OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • TROISIEME CONFERENCE DONNEE LE 7 NOVEMBRE 1870.
    ESPRIT DE LA PERFECTION
  • Prêtre et Apôtre, X, n° 107, janvier 1928, p. 13-17.
  • DA 43; CN 1; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 ABANDON A LA MISERICORDE DE DIEU
    1 ACTE DE CREATION
    1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 ACTION DE GRACES
    1 ADORATION
    1 AME SUJET DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AUGUSTIN
    1 BAPTEME
    1 CHAIR
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 CIEL
    1 CONNAISSANCE DE DIEU
    1 CREATEUR
    1 CREATION
    1 CREATURES
    1 DEFENSE DES DROITS DE DIEU
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 ENFANTS DE DIEU
    1 ESPECE HUMAINE
    1 ESPRIT DE L'ASSOMPTION
    1 ETUDE DES MYSTERES DE JESUS CHRIST
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE DIEU
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 GRACES
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
    1 IMITATION DE DIEU
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 JOUISSANCE DE DIEU
    1 LOUANGE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MYSTIQUE
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PAGANISME
    1 PAUVRETE SPIRITUELLE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PERE SOURCE DE LA FOI
    1 PERFECTION
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PROVIDENCE
    1 PURIFICATION
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RECHERCHE DE DIEU
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DU COEUR
    1 REGLES DES RELIGIEUX
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENOUVELLEMENT
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SAINTETE
    1 SENTIMENT DES DROITS DE DIEU
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUMISSION SPIRITUELLE A JESUS-CHRIST
    1 SOUVERAINETE DIVINE
    1 SPIRITUALITE DU RELIGIEUX
    1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
    1 THEOLOGIE DE SAINT AUGUSTIN
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VIE CONTEMPLATIVE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOCATION
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOIE UNITIVE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    1 ZELE POUR LE ROYAUME
    2 ADAM
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 LEON I LE GRAND, SAINT
    2 MATTHIEU, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 PROCUSTE
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
    3 LORRAINE
  • Religieuses de l'Assomption
  • 7 novembre 1870
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’Auteur. -Nous devons être parfaits:

1° En tant que créatures de Dieu. Et erant valde bona. (Gen. I, 31.)

2° En tant qu’images de Dieu. Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. (Gen. I, 26.)

3° En tant qu’enfants de Dieu. Qui autem scrutatur corda, scit quid desideret Spiritus: quia secundum Deum postulat pro sanctis. Scimus autem quoniam diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum, iis qui secundum propositum vocati sunt sancti. Nam quos praescivit, et praedestinavit conformes fieri imaginis Filii sui, ut sit ipse primogenitur in multibus fratribus. Quos autem praedestinavit, hos et vocavit: et quos vocavit, hos et justificavit, quos autem justificavit, illos et glorificavit. (Rom. VIII, 27-30.)

4° En tant qu’amis de Jésus-Christ. Jam non dicam vos servos, quia servus nescit quid faciat dominus ejus. Vos autem dixi amicos. (Joan. XV, 15.)

5° A cause de la vocation particulière.

6° A cause de l’attrait spécial.

Haec est perfectorum vera justitia, ut numquam praesumant se esse perfectos, ne abitineris nondum finiti intentione cessantes, ibi incidant deficiendi periculum, ubi proficiendi deposuerint appetitum. (S. Leo, De quadragesima II, c. 1.)

Texte sténographié de la Conférence

Mes soeurs,

Je commence par vous dire que je vous engage fort à lire quatre ou cinq fois les Confessions de saint Augustin. Pourquoi ne le feriez-vous pas? Saint François de Sales a bien porté pendant sept ans le Combat spirituel dans sa poche et il en a tiré un grand profit. Dans les Confessions, vous trouverez une douce philosophie. Je ne dis pas que vous ne soyez capables de porter un enseignement viril, mais enfin il est généralement reconnu que les hommes arrivent plus facilement par l’intelligence à la connaissance de la vérité et les femmes par l’amour. Or, saint Augustin conduit merveilleusement par cette voie du coeur aux plus sublimes hauteurs de l’esprit. Je vais donc vous lire le passage magnifique de son invocation à la vérité, à cette vérité que nous cherchons aussi: O vérité, quand as-tu cessé de cheminer avec moi, pour m’enseigner ce qu’il me fallait rechercher ou éviter, tandis que je le soumettais, autant que faire se pouvait, mes humbles vues et prenais de toi conseil. J’ai parcouru, avec mes sens, dans la mesure où je l’ai pu, le monde extérieur… (Confess., I. X, c. XL, 65.)

Je ne pouvais pas choisir un meilleur préambule au sujet que nous traitons, pour vous pénétrer de l’esprit avec lequel on doit entrer dans la perfection.

Nous considérerons cette question sous quatre points de vue. Nous devons être parfaits:

1° En tant que créatures de Dieu;

2° en tant qu’images de Dieu;

3° en tant qu’enfants de Dieu;

4° en tant q’épouses de Dieu.

1. Nous devons être parfaits en tant que créatures de Dieu.

Mes soeurs, je ne sais si vous vous rendez bien compte de ce bonheur profond qu’éprouvait saint Augustin d’être la créature de Dieu, quand il écrivait cette page éloquente que je vais vous citer tout entière. (Confess. I. XIII, c. 1- iv.)

Voyez comme il envisage la créature. Dieu n’a pas besoin de la création, et, s’il veut nous rendre de plus en plus parfaits, c’est pour que nous puissions lui plaire. C’est là le motif de travailler à notre perfection. Plaire à Dieu, y a-t-il un motif plus grand? Vous pouvez dire: « Je suis la créature de ce Dieu parfait, éternel, immuable, qui se suffit à lui-même, et qui pourtant a voulu me tirer du néant et m’élever au-dessus de la création entière. Je suis sa propriété suprême; il a des droits sur moi; et, s’il les exerce en vue de ma sanctification, c’est pour que je devienne, moi, néant, agréable à ses yeux. »

Mes Soeurs, le grand crime de nos jours, c’est de ne pas sentir la profondeur de ce commandement: « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, tu l’aimeras. » (Deut. VI, 5. 13.) Oui, tu aimeras, mais surtout tu adoreras, parce que c’est le rôle par excellence de la créature. Le psalmiste le change: Domini est terra et plenitude ejus. (Ps. XXIII, 1.) Oui,la terre est au Seigneur et toute louange lui appartient, et le grand crime de l’homme, c’est le défaut d’adoration, le défaut de reconnaissance. Une louange incessante devrait s’élever vers Dieu des lèvres de cet être tiré du néant, et pourtant, dans le concert universel d’adoration qui monte de la terre vers le ciel, sa voix est souvent muette. Chaque créature chante la louange divine, selon le degré qui lui est donné dans l’échelle de la création et vous dites tous les jours: Benedicite omnia opera Domini Domino. (Dan. III, 57.) Les êtres matériels adorent, ils remercient Dieu à leur façon, mais il y a une louange plus particulière qui doit être donnée par les créatures intelligentes. Nous devons dire; « Je vous adore, ô mon Dieu, en vous considérant comme mon Seigneur souverain et comme mon Père; j’éprouve un bonheur qui augmente toujours en me sentant votre propriété. Vous ne pouvez pas mépriser l’ouvrage de vos mains. Opera manuum tuarum ne dispici s. (Ps. CXXXVII, 8.) Quelque imparfaite que je sois, je sens quelque chose qui me pousse à la perfection. »

Les six jours de la creàtion sont l’image du travail de la perfection spirituelle qui doit s’accomplir en nous. Voyez la gradation: les cieux séparés, la lumière, la chaleur produisant les plantes, le règne animal qui couvre la terre, puis enfin le roi de la création, l’homme. De même, vous êtes dans ce monde rempli de ténèbres, une certaine lumière s’y fait, la vie végétale, la vie animale se produisent, puis vient la vie spirituelle. Animalis homo, dit saint Paul. (I Cor. II, 14.) L’homme est charnel, et c’est parce qu’il est descendu si bas qu’il se dit dans le monde tant de choses absurdes. Ce degré de vie grossière convient aux animaux de la création primitive; mais vous êtes religieuses, mes Soeurs, votre vocation est admirable, vous êtes des créatures spirituelles, les créatures de Dieu, la véritable image du second Adam.

Vous êtes appelées à quelque chose de merveilleusement grand. Comme Adam planait au-dessus des choses créées, vous planez au-dessus des oeuvres de Dieu. Quand Dieu creait toutes choses, les plantes, les poissons, les animaux, il disait: « Valde bona. Tout cela est fort bon. »

Et qu’est-ce que tout cela en comparaison de la bonté de l’homme dans sa perfection spirituelle? Voyez comme Dieu vous grandit, quelle place il vous assigne!

II. Nous devons être parfaits en tant qu’images de Dieu.

Mais ce n’est pas seulement comme créatures que nous devons aspirer à la perfection, c’est encore comme images de notre Créateur.

Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. (Gen. I, 26), avait dit le Seigneur. Cela a été le premier travail du Maître: Faciamus. Le péché est venu, il a déformé l’image. Le Baptême l’a reformée une fois et chaque jour elle doit se reformer encore. Chaque jour, je dois me dire: « Comment reformer en moi l’image de Dieu, détruite par le péché? » Ah! que de progrès ferait une religieuse qui, chaque matin, humblement, mais dans l’ardeur de la vérité, se mettrait devant Dieu et dirait: « Seigneur, vous m’avez créée à votre image; cette image, je ne la retrouve plus en moi tant le péché l’a défigurée, mais je dois la restaurer, je dois chaque jour y ajouter quelques traits de votre ressemblance divine. Je suis sortie de vos mains avec le sceau de votre divinité. Par les prévenances de votre grâce, je puis redevenir une créature divine, et chercher à vous reproduire sera le but de ma vie. »

Voilà le travail perpétuel qui s’accomplit en nous, si nous le voulons. Une religieuse qui aurait la dévotion à l’être de Dieu dirait: « Vous êtes l’Etre par excellence, doué de toutes les perfections dans votre unité et votre simplicité. Vous m’avez formée par une effusion de votre être; moi, je veux être votre image, je ne puis pas vous trouver mieux qu’en vous ressemblant et je veux vous atteindre. Adam est tombé, et je ne puis me relever qu’en me rendant de plus en plus semblable à vous. Et comment le pourrai-je? En mettant Jésus-Christ à ma place, ce Fils, votre premier-né, égal à vous, en tout semblable à vous. » Quels sentiments de justice, de bonté, de sincérité, d’amour j’établirais ainsi en moi.

Le panthéisme divinisait l’homme. Certes, c’est une erreur monstrueuse, mais enfin il y avait un fond de vérité dans l’apothéose du paganisme. Tout en restant créature, je dois approcher de Dieu, devenir une créature divinisée par la sainteté de ma vie. Dans l’ordre naturel, je puis atteindre une certaine perfection; dans l’ordre surnaturel, j’ai besoin d’être prévenue. Dieu, apercevant son image ruinée par le péché veut réparer, mais il faudra que j’y coopère. C’est comme après la guerre, en Lorraine, où il y a aujourd’hui tant de dévastations; la paix une fois rétablie, il y aura un double travail à faire pour restaurer ce pays. Le gouvernement, quel qu’il soit, pourvu qu’il soit honnête, prendra des mesures pour réparer les maux de la guerre, et le peuple lorrain lui-même fera un effort pour s’aider à se relever. C’est là le double travail qui se fait dans notre âme. Dieu, qui est le plus puissant des gouvernements, agit en nous, mais il veut que nous fassions quelque chose de notre côté; il exige notre coopération à la réforme de nous-mêmes. Nous avons à réformer en nous la coulpe du péché originel, à regagner notre innocence baptismale perdue, les grâces que Dieu avait communiquées à notre âme au jour de notre prise d’habit et à celui de nos voeux. Tous les jours il y a à faire disparaître les petites déformations qui se produisent. Ah! mes Soeurs, quel travail de perfection on ferait, quel merveilleux résultat on obtiendrait si l’on avait l’oeil toujours fixé sur Dieu!

Mais ici vous me faites une objection: C’est impossible. Pas plus que notre oeil corporel ne peut fixer le soleil, pas plus pouvons-nous avoir constamment le regard arrêté sur l’être de Dieu, le soleil de lumière par excellence. Je vous réponds: Dieu a caché son éclat, et vous pouvez le contempler sous le voile opaque de la sainte humanité de Jésus-Christ.

III. Nous devons être parfaits en tant qu’enfants de Dieu.

Vous n’êtes pas seulement créées à l’image de Dieu, vous êtes les enfants de Dieu. Nous sommes ses enfants adoptifs. Quicumque enim Spiritu Dei aguntur, ii sunt filii Dei. Non enim accepistis spiritum servitutis iterum in timore, sed accepistis Spiritum adoptionis filiorum in quo clamamus: Abba (Pater). (Rom. VIII, 14, 15.) Vous avez reçu le Saint-Esprit par le Baptême, la Confirmation, Spiritum a optionis (Ibid.) pignus Spiritus (II. Cor. I, 22); c’est le gage que nous sommes les enfants de Dieu. Vous êtes donc de la famille divine, vous résidez dans les habitations divines, vous devez avoir des moeurs divines. Etre appelées à un tel honneur, vous crée un devoir, une rigoureuse obligation; il faut atteindre la perfection qu’un tel rang demande. Quel hauteur, mes Soeurs! Quel rejaillissement de gloire tombe sur vous! Vous n’êtes plus seulement filles d’Adam. Nées de l’homme, vous appartenez â Dieu, vous êtes siennes non par nature, mais par grâce d’adoption. Voici le mystère. Ce n’est pas un esprit d’esclavage, de crainte, c’est l’Esprit d’adoption qui vous unit à Dieu: Non enim accepistis, etc.

Tel est ce merveilleux travail par lequel Dieu dit: « Tu es ma fille », comme il a dit de son Verbe: Filius meus es tu ego hodie genui te. (Ps. II, 7.) Et à cause de ce Fils engendré de toute éternité, qui s’est fait homme, qui a voulu devenir ton frère, tu es ma fille. Sois donc digne de ta vocation, car l’Esprit de Dieu rend témoignage à ton esprit: Ipse enim Spiritus testimonium reddit spiritui nostro, quod sumus filii Dei. (Rom VIII, 16.) Voilà ce que fait Dieu: il envoie son Esprit qui rend témoignage. Si vous en doutez, écoutez l’Esprit qui répond dans votre coeur: Dieu aime son Fils avec toi.

A quelle hauteur sommes-nous, mes Soeurs, dans cette parenté de Dieu! Et, après cela, que nous soyons orgueilleuse, susceptibles, gourmandes, etc., c’est abominable. Vous êtes admises dans la vie de famille de l’adorable Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Tout à l’heure vous étiez prosternées dans l’adoration devant l’Etre de Dieu; vous voilà maintenant dans un commerce sacré, dans l’intimité de sa vie, enfants d’adoption du Père céleste. Et pour vous faire monter à cette plénitude de l’être, pour vous introduire dans les merveilles de la Trinité, entendez la parole: Amice, ascende superius (Luc. XIV, 10), monte dans le sein de la Très Sainte Trinité, sur les ailes de l’amour. Je te prends comme l’aigle enlève ses aiglons vers le soleil et les baigne dans les flots de la lumière céleste. Monte avec moi des ténèbres de la terre dans les splendeurs de la lumière, dans les régions de la vie par excellence. Là où la vie coule à pleins bords, je t’invite à venir, mais à une condition: Si autem filii, et haeredes: haeredes quidem Dei, cohaeredes autem Christi: si tamen compatimur. (Rom. VIII, 17.) Oui, si nous avons le courage de souffrir comme Jésus-Christ, avec Jésus-Christ. Nous sommes dans l’abîme, et pour nous relever, pour nous affranchir de la malédiction du péché, il faut la purification de la souffrance. C’est la loi. Le Fils de Dieu a souffert pour arriver à la gloire, Jésus-Christ, l’enfant de Dieu par excellence: Si tamen compatimur, ut et conglorificemur. (Ibid.)

C’est beau, dites-vous, mais je suis incapable. Comment cela se fera-t-il? L’Esprit vient à notre secours, il aide notre infirmité: ;Similiter autem et Spiritus adjuval infirmitatem nostram. (Rom. VIII, 26.) Il faut entreprendre un perpétuel travail, il faut devenir toujours plus spirituelles, laisser tomber les choses de la chair, du temps, de la matière, tendre à l’Esprit qui aide notre infirmité: Spiritus autem adjuvat infirmitatem nostram (Rom. VIII, 26), et encore: Scimus quoniam diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum. (Rom. VIII, 30.) Voilà l’état d’adoption, le mystère. Lisez-le dans saint Paul: il commence dans le Baptême et il se perfectionne tous les jours, si nous laissons faire le Saint-Esprit.

IV. Nous devons être parfaites en tant qu’épouses de Dieu.

Saint Paul parle à tous les chrétiens dans le mystère de l’adoption; tous sont ses fils. Mais voici un titre plus pur, plus beau, qui sépare quelques âmes du reste des hommes pour en faire des anges. « Ils n’ont rien de la chair dans leur chair même », dit saint Augustin. Ils portent leur chair comme un vêtement importun et qui sera l’instrument de leurs épreuves et de leurs triomphes. Voici un mystère plus sublime encore, l’union de l’épouse avec l’Epoux. Saint Paul nous le donne à entendre par ces paroles: Mihi vivere Christus est, et mori lucrum (Philipp., 1, 21.). C’est bien là la vie de l’épouse unie avec lui, elle se jette dans les bras de son Epoux.

Je vous le demande, mes Soeurs, l’Epoux n’a-t-il pas le droit d’exiger la perfection de son épouse? Comprenez-vous la raison des exigences de Jésus- Christ, voyez-vous ses droits suprêmes? Quid enim mihi est in coelo? Et a le quid volui super terram? Defecit caro mea et cor meum: Deus cordis mei et pars mea Deus in aeternum (Ps. LXXII, 25.) Que me demandez-vous que je vous refuse? Est-ce quelque chose au ciel ou sur la terre? Non, mon Dieu, vous êtes ma part: Pers mea. Parce que je suis épouse, ce titre me force de lui ressembler. Il est mon modèle, comme mon frère. Mais l’épouse aspire à quelque chose de plus, quelque chose de plus intime, quand la seconde Personne de la Sainte Trinité s’incline vers elle et lui dit: « Je t’unis à moi pour l’éternité: Sponsabo te mihi in sempiternum. (Os. II, 19.)

Mais voici un autre privilège de l’épouse: Elle est toujours appuyée sur le bras de l’Epoux. Vous êtes toujours appuyées sur Jésus-Christ. Quelque pénible que soit le chemin, il vous portera; les Saintes Ecritures le disent partout; il est l’appui de la route, le bâton pour le voyage. L’épouse souffrira, elle aura ses douleurs, mais l’amour, la tendresse de l’Epoux l’accompagneront partout.

V. Nous devons être parfaits à cause de notre vocation particulière.

C’est encore par un amour de choix qu’il vous a conduites à l’Assomption, et vous devez lui rendre grâce de cette vocation particulière. J’y trouve une nouvelle obligation de tendre à la perfection. Il vous est permis de vous glorifier de votre opportunité, mes Soeurs. On se glorifie de ses ancêtres, pourquoi n’aurait-on pas le même orgueil de réaliser un besoin du temps? Si vous n’avez pas l’honneur d’une longue suite d’ancêtres, vous avez celui des luttes du présent, des épreuves du commencement. Vous êtes combattues en raison même de votre opportunité; un temps viendra où celles qui vous suivront recueilleront les victoires, mais l’opportunité ne sera plus la même. A ce titre, votre vocation est une grâce; vous avez les armes opportunes, vous avez tout ce qui est nécessaire pour vous sanctifier.

[A ce moment, le Père raconte ce qui s’est passé quand on a voulu réformer l’Ordre des Ermites de Saint-Augustin.]

Honneur, respect aux grands corps religieux, mes Soeurs, mais bénissons Dieu de ce que nous ne sommes qu’un petit enfant qui grandira. De là une grande responsabilité vous incombe. Saint Vincent de Paul le faisait remarquer à ses religieux: « Savez-vous que jamais votre communauté ne sera plus fervente que vous ne l’aurez faite? Sa ferveur pourra décliner, elle n’augmentera probablement jamais. » J’en dis de même pour vous, mes Soeurs. N’y a-t-il pas là un motif rigoureux de travailler à votre perfection avec tout le zèle possible? N’êtes-vous pas dans la stricte obligation d’être des saintes?

VI. Nous devons être parfaits à cause de notre attrait spécial.

Enfin, mes Soeurs, vous devez tendre à la perfection à cause de l’attrait spécial que vous avez reçu de Dieu.

Il y a différentes manières d’aller à Dieu. A chacun il a marqué sa voie, et, pour la suivre, une grande liberté vous est laissée à l’Assomption. Il n’en est pas de même dans toutes les Congrégations. Saint François de Sales, par exemple, dont j’admire l’oeuvre si pleine de douceur et d’humilité n’a pas cru devoir laisser la liberté de l’attrait intérieur à ses filles. Voyez-vous, c’est comme le lit de Procuste, toutes les Soeurs doivent s’y étendre. Si vous êtes trop courte, on vous allongera; si vous êtes trop longue, on vous raccourcira. Saint François d’Assise ne procède pas ainsi. Il met bien dans les obligations de sa Règle vingt-sept cas de péché mortel, mais après cela il donne l’esprit de liberté à ses religieux. Je suis sûr que votre Mère générale ne veut pas suivre l’exemple de saint François de Sales, bien qu’elle ait fait ses premières armes à la Visitation. Tout en maintenant l’uniformité de vie que demande la régularité, on laisse à l’Assomption une certaine liberté de coeur pour se former selon le gré de Dieu, car il y a danger à trop émonder l’arbre, et si l’on coupe trop de rejetons, il est à craindre que la sève ne se perde. C’est pour cela que vous avez dans votre Institut la vie active avec l’enseignement, la vie contemplative par l’adoration.

Vous avez donc un attrait spécial, mes Soeurs, étudié dans le noviciat, dirigé par vos Supérieures et contrôlé par votre Mère générale. Si vous n’en avez pas, je vous plains, car c’est que vous ne l’avez pas cherché. A la lumière de vos méditations devant le Saint Sacrement, vous l’auriez reconnu. Ce serait la louange de l’Office, le soin des enfants, les oeuvres de zèle, quelque chose de spécial enfin qui fait que vous seriez cette religieuse et non pas telle autre, parce que Dieu vous veut ainsi.

Voilà donc les prévenances adorables de Dieu, mes Soeurs, qui vous obligent à la perfection. Il vous a fait une position de choix; à vous de lui donner une âme sainte. Nous venons de le voir, ces grâces vous poursuivent et je les résume:

Créatures de Dieu, créées pour lui, pour sa gloire, pour sa propriété. – Images de la perfection infinie. -Enfants du Père céleste. -Epouses de Jésus-Christ. -Puis, cette position de choix dans une Congrégation qui commence. – L’attrait spécial que vous pouvez y recevoir, tout vous pousse vers la perfection. Estote ergo vos perfecti, sicut et Pater vester caelestis perfectus est. (Matth. V, 48.)

Je termine, mes Soeurs, par la citation d’un passage de saint Léon, Pape. Rappelez-vous que je m’adresse aux personnes qui veulent énergiquement, véritablement marcher dans la voie des parfaits. Haec est perfectorum vera justitia, ut nunquam praesumant se esse perfectos, ne ab itineris nondum finiti intent one cessantis, ibi incidant periculum de ciendi, ubi proficiendi deposuerint appetitum*. (De Quadragesima II, c.1.)

Ainsi donc, mes soeurs, pour être parfaites il faut prendre la résolution d’avancer toujours, et, lorsqu’on pense être arrivé au terme, alors il faut croire qu’on n’a rien fait et recommencer toujours. Car la perfection consiste à ne pas se croire parfait et à reprendre chaque jour le travail de son âme, sans croire jamais qu’on est parvenu au but. Pour ce résultat final, mes Soeurs, vous attendrez l’être arrivées au lieu ou Dieu couronnera votre vie, où il glorifiera votre perfection, et ce lieu c’est le ciel. Amen.

Notes et post-scriptum