OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • SECONDE CONFERENCE DONNEE LE 6 NOVEMBRE 1870.
    SENTIMENT DE LA PERFECTION
  • Prêtre et Apôtre, IX, n° 106, décembre 1927, p. 358-362.
  • DA 43; CN 1; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 ABJECTION
    1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACTE DE PERFECTION
    1 ADORATION
    1 AFFRANCHISSEMENT SPIRITUEL
    1 AMBITION
    1 AME EPOUSE DE JESUS CHRIST
    1 AMOUR DE LA VERITE A L'ASSOMPTION
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 AMOUR DU CHRIST A L'ASSOMPTION
    1 AMOUR-PROPRE
    1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 APPRECIATION DES DONS DE DIEU
    1 AUGUSTIN
    1 BAPTEME
    1 BIEN SUPREME
    1 BONHEUR
    1 CACHET DE L'ASSOMPTION
    1 CAPRICE
    1 CARACTERE
    1 ABAISSEMENT
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 CIEL
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 CONVERSATIONS
    1 CONVERSIONS
    1 COUVENT
    1 CREATURES
    1 CRITERES D'ADMISSION AU POSTULAT
    1 CROIX DU CHRETIEN
    1 CRUCIFIX
    1 DEFAUT DOMINANT
    1 DEFECTIONS DE RELIGIEUX
    1 DEMARCHE DE L'AME VERS DIEU
    1 DEPASSEMENT DE SOI
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DEVOTION A JESUS CRUCIFIE
    1 DIEU
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 DON DE CRAINTE
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 EGOISME
    1 ENFANTS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENVIE
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ESPRIT D'OUVERTURE A L'ASSOMPTION
    1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
    1 ESPRIT DE L'ASSOMPTION
    1 ESPRIT ETROIT
    1 ESPRIT FAUX
    1 ESPRIT GENEREUX A L'ASSOMPTION
    1 ESPRIT SURNATUREL A L'ASSOMPTION
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FAIBLESSES
    1 FAUTE D'HABITUDE
    1 FOI
    1 FOLIE DE LA CROIX
    1 FONDEMENTS DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 FORMATION A LA VIE RELIGIEUSE
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 HABITUDE PSYCHOLOGIQUE
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 HUMILITE
    1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
    1 IDEES DU MONDE
    1 ILLUSIONS
    1 INGRATITUDE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 JOUISSANCE DE DIEU
    1 LACHETE
    1 LEGERETE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MAITRESSE DES NOVICES
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MANQUE DE FOI
    1 MANQUEMENTS A LA VIE RELIGIEUSE
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 NEGLIGENCE
    1 NOTRE RAISON D'ETRE
    1 OPPORTUNISME
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL
    1 ORGUEIL DE LA VIE
    1 PARESSE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PERE SOURCE DE LA FOI
    1 PERFECTION
    1 PIETE
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PROPTER AMOREM DOMINI NOSTRI JESU CHRISTI
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 PURETE D'INTENTION
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RECHERCHE DE DIEU
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RECHERCHE INTERIEURE
    1 RECREATIONS DES RELIGIEUX
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 REGNE DE VERITE
    1 RELIGIEUSES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REPOS DU RELIGIEUX
    1 RESPECT HUMAIN
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SAINTETE
    1 SCANDALE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUVERAINETE DIVINE
    1 SPIRITUALITE CHRISTOCENTRIQUE
    1 SPIRITUALITE DU RELIGIEUX
    1 SUFFISANCE
    1 SUPERIEURE
    1 SURVEILLANCE PAR LE SUPERIEUR
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
    1 TOLERANCE
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 TRISTESSE
    1 TYPES DE VIE RELIGIEUSE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 UNION DES COEURS
    1 VANITE
    1 VICTOIRE SUR SOI-MEME
    1 VIE DE SILENCE
    1 VIE HUMAINE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VIGILANCE
    1 VISION BEATIFIQUE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 VOIE UNITIVE
    1 VOLONTE PROPRE
    1 ZELE POUR LE ROYAUME
    2 ADAM
    2 EVE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 MARC, SAINT
    2 MATTHIEU, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 RANCE, ABBE DE
    2 SIMPLICIANUS
    2 THERESE, SAINTE
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
  • Religieuses de l'Assomption
  • 6 novembre 1870
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’Auteur. -Le terme de la vie surnaturelle est donc l’union à Dieu, la possession immuable de Dieu: union et possession qui seront d’autant plus grandes que nous serons plus parfaits. Secutio Dei beatitatis appetitus est, consecutio autem ipsa beatitas. (S. AUGUSTIN, De moribus Ecclesiae catholicae, c. IX, 18.) Or, nous nous trouvons devant trois questions:

Quels sont les obstacles à la perfection?

Que faut-il faire pour devenir parfait?

Dans quel esprit faut-il prendre les moyens d’arriver à la perfection?

[Soit les] obstacles à la perfection, ses moyens, son esprit.

I. Les obstacles à la perfection

La vie du monde. Combien pénètre-t-elle dans les couvents?

Les sentiments personnels. Telle qui s’occupe peu des idées des autres a ses idées personnelles; son orgueil l’y entretient et elle y reste.

Notre être corrompu, nos défauts dominants, nos habitudes.

II. Les moyens de perfection

L’horreur des idées humaines en face des principes de la vraie sainteté.

La haine de soi-même; lutte contre la personnalité.

L’humiliation.

L’amour de la croix.

III. Esprit de la perfection(1)

Jésus-Christ dit: Estote ergo vos perfecti:

Comme créature de Dieu, pour lui, pour sa gloire, comme sa propriété.

Comme son image.

Comme ses enfants.

Comme ses épouses: sentiment de la perfection qui pousse sans cesse à une perfection plus grande.

Texte sténographié de la Conférence

Mes Soeurs,

Nous avons vu dans notre dernière conférence que le terme de la vie surnaturelle est notre union à Dieu, la possession éternelle, immuable de Dieu; possession qui sera d’autant plus grande que nous serons plus parfaits. Nous ne posséderons pas ainsi Dieu sur la terre, mais nous ne l’aurons au ciel que si nous l’avons cherché ici-bas. Saint Augustin dit admirablement que, poursuivre Dieu, c’est avoir le désir du bonheur: Secutio Dei beatitatis appetitus est. (De moribus Ecclesiae catholicae, IX, 18.) Vous ne serez heureuses, mes Soeurs, que si vous poursuivez le but le plus haut; votre béatitude sera en raison de la grandeur de votre aspiration.

Remarquez que cette soif de bonheur est innée chez tous les hommes. Tous cherchent le bien sur terre et ce désir, surnaturalisé, devient la vertu d’espérance, dont le terme est Dieu. Nous aspirons à lui en aspirant au bonheur, et c’est pourquoi il y a dans la vertu d’espérance un germe de charité, imparfaite sans doute, mais qui existe réellement. Saint Thomas dit (Sum. theol., Ia-IIae, q. 1, art. 7) que tous les êtres ne poursuivent pas le véritable bien; tous en ont l’intention, mais l’erreur consiste à mettre le bonheur là où il n’est pas. Vous nous avez faits pour vous, ô mon Dieu, s’écrie saint Augustin. (Confess., l. I, c. 1.) De là cette soif qui consume, cette inquiétude qui dévore et qui durera tant que nous vivrons, car nous ne pouvons vivre sans Dieu ici-bas. Et pourtant, malgré cette aspiration impérieuse de notre âme, de nous-mêmes nous ne sommes pas capables de tendre vers le souverain bien, pas plus que nous ne sommes naturellement capables de demander ce qui convient à notre âme. Nous ne savons pas nous y prendre dès qu’il faut poser le pied sur le seuil du surnaturel.

Saint Augustin fait observer pourtant que de l’ordre naturel nous nous élevons à l’ordre surnaturel: Inchoatio es quaedam fidei (De diversis quaestionibus ad Simplicianum, l. I, q. II, n. 2), et saint Thomas explique comment ce désir intime de notre être nous pousse vers la foi, parce qu’il contient comme un germe de cette vertu. Quand la foi est semée dans notre âme, elle grandit, et, à son tour, elle contient un commencement de gloire. Inquoatio quaedam gloriae. (Sum. theol.., IIa-IIae, q. IV, a. 1.) Ainsi, dans l’ordre naturel: désir du bonheur et commencement de la foi; dans la foi: commencement de la gloire; puis viendra l’éternité avec le rejaillissement entier de la gloire, l’union consommée en Dieu. Et vous savez, mes Soeurs, qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du Père céleste: In domo Patris mei mansiones multae sunt (Joan. IV, 2), et que dans le ciel les différents degrés de gloire correspondront aux différents degrés de foi que les élus auront possédés sur la terre. Saint Augustin nomme excellemment cette aspiration divine de l’homme la poursuite de Dieu, secutio Dei. C’est là notre oeuvre sur la terre, le rassasiement de nos besoins: Toujours chercher, tendre vers le bien suprême. Le jour où nous l’atteindrons, et ce sera celui de l’éternité, notre bonheur sera parfait. La prise de possession entière de Dieu, voilà le ciel. Pars mea Deus in aeternum. (Ps. LXXII, 25).

Or, devant ce besoin de perfection qui réalise notre bonheur, trois questions surgissent. Nous sommes faits pour travailler à notre bonheur, nous posséderons Dieu par la perfection; mais ce moyen qui nous est proposé, comment le saisirons-nous? En un mot:

Quels sont les obstacles qui s’opposent à la perfection?

Que faut-il faire pour devenir parfaits?

Dans quel esprit faut-il prendre les moyens d’arriver à la perfection?

I. Obstacles à la perfection

1° Le premier obstacle à la perfection, c’est la vie du monde. Oui, mes Soeurs, quelque bien gardée que soit une communauté, l’esprit du monde s’y introduit. De même que, malgré les vitres et les volets bien fermés, la poussière du dehors entre et souille nos appartements, de même, malgré les mille précautions dont la vie religieuse est entourée, la poussière du monde pénètre, les idées du monde se font passage, et leur influence peut tout corrompre. Jésus-Christ l’a dit: Vae mundo a scandalis. (Matth. XVIII, 7.) Et qu’est-ce que ce monde dont je veux parler? Je ne saurais mieux l’expliquer qu’en répétant la définition que je vous ai déjà donnée: Le monde, c’est l’ensemble d’idées et de moeurs opposées aux préceptes de Jésus-Christ, aux moeurs qu’il nous commande. Si le monde n’était pas coupable, s’il n’était pas ennemi de Jésus-Christ, pourquoi celui-ci aurait-il dit: Vae mundo (Matth. XVIII, 7); Non pro mundo rogo (Joan. XVII, 9); In mundo pressuram habebitis, sed confidite, ego vici mundum. (Joan. XVI, 33.)

Il faut donc le reconnaître, il arrive que, dans les communautés, l’esprit du monde se glisse. Sans doute, saint Paul a dit: Omnibus omnia factus sum, ut omnes facerem salvos (I Cor. IX, 2), et saint Ignace: « Qu’il faut entrer par la porte des gens pour les faire sortir par la nôtre. » On a fait des concessions pour gagner des âmes à Jésus-Christ, pour obtenir la conversion des Chinois, et c’est une grande question pour moi de savoir si elles ont été profitables. Mon opinion très arrêtée est que, si, depuis trois cents ans, les concessions qu’on a faites dans un excellent but ont eu aussi celui d’amener la Révolution, de même, malgré les malheurs qui accablent la société -et je ne parle pas seulement de ceux d’aujourd’hui, mais de tous ceux qui, depuis plus de deux siècles, bouleversent la société européenne, -quelque chose se relève, Dieu construit un édifice nouveau au milieu de ces ruines, et les chrétiens doivent profiter de cette rénovation pour relever l’esprit chrétien. Reste à savoir quelle mesure il faut apporter dans cette rénovation, quand et dans quel moment il faut être condescendant, quand il faut être rigoureux. Toujours est-il que je sais que les couvents se perdent par les concessions. On dira que quelques-une sont nécessaires, que la charité l’exige. Sans doute, par ce motif si grand de la charité, il faut en accepter quelques-unes: mais prenez garde, il y a toujours un danger, il peut y avoir souvent une grave illusion. Si la concession est faite par charité, c’est bien, et le résultat peut être profitable; mais si elle est faite par lâcheté, le fruit en sera détestable. Examinez, mes Soeurs, par quel mobile vous faites vos concessions: près des enfants, avec les personnes du monde, les une avec les autres. A la lumière de la foi, regardez ce que vous faites et pourquoi vous le faites. « Ne me suis- je pas laissé entraîner? Au parloir, ai-je accepté telle idée mondaine, telle manière devoir en opposition avec l’esprit de Jésus-Christ? Ai-je laissé mon jugement se former sur l’esprit du monde? Ai-je toléré tel usage, telle toilette pour les enfants, que sais-je?

Examinez quel a été le motif de votre concession. Est-ce le respect humain auquel une religieuse même ne laisse pas d’être soumise? Ou bien est-ce pour la gloire de Dieu et par le désir d’accorder un peu pour obtenir beaucoup? Et dans vos relations avec les Soeurs, rendez-vous compte aussi du principe qui vous fait céder. Si c’est par bon caractère, pour éviter les discussions, avant tout pour ne pas passer pour une religieuse personnelle, c’est l’esprit de Jésus-Christ qui vous anime. Mais si l’on cède par faiblesse, par relâchement, pour plaire à telle ou telle et devenir une Soeur facile aux confidences, voilà l’esprit du monde. Mes Soeurs, où cela s’arrêtera-t-il? (Citations de quelques exemples.) Voyez-vous, les concessions entraînent, c’est un torrent qui mène à l’abîme.

2° Le second obstacle à la perfection, ce sont les sentiments personnels. Le monde dit faux, mes Soeurs, en prétendant que la vie religieuse resserre le coeur. La vraie vie religieuse, au contraire, le dilate; mais la personnalité peut devenir un grand écueil pour les âmes. Prenez une personne qui, après avoir fait des sacrifices à Dieu, se réfugie dans sa règle comme dans une caverne, qui s’est courbée d’une façon un peu raide sous le joug de la discipline, qui considère ses Supérieures avec une certaine hauteur; ajoutez à tout cela un petit amour de la domination, ou bien un petit amour de l’indépendance -quelquefois, c’est l’un ou l’autre; quelquefois, ces deux sentiments sont parallèles. Cette petite ou cette grande religieuse, comme vous voudrez, est personnelle. « Arrangeons-nous pour nous mettre à l’aise », c’est là sa formule; ou bien: « Ce que nous voulons, c’est là ce qui est bon »; en un mot, elle rapporte tout à sa chère petite personne. Mettez quatre Soeurs de cette sorte avec des personnalités diverses, tristes, gaies, brouillonnes, sans ordre, dans un couvent, il y a de quoi ruiner une communauté.

Ici, je me permettrai une petite digression pour dire à notre Mère générale et à toutes celles qui sont appelées à donner leur voix, de ne pas admettre trop facilement dans la Congrégation les sujets d’un certain âge. Ce sont des filles excellentes, pieuses, mystiques, nourries de sainte Thérèse, mais avec leurs habitudes prises dans le monde, ce sont de petites personnalités. Voyez- vous, elles sont à elles-mêmes tout un couvent. Elles sont supérieure, maîtresse des novices économe, dépensière, réfectorière, etc., que sais-je? Elles cumulent toutes les charges, tous les emplois.

C’est un très grand inconvénient pour la vie religieuse, où la personnalité doit être broyée dans la vie commune, et c’est pour ce motif que l’Eglise, aujourd’hui, n’encourage pas les ermites et qu’elle pousse à la vie cénobitique.

Dans une Congrégation religieuse, il faut deux choses: une certaine vie personnelle et, en plus, l’esprit général de Jésus-Christ. La perfection est d’unir les deux. Quand la vie personnelle prend le dessus, il y a chute. Quant à l’esprit propre, il faut l’anéantir; sans quoi, nous verrons cet esprit gagner, et si vous me donnez vingt ou vingt-cinq Soeurs personnelles, c’est la pulvérisation, la dissolution de votre Congrégation.

Il est vrai, cependant, qu’on peut être soi dans une certaine mesure. Saint Vincent de Paul, saint François de Sales, les Trappistines, les Carmélites, etc., chacun et chacune a sa couleur propre. Il y a aussi certains attraits que les Supérieures peuvent encourager.

Par exemple, l’attrait de l’enseignement et celui de l’adoration. Ce sont des choses toutes différentes et dont on peut tenir compte, bien que le meilleur serait d’unir les deux, puisqu’en cela consiste l’esprit de l’Assomption. Mais une personnalité qui nous rendrait un centre à nous- même, c’est abominable. Mes Soeurs, examinez donc sur ce point ce qui vous empêche d’être saintes.

3° Un troisième obstacle se trouve dans notre double situation de péché: a) la corruption de notre être. Nous sommes filles d’Adam et d’Eve, et notre personnalité est corrompue. Malgré votre Baptême et vos voeux, malgré votre vocation, vous demeurez filles de colère par nature, filii irae (Eph.. II, 3.) Le mal né avec nous renaît incessamment en nous: nous en portons le foyer qui se rallume toujours, fames peccati, la racine qui revit toujours. Voilà la situation.

b) Les défauts acquis. Une religieuse est entrée au couvent. Bonne fille, elle a été un peu va comme je te pousse. Un petit défaut, à peine visible pendant le temps de sa probation, a imperceptiblement, modestement grandi. Vient le moment des voeux. On n’y a pas pris garde: la petite blessure a creusé et est devenue une plaie. Appelez ce défaut comme il vous plaira: orgueil, jalousie, susceptibilité, paresse, sévérité de jugement. La Maîtresse de novices n’y a pas fait attention, on n’a pas labouré le pauvre coeur, et la plante était semée; elle paraît, elle grandit, l’habitude est prise, et les voeux sont faits. Il est trop tard pour y porter remède, et cet exemple pourra détruire toute une communauté. Cette religieuse se posera en victime. Toute Soeur qui a des défauts se pose en victime. Elle n’a que des larmes de compassion pour ses défauts. Comment les Supérieures feront-elles des observations à une Soeur qui fond en larmes à chaque mot qu’on lui dit. Le défaut grandit tous les jours. En peut-il être autrement? C’est une plante arrosée à chaque instant par les larmes d’une sainte, et qui n’est au fond qu’une personne très désagréable. Les Supérieures sont obligées de tolérer, d’user de condescendance, et l’influence a gagné, et les murmures s’élèvent. « Pourquoi me dirait-on à moi ce que ma Soeur une telle ne peut supporter? On ne me passe, rien à moi. » Quel embarras pour des Supérieures qui ne savent s’il faut user de ménagements ou agir vigoureusement, ni quelle est l’opportunité, le moment voulu pour l’extirpation de l’ivraie et du bon grain! Grand embarras pour les Supérieures! Quelle lumière surnaturelle st nécessaire pour diriger leur conduite! Si on arrache trop tôt, on risque de gâter une vocation; si on arrache trop tard, c’est une vocation perdue. C’est le désespoir des Supérieures.

Voilà, mes Soeurs, quelques-uns des obstacles qui s’opposent à notre union avec Dieu.

II. Moyens d’arriver à la perfection

Voyons maintenant quels sont les moyens qui nous conduisent à la perfection. J’en distingue quatre:

1° Le premier regarde toutes les religieuses en général et vous particulièrement, car l’esprit de l’Assomption le demande. Nous avons notre esprit propre, sui generis, et ce n’est pas un mal après tout d’être de notre espèce, d’avoir notre raison d’être. Eh bien! un des cachets de l’Assomption, c’est d’avoir horreur des idées humaines en face des principes de la vraie sainteté. C’est tout simple. Si vous avez établi fermement les bases de votre vie dans la doctrine de Jésus-Christ, vous détestez les idées qui lui sont opposées. Si vous aimez Jésus-Christ et son Evangile, vous haïssez le monde et son enseignement. Je ne parle pas ici de haïr les personnes, mais les principes. Sur la théorie, il est important de ne pas transiger, parce que vous serez plus ou moins saintes, parce que vous serez plus ou moins inébranlables sur les principes de la sainteté. Posons-nous donc franchement sur ce terrain, établissons que nous condamnons les idées du monde, que nous avons en horreur tout ce qui n’est pas l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ; car, je vous le répète, le monde, c’est l’ensemble d’idées et de moeurs opposées aux préceptes de Jésus-Christ et aux moeurs qu’il nous commande. Il n’y a pas d’apostolat, de propagande, d’action possible sans cela. Libre aux protestants de transiger avec leurs principes, eux qui ne croient qu’à une volonté subjective. Pour nous, qui confessons la vérité, Jésus-Christ, nous savons qu’il y a des principes qu’il est venu apporter. Si j’aime Jésus-Christ, je dois aimer sa doctrine. Mon amour garantit ma foi. Je dois m’attacher à l’Evangile avec ardeur et enthousiasme, et ne jamais admettre on autre enseignement.

Il faut donc, mes Soeurs, s’enfoncer chaque jour de plus en plus dans la vérité des principes de foi, en opposition à l’esprit du monde. Votre vie doit être tout entière basée sur un principe de foi. Plus l’amour est profond, plus l’application en sera énergique. Une religieuse de l’Assomption est appelée à faire beaucoup pour entrer dans ces idées surnaturelles, et ce n’est autre chose que détester le mensonge et aimer la vérité. Saint Thomas dit quelque part dans sa Somme: Aimer la vérité, c’est haïr le monde.

2° La seconde condition pour arriver à la perfection, c’est la haine de soi- même: Nemo enim umquam carnem suam odio habuit. (Eph. V, 29.) Cependant, Jésus-Christ a dit: Qui odit animam suam in hoc mundo, in vitam aeternam custodit eam. (Joan. XII, 25.) Oui,mes Soeurs, il faut croire que nous sommes détestables; il faut nous haïr, c’est-à=dire haïr en nous ce qui est corrompu, notre personnalité de péché. Une religieuse ne doit jamais avoir un instant de repos, excepté quand Jésus-Christ dit: Venite seorsum in desertum locum et requiescite pusillum. (Marc. VI, 31) C’est le temps de la retraite; alors le repos est permis. Il y a aussi le temps de la récréation. Mais ne croyez pas que ce soit un moment de repos dans la lutte contre nous-mêmes; au contraire, il faut avoir l’oeil sur soi, car facilement en récréation la personnalité perce. Sans doute, on fait bien de vous permettre de parler ensemble, mais M. de Rancé savait ce qui faisait aussi en défendant toute conversation à ses moines, pour empêcher l’affirmation de la personnalité. L’avantage sera au moins que le prochain ne souffrira pas; mais mettez dans une récréation une religieuse bien aimable, bien spirituelle et bien personnelle surtout, que ne fera-t-elle pas souffrir à ses soeurs? Cela ne se passe pas à l’Assomption, mes Soeurs; mais ce vice existe, je l’ai vu dans d’autres couvents: mais ce vice existe, je l’ai vu dans d’autres couvents. Il faut donc combattre la personnalité dans les récréations.

Il faut la combattre dans le choix des emplois. Ici, que d’imperfections se glissent! On a ses goûts, ses préférences, et cela sous de beaux prétextes, peut-être même celui de l’humilité. Ayez donc horreur de vous-mêmes, faites abstraction de votre personnalité, du moi pour vous perdre en Dieu. C’est là le meilleur moyen de triompher. Mais dans quelle mesure faut-il faire cette guerre à soi? Mes Soeurs, s’il est un cachet distinctif à l’Assomption, c’est celui-ci, faire bon marché de soi. A l’Assomption, toute personnalité doit s’effacer, et si une Soeur, en s’examinant, remarquait qu’elle ne porte pas en elle ce caractère, elle devrait se dire: il me manque quelque chose de l’esprit de mon Institut, je ne suis pas entièrement religieuse de l’Assomption.

3° Le troisième moyen, mes Soeurs, M. de Rancé l’indique dans une centaine de pages de ses oeuvres consacrées à prouver l’obligation où sont les Supérieurs d’humilier leurs religieux. Eh bien! puisque c’est une nécessité, évitez cette peine à vos Supérieures, allez de vous-mêmes au- devant de l’humiliation. Est-ce trop demander à des filles qui ont l’honneur de dire chaque jour: Bonum mihi (Ps. CXVIII, 71), et encore: Priusquam humiliarer ego deliqui. (Ps. CXVIII, 17.) Remarquez le texte: vous ne faites plus de fautes quand vous êtes humiliées, et encore: ut discam justificationes tuas. (Ps. CXVIII, 71.) L’humiliation nous donne la condition de la vraie science. Que voulez- vous de plus? N’est-ce pas tout bien renfermé dans celui de l’humiliation? Humiliez-vous donc, les choses en iront bien mieux. Croyez qu’il est plus pénible d’humilier que d’être humilié, car vous faites bien l’honneur à vos Supérieures de penser qu’elles agissent en esprit de foi. Evitez-leur donc cette peine, rendez inutiles les cent pages de M. de Rancé, désirez ce bien suprême de l’humiliation comme le moyen le plus vrai,le plus sûr d’arriver au terme de la perfection.

Et qu’est-ce qui en résultera d’abord? La nature corrompue sera mise à sa place, on la cachera sous l’humiliation. Mais en quoi devez-vous surtout la rechercher? En quoi consistera-t-elle? Dans l’acceptation de la manifestation de vos défauts d’abord, des paroles désagréables, l’accusation de fautes que vous n’avez pas commises. Encore je vous avoue, mes Soeurs, qu’il est plus pénible de recevoir une observation méritée qu’un reproche non fondé. Ce que nous n’avons pas fait ne nous touche guère. Mais une accusation vraie, qui met le doigt sur la plaie, qui révèle la lâcheté et la corruption de notre nature, est bien dure à notre orgueil.

Voilà les moyens fondamentaux de la perfection, et nous en avons besoin: Ecce in iniquitatibus conceptus sum (Ps. L, 7.) S’il est vrai que nous sommes conçus dans l’iniquité, nous avons dès là besoin d’être corrigés. Il faut que nous portions la honte de nos crimes, que la représentation de toutes nos iniquités, de nos ingratitudes, et nos révoltes, de nos chutes soit constamment devant nos yeux. Peccatum meum contra me est semper. (Ps. L, 5.)

4° Enfin, mes Soeurs, et c’est la dernière condition que nous expliquerons aujourd’hui, nous trouverons notre perfection dans L’amour de la croix. Notre-Seigneur veut que nous luttions, et le grand moyen sera par la croix. Je distingue deux espèces de croix: le Crucifix que vous avez reçu à votre vêture, la croix intérieure que vous portez gravée au fond de votre coeur. Mettez celle-ci dans toute vos actions comme le signe de Jésus-Christ. C’est l’esprit grand et large de l’Assomption, de remonter tout droit à la source, de puiser aux moyens évangéliques. Ne cherchez pas autre chose, pas même les moyens des saints; prenez les moyens de Jésus-Christ, prenez l’amour constant de la croix, la mort incessante à vous-mêmes, le goût de la souffrance, des peines, des ennuis, des épreuves qui se rencontrent dans toute vie chrétienne, et surtout dans toute vie religieuse. Embrassez l’amour de la croix autant que vous en êtes capables. Ayez-en le culte, pénétrez profondément dans son mystère: Non enim judicavi me scire aliquid inter vos, nisi Jesum Christum et hunc crucifixum* (Cor. II, 2.) Jésus crucifié, la croix, mais la croix avec Jésus. Celle que nous porterons correspond à la sienne, et si c’est par la croix que le monde a été sauvé je puis aussi dire en toute vérité que c’est par la croix que le monde est sanctifié.

Toute sainteté est là, et je ne puis vous donner de meilleur conseil que de vous dire: Marchez toujours, et toujours par la croix.

Notes et post-scriptum
1. En réalité, cette troisième partie de la seconde conférence fait l'objet de la troisième conférence.