OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • HUITIEME CONFERENCE DONNEE LE 13 NOVEMBRE 1870.
    PRESENTATION DE NOTRE-SEIGNEUR AU TEMPLE.
  • Prêtre et Apôtre, X, n° 112, juin 1928, p. 166-169.
  • DA 43; CN 1; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ADORATION
    1 AFFRANCHISSEMENT SPIRITUEL
    1 ALLEMANDS
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DIVIN
    1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ANTIPATHIES
    1 CHRETIEN
    1 CIRCONCISION DE JESUS-CHRIST
    1 DETACHEMENT
    1 DIEU LE PERE
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 ENFANCE DE JESUS-CHRIST
    1 EPIPHANIE
    1 ESPERANCE BASE DE LA PAUVRETE
    1 ESPRIT D'INDIFFERENCE
    1 ETERNITE
    1 ETRE HUMAIN
    1 ETUDE DES MYSTERES DE JESUS CHRIST
    1 FIDELITE
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 FORMATION A LA VIE RELIGIEUSE
    1 HUMILITE DE LA SAINTE VIERGE
    1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
    1 IDEES DU MONDE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 INFIDELITE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 LEGERETE
    1 LIBERTE
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 MESSIE
    1 MYSTERE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 OUBLI DE SOI
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PRATIQUE DE LA PAUVRETE
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 PRESENTATION AU TEMPLE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PROVIDENCE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RECHERCHE INTERIEURE
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RELIGIEUSES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENOUVELLEMENT
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    1 RESPECT
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SAINTE FAMILLE
    1 SATAN
    1 SAUVEUR
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SOUMISSION SPIRITUELLE A JESUS-CHRIST
    1 TEMPLE DU SAINT-ESPRIT
    1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VIE CACHEE DE JESUS-CHRIST
    1 VISION BEATIFIQUE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 VOIE UNITIVE
    2 EVE
    2 HARPAGON
    2 JEAN, SAINT
    2 JOSEPH, SAINT
    2 SIMEON, VIEILLARD
    3 BETHLEEM
    3 BORDEAUX
    3 EGYPTE
    3 JERUSALEM, TEMPLE
    3 MALAGA
    3 NAZARETH
    3 NIMES
    3 SAINT-DIZIER
  • Religieuses de l'Assomption
  • 13 novembre 1870
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’Auteur. -Je laisse la Circoncision, le mystère des retranchements, des souffrances, de l’humilité; je laisse l’Epiphanie ou le mystère de la foi et de l’adoration; je passe à la Présentation, le mystère du don de soi. Tout est là. Etes-vous une religieuse donné? A quelles conditions?

I. Conditions du don de soi

1° La liberté du coeur.

2° La liberté par rapport aux créatures.

3° La liberté par rapport au temps.

4° La liberté par rapport aux lieux.

5° La liberté par rapport aux personnes que nous n’aimons pas et à celles que nous aimons trop.

6° La liberté de tout nous-même.

II. Nature du don de soi

1° Comme fille d’Eve, comme membre de l’humanité. -Don de soi que l’homme fait à Dieu.

2° Comme chrétienne.

3° Comme religieuse.

Texte sténographié de la Conférence

Mes soeurs,

En poursuivant la méditation sur la vie de Notre-Seigneur, il est des mystères que je me vois obligé de laisser de côté; nous y reviendrons plus tard, car nous aurons occasion de rencontrer ailleurs les mêmes enseignements.

Je ne parle donc pas de la Circoncision, le mystère des retranchements, de l’humiliation, de la pénitence et de la souffrance; ni de l’Epiphanie, tout en pensant qu’une fille de l’Assomption tiendra à présenter au divin Enfant ses présents d’encens, d’or et de myrrhe, sous la forme d’actes de foi et d’adoration.

J’arrive aujourd’hui au mystère de la Présentation, mystère très important dans la vie religieuse. Quand on me demande en quoi consiste le fond de la vocation à une vie plus parfaite qui peut revêtir diverses formes: austérités, zèle, action, pénitence, j’en arrive toujours à cette conclusion, que le fond de toute vie religieuse est de se donner. L’avare de Molière « prêtait » le bonjour, et il y a des religieuses qui ne font que se prêter. Celles-là ne sont pas des religieuses, mes Soeurs, et la plaie des communautés est de les avoir. Il suffit d’une seule de ces religieuses pour empester toute une maison: elle murmure, elle se trouve mal partout. N’ayant fait que prêter sa volonté, elle la porte où bon lui semble; son intelligence, elle ne comprend que ce qui lui plaît; son coeur, elle n’aime que ce qu’elle veut. Que voulez-vous? Elle vit dans le monde qu’elle se crée. Oh! mes Soeurs, ce n’est pas là l’imitation de ce don de soi si merveilleusement enseigné par Notre-Seigneur le jour de sa Présentation au Temple de Jérusalem. Tulerunt illum… ut sisterent eum Domino. (Luc. II, 22.) Voilà donc Jésus-Christ présenté, et présenté dans la plénitude de sa volonté. Il vient, il arrive. Le voilà dans le Temple, véritable victime prenant la place des taureaux et des agneaux de l’ancienne Loi, offrant à son Père le sacrifice de son être tout entier, de sa vie, de son âme, de son humanité.

Eh bien! considérons Notre-Seigneur entre les mains de la Sainte Vierge, comme une religieuse entre les mains de sa Supérieure pour être donnée à Dieu le jour de sa profession. Jésus-Christ a été présenté une fois, il n’a été immolé qu’une fois, et pourtant c’est de lui que saint-Jean dit: Tamquam occisus ab origine mundi. (Apoc. V, 6; XIII, 3.) Il y a là quelque chose de très profond, mes Soeurs, c’est le renouvellement constant du sacrifice. Le don, l’immolation, l’offrande de Jésus-Christ, c’est un état continu; il commence de toute éternité et durera toute l’éternité. Ainsi de l’offrande de vous-même.

Un jour, vous avez prononcé vos voeux, vous avez pris votre vie pour la remettre à Dieu, mais l’offrande dure, le sacrifice doit être sans cesse renouvelé; vous avez dit dans l’acte solennel de votre profession que vous vous donniez pour toute la vie, pour toujours; c’est une immolation permanente. »

Cela dit, mes Soeurs, examinons deux choses:

1° A quelles conditions nous pourrons nous donner;

2° Quelle est la nature du don de soi-même.

I. Conditions du don de soi

1° Mes Soeurs, pour se bien donner, la grande question est la liberté du coeur. Je viens de vous parler de la Présentation de Notre-Seigneur. Croyez-vous que Notre-Seigneur se serait bien donné, s’il n’avait eu la liberté du coeur? Croyez-vous qu’étant forcé, son sacrifice eût été complet, eût pu avoir la même délicatesse, la même pureté, la même intégrité? La religieuse qui, en se donnant, conserve tel ou tel motif humain, n’est pas libre; elle s’est donnée une fois, et puis elle s’est reprise. Entendez bien, mes Soeurs, cela ne doit pas être. Vous devez être constamment, fidèlement, dans la disposition de ne vous reprendre jamais.

Les dons de Dieu sont sans repentance, les dons de Notre-Seigneur également. Jésus-Christ connaissait l’ingratitude des hommes qui l’attendait. Je ne parle même pas ici des communions sacrilèges, parce que cela ne vous regarde pas; mais toutes vos communions routinières, sèches, distraites, froides, Jésus-Christ les savait d’avance; il s’était donné, il ne s’est pas repris. De même pour vous: vous avez fait vos voeux, ne vous reprenez pas; vous vous êtes données pour tous les instants de votre vie

Liberté de coeur par rapport aux créatures. Notre-Seigneur est enfant dans ses langes, Lui l’intelligence du Père, se laisse reléguer dans l’obscurité de l’Egypte, et vous direz: « On ne me rend pas justice, j’ai une belle intelligence, on ne paraît pas s’en douter. » Notre-Seigneur a tout donné, et le coeur de cette pauvre religieuse s’attachera à des riens! Il s’attachera, parce qu’il a un tel besoin de se prendre que, comme les plantes grimpantes s’enroulent autour de la tige d’un arbre, lui, par des fils imperceptibles, cherche un appui où s’accrocher; il n’est plus libre, il n’est plus à Dieu seul. Quelle sera la créature qui l’entraînera? Une Soeur, une Supérieure, une enfant, une personne du dehors. Votre coeur est-il libre, mes Soeurs? Depuis votre sainte profession, pouvez-vous vous rendre sincèrement le témoignage que vous ne tenez à rien? N’y a-t-il pas un objet auquel vous êtes un peu attachées? Examinez votre cellule, votre bureau, votre linge, entrez dans tous les détails.

Liberté par rapport au temps. Parfaitement, Ma Soeur une telle sera si amoureuse de la Règle que, si on la fait attendre une minute, elle entrera dans une impatience merveilleuse. En voilà une autre qui, au contraire, ne peut jamais arriver à l’heure. La Sainte Vierge et saint Joseph demandent-ils à l’Enfant Jésus s’il veut être porté au Temple? Et lui, fait-il attendre? Non; c’était fixé au quarantième jour, et ce fut fait ce jour-là. Pouvez-vous admettre que la plus parfaite des créatures ait avancé ou retardé d’une minute l’heure fixée par Dieu pour l’offrande de son Fils? Non. La Sainte Vierge a pu attendre.

La Providence a pu permettre, pour la sanctification de la Sainte Vierge et exercer sa patience, qu’elle passât la dernière de toutes et comme la plus pauvre parmi les femmes qui étaient dans le Temple pour offrir leur premier- né. Mais la Sainte Vierge donnait son temps, Notre-Seigneur le donnait aussi. Heureuse l’âme qui a la liberté du coeur et qui dit: « Je donne mon temps, il ne m’appartient pas, Dieu en est le Maître. On en dispose, on l’emploie tout différemment que je ne l’aurais voulu; c’est le don, le sacrifice de mon temps avec l’Enfant Jésus. »

Par rapport aux lieux. A peine le mystère de la Présentation est-il accompli que les mages arriveront, puis viendra la fuite en Egypte. La Sainte Vierge avait compté mettre son Fils au monde à Nazareth, elle doit aller à Bethléem. Elle pense retourner à Nazareth; non, il faut qu’elle se mette en route pour l’Egypte; puis, au lieu de rentrer à Bethléem, elle reviendra à Nazareth. Et vous, mes Soeurs, ne vous est-il pas arrivé de dire: « Moi qui comptais si bien passer mon hiver à Bordeaux, voilà qu’on m’envoie à Malaga. – Moi qui étais si bien à Saint-Dizier, on me fait partir pour Nîmes, sans compter les Prussiens, qui nous font aller où nous ne voudrions pas! » Cette autre religieuse dit: ‘Ma Mère, je voudrais telle ou telle chose. » Mes Soeurs, vous ne devez rien vouloir. Votre temps n’est pas à vous, et les lieux où vous devez vivre sont manifestés par votre Supérieure; il faut les donner à Dieu. Nous sommes sous la puissance des autres, comme il est dit du centenier: Dico huic: Vade et vadit. (Luc. VII, 8.)

Par rapport aux personnes que nous n’aimons pas. Qu’elle est celle qui n’a rencontré que des gens qu’elle aime? La grande épreuve des couvents est celle des caractères. Une religieuse se pose parfois en victime. En peut-il être autrement? « Ma Soeur une telle a de l’antipathie pour moi. » Quand l’Enfant Jésus fut porté au Temple, ne croyez-vous pas qu’il y avait tout autour de lui des visions diaboliques? Satan se préoccupait de savoir qui était cet enfant, et, dans son instinct jaloux, il cherchait à inspirer quelque antipathie. Il n’avait pas pu pénétrer le mystère de l’Annonciation, mais il avait entendu le chant des anges, il avait vu l’empressement des bergers, et vous voulez qu’il ne se doutât pas de quelque chose, et que, dans sa haine, il ne su citât pas quelque vieux juif grognon qui regardant de travers l’Enfant Jésus? Il y a peut-être aussi des gens qui vous regardent d’un air malveillant. Consolez-vous, vous êtes peut-être une grande sainte.

6° Mais je termine, mes Soeurs, par cette considération: la liberté de tout vous-même. Rentrez en vous-mêmes et voyez si vous vous êtes entièrement données, vous rappelant ce que j’ai dit au commencement, que la vie religieuse consiste dans le don de soi. N’y a-t-il pas je ne sais quelle petite fibre de votre être qui plonge dans la terre? J’ai fait des expériences à ce sujet auprès de personnes que je croyais parfaites. On ne voit d’abord qu’ailes séraphiques, et pourtant elles ne montent jamais. C’est qu’un fil les retient et les empêches de s’élever; elles sont accrochées à une pierre, à une branche d’arbre, à elles surtout.

J’entre dans ces détails minutieux, parce que je touche ici au noeud de la perfection, et je suis à me demander si vous vous êtes suffisamment données pour qu’on puisse dire de vous ce qu’on disait de l’Enfant Jésus: Puer autem crescebat, et confortabatur plenus sapientia. (Luc. II, 40.) Depuis le moment où elle a fait sa profession, cette religieuse a grandi en âge, en sagesse, en grâce! Il y a beaucoup à réfléchir ici, mes filles, c’est une question de bonne foi qu’il faut s’adresser en descendant dans les replis de son âme.

« Me suis-je donnée? Me suis-je reprise? Combien de fois reprise dans la journée? Combien de fis faut-il que je me donne et me redonne en union avec l’Enfant Jésus? » Et alors voyez comme il est utile de vous placer comme le divin Enfant, entre les bras de votre Mère qui est votre Supérieure, et de lui dire que vous avez le désir de vous reprendre et qu’elle ne vous le permette pas.

Je présume que lorsque l’Enfant Jésus fut porté au Temple, il était encore emmailloté. Ainsi, mes Soeurs, la Sainte Vierge l’avait très réellement et matériellement garrotté. Il faut que la religieuse se laisse garrotter au nom de la Règle, par les détails et les dispositions de la Règle, qu’elle se laisse épingler dans les langes par sa supérieure. Il se pourra que les épingles piquent quelquefois. N’importe! Vous devez la laisser faire comme elle l’entend.

Voyons, trouvez-moi quelque chose de plus beau que ce mystère du don de Notre-Seigneur. Eh bien! c’est vous qui êtes chargées de le continuer. Une religieuse qui tend à la perfection doit être, dans ce travail continuel de perfection, entre les mains de ses Supérieures et présentées à Dieu comme Jésus par Marie. L’Enfant Jésus, c’est moi; la Supérieure, c’est la Sainte Vierge. Le rôle le plus humble est laissé à votre Mère, vous avez le rôle le plus divin, celui de Jésus-Christ, mais à la condition que vous vous serez données. Que Notre-Seigneur vous en fasse sentir le bonheur!

En même temps, ce mystère donne une grande leçon aux Supérieures, celles du respect et de l’amour des âmes. Voyez comme la Sainte Vierge traite Notre-Seigneur avec respect, et pourtant personne n’a aimé comme elle. Ainsi la mission des Supérieures est de vous prendre et de vous présenter à Dieu, de vous sanctifier, de continuer l’oeuvre de l’éducation religieuse commencée au Noviciat.

II. Nature du don de soi

1° Je suis un peu embarrassé pour trouver le terme convenable. J’avais préparé quelques considérations pour des prêtres et je disais ici que le prêtre doit se donner comme homme. Je ne puis vous dire cela, et il n’en est pas moins vrai qu’en prenant pour modèle l’Enfant Jésus, c’est toute mon humanité qu’il faut que je donne, c’est tout mon être que je dois anéantir. Il faut que je donne mes yeux, mes mains, mon coeur -j’ai vu des religieuses s’arrêter à des misères dans cet ordre de choses, -il faut que je donne tout mon être, parce que tous mes membres appartiennent à Dieu. Je me fatiguerai en enseignant, je souffrirai en me reposant. N’importe, j’ai tout donné, je ne me réserverai rien. Je donnerai tous mes sens en union avec Jésus-Christ. Qu’est- ce que Notre-Seigneur n’a pas donné à son Père dans ce moment-là? Ainsi donc tout mon être est donné: intelligence, corps, coeur; il ne reste rien. Comme filles d’Eve, membres de l’humanité, vous avez dû tout livrer.

Pourquoi vous reprendriez-vous dans le détail? Voyez l’indifférence que les maîtres de la vie spirituelle enseignent pour le corps, notre ennemi, cette nature corrompue dans laquelle vient se réfugier le mal comme dans le foyer du péché. Soyez sans pitié, faites-en bon marché, donnez-vous comme Jésus-Christ. C’est simple, c’est crucifiant. Vous allez voir comme je veux vous dépouiller. Si vous avez tout donné, il ne vous reste rien, rien, rien.

Vous représentez-vous Jésus entre les bras de Siméon et s’étant réservé quelque chose? Non, mes soeurs, rien. Examinez- vous donc. Que vous réservez-vous de votre être? Etes-vous rêveuse? Vous devez donner votre imagination. Etes-vous susceptible? Vous devez donner votre sensibilité. Etes- vous ardente? Vous devez donner les flammes de votre coeur.

2° Vous devez vous donner, mes Soeurs, comme chrétiennes, c’est-à-dire faire tous vos actes parfaitement en union avec le Christ et selon ses volontés, dans un but surnaturel. Il n’avait qu’une intention, celle de se donner en tout et partout, selon les volontés très saintes de son Père. C’est là qu’est le dépouillement, le crucifiement.

Une religieuse Carmélite disait que ses mains, ses pieds et tous ses membres devenaient les mains, les pieds et les membres de l’Enfant Jésus, et ce que cette religieuse disait de ses membres corporels, nous pouvons l’appliquer à chacune de nos facultés, car les intentions surnaturelles agrandissent notre coeur, notre intelligence, notre volonté. Dites donc: « J’entrerai dans les pensées de Dieu, Introïbo in potentias Domini (Ps. LXX, 16), et cela faisant, je sais que je donnerai un mérite infini à mes actes, que je me revêtirai de la puissance même de Dieu.

Mes Soeurs, examinons si nous n’avons pas, pour notre part contribué à l’affaiblissement de la vie chrétienne; si, étant chargées de faire surnaturellement les choses ordinaires, nous ne les avons pas faites d’une manière plus vulgaire encore. Sortons de cet état par la grande supériorité d’intention que Dieu nous demande dans nos dispositions.

3° Enfin, mes Soeurs, vous n’êtes pas seulement des chrétiennes, vous êtes des religieuses, vous avez prononcé des voeux. Je vous disais tout à l’heure que l’Enfant Jésus est là, emmailloté par la Sainte Vierge. Vous aussi vous avec vos liens, et les plus beaux, les plus précieux qu’il soit donné de porter sur la terre. Si vous vous donnez, vous pourrez dire avec le Prophète: Funes ceciderunt mihi in praeclaris*. (Ps. XV, 6.) Cet héritage, qui n’est autre que Dieu se livrant à vous, ne vous sera accordé qu’autant que vous vous donnerez à Dieu. Comprenez-vous la sainteté, la profondeur, l’intimité de ces rapports?

Je vois un petit enfant entre les bras de sa mère. Déjà c’est un sujet d’admiration; mais ce petit enfant, c’est Dieu lui- même, il entre en communication parfaite avec la divinité. Et pour vous, l’épouse de Notre-Seigneur, que se passera-t-il dans vos relations avec Dieu?

Vous vous êtes une fois donnée, il faut vous donner encore chaque jour et sans répit.

« Mon Dieu, je me suis donnée et je me donne encore et toujours et dans tous les détails de mon être, et je veux le faire dans toute la perfection que vous me demandez. Ma liberté, mon coeur, mon intelligence, ce corps que vous avez formé, tout est à vous. Je ne suis qu’un néant et vous, l’Etre par excellence, avez rempli les abîmes de ce néant des splendeurs de votre lumière et de votre divine chaleur. Je me donne à vous, ô mon Dieu, je me livre à votre amour, ma vie est perdue en vous!

De même que l’Enfant Jésus entrait dans le Temple, Roi souverain salué par le dernier des prophètes, remplissant aux yeux des anges ce Temple de Jérusalem de l’éclat de sa gloire, mais tellement caché que les hommes n’y virent rien qu’un enfant inconnu; de même pour vous, pauvre religieuse, vos mérites ne sont pas appréciés, on passe à côté de vous, vous êtes perdue dans la foule. Quelle consolation si vous savez vous donner sans partage!

Une autre réflexion, mes Soeurs, et je termine. Ce même Temple, qui avait eu la gloire de voir le don de Dieu, fut, à quelques années de là, l’objet des larmes de ce même enfant devenu homme. Alors la chute du Temple fut annoncée. Pourquoi? Parce qu’il n’avait pas connu le temps de la visite.

J’espère que l’application des paroles du Sauveur ne se fera jamais pour vous. Mais est-il vrai qu’étant les images de Jésus, victime présentée à son Père, vous étiez aussi les temples du Saint-Esprit et que, n’ayant pas connu le temps de la visite, il vint un jour pour vous annoncer que de grandes ruines s’amoncelleraient dans votre coeur désolé? Serait-il vrai qu’une religieuse peut être reprise par la tiédeur, la lâcheté, par ce que j’appellerai une chute de propriété? On la verrait, abandonnant le don fait à Dieu pour se reprendre! Je demande qu’un pareil malheur soit écarté de vos âmes, et que, rentrant dans votre coeur, vous vous donniez avec tout l’entraînement de l’amour, dans une volonté rendue infiniment puissante par la grâce de Dieu et semblable à celle de l’Enfant Jésus le jour de sa Présentation au Temple. Cette offrande de vous-même sera le gage de la plénitude avec laquelle Dieu se donnera à vous dans l’éternité.

Notes et post-scriptum