OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|TROISIEME SERIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|TROISIEME SERIE
  • INSTRUCTIONS SUR LES ACTES DES APOTRES
    I
    [PLAN ET METHODE]
  • Les Instructions du Samedi. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1932, p. 140-146.
  • BR 2-3
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 APOTRES
    1 ASCENSION
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 NOUVEAU TESTAMENT
    1 REVOLUTION DE 1789
    2 ANDRE, SAINT
    2 BARNABE, SAINT
    2 JACQUES LE MAJEUR, SAINT
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 PETION, JEROME
    2 PHILIPPE, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 SIMON LE MAGICIEN
    2 THOMAS APOTRE, SAINT
    3 PARIS
  • Collégiens de Nîmes
  • 29 février 1868.
  • Nîmes
La lettre

J’ai pris, mes chers enfants, cette année, pour sujet de mes instructions du Carême les Actes des Apôtres, et plusieurs motifs m’ont poussé à vous commenter ce livre, que tout le monde devrait étudier et méditer sans cesse.

Le premier motif est que je ne veux point trop répéter ce que je vous ai déjà dit depuis si longtemps que je vous prêche. Mais à côté de ce motif tout à fait accessoire, il en est d’autres bien plus sérieux.

Ce livre des Actes des Apôtres présente tant de charmes que, je ne crains pas de le dire, il devrait être, entre tous les Livres Saints, l’objet d’une étude particulière. En effet, il possède, outre l’inspiration du Saint-Esprit, des caractères si nombreux qui nous démontrent la sainteté et la divinité de la religion chrétienne, que tous les fidèles peuvent y trouver une nourriture substantielle pour leurs âmes.

Et d’abord, ce livre est pour nous le lien qui rattache l’âge apostolique, le temps des premiers chrétiens aux âges suivants, et c’est à ce livre que viendra bientôt se souder en quelque sorte l’Histoire ecclésiastique. Il est donc important de voir avec quelle précision, avec quelle continuité se sont perpétuées les traditions de ces premiers temps, et avec quelle rigoureuse exactitude s’est accomplie cette parole du divin Sauveur à ses apôtres: « Et ecce vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi. » (Matth. XXVIII, 20.)

Je voudrais vous montrer en même temps que, dès cette époque comme de nos jours, et avec plus d’acharnement et de puissance même que de nos jours, l’erreur a entrepris de donner un démenti à cette parole du Sauveur; que dès le temps des apôtres et de saint Pierre lui-même, les portes de l’enfer ont essayé de prévaloir contre l’Eglise bâtie sur la pierre choisie par Jésus-Christ et déclarée par lui inébranlable. On rapporte qu’en 1848 un député de la Chambre eut à subir cette apostrophe: « Je vous connais, vous vous appelez Pétion(1). » On pourrait dire de même aux hérétiques, aux schismatiques et aux incrédules de tous les temps: « Je vous connais, tout ce que vous apportez n’est pas nouveau et tout ce que vous pourrez inventer n’arrivera jamais aux talons de Simon le Magicien. »

En étudiant les Actes des Apôtres, on se trouve bien souvent en face d’objections plus ou moins fortes, plus ou moins spécieuses. Les réfuterai-je toutes? Non. La lumière se fera presque toujours d’elle-même et je ne prendrai pas la peine de réfuter ce qui l’a été si souvent. Il est pourtant une objection, celle des temps présents, à laquelle je m’arrêterai quelquefois; c’est l’objection qui consiste à mettre la science en face de la foi, pour qu’elle la contredise et la combatte.

Un autre charme de cette étude, et une autre utilité qui pourra en revenir à vos âmes, c’est que vous trouverez tout dans les Actes des Apôtres. Vous y trouverez tous vos devoirs tracés; vous y trouverez la papauté dans saint Pierre; l’évangélisation dans saint Pierre aussi sans doute, mais surtout et d’une manière plus admirable dans saint Paul. Vous y trouverez encore les règles de la charité chrétienne dans cette vie des premiers chrétiens qui n’avaient tous qu’un coeur et qu’une âme; vous y trouverez même jusqu’à certains dissentiments entre Paul et Barnabé; vous y trouverez saint Paul conseillant à des dévotes de ne pas se prendre aux cheveux.

Enfin, comme dernier but de cette étude, je voudrais pouvoir vous inspirer l’amour des Saintes Lettres, et surtout l’amour de cette Eglise qui est gouvernée par les successeurs de ces mêmes apôtres et qui possède toujours son fondateur; car cette parole: Et ecce vobiscum sum usque ad consummationem saeculi, se réalise dans tous les temps.

Nous voyons sans doute, dans le premier chapitre de ces mêmes Actes, que Jésus-Christ, après avoir conduit ses disciples sur une montagne élevée, et après leur avoir prédit l’avènement de son Saint-Esprit, monta vers le ciel; qu’une nuée le dissimula bientôt à leurs yeux et que son corps partit, comme une flèche disent les commentateurs, dans le ciel. Comment donc demeurera-t-il avec son Eglise puisqu’il est retourné à son Père, puisque des anges vêtus de blanc viennent annoncer à ses apôtres, qui tenaient toujours leurs yeux fixés en haut, que ce même Jésus qu’ils avaient vu monter dans le ciel en descendrait de la même manière, mais seulement à la fin des siècles? Oui, Jésus-Christ demeurera dans son Eglise jusqu’à la fin des temps; il y demeurera sans doute par l’Eucharistie, mais je ne veux point traiter ce sujet; il y demeurera aussi par son Esprit qui, dans quelque temps, doit descendre sur ses apôtres, et ces apôtres se feront dès lors entendre par toute la terre: « In omnem terram exivit sonus eorum et in fines orbis terrae verba eorum« . (Ps. XVIII, 5.) Et ces paroles d’un psaume, c’est saint Paul lui-même qui les appliquait aux apôtres.

Puis ces mêmes hommes seront flagellés dès le début de leurs prédications, comme si l’Eglise ne pouvait se passer un seul moment de la persécution. Enfin, ils se répandront par toute la terre pour être sur toute la terre les témoins du Christ.

Et, chose étonnante! dans les Actes des Apôtres on ne dira rien de la plupart d’entre eux. On parlera de saint Pierre, de saint Paul, de saint Jacques et de saint Barnabé qui d’ailleurs n’est pas précisément un apôtre, quoique regardé comme tel, et qui ne figure guère que pour ses relations avec saint Paul.

Grande leçon que ce silence, mes chers enfants.

Si l’on ne dit rien de saint Philippe, de saint Thomas, de saint André; si l’on ne sait que par des traditions quels ont été leurs travaux, quel a été le genre de leur martyre, c’est que les apôtres ne travaillaient pas dans un but terrestre, vulgaire, bas. Peu leur importait que leur nom fût ignoré des hommes, pourvu qu’il fût inscrit dans le livre de vie. Ainsi le silence des Actes sur les travaux de certains apôtres est en un sens une leçon aussi profitable que tout ce qui nous y est raconté sur les prédications de saint Paul et de quelques autres.

Quant à la méthode que je suivrai pour l’explication des Actes des Apôtres, je vous dirai d’abord que j’ai lu les homélies de saint Jean Chrysostome sur ce livre, et il y aurait pour moi la matière de cent instructions, si j’entreprenais de vous développer tout ce que j’ai pu retenir. Néanmoins, je ne prêcherai que cinq fois par semaine et, quant à la longueur des instructions, je vous préviens que je ne me gênerai pas pour traiter tout le sujet que j’aurai préparé d’avance.

Je vous engage à vous procurer des Nouveaux Testaments; ceux qui ne comprennent pas suffisamment le latin pourront se servir d’une traduction, afin que je ne sois point obligé à porter ici mon livre pour rappeler les textes; quelquefois, cependant, je l’apporterai(2) afin de citer plus exactement les passages que ma mémoire n’aurait pu retenir.

Telles sont, mes chers enfants, les considérations que je voulais vous soumettre ce soir. J’espère que si vous me prêtez une attention soutenue, vous pourrez tirer de tout ce que je vous dirai quelque nourriture capable de fortifier et d’élever vos âmes, et si vous pratiquez toutes les vérités qui découleront de cet enseignement, elles vous conduiront au séjour de l’éternelle Vérité. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. Maire de Paris pendant la Révolution, proscrit avec les Girondins (1743-1793).
2. Un témoin qui a entendu les instructions se rappelle que le Père apportait presque toujours le livre des Actes et en lisait des passages assez longs en latin avant de les commenter.