OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • TREIZIEME CONFERENCE DONNEE LE 21 NOVEMBRE 1870.
    NECESSITE MORALE DE LA PASSION.
  • Prêtre et Apôtre, X, N° 117, novembre 1928, p. 330-332.
  • DA 44; CN 2; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 ABAISSEMENT
    1 ABJECTION
    1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ADORATION
    1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 AGONIE DE JESUS-CHRIST
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DE DIEU SOURCE DE L'APOSTOLAT
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DIVIN
    1 ANEANTISSEMENT
    1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 AUGUSTIN
    1 AUSTERITE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 CONGREGATIONS DE FEMMES
    1 CONTRARIETES
    1 CONTRITION
    1 CONVERSIONS
    1 CORPS DE JESUS-CHRIST
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 CORRUPTION
    1 CREATURES
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 CROIX DU CHRETIEN
    1 CRUCIFIEMENT DE L'AME
    1 DECADENCE
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 DIVIN MAITRE
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 DON DE CRAINTE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 DOUCEUR DE JESUS-CHRIST
    1 DROITS DE DIEU
    1 EGLISE
    1 EGLISE MILITANTE
    1 ENERGIE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 EPREUVES
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 ETUDE DES MYSTERES DE JESUS CHRIST
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FERME PROPOS
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FOLIE DE LA CROIX
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 HABITUDE DU PECHE VENIEL
    1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 IMMOLATION DE LA CHAIR
    1 INSENSIBILITE
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MARTYRS
    1 MISERES DE LA TERRE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MISSIONNAIRES
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 MORTIFICATION
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 ORDRES CONTEMPLATIFS
    1 OUBLI DE SOI
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PECHE MORTEL
    1 PECHE VENIEL
    1 PECHES
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 PREDICATION
    1 PURIFICATION
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REDEMPTION
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 RELIGIEUSES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENOUVELLEMENT
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SACRIFICE DE LA CROIX
    1 SAINT-SACREMENT
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SAUVEUR
    1 SENTIMENT DES DROITS DE DIEU
    1 SERVICE DU ROYAUME
    1 SILENCE DE JESUS-CHRIST
    1 SOUFFRANCE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 THEOLOGIE DE SAINT AUGUSTIN
    1 TIEDEUR
    1 TRIOMPHE
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERBE INCARNE
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIE CACHEE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE PUBLIQUE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE RELIGIEUSE
    2 MOISE
  • Religieuses de l'Assomption
  • 21 novembre 1870
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’auteur. -1° Il faut que Jésus-Christ souffre pour montrer l’horreur du péché. Nécessité de religieuses pénitentes pour l’expier.

Diverses espèces de péché. Hostis ille noster, tunc, leo fuit, cum aperte saeviebat; modo draco est, cum occulte insidiatur. (S. Augustin, Ennaratio in Ps. XXXIX, n° 1.)

2° Il fallait la Passion pour montrer les droits de Dieu. Nécessité de religieuses persécutées pour la justice. Sparsus est sanguis justus, et illo sanguine tanquam seminatione, per totum mundum facta, seges surrexit Ecclesiae. (S. Augustin, Eodem loco.) Tenetur in torculari corpus ejus, id est Ecclesia ejus. Quid est in torculari? In pressuris, sed in torculari fructuosa pressura est. (S. Augustin, Ennaratio in Ps. LV, n° 3.) Uva in vite pressuram non sentit, integra videtur, sed nihil inde manat. Mittitur in torcular, calcatur, premitur, injuria videtur fieri uvae sed sta injuria sterilis non est; imo si nulla, injuria accederet, sterilis remaneret. (S. Augustin, Eodem loco.)

3° Il fallait la Passion pour montrer l’amour de Dieu. Nécessité de religieuses martyres de la charité.

Texte sténographié de la Conférence

Mes Soeurs,

Le sujet que je veux aborder ici est comme le prologue de la seconde partie de la vie de Jésus-Christ, et, à proprement parler, il ne comprend que vingt-quatre heures. La première partie, la vie cachée, a duré trente ans; la seconde, la mission apostolique, trois ans. Nous voici à la troisième, la plus courte en durée, à la Passion. Avant de traiter de la Passion, j’ai voulu faire une conférence très longue et très courte à la fois: très longue, à cause des considérations si multiples qui en découlent; très courte, parce qu’il me semble que je dois les laisser pour la plupart de côté. Nous les retrouverons plus tard, car il est évident que la Passion de Notre-Seigneur est le pivot de la vie religieuse.

Je me propose dans cet entretien de considérer à un seul point de vue la Passion de Notre-Seigneur: Quelle est la nécessité morale de la Passion de Notre-Seigneur, ou si vous aimez mieux, pourquoi sa Passion? Je trouve trois causes, extrêmement simples d’une part, extrêmement abrégées de l’autre, et, comme d’habitude, nous en tirerons trois ou quatre conclusions pratiques.

I. Notre-Seigneur a souffert pour nous montrer l’horreur que nous devons avoir pour le péché

La religieuse ne commet pas souvent de péché mortel. Y en a-t-il une parmi vous qui, dans toute sa vie, ait commis un seul péché de cette nature? J’aime à croire que non. Dans l’état habituel des choses, une religieuse qui va se confesser tous les huit jours n’a que des fautes vénielles à accuser. Avez-vous des péchés véniels dont vous vous accusez si souvent, une horreur suffisante pour qu’elle s’élève à l’état de contrition? Grosse question. Pour certaines religieuses, certains petits péchés sont comme un article de leur règlement. Le moyen alors d’en avoir la contrition suffisante! Car, si vous n’avez pas la contrition, il n’y a pas matière à absolution. Je ne veux pas examiner ici si la confession dans ces conditions est nulle ou sacrilège, les opinions sont partagées. Mais à tout le moins elle est nulle. Et alors, où en sommes-nous?

Laissant de côté l’horreur que Notre-Seigneur veut nous inspirer, par sa Passion, pour les péchés mortels, ne voyons que Notre-Seigneur souffrant pour nos péchés véniels. Je dis qu’il y a là un aiguillon puissant pour exciter votre contrition, et que la méditation de la Passion est nécessaire aux religieuses dans ce but. En même temps, mes Soeurs, il y a trois conséquences à tirer pour vous de cette considération: l’horreur du péché, puisée dans l’étude de la Passion de Notre-Seigneur; l’horreur du péché mortel, que vous avez peut-être commis dans votre passé; enfin, l’horreur du péché mortel chez les autres.

Vous devez ressentir plus vivement cette haine, parce qu’étant par votre état de perfection plus rapprochées du Coeur de Notre-Seigneur, transpercé par le péché, il y a là pour une religieuse une sainte excitation à se poser, devant Jésus-Christ au Saint Sacrement, en union de ses souffrances et en union de l’horreur que ce péché lui a inspirée. Sera-ce une haine personnelle, si je puis ainsi dire? Souffrirez-vous, parce que vous vous sentirez vous-mêmes coupables? Oui, sans doute. Vous pleurerez comme chrétiennes d’abord, mais surtout comme épouses de Jésus-Christ, comme ne faisant qu’un avec lui en partageant tous ces sentiments. Au-dessus de tous les autres, motifs, il y a une obligation d’amour de détester le péché, comme Notre-Seigneur l’a fait, et une obligation aussi de faire tout ce que vous pourrez pour détruire le péché par l’expiation.

Je m’arrête à ce mot. Vous n’êtes pas une Congrégation pénitente. Non, votre but n’est pas celui des Trappistines, des Carmélites. Mais il n’en est pas moins évident pour moi qu’en tant que religieuses, à cause de la détestation du péché que la foi et l’amour doivent imprimer dans votre coeur, à cause de la délicatesse de votre sentiment d’épouses, vous devez être impressionnables, dans le sens surnaturel du mot, au contact de tout péché mortel.

Quoi! la terre entière est infestée par le péché, il monte comme une fumée de toutes parts et obscurcit le ciel des âmes plus ténébreusement encore que l’orage n’assombrit l’atmosphère; le péché ruisselle, il envahit tout, il grandit comme un vaste déluge engloutissant les âmes, et voilà une religieuse en adoration devant Jésus-Christ au Saint Sacrement, et elle ne porterait pas dans son coeur la haine du péché! Celui qui est là, c’est la Victime immolée sur le Calvaire. Il y est vraiment dans cet état de sacrifice: car, c’est après avoir célébré l’immolation non sanglante qui représente celle de la croix, que le prêtre dépose sur l’autel le Corps très saint du Sauveur.

La religieuse adore la Victime auguste, et vous voulez qu unie a son Dieu dans ses prières, elle n’entre pas dans ses sentiments, elle ne se revête pas de tous les péchés qui l’environnent pour se placer entre Dieu et les pécheurs et demander pardon pour ceux qui l’offensent!

Il me semble qu’il y a là un magnifique état de pénitence, non par les austérités du cloître, mais par l’humiliation du coeur et par l’adoration. Prendre sur soi les péchés du monde, en accepter l’ignominie, se prosterner devant le Sauveur recouverte de ce manteau d’humiliation, le coeur brisé par la douleur, et demander grâce; c’est la prière de réparation, mes Soeurs, et ne craignez plus de manquer de contrition, car voici les péchés du genre humain qui vous poursuivent. Ample matière! Et alors, quand la religieuse aura adoré la Victime divinement cachée sous les voiles eucharistiques, elle comprendra facilement que si elle n’appartient pas à une Congrégation pénitente, elle n’en est pas moins obligée d’accepter en esprit de pénitence toutes les occasions de peine et de souffrances qui se rencontrent dans la vie.

Voyez-vous le grand avantage de faire pénitence quand on n’est pas dans un Ordre voué à l’austérité? Vous n’aurez pas les veilles, les jeûnes, les mortifications héroïques, mais votre pénitence n’en sera peut-être que meilleure. Elle consistera dans le travail pénible contre vous-mêmes, dans l’acceptation de tous les froissements de votre amour-propre, les peines de coeur, la fatigue de vos occupations, les brisements de caractère, les défauts de la nature, mais tout cela transformé en pénitence, porté en esprit de réparation. A ce point de vue, je vous assure, vous pourrez être vraiment pénitentes, si vous saisissez avec ardeur toutes les occasions de souffrir.

Je ne vous demande pas de mater votre corps, parce qu’il a besoin d’une certaine énergie pour le travail apostolique; je veux que vous soyez généreuses dans l’effort, obéissantes aux ordres qu’on vous donne; je veux que vous ayez de l’héroïsme envers les mauvais caractères, que vous vous éleviez au-dessus de vous-mêmes dans certains moments de troubles, qu’enfin chaque épreuve se transforme pour vous en pénitence: C’est cela, mes Soeurs, qui vous rendra parfaites.

Voyez-vous ce côté de la pénitence? Est-ce que vous ne devez pas avoir horreur de vos péchés et des péchés des hommes? Du privilège qu’a votre Congrégation d’adorer le divin Maître au Saint Sacrement. Jésus crucifié dans l’Hostie, voyez quelles conséquences pratiques en découlent et la vie d’expiation que vous êtes tenues d’embrasser. Sans prendre les austérités des Congrégations pénitentes, vous avez à rechercher toutes les occasions de mortifications qui se rencontreront dans votre état. J’ai cru devoir vous signaler ce point de vue. La pénitence considérée ainsi, est de tous les Ordres et de toutes les Congrégations. Il n’en est pas qui ne puisse, dans cette manière de l’entendre, rivaliser de générosité avec les autres.

II. Notre-Seigneur a souffert pour nous montrer les droits de Dieu

Dieu le Père prenant Dieu le Fils et le broyant dans sa justice, voilà la manière dont Dieu veut qu’on le proclame et que l’on constate ses droits. La Passion, ce sont les supplices les plus épouvantables, les tortures les plus atroces infligées à la partie humaine de Notre-Seigneur de la façon la plus exquise par la main de Dieu. Toutes les créatures réunies ne suffiraient pas pour assouvir les vengeances divines; l’enfer même ne le pourrait pas. Il y faut un Dieu, et, comme étant Dieu, il ne peut souffrir, il en recevra la puissance, il revêtira sa divinité de notre chair mortelle, et ainsi le Verbe fait homme pourra porter le poids de la justice de Dieu; il sera le Sauveur parce qu’il sera la Victime qui convient à l’exercice des droits de Dieu.

Nous avons deux conséquences à déduire. Les droits de Dieu sont les mêmes; ils subsistent aujourd’hui tels qu’ils étaient alors. Si Notre-Seigneur sur la croix a expié pour les péchés passés et pour les péchés futurs, il a voulu aussi que d’autres expient avec lui, que d’autres reconnaissent et proclament les droits de Dieu.

Il y a deux catégories d’âmes: celles qui, ayant péché s’appliquent le prix de la Rédemption et veulent du Sang de Jésus-Christ pour laver leurs fautes, sans rien chercher au-delà; enfin, les âmes plus parfaites qui veulent non seulement s’appliquer les mérites de la Passion de Notre-Seigneur, mais encore y surajouter pour former un trésor d’expiation. C’est là l’invitation que vous adresse l’Eglise, comme à ses religieuses. Vous devez augmenter son trésor, par suite de l’état de perfection où vous êtes entrées.

Comprenez-vous maintenant l’adoration de la religieuse? « Seigneur, dit-elle, vous avez souffert, et le mystère de vos souffrances se révèle à moi, comme le triomphe des droits de Dieu sur les pécheurs. Vous me permettrez un instant de ne pas me considérer comme pécheresse, mais comme une victime expiatrice pour réparer vos droits méconnus. Je ne me place pas en face de votre miséricorde, Seigneur, mais en face de votre justice, et je viens vous dire: Oui, vous avez des droits immenses, infinis, sur une créature bornée, me voilà. Je viens, moi, néant, pécheresse d’origine, fille de colère devenue enfant d’adoption et même plus que cela, épouse de votre Fils, je viens vous demander la permission de réparer vos droits. »

Comment les réparer? La Passion nous fait voir de quelle façon Notre-Seigneur a satisfait à la justice de son Père; nous le ferons, nous, par l’humilité, par l’adoration des droits divins.

Peu de personnes s’occupent de cette question. Là est pourtant le principe de la régénération du genre humain. Saint Augustin a un texte magnifique que je vais vous citer. Il dit, à propos du Sang de Jésus-Christ et du sang des martyrs: « Sparsus est sanguis justus, et illo sanguine tamquam seminatione per totum mundum facta, seges surrexit Ecclesiae. (Enarratio in Ps. XXXIX, n° 1.) Le sang du Juste a été répandu et par ce sang répandu dans le monde entier comme une semence puissante a surgi une moisson, et cette moisson, c’est l’Eglise. » De sorte que la religieuse pénitente, unissant sa pénitence à celle de Jésus-Christ, contribue à répandre cette semence d’où surgit la moisson qui est l’Eglise.

Si le sang très juste de Notre-Seigneur n’était pas là, la semence des saints ne donnerait aucun résultat; le travail des saints, joint à l’ensemencement divin, produit cette admirable moisson. C’est la semence des missionnaires, des Trappistes, des adorateurs et des adoratrices du Très Saint Sacrement c’est la semence de la réparation des droits de Dieu. Sparsus est sanguis.

Vous voyez donc l’action que vous avez sur l’Eglise par la pénitence. C’est ce qui se passait sur la croix. Notre-Seigneur donnait son sang ainsi que ses larmes, il adorait son Père en silence. La religieuse, prosternée aux pieds du Saint Sacrement, adore; elle donne son sang dans ses larmes- Saint Augustin n’a-t-il pas appelé les larmes « le sang du coeur »? La religieuse s’unit à Notre-Seigneur; elle prie, elle concourt à la diffusion du sang du Juste. Lorsqu’elle est là, détestant les péchés des hommes, émue des souffrances de son Sauveur, conjurant Dieu d’avoir pitié des pécheurs, elle dispose la justice de Dieu à transformer cette expiation en moisson féconde qui enrichit l’Eglise.

Saint Augustin, dans le passage que je vais vous citer, va vous faire voir comment les choses se passent. Il se sert de la comparaison du pressoir, si souvent employée par les prophètes: « Tenetur, dit-il, in torculari corpus ejus, id est Ecclesiae ejus. Quid est in torculari? In pressuris, sed in torculari fructuosa pressura est. » (Enarratio in Ps. LV, n° 3.) L’Eglise de Jésus-Christ, le Corps de Jésus-Christ est mis sous le pressoir. Qu’est-ce que c’est pour l’Eglise d’être mise sous le pressoir? Elle est opprimée, mais cette oppression devient féconde. »

La grappe sur la vigne ne sent pas le pressoir, aussi il n’en découle rien. Voilà la religieuse qui a tout ce qui lui convient. Sa vie est douce et commode; elle a ses petits arrangements, ses petites aises. Elle peut bien dire: « Je mène une vie heureuse. » Mais quel mérite en retire-t-elle? Elle est une grappe sur une souche. Mittitur in torcular.

Elle aura affaire à une Supérieure qui ne lui plaît pas, à des Soeurs d’un caractère difficile, à des enfants qui la feront souffrir, à une maladie qui l’atteindra. Calcatur, premitur; elle sera foulée aux pieds, injuriée, comme on fait injure à cette grappe. « Ah! comment peut-on traiter cette pauvre Soeur ainsi? Voyez comme notre Mère la bouscule, on la dirait la servante de toutes! » Videtur injuria fieri uvae. Mais cette injure n’est pas stérile, sed ista injuria sterilis non est. Si on ne la lui faisait pas, peut-être cette religieuse resterait, au contraire, stérile. Elle serait une charmante personne, pas une sainte; mais comme elle se laisse mettre sous le pressoir, elle donne de très excellent vin.

Eh bien! mes Soeurs, comprenez-vous la nécessité d’être mises sous le pressoir, d’être opprimées, foulées aux pieds comme Notre-Seigneur l’a été, et cela au nom des droits de Dieu sur vous? Vous serez foulées aux pieds pour votre propre profit, si vous vous contentez d’une pénitence personnelle, égoïste, faite pour vous seules. Vous serez foulées aux pieds pour l’avantage des âmes de vos frères, si vous fécondez votre pénitence en dilatant vos coeurs, si vous avez le courage de dire: « C’est avec bonheur que je souffre, afin de satisfaire aux droits de la justice divine et d’acquérir cette fécondité que toute épouse doit avoir pour témoigner son amour. »

III. Notre-Seigneur a souffert. il est mort pour nous montrer son amour

Il est parfaitement évident que le monde aurait pu être sauvé par autre chose. Mais comme nous étions condamnés à une vie plus où moins pénible, il était indispensable que nous sachions jusqu’où Dieu nous avait aimés. Majorem hac dilectionem nemo habet, ut animam suam ponat quis pro amicis suis. (Joan. XV, 13.) Et quand non seulement on donne sa vie, mais qu’on la donne dans les supplices, les tortures les plus effroyables, c’est une preuve d’un amour plus grand encore. Alors il résulte pour l’âme religieuse un désir ardent d’imiter la Passion de Notre-Seigneur par le martyre de la pénitence, par toutes les souffrances de la vie acceptées en expiation. Je ne parle pas des mortifications volontaires, je parle des souffrances qui sont envoyées aux âmes par la main de Dieu.

Voyez Notre-Seigneur. Il ne s’est pas couronné d’épines, il ne s’est pas flagellé, il s’est laissé faire. Je considère donc la religieuse recevant avec une adoration d’amour toutes les douleurs que son Epoux lui enverra, en lui disant, comme la femme de Moïse: « Tu es pour moi un époux de sang. » (Ex. IV, 25.)

Fili, accedens ad servitutem Dei… praepara animam tuam ad tentationem. (Eccl. II, 1,) et par la tentation, à la souffrance. Vous lui répondrez, mes Soeurs: « Moi, qui veux approcher de la perfection du service de Dieu, je veux me préparer à la perfection de la souffrance. Elle ne consiste pas seulement dans ce que la souffrance renferme de violent et de dur, mais dans les sentiments avec lesquels je savourerai la douleur. » C’est ainsi que vous

Plus vous pénétrerez le mystère de la Passion, plus vous serez convaincues de la nécessité de détester le péché, d’adorer la justice de Dieu et d’expier pour vous et les autres. Vous reconnaîtrez que la souffrance est utile, qu’elle devient même un bien et une douleur, puisqu’elle est le témoignage de votre amour. Et vous voudrez souffrir beaucoup, parce que vous aimez de même.

Notes et post-scriptum