OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • DOUZIEME CONFERENCE DONNEE LE 20 NOVEMBRE 1870
    DES QUATRE FONDEMENTS DE L'EGLISE.
  • Prêtre et Apôtre, X, N° 116, octobre 1928, p. 292-297.
  • DA 43; CN 2; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 ACTION DE GRACES
    1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 ADORATION
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DE LA VERITE A L'ASSOMPTION
    1 AMOUR FRATERNEL
    1 APOSTOLAT
    1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 APOSTOLAT DES RELIGIEUX
    1 APOSTOLAT SPIRITUEL
    1 APOSTOLICITE
    1 APPRECIATION DES DONS DE DIEU
    1 AUGUSTIN
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BON EXEMPLE
    1 CARACTERES DE L'EGLISE
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 CHARITE APOSTOLIQUE
    1 CHARITE DE JESUS-CHRIST
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 DEFAUTS
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DEFIANCE DE SOI-MEME
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 DIEU
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 DON D'INTELLIGENCE
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 EFFORT
    1 EGLISE
    1 ENFANTEMENT DES AMES
    1 ENFER ADVERSAIRE
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ESPERANCE
    1 ETERNITE
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE DIEU
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 EXAMEN
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FEMMES
    1 FIDELITE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FILLE DE L'EGLISE
    1 FOI
    1 FONDEMENTS DE LA THEOLOGIE
    1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
    1 FORMATION DES AMES DES ELEVES
    1 GRACE
    1 GRACES
    1 HAINE
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 HOMME DE PRIERE
    1 HUMILITE
    1 IDEES DU MONDE
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 INFIDELITE
    1 INTELLIGENCE
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA FOI
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA GRACE
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 LARGEUR DE VUE APOSTOLIQUE
    1 LOI DIVINE
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 MANQUEMENTS A LA VIE RELIGIEUSE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 OEUVRE DE JESUS-CHRIST
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PAIX DE L'AME
    1 PERFECTION
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 PREDICATION
    1 PREDICATION DE JESUS-CHRIST
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 PRIMAUTE DE L'EGLISE CATHOLIQUE
    1 PRIMAUTE DU PAPE
    1 PURETE D'INTENTION DE L'APOTRE
    1 RACE DE SATAN
    1 RECEPTION DES SACREMENTS PAR LE RELIGIEUX
    1 RECHERCHE DE DIEU
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REGNE DE VERITE
    1 RELIGIEUSES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RELIGIEUX ENSEIGNANTS
    1 RESPECT
    1 RESPONSABILITE
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 SACREMENTS
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SAINTETE
    1 SAINTETE DE L'EGLISE
    1 SAINTETE DU CLERGE
    1 SAINTS
    1 SALUT DES AMES
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 SOUVERAINETE DIVINE
    1 SUFFISANCE
    1 TEMOIN
    1 TRIOMPHE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 UNION DES COEURS
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 UNIVERSALITE DE L'EGLISE
    1 VANITE
    1 VERITE
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIGILANCE DE L'APOTRE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    1 ZELE POUR LE ROYAUME
    2 JEAN, SAINT
    2 MATTHIEU, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 PILATE
    2 TOBIE, BIBLE
  • Religieuses de l'Assomption
  • 20 novembre 1870
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’auteur. –Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. Jésus-Christ l’a dit. Fundamentum aliud nemo ponere potest praeter id quod positum est. Quatre fondements principaux de l’Eglise: 1° La vérité; 2° la sainteté; 3° la grâce; 4° l’unité. D’où quatre principaux devoirs qu’il faut étudier.

La vérité dans l’Eglise. Qui vos audit me audit. Ego sum veritas. Ego in hoc natus sum [et ad hoc veni in mundum ut testimonium perhibeam veritati.] Or, pour rendre à cette vérité l’hommage qui lui est dû, nécessité de la connaître, et, pour la connaître, nécessité de l’étudier.

Souffrance de ne pouvoir en parler dignement. Contristor linguam meam cordi meo non posse sufficere, dit saint Augustin. Si ce Saint a des impuissances, qui ne les aura pas? Mais n’importe! Etudiez, préparez-vous comme saint Augustin, et Dieu sera content.

Respect et adoration de la vérité, Dieu, base des intelligences, adhésion de l’âme par la foi et l’effort de l’intelligence.

La sainteté. Estote ergo vos perfecti. La perfection proposée à tous.

L’effort indispensable. Et voyez, quoiqu’on dise, la situation admirable des catholiques. Qui a eu des Saints comme eux? Le Saint des saints s’est fait homme, afin de nous apprendre à devenir saints. L’Eglise n’est que l’assemblée des saints. Multiplicité des types de la sainteté.

Finis ergo noster vos perfectio nostra: perfectio nostra Christus: in illo enim perficiemur. (S. Augustin, in Ps. XXIV.) Efforts de Jésus-Christ pour nous perfectionner. Efforts du chrétien pour se laisser perfectionner et pour rendre ses frères parfaits.

La grâce. -Oui, Jésus-Christ soutient son Eglise par sa grâce: 1° par la prédication; 2° par les sacrements; 3° par la grâce intime.

Obligation de prêcher selon que nous le pouvons.

Obligation d’user des sacrements pour nous, d’en enseigner la pratique aux autres par l’exemple et la manifestation des effets qu’ils produisent en nous. Correspondance à la grâce par la prière. Prière des uns pour les autres.

Gémissements du chrétien qui voit Jésus-Christ abandonné. Salvum me fac, Deus, quoniam defecit sanctus, quoniam diminutae sunt veritatis a filiis hominum.

L’unité. C’est là la grande espérance. Jésus mourant demande l’unité pour son Eglise, ut sint unum.

Et voyez le devoir des chrétiens dans la charité. Or, ce devoir est d’autant plus rigoureux aujourd’hui que l’élément des méchants, c’est la haine. Ils se dissolvent des qu’ils triomphent, parce qu’ils haïssent.

Si l’un des principaux caractères de l’Eglise c’est l’unité, parce qu’il n’y a qu’une seule vérité, qu’une seule sainteté, qu’une seule grâce, c’en est aussi le perpétuel travail. Congregare populos in unum et gentes ut serviant Domino. C’est aussi le travail auquel nous devons nous porter.

L’unité dans la charité pour combattre les haines de l’enfer et concourir à la charité de Jésus-Christ qui nous presse.

Texte sténographié de la Conférence

Mes Soeurs,

Là grande pensée de Notre-Seigneur en venant au monde pour le salut des âmes, a été de fonder son Eglise comme moyen suprême de nous sanctifier. Nous voyons Dieu, dans sa miséricorde, tout disposer pour cette grande oeuvre: Fide intelligimus aptata esse saecula verbo Dei, ut ex invisibilibus visibilia fierent (Hebr. XI, 3,) et, je ne crains pas de l’ajouter, pour l’évangélisation de la vérité. C’est la grande loi de l’histoire, le dernier mot des événements.

L’Eglise, société organisée, objet des préoccupations de Notre-Seigneur, a été fondée sur saint Pierre: Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. (Matth. XVI, 18.) Il est absurde, impie, sacrilège de donner une autre base à l’Eglise de Dieu. Notre-Seigneur, saint Pierre et les apôtres, voilà les fondateurs de l’Eglise. N’en cherchez pas d’autres. Super aedificati super fundamentum apostolorum et prophetarum, ipso summo angulari lapide Christo Jesu. (Eph. II, 20.)

Parmi les apôtres, il en est un qui touche plus particulièrement à Notre-Seigneur, qui porte le poids de l’Eglise, c’est saint Pierre. Une fois cela dit, et sans nous attarder à parler de l’Eglise elle-même, chose qui n’entre pas dans le sujet de cet entretien, considérant les caractères de l’Eglise en rapport avec les devoirs de votre vie de religieuses de l’Assomption, je veux vous indiquer quatre principaux fondements de l’Eglise, qui seront pour vous la source de quatre grands devoirs. Je laisserai de côté le sujet mystique, pour n’embrasser que le côté pratique.

Je distinguerai donc quatre principaux fondements de l’Eglise: fondement de vérité, fondement de sainteté, fondement de grâce, fondement d’unité.

I. La vérité dans l’Eglise

Notre-Seigneur est la vérité même; Ego sum via et veritas, (Joan. XIV, 6,) et l’Eglise est une société spirituelle, une société des intelligences. Or, les intelligences ont besoin de nourriture, et cette nourriture sera la vérité. Ego cibo invisibili, et potu qui ab hominibus videri non potest utor. (Tob. XII, 19.) Notre-Seigneur a donc voulu donner cette base à l’Eglise, la vérité, c’est-à-dire l’aliment nécessaire, indispensable à sa vie, et cet aliment est Notre-Seigneur lui-même. « La vie du corps, c’est l’âme; la vie de l’âme, c’est Dieu, » a dit saint Augustin. Sans la vérité, les âmes s’éteignent, s’épuisent et meurent. Pour leur communiquer la vie, Dieu, la vérité même, se fait l’aliment des intelligences. Mais puisque Dieu est l’aliment de l’intelligence et arrive à l’homme comme vérité, on ne peut pas l’aimer, on ne peut pas être en rapport avec lui sans le connaître; et si on ne le connaît pas, on ne peut pas le posséder.

La première condition pour le connaître, c’est de croire qu’il est. (Hebr. XI, 6.) Si le premier besoin de l’intelligence est la vérité, si la vérité devient la condition de vie de l’intelligence, il faut qu’elle puisse recevoir la vérité. Fides ex auditu, auditus per verbum Christi. (Rom. X, 17.) La prédication de la vérité, voilà la première base. Je suis né pour croire et pour rendre témoignage à la vérité, répondait Jésus-Christ à Pilate. (Joan. XXIII, 37.)

C’est ici, mes Soeurs, que je vais vous montrer votre devoir. Notre-Seigneur est le témoin par excellence de la vérité, et, pour le dire en passant, on se trompe en disant que l’Eglise est fondée sur la divinité de Notre-Seigneur. Non, elle est fondée sur la divinité de la mission de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Sans doute, Jésus-Christ est Dieu, mais il ne s’agit pas de savoir si le prédicateur est Dieu, mais bien si la mission du prédicateur de la vérité a été donnée de Dieu. Quomodo vero praedicabunt nisi mittantur. (Rom. IX, 15.) Ici, examinez votre dignité. Notre-Seigneur, après sa Résurrection, prend 500 frères. Il y avait les apôtres, les 72 disciples, pas tous prêtres et évêques; il y avait les simples fidèles et les saintes femmes. Savez-vous quelle est la mission d’une religieuse de l’Assomption? Celle des saints femmes de l’Evangile: Eritis mihi testes. (Act. I, S.) « Je suis venu rendre témoignage à la vérité, » a dit Jésus-Christ; vous, continuez à le faire par votre enseignement. Oui, mes Soeurs, si saint Paul a pu dire que les femmes doivent se taire dans l’Eglise: Mulieres in ecclesiis taceant (I Cor. XIV, 34,) voilà que vous apprenez de la bouche même de Jésus-Christ que vous devez être témoins. Voyez la grandeur, la beauté de votre mission, vous avez la puissance de la divinité. Si vous êtes réellement témoins de Jésus-Christ, vous continuez l’oeuvre qu’il a confiée à ses apôtres, vous marchez sur les traces des saintes femmes, des disciples choisis de Notre-Seigneur. C’est admirable, à la condition de rendre témoignage à la vérité tout entière.

Dans le monde, aujourd’hui, on mutile la vérité. Il y a les conciliants, les concessionnaires, les libéraux; ils ont amené la société sur l’abîme où elle se trouve. Donnez un témoignage franc et entier. Plus la vérité est complète, plus elle est parfaite. De même pour le témoignage. Donnez la vérité proportionnée aux âges, comme je vous le disais hier, mais: Eritis mihi testes. Voilà votre mission; elle est d’obligation. C’est la part de vie active que l’Eglise vous donne comme religieuses de l’Assomption; vous devez procurer l’enfantement, la nutrition, le développement des âmes par la vérité.

C’est assez beau, mes Soeurs, pour que je n’exagère rien. Je ne viens pas dire que vous êtes apôtre, prêtre ou évêque; je dis que vous êtes les témoins de Notre-Seigneur et qu’il faut remplir ce devoir. De là la nécessité de l’étude, de courage, du zèle. Vous voyez que votre rôle est grand et que vous occupez une place que je ne crains pas de nommer ecclésiastique dans l’oeuvre de Notre-Seigneur par rapport à l’enseignement de la vérité. Vous direz: Je ne puis pas bien enseigner comme je le voudrais. Saint Augustin l’a dit avant vous: Contristor linguam meam cordi meo non posse sufficere. Après cela, une religieuse sera fière d’avoir donné une belle leçon, elle sortira de sa classe croyant avoir un succès!

Mes Soeurs, la religieuse qui se rendra compte de la grandeur, de la fécondité, de l’infini de la vérité, sera toujours mécontente de son enseignement; celle, au contraire, qui aura enseigné sa parole, son verbe, sera facilement satisfaite, parce qu’elle ne voit rien au delà. Ayez donc de la tristesse, parce que vous n’enseignez pas assez bien, vous entrerez ainsi dans les sentiments de saint Augustin.

Heureuse la religieuse qui n’est jamais satisfaite de ce qu’elle enseigne! Elle fera toujours des efforts pour mieux dire, non pas par amour-propre, mais parce que dans sa parole on n’a pas assez senti l’amour de la vérité et qu’elle n’a pas jeté à pleines mains les semences de la vérité dans les petites intelligences qui lui sont confiées.

Je voudrais à présent vous montrer une religieuse sortant de sa classe et allant prier devant le Saint Sacrement. Que vient-elle de faire? Que va-t-elle faire? Enseigner la vérité, adorer la Vérité. Ah! que sera puissante celle qui, saura unir son adoration du Saint Sacrement à son enseignement de la vérité, et qu’elle fera de merveilles dans les âmes! Remerciez Notre-Seigneur Jésus-Christ d’avoir inspiré à votre Mère générale la pensée de fonder l’adoration dans vos maisons d’éducation. Ce sera quelquefois fatigant de ployer le genou, avant ou après avoir parlé. Il restera toujours que le même Dieu qui est dans le Saint Sacrement est aussi, si vous le voulez bien, sur vos lèvres.

Vos lèvres sont le ciboire, j’aime mieux dire l’ostensoir d’où vous montrez la vérité aux petites intelligences. A la chapelle, c’est la vérité éternelle qui se voile dans l’Eucharistie; à la classe, c’est Jésus-Christ, vérité éternelle, qui se voile sous vos paroles. Vous devez donc un grand respect à vos paroles, à cause de ce témoignage que vous rendez à Jésus-Christ. Ainsi, mes Soeurs, vous accomplirez votre premier devoir, vous serez de bonnes ouvrières en posant inébranlablement dans les âmes le premier grand fondement de l’Eglise, qui est la vérité.

II. La sainteté

Bien que ce soit aux religieux que la perfection est proposée tout particulièrement, il faut remarquer le texte du précepte, tous doivent être parfaits: Estote perfecti. La sainteté est proposée à tous. Il y a la sainteté que j’appellerai difficile, ou mieux encore canonique, celle des évêques, des religieux, des religieuses, de la société établie par l’Eglise. A côté de cette sainteté difficile, il en est une autre, très réelle, qui embrasse la pratique des oeuvres plus ordinaires, et je veux vous faire remarquer ici l’obligation où vous êtes de l’accomplir.

Cette loi, vous devez la répandre autour de vous. Il en ressort une double obligation pour les religieuses qui ne sont pas vouées à la vie contemplative: efforts pour se sanctifier d’un côté, efforts pour sanctifier les autres. Sans doute, le prêtre doit être saint, l’évêque aussi, sans être obligés par voeu à la perfection. Mais vous, mes Soeurs, qui en qualité de religieuses devez aller plus loin, donnez à Dieu le tribut de la fécondité de votre sainteté dans les âmes, faites tout ce qui dépendra de vous, non seulement pour vous sanctifier, mais pour sanctifier les autres. Je vous le répète vous avez, comme religieuses, une mission que les prêtres séculiers n’ont pas, celle de proclamer la sainteté dans l’Eglise. Eux sont chargés de la prêcher par leur parole, vous par votre vie. Comme il est dit de Notre-Seigneur: Coepit Jesus facere et docere (Act. I, 1,) faire passe avant enseigner. Ou plutôt vous avez l’honneur et l’obligation d’être une prédication vivante, d’enseigner par toute votre vie la sainteté de l’Eglise.

Voyez quelle magnifique mission. Vous allez dans le coeur même de Jésus-Christ chercher la sainteté, vous pénétrez les merveilles de la vie du Christ, des admirables perfections à la fois divines et humaines de l’Homme- Dieu; puis, remplies de ces trésors de sainteté pour les transfuser dans les âmes, vous donnez d’abord le lait aux enfants, plus tard la nourriture substantielle, et, à mesure que l’intelligence grandit, que l’esprit se développe, vous rendez la nourriture encore plus solide; de sorte que réellement vous pouvez dire: J’ai fait tout mon possible pour répandre la doctrine de Jésus-Christ, pour élever les âmes à la perfection, et ainsi j’ai contribué à établir plus profondément la seconde base de l’Eglise, la sainteté.

Je trouve encore, dans votre obligation de garder les conseils évangéliques, un autre moyen d’étendre la sainteté dans le monde. A tous les hommes sans distinction, Jésus-Christ donne la loi à pratiquer. Vous avez trouvé que ce n’était pas assez pour votre amour, et vous avez voulu faire davantage. Laissant le strict commandement de Dieu aux simples chrétiens, vous avez embrassé un monde plus élevé, plus excellent, vous êtes montées sur les sommets de l’Evangile. Cela seul est une prédication au monde.

En prenant la part la plus difficile, le fardeau le plus lourd, vous avez le droit de dire aux chrétiens: « Ne pouvez-vous donc pas observer la loi, puisque je pratique les conseils. Je vous ai laissé la part la plus facile; n’aurez- vous pas le courage d’en porter le joug, quand vous me voyez librement accepter l’obligation d’une perfection plus grande? » Et ici je m’arrête un instant pour vous faire remarquer comment vos saints voeux, vous mettant en relation directe avec Dieu, influent d’une manière admirable sur votre position d’institutrices.

C’est là le secret de la supériorité d’une religieuse enseignante sur une institutrice laïque. Dire le contraire, c’est une absurdité. Une institutrice laïque peut être pieuse, bonne, je vous l’accorde; jamais elle n’atteindra à cette hauteur, à cette puissance que donne à une religieuse la sainteté de sa vocation. A une condition toutefois, c’est que la religieuse sera digne de ce nom et digne de sa mission, plus encore, à condition qu’elle sera une sainte. Pour celle qui restera toujours inférieure à la grandeur de son état, son oeuvre sera nulle, et elle rabaissera la haute idée qu’on doit avoir du caractère religieux.

Les enfants voient vite les défauts, mes Soeurs, Madame une telle, remarquent-ils, est mauvaise langue, paresseuse, susceptible, jalouse. Si ces reparties sont fondées, comment pourrez-vous demander la perfection aux âmes? Grande responsabilité! Que devez-vous faire? Prêcher Notre-Seigneur, le montrer dans tous vos actes, toutes vos paroles, le faire paraître au dehors sous le voile de votre personnalité. Le terme de tout chrétien, c’est la perfection, et notre perfection, quelle sera-t-elle? Le « Christ, » répond saint Augustin.

L’Eglise étant l’assemblée des saints, la base des saints, c’est Notre-Seigneur. In illo et ab illo perfectio, ajoute encore le même Docteur dans son commentaire du psaume XXIV, c’est en lui et par lui que nous recevons la perfection.

Voilà donc, mes Soeurs, l’admirable enchaînement. Notre terme, c’est notre sainteté, et comme nous ne pouvons pas la trouver ailleurs que dans l’Eglise, il faut s’appuyer sur l’Eglise, parce que là nous trouvons Celui qui est à la fois le modèle et le principe de la sainteté que nous devons réaliser en nous, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Ainsi vous êtes obligées de faire des efforts pour vous sanctifier et sanctifier les autres, de manière que le travail de votre sanctification aide Notre-Seigneur à fonder son Eglise sur la seconde grande base que je viens de vous expliquer. Cette base de la sainteté, vous ne la trouverez nulle part ailleurs que dans l’Eglise catholique. Seule, elle montre au monde des saints; seule elle est sainte.

Cherchez la notion de la perfection dans les autres religions, vous ne la trouverez pas. C’est là une preuve magnifique de sa divinité. Nulle autre qu’elle a pu dire: Jésus-Christ, le Saint des saints, s’est fait homme, il est venu parmi nous nous apprendre à devenir des saints, à former cette vaste assemblée de saints dont il est le type adorable en même temps que le principe. In illo et ab illo perfectio. Oui, mes Soeurs, par Jésus-Christ, et c’est là la troisième base de son Eglise.

III. La grâce

Il est très vrai que c’est la grâce de Notre-Seigneur qui soutient son Eglise et que, s’il la retirait, elle tomberait infailliblement. Je distinguerai trois sortes de grâces: 1° La grâce de la prédication; 2° la grâce des sacrements; 3° la grâce intime.

1° Vous êtes obligées de demander la grâce de l’enseignement. Ayant une mission de prédication de la vérité, vous avez par conséquent besoin de grâces et de prières pour la remplir. Je n’insiste pas davantage, je vous fais seulement remarquer la différence entre une maîtresse qui prie et celle qui ne prie pas, et la supériorité par cela seul de l’éducation religieuse. Une maîtresse chrétienne doit donc toujours prier avant d’enseigner.

2° Grâce des sacrements. Il faut s’en rendre compte à deux points de vue: les sacrements que vous recevez, ceux que vous préparez à recevoir. Je ne parle pas des dispositions intérieures, mais vous êtes dans l’obligation de prouver que les sacrements opèrent en vous. Si vos élèves voient qu’après avoir communié vous vous fâchez, qu’après vous être confessées, vous ne changez guère, quelle idée prendront-elles de la vertu des sacrements? Vous sortez de la Messe, et la même bouche qui a reçu Notre-Seigneur profère des paroles d’impatience.

Voyez donc la nécessité où vous êtes de prêcher par votre exemple, par votre tenue, à cause des sacrements que vous recevez. Prenez garde qu’il n’y ait un scandale pour ces petites âmes de voir si peu de profit dans la fréquentation des sacrements. Vous savez la parole de Notre-Seigneur: Expedit ei ut suspendatur mola asinaria. (Matth. XVIII, 6.) Voici une seconde obligation, celle de donner aux enfants la plus haute idée des sacrements. Ce n’est pas le jansénisme que je vous prêche, c’est le respect des sacrements, c’est la sainte et filiale familiarité unie au respect le plus profond dans la réception des sacrements. Vous n’avez pas de moyen plus puissant pour élever vos enfants que celui qui met à votre disposition le Corps et le Sang de Jésus-Christ, et vous ne sauriez pas vous en servir?

Je ne crains pas de le dire, l’influence qu’une sainte maîtresse aura sur une enfant par les sacrements sera plus grande que celle du confesseur. Eh bien, pourquoi la religieuse n’emploierait-elle pas son action de grâces à agrandir son coeur, à lui donner un saint zèle pour préparer les âmes à la Communion? Nous sommes dans l’ordre de la foi ici, c’est évident. Jésus est présent dans votre âme, il vous dit: « Tu es mon épouse; je me mets à ta disposition, sers-toi de moi pour me faire aimer. » Dites-moi, est-il possible de lier avec Notre-Seigneur des relations plus profondes et plus intimes?

Il y a là pour vous le sujet d’un examen sérieux. Nous voici à la dernière semaine de l’année ecclésiastique; profitez-en pour faire une retraite dans votre coeur et voir ce que vous avez fait des dons de Dieu pendant cinquante et une semaines, prenez de fortes résolutions pour le bon emploi des grâces à venir, entrez dans l’ordre surnaturel. Combien de Communions faites, et vous n’avez pas su par elles agrandir la vie de l’Eglise, vous ne vous êtes pas unies à Notre-Seigneur par une intimité d’amour, vous n’avez pas communié comme vous auriez dû le faire!

3° Jésus-Christ a fondé son Eglise sur la grâce intime. Notre-Seigneur n’agit pas seulement en général. Mgr Manning fait observer que les conversions, même générales, ne se font pas en masse; il y a toujours une certaine personnalité, un individualisme dans les retours à Dieu. L’Eglise est une, elle agit sur chacun en particulier. Je ne veux pas parler ici des grâces particulières qu’on reçoit dans l’intime de l’âme et qui sont des faveurs tout à fait personnelles, je m’occupe de la correspondance à la grâce que vous devez favoriser dans les âmes, travail qui doit être celui de toute ouvrière catholique. Il s’agit de faire pénétrer la grâce dans les âmes, comme le jardinier creuse le sillon pour diriger les eaux qui doivent fertiliser son jardin. La grâce coulera dans ces âmes. C’est à vous à la diriger, à creuser la rigole, à ôter les pierres sur son passage, à faire disparaître les obstacles. Pour cela, il faut étudier la nature du terrain, connaître les âmes. Notre-Seigneur veut accomplir son oeuvre, mais en même temps il veut qu’on l’aide. C’est un grand honneur pour vous, mes Soeurs.

Ayez donc la préoccupation d’être les canaux de cette eau céleste; distribuez-la en long et en large, comme le Saint-Esprit veut la faire couler, et rappelez-vous que vous êtes les épouses de Jésus-Christ aussi bien que les filles de l’Esprit-Saint et que l’intimité de votre amour vous crée des devoirs.

Votre oeuvre, celle de la sanctification des âmes, est la plus belle de toutes. Notre-Seigneur dit: « Voilà des âmes que j’aime, je vais m’introduire dans leur intimité, et dans cette intimité je veux un témoin de mes relations avec elles. » Est-ce qu’il peut vous donner une marque de tendresse plus grande en vous associant à son oeuvre dans les âmes?

Et la religieuse ne comprendrait pas cela? Elle ne répondrait pas à cet appel? Allez donc dans ces sentiments, vous éprouverez une chaleur intime et féconde qui sera le fruit de votre zèle et de votre amour; et les ardeurs de la grâce embrasant votre coeur, vous monterez avec ces âmes que vous voudrez conduire à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

IV. L’unité

Notre-Seigneur a voulu que l’Eglise fût une: Ut sint unum sicut et nos unum sumus. (Joan. XVII, 22.) C’est la grande préoccupation de Notre-Seigneur en fondant sa sainte Eglise, sa grande prière en montant au ciel; c’est aussi notre grande espérance et notre grande force. Voyez la triple unité de l’Eglise dans la vérité, dans la sainteté et dans la grâce. La vérité, c’est Jésus-Christ; le principe, la source de la sainteté, c’est encore Jésus- Christ; la grâce, toujours la même dans son essence quoique distribuée sous différentes espèces, découle encore de Jésus-Christ. Et voilà la force divine de cette société qui est l’Eglise. Rien dans le monde ne vaut cela.

Aussi est-il dit: « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas. » La grande raison de ce triomphe sur l’enfer, c’est que l’unité est partout, dans la vérité, dans la sainteté, dans la grâce, et de ce triple caractère en sortira un quatrième: l’unité dans l’amour, dans le lien de l’Esprit-Saint. Pouvons-nous monter plus haut? Mes Soeurs, vous voilà transportées au sein de la Sainte Trinité: Ut sint unum sicut et nos. Et comment cela se fera-t-il? Dans le lien de l’amour qui est le Saint-Esprit, in vinculo pacis.

Je m’arrêterai pour considérer que lorsque Notre-Seigneur a dit: portae inferi, il posait cette triple unité dans l’amour, admirable principe de vie, en face de nos adversaires unis par la haine. Quel est le lien des méchants? La haine, pas l’amour. Y a-t-il de l’amour dans l’enfer? Y a-t-il de l’amour dans la ligue de la révolution? C’est là ce qui fera que les portes de l’enfer ne prévaudront pas. Dès qu’ils triomphent, les ministres de Satan se dissolvent, parce qu’ils haïssent. Quand ils ont l’Eglise à dévorer, elle suffit à assouvir leur haine; après leur victoire sur leur éternelle ennemie, quand ils n’ont plus d’objet à donner à leur fureur, ils se déchirent entre eux, parce que l’élément, la vie des méchants, c’est la haine, toujours la haine, rien que la haine.

L’histoire de l’Eglise n’est qu’une lutte incessante à travers les siècles. L’Eglise est la préoccupation constante de Satan. Contre elle monte toujours une haine qui grandit comme les flots de la tempête. Cette haine des méchants n’est du reste que l’image de celle de l’enfer. Les démons haïssent les damnés et les damnés haïssent les démons. Unité dans une haine réciproque et éternelle. Au ciel, tout au contraire, c’est l’unité dans l’amour, par la grâce de Notre-Seigneur, qui couronnera ses dons. Marchez donc dans l’unité, ayez le désir, la sollicitude de conserver l’unité de l’esprit dans un lien de paix.

Il y a deux conséquences à tirer de ce principe: 1° la nécessité de maintenir l’unité dans la Congrégation, et pour une religieuse de faire tous les sacrifices possibles pour maintenir cette unité. Ne dites donc jamais: « Ma Mère une telle a mauvais caractère, je ne puis la supporter. » N’importe! faites un sacrifice pour l’unité, ne vous permettez pas la plus légère rancune dans le coeur, le plus petit sentiment contre vos Soeurs. Voyons, êtes-vous du côté du ciel ou du côté de l’enfer? Vous en savez les conditions: d’une part, l’unité, la charité, le support; de l’autre, la division, la haine, la séparation. Examinez votre coeur et soyez inexorables pour toutes les fautes qui tendent à la division.

2° La seconde conséquence, c’est la magnificence de la vocation de ceux qui travaillent à l’unité de l’Eglise, à inspirer aux enfants ce sentiment d’unité. Tu es Petrus. Le Seigneur a établi les évêques pour gouverner son Eglise: Posuit episcopos regere Ecclesiam Dei (Act. XX, 28,) mais ce sont des centres particuliers qui convergent vers le centre unique, le Saint-Père, manifestation de Jésus-Christ sur la terre, et qui n’est le centre de l’unité qu’en tant que Vicaire de Jésus-Christ. Ipso summo angulari lapide. C’est là la tendance, le travail, toujours converger vers Notre-Seigneur Jésus-Christ, tout conduire et ramener à lui dans l’unité.

Je termine par la citation d’un texte du Psalmiste (Ps. CI, 23): In conveniendo in unum, et reges ut serviant Domino. Observez, ce ne sont pas les individus, mais les peuples avec leurs souverains que le Saint-Esprit convoque à entrer dans l’unité de l’Eglise. Ceci proclame, mes Soeurs, les droits sociaux de l’Eglise sur les nations.

Après avoir travaillé à la sanctification, à l’évangélisation des individus, à la diffusion de la grâce de Notre-Seigneur dans les âmes, vous aurez quelque chose de plus à faire, ce sera de faire sentir aux âmes qu’elles doivent venir à Jésus-Christ comme membres des nations dans lesquelles elles sont nées, de telle sorte que vous puissiez dire un jour: « Non seulement j’ai cherché à sanctifier les individus, mais moi, Française, j’ai contribué à rendre les âmes qui m’étaient confiées de plus en plus catholiques comme membres de cette grande société, qui est l’Eglise. » Qu’ils soient un, comme nous sommes un. Si nous l’obtenons, ce sera le résultat le plus cher au Coeur de Notre- Seigneur, Roi des âmes et Prince des nations; nous aurons remporté le plus beau triomphe sur terre, gage de celui que nous prépare le Saint-Esprit dans l’éternité des siècles. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum