OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|DEUXIEME SERIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|DEUXIEME SERIE
  • INSTRUCTIONS SUR L'EDUCATION CHRETIENNE
    IX
    JESUS-CHRIST ET LE DESINTERESSEMENT
  • Les Instructions du Samedi. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1932, p. 124-128.
  • BT 12-13
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 CREATURES
    1 DECADENCE
    1 DESINTERESSEMENT DE L'APOTRE
    1 EGOISME
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INSENSIBILITE
    1 JEUNESSE
    1 REDEMPTION
    1 TIEDEUR
    2 CHARLEMAGNE
    2 CLOVIS
    2 LOUIS, SAINT
    3 FRANCE
  • Collégiens de Nîmes
  • 1876-1877
  • Nîmes
La lettre

Je viens vous parler d’un des caractères de Notre-Seigneur les plus opposés à la disposition actuelle des âmes: du désintéressement. Et pour arriver à quelque chose de pratique, j’examine:

1° L’affaissement d’une âme personnelle et intéressée.

2° J’examinerai ensuite tout ce qu’il y a de grand dans une âme qui s’inspire du désintéressement et de l’oubli d’elle-même pour s’attacher à un but supérieur.

I. La personnalité et le but intéressé.

C’a été un triste moment pour la France que le jour où un vieil avocat parlementaire vint dire à la Chambre: « Messieurs, chacun chez soi, chacun pour soi. » L’âge de la chevalerie finissait; l’âge d’une bourgeoisie cupide, matérialiste, incrédule, commençait.

Cette préoccupation personnelle qui semblait devoir faire la base d’une politique de progrès n’allait à rien de moins qu’à faire du coeur de la France un immense glaçon, et un glaçon moins grand du coeur de chacun de ses fils. C’était bien là l’esprit janséniste d’un vieux parlementaire.

C’était l’avilissement de tout ce qu’il y avait de généreux dans le peuple de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis.

Mais je n’ai pas ici à m’occuper de l’humanité dans son ensemble, j’ai surtout à parler de l’affaissement moral dans la médiocrité qui se manifeste parmi les hommes en particulier. Ce qui fait un homme bas et médiocre, ou élevé, c’est la bassesse et la médiocrité, ou bien l’élévation du but auquel il aspire.

Saint Augustin dit que nous devons, en jetant un regard sur les êtres, en distinguer de quatre espèces: ceux qui sont au-dessous de nous, ceux qui sont égaux à nous, l’être qui est nous et l’être qui est au-dessus de nous. Nous nous abaissons en nous penchant vers ce qui est au-dessous de nous; ainsi le jeune homme qui ne rêve que la fortune et les plaisirs sensuels descend au-dessous de lui-même; il s’enfonce dans la bassesse et nul ne peut dire jusqu’où il descendra. Celui qui a pour but ses semblables se repaît de vanité: qu’est-ce que l’homme peut recevoir de l’homme? Celui qui se concentre en lui-même est un égoïste; l’homme est bien quelque chose, mais si peu de chose! Enfin, il y a l’être au-dessus de l’homme; mais nous y reviendrons tout à l’heure. Je veux d’abord vous dire la misère de l’homme qui, créé pour Dieu, ne vit pas pour Dieu, ne s’attache pas avant tout à Dieu.

Ah! que le monde est plein de ces bassesses et de ces médiocrités! Et pourquoi? Parce que chacun pense à soi! L’égoïsme, l’égoïsme, voilà la plaie universelle!

Quand l’âme s’est retirée du corps, chaque molécule se désagrège: voilà l’histoire d’un peuple qui n’est composé que d’égoïstes! Aussi quand l’égoïsme gagne un homme, on peut dire que toute grandeur morale a disparu de lui; quand l’égoïsme a pénétré une famille, les liens d’affection y sont vite rompus. Quand il s’agit d’un peuple, tenez pour certain que son histoire est bien près de finir, ou que du moins la gloire n’encombrera plus ses annales.

II. Grandeur de l’âme désintéressée.

Mais le péché originel, c’est-à-dire l’inimitié de Dieu, devait produire ce lamentable effet.

C’est pourquoi le Rédempteur a voulu, dans la Rédemption même, montrer le modèle de la vraie noblesse dans le désintéressement. Etant riche, il s’est fait pauvre pour nous, et le mot grâce, qui exprime les secours qu’il nous accorde, nous prouve qu’il ne les doit pas. Cependant il sait que ses avances seront souvent perdues, et il veut bien nous les faire.

Quant à nous, rappelons-nous toujours que nous devons agir pour un but supérieur et surnaturel.

Et quant au désintéressement, voyons ce qu’apporte la pensée de Dieu. Ah! nous pouvons agir par peur de l’enfer et par désir du ciel; mais nous pouvons avoir un motif supérieur encore: le motif de l’amour de Dieu pour Dieu lui- même. Voilà le vrai désintéressement.(1)

Sur le désintéressement.

Ce qui envahit le monde, c’est la vulgarité: examinons la source de ce mal et voyons-en le remède.

1. La source de la vulgarité est dans l’égoïsme.

La perte des principes, la perte de la foi, l’impuissance de porter le Poids de la vérité…

La lâcheté dans l’intelligence…

Le rétrécissement du coeur…

On n’aime plus ce qui est au-dessus.

On se penche vers ce qui est inférieur, ou tout au plus on s’occupe de soi.

On a des égoïstes, on a des hommes vulgaires, et, quand ce mal a une fois commencé, il va croissant; on rapporte tout à soi.

2. Le remède à l’égoïsme.

Jésus-Christ l’a apporté.

Il a pensé aux hommes, il a tout fait pour eux. Pouvons-nous l’imiter absolument?

Absolument? Non, il est Dieu.

En quelque sorte? Oui.

Comment? En nous élevant au-dessus de nous-mêmes par le but que nous nous fixons au-dessus de nous-mêmes.

Mais il y a plus nous pouvons désirer le ciel, et c’est un motif surnaturel.

Mais Dieu nous permet une action; d’oublier un moment ce que nous lui devons et de l’aimer uniquement pour lui-même.

Telle est la source du désintéressement.

Il s’applique d’abord à Dieu; mais, entendu ainsi, le prochain y a sa part, la charité parfaite envers le prochain ayant pour principe la charité parfaite envers Dieu.

Notes et post-scriptum
1. (*Les notes du manuscrit s'arrêtent là pour cette instruction, elles sont incomplètes.
Dans ce même cahier, on trouve, sur une feuille à part, un autre canevas sur le désintéressement. Le voici*.)