OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • DIX-SEPTIEME CONFERENCE DONNEE LE 26 NOVEMBRE 1870.
    AMOUR ENVERS NOTRE-SEIGNEUR. LES JUGES DE JESUS.
  • Prêtre et Apôtre, XI, N° 121, MARS 1929, p. 72-75.
  • DA 44; CN 2; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 APOSTASIE
    1 APOTRES
    1 AUGUSTIN
    1 BAPTEME
    1 BIENS DE L'EGLISE
    1 BONTE
    1 CALOMNIE
    1 CELIBATAIRE
    1 CHARITE DE JESUS-CHRIST
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CLERGE
    1 CONFESSEUR
    1 CONTRITION
    1 CONVERSATIONS
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 COUVENT
    1 CRITIQUES
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 CURIOSITE MALSAINE
    1 DESESPOIR
    1 DEVOTION
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DIVIN MAITRE
    1 DOCTRINES ROMAINES
    1 DOMESTIQUES
    1 EGLISE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 ENERGIE
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 EPREUVES
    1 ERREUR
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 ESPRIT ETROIT
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 EVEQUE
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FAIBLESSES
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FEMMES
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 FLATTERIE
    1 FONCTIONNAIRES
    1 FRAUDES
    1 GENEROSITE
    1 GLORIFICATION DE JESUS-CHRIST
    1 GOUVERNEMENT
    1 HABITUDE PSYCHOLOGIQUE
    1 HAINE
    1 HAINE CONTRE JESUS-CHRIST
    1 HARDIESSE DE L'APOTRE
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 HYPOCRISIE
    1 IDEES DU MONDE
    1 INCONSTANCE
    1 INFIDELITE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JANSENISME
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DU PARDON
    1 JESUS-CHRIST JUGE
    1 JUIFS
    1 LACHETE
    1 LAICAT
    1 LEGERETE
    1 LEGISLATION
    1 LOI CIVILE
    1 LOI SANS DIEU
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 MAL MORAL
    1 MEDISANCE
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 NOVICIAT
    1 OEUVRES DE PIETE
    1 OPPORTUNISME
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PAIX DE L'AME
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PATIENCE
    1 PECHES CONTRE DIEU
    1 PERSECUTIONS
    1 PEUPLE
    1 PREDICATION
    1 PRETRE
    1 PROTESTANTISME
    1 PRUDENCE
    1 PUNITIONS
    1 RACE DE SATAN
    1 RECHUTE
    1 RELIGIEUSES
    1 RELIGIEUX
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    1 RESPECT
    1 RESPECT HUMAIN
    1 RESURRECTION DE JESUS-CHRIST
    1 SAINT-SIEGE
    1 SALUT DES AMES
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SATAN
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SILENCE DE JESUS-CHRIST
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 SOUVERAINETE POLITIQUE
    1 SPOLIATEURS
    1 SUPERIEUR
    1 SUPERIEURE
    1 TENTATION
    1 TIEDEUR
    1 TRAHISON
    1 TRIOMPHE
    1 TRISTESSE
    1 ULTRAMONTANISME
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 USURPATIONS
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIOLENCE
    1 VOCATION
    2 ANNE, GRAND PRETRE
    2 CAIPHE
    2 HERODE AGRIPPA I
    2 JEAN, SAINT
    2 JUDAS
    2 LA MARMORA, ALFONSO FERRERO DE
    2 MATTHIEU, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 PILATE
    2 ROSE DE LIMA, SAINTE
    3 ANGLETERRE
    3 AUTRICHE
    3 ESPAGNE
    3 EUROPE
    3 ITALIE
    3 JERUSALEM
    3 JERUSALEM, TEMPLE
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 TRANSYLVANIE
    3 TURQUIE
  • Religieuses de l'Assomption
  • 26 novembre 1870.
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’auteur. -1° Les prêtres -vous y êtes exposées- ne vous seront pas toujours favorables.

2° Pilate, la légalité.

3° Hérode, le monde.

4° Les Juifs, la populace.

Texte sténographié de la Conférence

Mes Soeurs,

Pour ne pas être trop long, j’avais pensé supprimer quelques scènes de la Passion, entre autres le reniement de saint Pierre; puis, il m’a paru qu’il valait mieux condenser plusieurs détails et vous les présenter. Nous suivrons ainsi les différentes phases de cette nuit qui précéda la mort de Notre-Seigneur, nous verrons le reniement de l’apôtre et nous accompagnerons le divin Maître traîné devant les quatre tribunaux qui le condamneront. Il y a là, ce me semble, ample matière à enseignements pour l’âme religieuse.

I. Reniement de saint Pierre

Notre-Seigneur a donc été livré à ses bourreaux par Judas, et il a été traîné devant les tribunaux. Je m’arrête un instant pour considérer la figure de l’apôtre Pierre. Vous savez le récit de l’Evangile. Pierre suit de loin le Maître avec un autre disciple qui entre dans la cour du grand-prêtre, tandis que Pierre est resté près de la porte, en dehors. Puis on l’introduit à son tour, et là, interrogé à trois reprises par les valets ou les servantes du grand-prêtre, il proteste qu’il n’est pas des disciples de cet homme: « Je n’en suis pas… Femme, je ne le connais même pas. » Et il sort.

Mes chères filles, les deux servantes qui sont là pour faire tomber saint Pierre, ne seraient-ce pas deux religieuses qui quelquefois, dans les conversations a parte, entre elles, se moquent d’une de leurs compagnes, la raillent pour la faire trébucher? Cela s’est vu. Des religieuses légèrement tentées sur leur vocation se sentent comme de mauvais enfants dans un collège; elles se rencontrent et leur mécontentement s’exhale par une parole, un sourire; elles plaisantent « ma Soeur une telle », elles rient de ses défauts, et la pauvre petite Soeur, embarrassée, succombera à la plaisanterie. Elle était pieuse, bonne, elle se laissera gagner et elle constituera le trio.

Mes Soeurs, cela ne se passe pas ainsi à l’Assomption, je le veux bien, mais je parle en général, je sais que c’est dans la nature humaine. Dans un couvent, dans un collège, dans un noviciat, dans toute réunion d’hommes ou de femmes, cela peut arriver. Il se trouvera toujours de bonnes petites Soeurs assez maladroites, assez médiocres, qui tomberont facilement sous la patte de certaines compagnes railleuses et malintentionnées. « Ah! ma Soeur une telle, elle n’a fait que pleurer pendant son action de grâces, elle a sans doute le don des larmes. » Ou bien: « Vous voulez sans doute faire comme sainte Rose de Lima, vivre de cinq graines d’orange? » Et tu cum Galilaeo eras.

Je laisse de côté les détails, mais je veux insister sur le respect humain, dont je vous ai parlé et qui peut se glisser dans les Congrégations. Dans le monde, le respect humain fait boule de neige. Quand il commence, nul ne peut savoir où il conduira. Il en va de même dans les couvents. On néglige d’abord de petites choses, de petits riens. Les Supérieures ne s’en aperçoivent pas, mais les espiègles le remarquent et disent: « Tant mieux que telle ou telle pratique soit négligée! La pauvre Soeur qui a commencé à faillir n’ose plus se relever; elle s’arrête devant les sarcasmes de ses compagnes, elle tombe de faute en faute et c’est le respect humain qui la pousse vers le mal.

Ceci dit, revenons à saint Pierre. Il est là le pauvre saint Pierre et il fait une chute épouvantable. Il aimait pourtant Notre-Seigneur plus que les autres. Il l’avait suivi, parce qu’il voulait savoir si on le crucifierait ou non; cependant, il tombe. Mais à peine a-t-il rencontré le seul regard de Notre-Seigneur que son coeur est bouleversé; il sort et pleure amèrement et la légende raconte que ses larmes furent telles qu’elles creusèrent deux sillons le long de ses joues.

Jésus lui dit: « Je te dis en vérité, cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. » (Matth. XXVI, 34.) Il y a là un enseignement merveilleux et consolant pour la religieuse qui commet des fautes. Si saint Pierre, la colonne de l’Eglise, le chef des apôtres, est tombé en niant Notre-Seigneur Jésus-Christ et s’est relevé, comment vous qui n’êtes pas une colonne de l’Eglise, ne vous relèveriez-vous pas? Je crois que, parmi tant d’autres motifs, il y à là le sujet d’une grande dévotion à saint Pierre. Notre-Seigneur a permis qu’il tombât pour nous faire admirer la grande miséricorde dont il use envers les pécheurs. Lorsque le diable, au contraire, veut nous pousser au désespoir, il nous montre les conséquences les plus terribles pour nos petites fautes. Ainsi j’ai connu un homme, fort incrédule du reste, à qui le démon avait fait croire qu’il était cause de la révolution, parce que dans son enfance il avait cassé les burettes en servant la Messe.

Regardez donc l’exemple de saint Pierre et prenez la résolution de ne pas être des servantes de Caïphe pour faire tomber vos Soeurs. « Ma Soeur une telle a fait une chute, et c’est moi qui l’ai fait trébucher. » Quelle joie! petit suppôt de Satan!

Donc courage et confiance. Rappelez-vous que c’est à celui qui doit faire cette épouvantable chute que Notre-Seigneur dit: « Pierre, m’aimes-tu plus que les autres? » (Joan. XXI, 15.) Notre-Seigneur le savait bien, mais il voulait entendre la triple confession de la bouche de l’apôtre lui-même. Saint Augustin et les Pères ont observé que la triple affirmation d’amour de Pierre était la réparation du triple reniement chez Caïphe. Saint Pierre était tout triste, parce que Notre-Seigneur semblait douter de lui: « Seigneur, vous qui savez toutes choses, vous savez que je vous aime. » Le bon Dieu aime les caractères généreux qui s’élancent d’un bond pour se donner tout entiers.

Prenez là une conviction absolue que vos chutes passées ne sont pas une raison pour vous empêcher de vous relever généreusement et d’aimer Dieu de tout votre coeur. Voyez plutôt. Est-ce à saint Jean, le mystique, l’âme tendre et virginale, le gardien de la Sainte Vierge, que Notre-Seigneur donnera le gouvernement de son Eglise? Non, c’est à saint Pierre que Notre-Seigneur dit: « Pais mes brebis. »

J’arrive aux divers juges devant qui comparut Notre-Seigneur.

II. Le tribunal des prêtres

Jésus est traîné devant le tribunal d’Anne et de Caïphe, le tribunal des prêtres, et je ferai deux observations.

1° Il faut s’attendre à ce que les couvents soient jugés par le clergé, et que le jugement ne vous soit pas toujours favorable. Pourquoi cela? Je vous parle très sérieusement. Si vous saviez toutes les vocations qui sont empêchées par les curés, sous prétexte que Mademoiselle une telle est une personne de choix qui fait l’édification de la paroisse. Il la lui faut absolument pour sa Congrégation des Enfants de Marie. Puis, après avoir été le modèle des jeunes filles, elle doit devenir le modèle des jeunes femmes. Il y aura la Congrégation de Sainte-Philomène dont elle devra faire partie; celle de Sainte-Rose de Lima, celle de Sainte-Catherine, de…, trente millions de Congrégations, dans lesquelles Mademoiselle une telle doit s’arrêter comme dans un filet, pour ne pas aller plus loin.

Mademoiselle une telle ne sera pas condamnée à mort pour cela, c’est certain; mais elle aurait pu devenir une grande sainte peut-être, et elle ne sera qu’une brave fille, une bonne mère de famille. Elle n’arrivera donc pas à la perfection à laquelle Dieu l’appelait, et si ce n’est pas une condamnation à mort de la personne, ce sera le coup mortel porté à la vocation que Dieu lui destinait.

J’ajoute une réflexion pour les Supérieures qui ont charge d’âmes. Elles doivent bien examiner à qui elles confient la direction d’une vocation naissante. Dans telles circonstances, tel confesseur peut perdre une vocation. Tout est admirable dans l’Eglise de Dieu, surtout la manière dont le côté divin triomphe du côté humain. Le jansénisme a horreur des couvents. Or, le jansénisme, qui est venu en France il y a deux cents ans, comme doctrine, y vit encore aujourd’hui comme pratique, et beaucoup plus qu’on ne le pense. C’est pourquoi, je vous en conjure, soyez romaines.

S’il peut y avoir des défaillances à Rome dans la vie religieuse, il n’en reste pas moins que la force des couvents est à Rome, et que plus vous vous attacherez à Rome, plus vous donnerez de vigueur et de véritable vie à votre Congrégation. Rome sait la valeur des couvents, elle les respecte, elle ne les condamne pas.

Tout dernièrement, j’ai vu le Mémoire d’un Supérieur de communauté qui avait eu des difficultés avec son évêque. Qu’a fait Rome? Elle a soustrait la communauté à la juridiction de l’évêque. Sans doute il y avait des motifs, car il se passe quelquefois des choses fort tristes. Il se trouve des évêques qui n’aiment pas les couvents et qui les condamnent, comme Caïphe a condamné Notre-Seigneur. Que faire alors? Il faut le supporter. Ne craignez rien. Tertia die resurget. Vous ressusciterez aussi. Si dans vos épreuves vous savez vous conduire en saintes, vous triompherez un jour.

2° Je vous parlerai, en second lieu, des jugements sévères que les religieuses portent les unes sur les autres. Quand cette tentation vous vient, je vous engage à penser aux jugements qui ont été portés sur Notre-Seigneur. Combien de fois, si vous êtes de bonne foi, pourrez-vous reconnaître que vous avez jugé à côté, que vous vous êtes totalement trompées! Je vous conseille donc très fortement de vous abstenir de juger, et de ne pas imiter Caïphe et les prêtres dont je vous parlais.

Si vous êtes mal vues par certains prêtres, à votre tour, vous qui êtes consacrées à Dieu et qui participez un peu à la vie cléricale, vous vous croyez le droit de juger vos Soeurs. C’est très grave. On est quelquefois obligé de juger, Ici, je m’adresse aux Supérieures pour leur dire une chose terrible. Si elles jugent avec un sentiment humain, cela leur sera compté au tribunal de Dieu, au dernier jour. Faites donc un examen sérieux pour savoir si, après avoir accepté tous les jugements malveillants des autres, il ne vous sera pas demandé de rendre compte des vôtres! Ce pauvre parloir! Que de jugements a-t-il entendus sortir de votre bouche! Peut-être, dans certaines circonstances, ont-ils été la condamnation de Notre-Seigneur, comme au tribunal de Caïphe.

III. Le tribunal légal

Pilate est le représentant du monde officiel. Au temps présent, les vrais représentants de Jésus-Christ, ce sont les religieux et les religieuses, la partie la plus saine de l’Eglise, la plus rapprochée de Notre-Seigneur. A cause de cela même, ils sont l’objet de la haine du monde officiel et livrés aux ennemis du Christ.

Cherchez autour de vous dans l’Europe chrétienne, où trouverez-vous dans les rangs de la société gouvernementale un principe catholique? En Angleterre, gouvernement protestant; en Autriche, un ministre protestant; la révolution en France, en Espagne et en Italie! la Russie, schismatique. Où trouverez-vous un gouvernement chrétien en Europe? Peut-être la Turquie l’est-elle encore le plus parmi les autres.

Partout Notre-Seigneur est livré à la race des Pilates; partout, il est livré à l’hypocrisie, à la haine légale, à l’empire de l’homme, enfin. Dans ce cas, l’empire de l’homme et celui du diable ne font qu’un.

Voulez-vous savoir à quoi sont exposées les communautés dans cet état violent des choses? A être étranglées au nom de la légalité. Il y aura peut-être, au fond du salon de quelque ministère ou chez tel magistrat, une pieuse femme qui plaidera votre cause et demandera votre grâce à son mari: « J’ai compassion de ces gens-là, dira-t-elle. Qu’y a-t-il entre vous et cet homme juste? » Je vous déclare que Pilate ne s’en lavera pas moins les mains. Ses intentions sont bonnes, mais il a reçu tel rescrit de l’empereur. C’est l’histoire des rapports du pouvoir civil avec ce qu’il y a de plus élevé dans l’Eglise, les couvents.

On dépouille l’Eglise au nom de la loi. En Angleterre, il y a trois cents ans que la spoliation a été faite. De nos jours, elle s’accomplit en Italie et ailleurs. Il y a six ans que je sais le nom du banquier qui devait acheter les biens ecclésiastiques en Transylvanie. C’était un système arrêté, une spéculation financière parfaitement dévoilée, et toujours au nom de la légalité. Quoi de plus légal que l’entreprise du général La Marmora à Rome? On dépouille le Pape par ordonnance du roi, par décret des Chambres. Il est très légal aussi de fabriquer de fausses clés pour entrer dans un palais du Pape.

Si vous croyez pouvoir vous fier à la disposition d’un Pilate, c’est la plus absolue des erreurs. Le fond des coeurs, c’est l’hypocrisie, la trahison. Innocens ego sum a sanguine justi hujus, vos videritis. (Matth. XXVII, 24.) Et alors on ira toujours en avant, on poursuivra toujours Notre-Seigneur et les couvents. Tenez-vous pour averties; et si vous vous imaginez que le diable, caché sous la robe d’un juge ou l’uniforme d’un préfet, s’arrêtera dans sa poursuite, vous vous trompez étrangement.

IV. Le tribunal du monde

Hérode représente le monde avec sa raillerie. Sprevit autem illum Herodes cum exercitu suo, et illusit indutum veste alba, et remisit ad Pilatum. (Luc. XXIII, 11.) Vous croyez faire un certain effet dans le monde, ne vous y fiez pas. Vous ne serez que des sottes, des religieuses dépourvues de sens commun, ignorantes, pleines d’idées étroites, et attendez-vous à ce que cette impression aille toujours en augmentant. N’essayez pas de donner des explications, c’est inutile, vous serez toujours blâmées. Pour ces gens-là, vous serez toujours un objet de curiosité, de moquerie. Quelque chose que vous fassiez, vous serez toujours prises du mauvais côté. Que vous parliez ou que vous vous taisiez, on se moquera de vous.

Mais votre consolation peut être grande. Vous partagez le mépris dont Notre- Seigneur a été l’objet de la part du tribunal du monde. Seulement, voyez le silence de Jésus-Christ. S’il avait parlé, s’il avait fait le miracle qu’Hérode demandait, il était sauvé. Mais il se tait. il ne veut pas faire de miracle. C’est pour nous apprendre qu’il y a pour nous des circonstances ou il vaut mieux ne rien faire. Quand vous serez ainsi jugées par le monde, je vous engage à vous taire. Si vous parlez, vous accumulerez les péchés des gens du monde qui vous attaquent, leurs stupidités, leurs calomnies. Faites comme Notre-Seigneur. Il y a des moments où le silence est bien puissant. De même, dans certaines circonstances, une religieuse qui saura rester sans parole sera bien puissante. Dans tous les cas, attendez-vous à être toujours accusées, toujours condamnées.

V. Le tribunal de la populace

Le peuple juif se mit donc à crier: « Qu’il soit crucifié! » Le gouverneur leur dit: « Quel mal a-t-il donc fait? » Et ils crièrent encore plus fort: « Qu’il soit crucifié! » (Matth. XXVII, 23.) C’est là le cri de la populace.

A certains moments, on est l’objet de la vénération, on est l’idole du peuple. Les jours n’étaient pas loin, où Notre-Seigneur avait fait son entrée triomphale à Jérusalem, au milieu des acclamations de la foule. Aujourd’hui, ce même peuple n’a que des cris de haine: « Qu’il soit crucifié! » Dans cinquante jours, à la Pentecôte, après le premier sermon de saint Pierre au nom du Crucifié, plus de trois mille se feront baptiser. C’est là l’histoire de toutes les populaces, toujours mobiles, toujours inconstantes, passant de la haine à la vénération et retombant dans la haine. Il faut s’y attendre.

Ce que le peuple fit pour Notre-Seigneur, il le fera pour vous. Les couvents seront impopulaires, quelques jours après avoir joui d’une grande popularité. C’est l’histoire de Notre-Seigneur, et vous voudriez que ce ne fût pas la vôtre?

Que fait Notre-Seigneur? Il poursuit son oeuvre. Après le triomphe de son entrée à Jérusalem, il chasse les vendeurs du Temple. Au sens humain, c’était une maladresse. Il aurait dû user de ménagements envers un peuple qui venait de l’acclamer. Il ne l’a pas fait. Et pourquoi? Parce qu’il voulait nous donner cette direction pratique: Ne rien faire pour les hommes et tout faire pour Dieu.

Quand les gens vous acclament et vous louent, profitez-en pour prêcher le nom de Jésus-Christ. S’ils vous persécutent, vous en profiterez pour sauver le monde comme Jésus-Christ. Et, pour le dire en passant, à ce point de vue, l’utilité des vexations, des persécutions est si évidente, que je comprends saint Ignace demandant à Dieu que son Institut fût toujours persécuté. De deux choses l’une: ou les Jésuites le méritent, ou bien ils ne le méritent pas. Dans le premier cas, ils auront à souffrir en esprit de pénitence; dans le second, ils n’en acquerront que plus de mérites. Faites de même. Si Dieu vous fait l’honneur de la persécution, taisez-vous et souffrez en patience.

Je conclus, mes Soeurs. Notre-Seigneur a été condamné à mort. Heureuse la religieuse qui, se laissant condamner à mort, prend la résolution de ne rien faire contre ceux qui la condamnent et conserve dans son coeur la charité pour ceux qui lui veulent du mal. Elle ne se raidira pas dans sa fierté, elle ne s’enveloppera pas de la majesté de l’orgueil, mais d’une humble charité; elle souffrira patiemment et, comme Notre-Seigneur, elle acceptera sa condamnation. Ainsi elle conservera la paix de son âme; ainsi elle préparera la ruine de Satan et le triomphe de Jésus-Christ, comme le triomphe de Judas et la mort du Sauveur ont amené la gloire de la Résurrection.

Si, à l’exemple du divin Maître, elle est traînée devant les quatre tribunaux que nous avons présentés, elle dira: « J’accepte les accusations des hommes et leur condamnation, je veux m’en servir pour travailler au salut des âmes et à l’honneur de l’Eglise, pour préparer ainsi le triomphe de Jésus-Christ, sa Résurrection et la mienne. » Ce sera là, mes Soeurs, la plus magnifique conclusion de la haine des méchants, le meilleur moyen de triompher du monde et de Satan, son prince. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum