, pour donner à Marie une plus grande puissance d’être, d’intelligence, de coeur.

Enfin, le Fils, lumière éternelle, l’éclairant sur les perfections divines.

Cela se passait sur la terre.

Mais au ciel, quelle perfection d’être dans la grâce! quelle perfection d’intelligence! quelle perfection d’amour! quelle perfection de bonheur!

Les théologiens disent que la gloire des bienheureux sera plus grande après la résurrection de la chair, et il convient qu’il en soit ainsi, l’être humain veut être récompensé tout entier.

Mais Marie a été transportée corporellement au ciel afin que, dès son trépas, rien ne manquât à sa gloire et à son bonheur dans son triomphe.

Enfin, à la couronne de gloire qu’auront les saints et qui pour Marie est la plus belle de toutes, il faut joindre ce que les théologiens appellent l’auréole, c’est-à-dire une récompense particulière pour chaque espèce de vertu plus spécialement pratiquée.

Mais quelle est celle que Marie n’a pas?

Depuis les anges jusqu’aux vierges, l’Eglise la proclame la Reine de tous les bienheureux, elle en a donc tous les mérites.

Telle est la gloire de Marie que nous n’égalerons jamais. Pourtant, quelle peut être la nôtre?

III. Quelle gloire, à l’imitation de Marie, pouvons-nous espérer?

Incontestablement nous devons croire que Dieu, qui par le baptême nous a faits ses enfants, nous aime comme le meilleur des Pères, qu’il veut notre bonheur, et que, si nous n’abusons pas des grâces qu’il nous accorde par les mérites de son Fils, nous jouirons du bonheur éternel. A quel degré en jouirons-nous? Sans doute selon la mesure des grâces qu’il a lui-même fixées, mais aussi selon l’effort de notre volonté, selon la mesure à laquelle il a droit.

Voilà donc incontestablement notre salut entre nos mains, la mesure de notre bonheur sera la mesure avec laquelle nous aurons aimé Dieu. En effet, car il ne suffit pas que nous ayons à notre disposition l’objet le plus parfait et par conséquent le plus aimable, il faut encore que nous sachions l’estimer à sa valeur, et c’est pourquoi il faut le connaître, mais selon qu’il veut être connu, c’est-à-dire dans la lumière qu’il nous donne qui est la foi. Plus nous chercherons à le connaître malgré la faiblesse de notre intelligence ici-bas, plus nous lui prouverons notre amour en le servant avec perfection: plus il se montrera à nous, plus il se fera connaître à nous, plus il se donnera à nous en se manifestant selon son essence, videbimus eum sicuti est; plus nous l’aimerons et plus nous serons heureux dans la jouissance qu’il nous donnera de lui-même. Cette jouissance correspondra à l’amour que nous aurons au ciel pour lui, et cet amour correspondra à celui que nous aurons eu sur la terre. Jusqu’où ira cet amour, jusqu’où ce bonheur, jusqu’où cette gloire? Oculus non vidit, Deus, absque te, quae praeparasti expectantibus te*(6).

Mais nous pouvons nous en faire une idée par la gloire de Marie qui est celle de la plus parfaite des créatures, gloire dont nous pouvons toujours approcher sans l’atteindre jamais.

Je dirai de même des auréoles dont parlent les théologiens. Si Marie les a toutes, pourquoi n’aurions-nous pas la nôtre, selon l’appel de Dieu? Il y a celle des confesseurs de la foi, il y a celle des docteurs, des apôtres, des vierges, des martyrs(7). Voyez celle que vous voulez ajouter à la gloire que Dieu vous réserve, et si vous n’avez pas un bonheur sans limites, ne vous en prenez qu’à vous. Mais non, sous la protection de Marie, vous croirez, vous espérerez, vous prouverez par vos vertus votre amour sur la terre et, dans la claire vision, vos désirs étant réalisés, vous jouirez de Dieu par un amour éternel. -Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1."Ces textes sont tirés de saint Paul et de saint Jean et expriment la même doctrine. Saint Paul dit (I Cor. XIII, 12): "*Videmus nunc per speculum, in aenigmate, tunc autem facie ad faciem*: nous voyons maintenant à travers un miroir, en énigme, mais alors (nous verrons) face à face." -Saint Jean dit (I Ioan. III, 2): "*Videbimus eum sicuti est*: nous verrons Dieu tel qu'il est", c'est-à-dire dans son essence même.
6. "L'oeil n'a pas vu, hors vous seul, ô Dieu, ce que vous avez préparé pour ceux qui vous attendent." (Ps. LXIV, 4.) Saint Paul cite librement ce passage qu'il réunit à quelques autres (I Cor. II, 9). Le P. d'Alzon n'a écrit que les trois premiers mots: *Oculus non vidit...* Nous avons complété par le texte d'Isaïe.
7. Le P. d'Alzon parle ici des auréoles dans un sens très large, comme en parlent souvent les prédicateurs, et non avec la précision des théologiens, quoique, même chez les théologiens, le mot *auréole* ait parfois un sens assez vague et indéterminé. L'auréole se distingue de la couronne de gloire proprement dite. La "couronne de gloire" signifie la récompense essentielle de tous les saints, et elle est proportionnée à leur degré de charité, base du mérite. L'"auréole" est, comme son nom l'indique, une sorte de "petite couronne, *aureola*," qui s'ajoute à la grande et n'est accordée qu'à une certaine catégorie de saints pour les récompenser de quelque vertu spéciale autre que la charité. C'est ainsi que l'auréole est réservée aux docteurs, aux martyrs et aux vierges: aux docteurs, à cause de leur zèle à enseigner la voie du salut: aux martyrs, à cause de leur mépris de la mort en témoignage de leur foi; aux vierges, à cause de leur renoncement aux voluptés de la chair. Comme ce sont trois victoires particulièrement difficiles à remporter, elles reçoivent une récompense accidentelle qu'on appelle l'auréole. La théologie n'accorde pas cette auréole aux autres catégories de saints, comme les confesseurs, les veuves, les enfants, ni aux anges. Toutefois, rien n'empêche de croire, que l'auréole des docteurs, par exemple, ne puisse couronner le front de quiconque, homme ou femme, tout dépourvu qu'il soit de grades académiques, aura eu un grand zèle pour enseigner la foi aux ignorants, soit par la parole, soit par les écrits, soit en public, soit en particulier. Des considérations analogues peuvent être faites à propos des autres auréoles. En ce cas, le P. d'Alzon a raison de dire: "Si Marie a toutes les auréoles, pourquoi n'aurions-nous pas la nôtre?" Saint Thomas consacre ) ce sujet une très copieuse question en treize articles, la quatre-vingt-seizième de la troisième partie, *in Supplemento*.2. "Dans la maison de mon Père il y a de nombreuses demeures." (Ioan. XIV, 2.)
3. "L'Esprit-Saint surviendra en vous." (Luc. I, 35.)
4. "Vous êtes toute belle, ô ma bien-aimée, et aucune tache n'est en vous." (Cant. IV, 7.)
5. "Et la vertu (puissance) du Très-Haut vous couvrira de son ombre." (Luc. I, 35.)