OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|TROISIEME SERIE

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS DU SAMEDI|TROISIEME SERIE
  • INSTRUCTIONS SUR LES ACTES DES APOTRES
    XV
    [EMPRISONNEMENT ET DELIVRANCE DE SAINT PIERRE. ACTES, XII.]
  • Les Instructions du Samedi. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1932, p. 302-311.
  • BR 2-3
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 PAPE
    1 PERSECUTIONS
    1 POUVOIR TEMPOREL DU PAPE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 SYMBOLE DES APOTRES
    1 SYMBOLES DE LA FOI
    1 VIE DE PRIERE
    2 ANTIOCHUS IV EPIPHANE
    2 CABANIS, GEORGES
    2 CALIGULA
    2 CLEMENT XIV
    2 FLAVIUS JOSEPHE
    2 FREDERIC II, ROI DE PRUSSE
    2 GALERE, EMPEREUR
    2 GERBET, OLYMPE-PHILIPPE
    2 GREGOIRE I LE GRAND, SAINT
    2 GREGOIRE VII, SAINT
    2 HERODE AGRIPPA I
    2 JACQUES LE MAJEUR, SAINT
    2 JOSEPH II, EMPEREUR
    2 JUPITER, MYTHOLOGIE
    2 MARC, SAINT
    2 MARIE, MERE DE MARC
    2 NAPOLEON Ier
    2 PIE VI
    2 PIE VII
    2 PIERRE, SAINT
    2 TARQUIN L'ANCIEN
    2 TARQUIN LE SUPERBE
    3 AUTRICHE
    3 JERUSALEM
    3 JUDEE
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 SIDON
    3 TYR
    3 VALENCE
  • Collégiens de Nîmes
  • 20 mars 1868
  • Nîmes
La lettre

Le sujet que nous abordons a été si souvent rebattu, que je ne sais trop comment vous le présenter d’une manière neuve: c’est l’emprisonnement de saint Pierre et sa délivrance miraculeuse.

En même temps, je m’arrêterai un peu sur la fin du chapitre qui n’est pas assez remarquée et qui cependant offre un intérêt particulier. Il y a là certain personnage que nous verrons surgir et sur lequel il sera bon de dire quelques mots.

Il existe, vous le savez, différentes manières de persécuter l’Eglise; il y a une persécution qui s’attaque aux membres inférieurs, une autre qui s’attaque aux membres supérieurs. On rapporte que Tarquin le Superbe consultait un jour Tarquin l’Ancien sur la manière de s’y prendre pour se défaire de ses ennemis. Ils se trouvaient alors dans un champ de pavots; pour toute réponse le vieux Tarquin se mit à abattre à coups de canne les têtes de pavots qui dépassaient les autres. C’est là, en effet, un moyen radical quand on veut venir à bout des gens, et Hérode Agrippa le savait par expérience, lui qui avait passé un certain temps à Rome en prison; mais nous n’avons pas à nous occuper de ces détails, ni à parler du hibou qui, selon un augure, devait apparaître à Hérode cinq jours avant sa mort.

Agrippa était presque un étranger. Elevé hors de la Judée, il avait courtisé les empereurs, avait même été sur le point de faire élever une statue à Jupiter Caligula, l’infâme Caïus, dans le temple de Jérusalem. Pour s’attirer la popularité, il fit décapiter saint Jacques et détourna ainsi contre les chrétiens la fureur des Juifs excitée contre lui. Après saint Jacques, toujours pour faire plaisir aux Juifs, il fit emprisonner saint Pierre. Rien de plus simple qu’un pareil procédé.

Saint Pierre était donc en prison, et « l’Eglise offrait sans relâche à Dieu des prières pour sa délivrance: oratio autem fiebat sine intermissione ab Ecclesia ad Deum pro eo » Voilà, mes chers enfants, comme je vous l’ai dit souvent, la véritable force de l’Eglise, la prière. Je plains très sincèrement les chrétiens qui ne prient pas, ils se privent d’une force immense, du secours d’en haut, de cette puissance surnaturelle qui vient de Dieu. Pourquoi n’emploierions-nous pas ce moyen surnaturel, quand nous voyons des gens recourir au surnaturel diabolique pour des actes criminels, comme les magiciens, dans ces histoires de sorcellerie au fond desquelles il y a sans doute beaucoup de mensonges et de jongleries, mais où se trouve aussi une part de réalité?

Saint Pierre, en prison, dormait entre deux soldats; des gardes se tenaient devant la porte. Un ange se présente et dit à Pierre: « Levez-vous promptement. » Il paraît que cet ange n’aimait pas les gens trop mous, qui agissent lentement. Ce n’était certes pas que l’ange se sentit trop faible et trop impuissant, et il aurait certainement pu produire sur les gardes l’effet de l’opium. Saint Pierre sort donc de prison avec l’ange, incertain de ce qui lui arrivait, croyant rêver.

L’ange l’ayant quitté, Pierre revenu à soi s’écria: « Je sais maintenant que Dieu a envoyé son ange pour me tirer des mains d’Hérode et de l’attente des Juifs: Nunc scio vere quia misit Dominus angelum suum, et eripuit me de manu Herodis, et de omni exspectatione plebis Judaeorum. » L’apôtre se rendit alors à la maison de Marie, mère de Jean surnommé Marc, et là, ayant frappé, une servante qui venait lui ouvrir fut si contente d’entendre sa voix qu’elle courut aussitôt annoncer cette bonne nouvelle, laissant saint Pierre à la porte. Saint Pierre raconta ce qui lui était arrivé. Cependant, il y avait un grand trouble parmi les gardes au sujet de Pierre.

Nous sommes arrivés à un moment des plus solennels de l’histoire de l’Eglise: la dispersion des apôtres va se faire. Quelques-uns avaient fait des voyages dans divers pays, mais en ce moment allait avoir lieu leur dispersion définitive sur tous les points du globe, pour répandre la vérité. Mais, avant de se séparer, la tradition rapporte qu’ils voulurent laisser un monument de leur foi, et composèrent le Symbole que les protestants ont attaqué avec acharnement, ce dont il ne faut pas s’étonner, puisque c’est ici le premier monument de la tradition. Ce Symbole, confié à la mémoire des fidèles, a pu subir, quant à la forme, certaines altérations, par le changement de quelques mots sans importance ou par l’introduction de quelques nuances, mais, quant au sens, rien n’a été ajouté ou retranché. C’est toujours la même doctrine des apôtres; mais les protestants veulent que ces petits changements, ces nuances aient apporté quelque modification à la croyance.

Pour nous, catholiques, nous devons savoir que la doctrine n’a jamais varié, qu’elle est absolument la même que celle des apôtres et qu’aucune altération n’a jamais existé. Ce Symbole est aussitôt accepté avec empressement par les fidèles, chanté dans les Eglises jusqu’au Symbole de Nicée qui n’est que le développement de ce Symbole primitif. Il est évident, comme je vous le disais, que c’est un moment solennel pour l’Eglise: les apôtres vont être en proie à la persécution la plus cruelle. Or, vous voyez ce qu’il y a d’admirable dans ces traditions qu’ils nous ont laissées.

La persécution d’Hérode aboutit à une plus grande diffusion de l’Evangile. C’est précisément au moment où Hérode et les Juifs sont furieux contre saint Pierre, au moment où on médite de le faire mourir, qu’il va prendre possession de l’empire romain et s’emparer de Rome même pour en faire sa capitale. Nous n’avons pas à discuter si saint Pierre s’est rendu, ou non, directement de Jérusalem à Rome; le fait est qu’il ne tarda pas à y venir. En attendant, chaque fois qu’il rencontre dans les villes qu’il évangélise des personnages assez pieux et instruits, il les met à la tête des nouvelles chrétientés, qu’ils soient Juifs ou étrangers.

Quant à Hérode, il croyait avoir triomphé: il était sans doute un peu vexé de ce que saint Pierre lui eût échappé, mais on n’en parlait plus. C’était, pensait-il, un de ces étrangers dont le métier est de troubler la paix dans les villes; on n’a qu’à faire jouer la police et ils ne reparaissent plus. Hérode Agrippa était en ce moment irrité contre les Tyriens et les Sidoniens; et ceux-ci étaient venus lui demander la paix. Josèphe rapporte qu’alors apparut le hibou annoncé par l’augure. Quoi qu’il en soit, Hérode siégeait en habits royaux sur son tribunal et haranguait ces peuples, car il paraît qu’il ne parlait pas mal. Le peuple de son côté applaudissait en criant: « C’est le langage d’un dieu et non d’un homme. » Hérode ne se fâcha point de ces acclamations impies, car il avait été élevé à l’école de Caligula qui avait fait ce beau raisonnement: Les gens qui conduisent des moutons ne sont pas des moutons; ceux qui conduisent des boeufs ne sont pas des boeufs; donc pareillement, ceux qui conduisent des hommes ne sont pas des hommes, mais des dieux. En conséquence, Hérode, lui aussi, pouvait bien se croire Dieu; mais aussitôt un ange le frappa en punition de ce qu’il n’avait pas rendu gloire à Dieu: eo quod non dedisset gloriam Deo, et il expira mangé des vers.

Il est bon d’observer la quantité de gens qui sont morts de la même manière pour avoir blasphémé contre Dieu, comme Antiochus Epiphane, Hérode Agrippa et plus tard Galerius vers la fin des persécutions.

Mais ce qu’il importe encore plus de remarquer, c’est le ministère de ces deux anges dont l’un vient de délivrer saint Pierre et l’autre de frapper Agrippa. Saint Pierre est un pauvre homme dont l’âme a été douée d’une force étonnante par le Saint-Esprit qui est venu se reposer sur son coeur. Dieu permet qu’il soit persécuté, il semble même qu’il soit sur le point de disparaître, mais bientôt le roi qui devait le mettre à mort est frappé lui- même et meurt honteusement, lui qui se préparait à introduire une statue de Jupiter Caligula dans le Temple de Jérusalem, qui avait entouré cette cité d’une nouvelle enceinte, élevé des temples admirables et construit un théâtre magnifique. Au moment où sa puissance arrivait à son comble, il tombe frappé par la main de Dieu, ou plutôt par la main de l’ange exterminateur, et force le peuple, qui applaudissait quelque temps auparavant à son éloquence proclamée divine, à reconnaître qu’il n’est qu’un peu de poussière.

C’est là, mes chers enfants, l’histoire de tous les temps, ce qui ne veut pas dire que tous les persécuteurs soient morts mangés par les vers; mais presque tous les persécuteurs ont eu dès cette vie à subir un châtiment d’autant plus honteux que la persécution avait été plus cruelle et plus tyrannique. Si nous examinons l’histoire de l’Eglise dans les derniers temps, nous serons frappés de la manière dont il a plu à Dieu de renouveler ce châtiment.

Et certes, ce secours divin était bien nécessaire: après saint Jacques, si saint Pierre est livré à la main du bourreau, que deviendra l’Eglise? Assurément, l’Eglise n’a rien à craindre, elle a pour la protéger contre ses ennemis ce que d’autres appelleront une force morale, ce que nous, chrétiens, nous appelons une force divine; de sorte que les persécutions ne servent qu’à l’exercice de la foi et de l’espérance des chrétiens.

Pour peu qu’on parcoure les annales de l’Eglise, on reconnaît constamment l’accomplissement de cette loi. Cette puissance morale, divine, commence avec saint Pierre et se poursuit sous le règne de tous les Papes qui sont morts martyrs, ou qui, persécutés, ont été obligés de se cacher dans les Catacombes. Rien de plus admirable que cette continuité de l’assistance du Saint-Esprit. C’est ce pouvoir, c’est cette force qui a assisté les premiers Papes martyrs, qui a assisté saint Grégoire le Grand pour l’aider, par la sagesse de son gouvernement, à renouveler complètement l’empire romain; c’est cette force qui a assisté saint Grégoire VII lorsqu’il combattait les vices des grands; je pourrais citer encore Clément XIV, Pie VI prisonnier a Valence. Quand il fut mort, on porta ses insignes, sa tiare, sa croix, etc., au cabinet du Directoire français. La Papauté est morte, s’empressait-on de s’écrier de toutes parts, et déjà pourtant la Russie schismatique protégeait l’élection de Pie VII qui sera lui-même prisonnier. Bien plus, en l’année 1801, quand était conclu le Concordat, Napoléon écrivait ces Paroles à Cabanis, médecin matérialiste: « C’est la vaccine de la religion que je signe, dans quarante ans il n’y en aura plus. »

Pour finir, voyez aujourd’hui cette question du pouvoir temporel, qui cependant, comme je vous l’ai dit, n’est pas un dogme, mais un fait qui repose sur un dogme, selon l’expression de Mgr Gerbet; voyez, dis-je, comme cette question passionne le monde chrétien, comme ce pouvoir temporel est défendu avec zèle et dévouement par de généreux enfants de l’Eglise.

Certes, s’il y a eu des châtiments, il faut bien reconnaître que certains rois les avaient quelque peu mérités, témoin ce Joseph II que Frédéric appelait mon frère le sacristain qui se mêlait de régler jusqu’à la manière dont les religieux devaient chanter l’office. Voyez aussi cette Autriche si puissante autrefois et qui, un moment, a pu passer pour l’épée de l’Eglise, pourquoi est-elle maintenant si faible et si humiliée? Pourquoi tant de royaumes déchus, tant de rois renversés, sinon parce que, selon la parole de l’ange, ils n’ont pas rendu louange à Dieu?

Souvenons-nous donc, mes chers enfants, de cette nécessité, reconnue par l’expérience de tous les siècles, de nous appuyer avant tout sur la puissance divine qui assiste l’Eglise, qui rend la Chaire de saint Pierre immuable, et qui seule peut nous procurer une bienheureuse éternité.

Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum