OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • DIX-HUITIEME CONFERENCE DONNEE LE 27 NOVEMBRE 1870.
    AMOUR ENVERS NOTRE-SEIGNEUR. LA FLAGELLATION. LE COURONNEMENT D'EPINES.
  • Prêtre et Apôtre, XI, N° 122, avril 1929, p. 108-111,
  • DA 44; CN 2; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 ABAISSEMENT
    1 ABJECTION
    1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 ADVENIAT REGNUM TUUM
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 AMOUR-PROPRE
    1 ANEANTISSEMENT
    1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 APOSTOLAT
    1 ATHEISME DE L'ETAT
    1 AUGUSTIN
    1 BONHEUR
    1 CARACTERE
    1 CATHOLIQUES SANS FOI
    1 CHATIMENT
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 COMPORTEMENT
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CORRECTION FRATERNELLE
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DEFAUTS
    1 DEPASSEMENT DE SOI
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DEVOTION
    1 DEVOTION A JESUS CRUCIFIE
    1 DIEU
    1 DISTINCTION
    1 DIVIN MAITRE
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 DOUTE
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE CELESTE
    1 EGLISE MILITANTE
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ENFANCE DE JESUS-CHRIST
    1 ENFANCE SPIRITUELLE
    1 ENFANTS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ESCLAVAGE
    1 ESPRIT DE PECHE
    1 ESPRIT SURNATUREL A L'ASSOMPTION
    1 ETRE HUMAIN
    1 ETUDE DES MYSTERES DE JESUS CHRIST
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 FIERTE
    1 FILLE DE LA SAINTE VIERGE
    1 FORMATION A LA VIE RELIGIEUSE
    1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 HONTE
    1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INFIDELITE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 JEUDI SAINT
    1 JUIFS
    1 LAICISME
    1 LIBERTE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MARIE
    1 MARTYRS
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 MEURTRE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 NOVICIAT
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL
    1 PAPE
    1 PARLOIR
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PRETRE
    1 PROTESTANTISME
    1 PURIFICATION
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REGNE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENONCEMENT
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REVOLUTION
    1 ROI DIVIN
    1 SACERDOCE
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SACRIFICE DE LA CROIX
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SAINTETE DE L'EGLISE
    1 SANTE
    1 SATAN
    1 SAUVEUR
    1 SERVICE DU ROYAUME
    1 SEVERITE
    1 SILENCE DE JESUS-CHRIST
    1 SIMPLICITE
    1 SOCIETE
    1 SOUFFRANCE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 SUPERIEUR
    1 TEMOIN
    1 THEOLOGIE DE SAINT AUGUSTIN
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VANITE
    1 VERBE INCARNE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VERTUS
    1 VERTUS DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    1 ZELE POUR LE ROYAUME
    2 ADAM
    2 CESAR-AUGUSTE
    2 JEAN, SAINT
    2 LUC, SAINT
    2 PILATE
  • Religieuses de l'Assomption
  • 27 novembre 1870.
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’auteur. -La passion, grande leçon d’humilité, leçon de souffrance.

Déshonneur du supplice de la flagellation. Supplice des esclaves.Semetipsum exinanivit, formam servi accipiens. (Phil. II, 7.) Voulez-vous aussi être esclaves, vous laisser flageller? Votre voeu d’obéissance vous rend esclaves. La vraie liberté est là.

Couronnement d’épines. Ecce vex vester!. Jésus-Christ aujourd’hui devant les sociétés modernes. Vous répondez par votre devise, Adveniat regnum tuum.. Il faut dévouer votre vie à cette oeuvre. Par quels moyens? Ceux de Jesus-Christ: l’humiliation, la souffrance, l’anéantissement.

Ecce homo. Jésus-Christ est prêtre, victime, il est Dieu. Les religieuses sont un sacerdoce; la victime qu’elles immolent, c’est elles-mêmes: Sacerdos et hostia. La vie religieuse est un crucifiement continuel. Il faut l’anéantissement de la nature. Puiser dans ces considérations et dans l’exemple de Notre-Seigneur un motif de transformation, se dévouer à procurer le règne de Dieu dans le monde.

Texte sténographié de la Conférence

Mes Soeurs,

Je suis effrayé de la matière que fournissent à nos méditations les mystères de la Passion de Jésus-Christ, j’ai donc tâché de résumer en un seul entretien les trois scènes de la flagellation, du couronnement d’épines et de l’Ecce homo. Ce qui ressort toujours de la vie de Notre-Seigneur, c’est la grande leçon d’humilité qu’il nous donne. Il faut vraiment que l’orgueil dans toutes ses formes: vanité, amour-propre, fierté, soit bien ancré dans le coeur de l’homme pour que Notre-Seigneur, qui devait nous servir de modèle, ait toujours voulu marcher par la voie des humiliations. C’est bien là l’enseignement principal de ces trois mystères douloureux de la flagellation, du couronnement d’épines et de l’Ecce homo.

I. Flagellation

A côté de l’humiliation profonde, il y a les douleurs physiques de Notre- Seigneur. Laissant de côté les mortifications volontaires dont je ne veux pas m’occuper à présent, j’examinerai les souffrances qui nous sont imposées par la main de Dieu. « Alors Pilate prit Jésus et le fit flageller. » (Joan. XIX, 1.) Que de flagellations nous recevons de notre santé, des ordres de nos Supérieurs, de la main de nos Soeurs,de la part des enfants! Que de flagellations une pauvre économe ou une maîtresse de classe est exposée à recevoir au parloir! Dans la vie d’une religieuse, il y a mille et une flagellations dont le résultat doit être d’accepter la souffrance et de se faire victime. Il faut accepter cette flagellation, même si elle nous apporte la souffrance physique. De quelle manière? Dans un esprit d’anéantissement.

Chez les anciens, la peine de la flagellation était réservée aux esclaves. Le citoyen romain pouvait être aussi battu de verges, mais une seule fois dans sa vie, au moment où on allait lui trancher la tête. Au contraire, les esclaves subissaient continuellement ce supplice ignominieux, sans que la mort s’ensuivit. Il y avait là un déshonneur particulier. Pilate dit aux Juifs en leur montrant le Sauveur: « Je le relâcherai après l’avoir fait châtier. » (Luc. XXIII, 15.) Il donnait ainsi à Notre-Seigneur le caractère d’esclave.

Et nous, mes Soeurs, devons-nous prendre le caractère d’esclave à l’exemple du divin Maître lié à la colonne du prétoire? Le devons-nous, oui ou non? Je crois que oui, et ce ne sera qu’à la condition d’être esclaves que nous comprendrons le bienfait d’être enfants de Dieu. Je voudrais donc vous faire considérer la manière dont Notre-Seigneur a toujours été esclave.

Quelle nécessité, je vous prie, que le Verbe fût neuf mois dans la prison obscure du sein de Marie, avant de venir au monde? Ne pouvait-il pas naître homme parfait comme Adam, ce nouvel Adam dont le premier n’était que la figure? Il subit pourtant l’esclavage du sein virginal de Marie, il subit l’esclavage de l’enfance, plus tard celui de la flagellation. Si Notre-Seigneur a pris la forme de l’esclave (Philip. II, 7), il y a donc un avantage. Convenons que la religieuse, qui lui ressemble par son voeu d’obéissance et qui se considérerait comme esclave avant de se regarder comme épouse, mettrait beaucoup de simplicité dans sa vie. Supposez qu’elle reçoive un ordre douloureux, pénible, de ses Supérieurs, il ne sera jamais aussi cruel, aussi dur, aussi sanglant que le furent les coups de la flagellation. Si donc vous prenez la résolution de vous établir comme une esclave volontaire, esclave par le péché, mais esclave affranchie et retournant librement à vos fers; si, dis-je, vous avez ce courage, il en résultera pour vous une très grande liberté. Car il ne peut rien vous arriver qui n’ait été voulu de vous et accepté dans cet état d’esclavage que vous avez choisi. Dans quelle mesure voulez-vous donc livrer vos épaules au fouet? Dans quelle mesure voulez-vous vous laisser lier les mains pour embrasser la vie d’esclave, oui, dans quelle mesure?

J’irai plus loin, et, pour tout dire, il y a dans les communautés de religieuses des filles de différents degrés. Je ne parle pas ici des diverses positions qu’on occupait dans le monde, j’entends l’intime de la nature qui fait le caractère particulier de distinction de chaque personne. Il y a les filles d’une nature distinguée; il y a celles qui le sont un peu moins; il y a les filles qui sont peu distinguées, et enfin celles qui n’ont aucune distinction. Voilà les catégories de l’ordre naturel. Eh bien! la véritable distinction surnaturelle consistera dans l’acceptation de cet esclavage uni à celui de Notre-Seigneur, parce que cet esclavage établit un niveau dans lequel tout ce qui est humain doit disparaître, l’être de nature est comme absorbé dans l’être de grâce.

Il est vrai qu’ici se présente une grave question: Quelle part doit-on donner aux vertus naturelles? Evidemment, il faut avoir les vertus naturelles. Elles sont un don de Dieu et une préparation aux vertus d’un ordre plus élevé. Mais quand on n’a pas la distinction naturelle, que faire? Ce n’est pas un péché pas plus qu’il n’y a de péché pour ceux qui ont la vue basse à ne pas voir à deux pas devant soi. De même, il y a des personnes qui ne voient pas bien loin au point de vue de la délicatesse du sentiment et de l’honneur. Prenez alors l’ordre surnaturel.

Donc j’établis le fait de l’utilité immense de se faire esclave, de renoncer complètement à sa volonté par le voeu d’obéissance poussée jusqu’à l’esclavage. C’est dur, mes Soeurs, d’avoir les mains liées, les épaules flagellées; c’est très dur, très humiliant. Et Notre-Seigneur est allé jusque-là. Prenez donc la résolution de vous servir de toutes les peines, de toutes les souffrances, de toutes les humiliations de la vie, pour vous mettre en état d’esclavage, à l’imitation du divin Maître.

Vous y trouverez non seulement la véritable distinction surnaturelle, mais encore la liberté surnaturelle. La créature qui dit: « Je ne tiens plus à rien » se laisse enchaîner par la Supérieure, par les hommes, car ils sont les instruments de Dieu, mais c’est véritablement à Dieu qu’elle se livre en se mettant entre leurs mains, et son esclavage remontant jusqu’à Dieu, se tourne en une très pure et très réelle liberté. Voyez-vous, mes Soeurs, Dieu est jaloux de nous donner la liberté. Il nous dit: « Tu as mal usé de la liberté que je t’avais accordée, fais-toi mon esclave, et dans les liens de mon amour tu trouveras une liberté meilleure, plus haute et invariable dans l’union de ta volonté à la mienne. »

Mes Soeurs, demandez à Notre-Seigneur de vous rendre esclaves, d’abord comme Notre-Seigneur le fut dans le sein de sa Mère, en attendant que vous le soyez jusqu’à la flagellation.

II. Couronnement d’épines

C’est une chose à remarquer comment, à certaines époques, les mystères de la vie de Notre-Seigneur prennent un côté merveilleusement pratique. Laissant de côté le commentaire personnel, je prends le commentaire de l’époque pour vous faire voir la dévotion que vous devez avoir à Notre-Seigneur présenté par Pilate au peuple juif, lorsqu’il dit: « Voici votre roi. » (Joan. XIX, 14.) Un roi garotté, flagellé, revêtu d’un lambeau de pourpre, couronné d’épines, tenant en main pour sceptre un roseau. N’est-ce pas la situation, je ne dirai pas du Pape -la similitude est trop frappante et a été trop souvent invoquée, -mais de Notre-Seigneur lui-même en face des sociétés modernes? Y a-t-il quelque chose de plus navrant?

Autrefois, les peuples étaient catholiques, et si Notre-Seigneur a été chassé des sociétés modernes, c’est la faute des catholiques. Il y a d’abord la longue chaîne des crimes de nos pères à travers les générations, puis et surtout il y a nos propres fautes. Si aujourd’hui nous assistons au douloureux spectacle de Notre-Seigneur présenté aux populations sous les insignes d’une royauté dérisoire, comme jadis au prétoire, c’est notre faute, mes Soeurs. Qu’y aura-t-il après? Nous l’ignorons. Que fera-t-on de ce Roi couronné d’épines? Lui seul le sait. Quels sont vos devoirs en face de cette royauté humiliée, méprisée, tournée en dérision, de cette royauté en proie au doute, au scepticisme, et niée dans son principe? Ne sentez-vous pas qu’il y a là pour vous une obligation de reprendre le royaume de Jésus-Christ.

Je vous parle comme à des filles intelligentes, capable de me comprendre. La question ainsi posée, je vous dis: « Votre Congrégation, considérée comme un corps moral, a ici des devoirs. Vous qui en êtes les membres et qui avez pris pour devise cette parole: Adveniat regnum tuum, vous devez accomplir votre mission. Puisque la formule de votre vie est cette prière: « Mon Dieu, que votre règne arrive, » ajoutez: Oui, sans cesse, sans relâche, il faut que je détruis en moi, autour de moi, tout ce qui s’oppose à la royauté de Jésus-Christ; il faut que je contribue de toutes mes forces à relever cette royauté de l’abîme d’humiliation où ses adversaires l’ont plongée, et que je l’entoure de majesté et de gloire.

Or, quels sont les moyens que vous-même, Seigneur, avez pris pour établir votre royauté et la faire pénétrer dans l’ordre sociale? Je vous vois au prétoire, revêtu d’opprobres et de douleurs. Puis, pendant trois siècles, vous faites entrer votre Eglise et vos martyrs en participation de vos ignominies; vous continuez à subir en eux les humiliations de votre Passion. Que ferai-je donc, moi qui veux aussi faire revenir votre règne dans la société, être le témoin de votre Evangile, non plus comme les martyrs sur les bûchers, sur l’échafaud ou au milieu des supplices, mais partout, dans toute ma vie? Oui, que ferai-je? Ah! vous me répondez vous-même. Je dois fonder votre royauté sur l’anéantissement. Je dois faire pénétrer la notion des abaissements de votre royauté princière à travers la société qui se retire de vous.

Pouvons-nous le nier, mes Soeurs? le gouvernement social se retire de Dieu. La société se partage en deux camps bien distincts et réalise plus que jamais la pensée de saint Augustin, quand il divisait le monde en deux grandes cités: la cité de Dieu et la cité du diable. Puisque vous êtes des guerrières dans un camp et que l’ennemi déploie ses forces devant vous, il faut prendre les armes pour défendre la Jérusalem céleste. Quelles seront-elles? N’en prenez pas d’autres que celles de Jésus-Christ. Il a voulu se servir de l’humiliation, de l’anéantissement divin, comment pourriez-vous faire autrement? Voyez votre Maître. Il vous a laissé cet exemple pour que vous marchiez sur ses traces et que vous fassiez arriver son règne en ce monde. Vous n’avez pas d’autre voie à suivre. Prenez le grand principe de l’humilité. C’est précisément là l’antipode du principe de la cité de Satan, la force et la puissance de la cité de Dieu. Satan, c’est l’orgueil; vous le terrasserez par l’humilité.

Voyez-donc la manière dont toute votre vie doit être saisie par le principe de l’humilité. Formez la résolution sérieuse, énergique de ne plus laisser quoi que ce soit de vous-même en proie à l’orgueil, à l’amour-propre, à la vanité. Entrez profondément dans le sens de cette grande parole de saint Paul, que je vous ai déjà citée: « Le Christ n’a pas eu de complaisance pour lui-même. » (Rom. XV, 3.)

Le voilà donc, mes Soeurs, Celui qui est prêtre pour l’éternité, Celui autour duquel les anges chantent le cantique de David: « Tu es prêtre pour l’éternité; » le voilà revêtu comme roi, avant d’être dépouillé comme victime.

Quand poserons-nous l’humiliation dans la vie sociale, comme les martyrs l’ont fait en donnant leur vie sous la hache des licteurs ou dans les flammes des bûchers? A ce moment suprême de la mort, on peut bien dire, ce semble, qu’ils allaient à l’anéantissement.

Quand donc prendrons-nous la résolution de dire à Dieu: « Mon Dieu, il arrivera ce qu’il pourra, mais je veux accepter, selon l’obéissance et la Règle, toutes les humiliations qui me seront proposées. Peu m’importe que j’aille à tous les abaissements et à tous les anéantissements dont vous me donnez l’exemple dans cette royauté paradoxale, pleine de contradictions dont vous revêt Pilate. Il a dit: « Vous êtes roi; » il vous a présenté en cette qualité à la populace, ivre de votre sang; il a fait clouer sur la croix l’inscription de votre royauté, après vous avoir livré aux coups de ses bourreaux, aux moqueries, aux insultes de la foule.

Voyez donc, mes Soeurs, ce que vous devez faire devant un pareil spectacle. Vous allez devant votre crucifix adorer Notre-Seigneur couronné d’épines et mourant; vous allez adorer Notre-Seigneur au Saint Sacrement, dans le tabernacle ou l’ostensoir, mais toujours dépouillé des insignes de sa royauté et anéanti. Ne le portez-vous pas encore par la communion au dedans de vous, où il est enseveli dans l’obscurité de votre coeur?

Que devrait-il se passer dans le coeur d’une religieuse, éprise d’amour et courant avec une sainte ardeur après les anéantissements du Sauveur? A qui doivent s’attacher les insultes, les mépris? Est-ce à Jésus ou à elle? Elle, épouse coupable d’une infidélité constante envers son époux. Pour peu que cette religieuse ait un coeur, peut-elle s’empêcher de demander à Dieu d’intervertir les rôles, de prendre pour lui le peu de gloire qu’elle est capable de lui procurer par son adoration et son amour, et de lui donner à elle, pour sa part, les opprobres de Jésus-Christ? C’est rétablir l’ordre dans les choses, mes Soeurs: la gloire pour Dieu, pour le Saint des saints, l’humiliation pour l’épouse pécheresse.

Arrivons aux conséquences. De quoi sera-t-il possible de vous plaindre en face du silence adorable de Notre-Seigneur flagellé et couronné d’épines? Voici Pilate qui vous le présente, ou bien, si vous le voulez, vous étiez au prétoire dans la personne des saintes femmes, et Pilate vous dit: « Voici votre roi » et le peuple répond: « Nous n’avons pas d’autre roi que César. » Vous élevez la voix et vous dites: « Oui, c’est mon Roi, et en face d’une société qui le renie, qui le chasse de son sein, je veux rétablir son règne. »

Mes chères filles, jamais moment ne fut plus propice à une telle mission. Depuis des siècles, la Réforme sape dans ses fondements le trône de Jésus- Christ, et la révolution, dans les événements actuels, ne fait que poursuivre son oeuvre de destruction.

Voulez-vous être les sujettes de ce Roi détrôné et vous dévouer, comme filles de l’Assomption, pendant trois ou quatre siècles, s’il le faut, à ce travail de restauration? C’est un grand bonheur que Notre-Seigneur vous propose. Acceptez cette charge magnifique, demandez chaque jour l’intelligence plus profonde de votre devise: Adveniat regnum tuum. Voulez-vous allez prendre Notre-Seigneur sur cette espèce de tréteau, ou Pilate l’a fait monter pour le présenter en spectacle de dérision au peuple juif; le voulez-vous en acceptant toutes les conséquences d’humiliations et de souffrances pour vous. La question est nettement posée, répondez-y.

Sentez-vous que votre devise, Adveniat regnum tuum, placée vis-à-vis de la parole: Ecce Rex vester, est une réponse magnifique? Une partie du peuple s’écrie: Non habemus regem nisi Caesarem; nous n’en voulons pas de votre roi, nous avons choisi César, c’est-à-dire le monde avec ses passions, Satan et son empire. Et vous, le troupeau choisi et fidèle, vous qui aimez le Maître et l’avez suivi dans ses abaissements, vous répondrez: « C’est Jésus, revêtu d’un lambeau de pourpre, armé d’un sceptre de roseau, c’est Jésus humilié, meurtri, rassasié; d’opprobres, qui est notre Roi. Adveniat regnum tuum! »

J’arrive à la troisième considération.

III « Ecce homo »

Tandis que la foule des Juifs criait; « Qu’il soit crucifié! » Pilate, faisant comparaître Jésus, le leur livra, en disant: « Voilà l’homme! »

Voilà l’homme par excellence. Voilà le modèle, et ce modèle est roi, prêtre, victime et Dieu.

Et moi, je dois devenir reine, reine d’un Epoux royal, reine à sa façon. Comme nous venons de le dire, Jésus-Christ est prêtre; il faut donc que vous vous immoliez vous-même, comme Jésus s’est immolé; il faut que vous soyez victime, et que ce soit vous qui offriez cette victime. A cette condition, vous serez digne d’être épouse de Jésus-Christ. Notre-Seigneur ne veut pas de religieuses qui refusent de s’immoler. Et vous, religieuses de l’Assomption, filles de la Sainte-Vierge, épouses du Christ, voulez-vous imiter Celui que vous avez choisi, en ne faisant qu’un avec lui, en acceptant le sacrifice le plus complet?

C’est la condition essentielle de toute vie religieuse. L’âme qui ne veut pas se soumettre à ce travail divin ne va pas loin dans le chemin de la perfection. Là seulement la nature est détruite, l’élément divin reste seul, pour ainsi dire, l’âme se transforme et se dépouille de tout ce qu’elle avait d’humain. A quelle condition? Par le travail de l’humiliation la plus profonde.

Vous êtes prêtres et vous devez immoler la victime. Ce sont les passions, c’est votre volonté votre intelligence, votre corps, votre âme, tout votre être enfin qui doit se laisser immoler.

Voilà l’homme, mes Soeurs, et vous ne pouvez arriver à la perfection de ce modèle de toutes les vertus qu’en descendant jusqu’à ses abaissements.

J’ai dit que vous étiez prêtres, non pas comme par sacerdoce, mais par ce que vous occupez un rang dans la hiérarchie de sainteté officielle de l’Eglise. Dans ce sens, vous exercez un sacerdoce. Voyez, le prêtre n’est pas prêtre pour lui, il est placé pour offrir la Victime, la placer en intercession entre la terre et le ciel. Et vous aussi, vous n’êtes pas pour vous; vous avez pour ministère d’immoler la victime qui est vous-même. C’est en cela qu’on peut dire de vous comme de Jésus-Christ: Sacerdos et hostia.

Lorsque Pilate présenta le Sauveur au peuple juif, celui-ci répondit: « Qu’il soit crucifié! Qu’il soit crucifié! » En certains moments, on pourrait dire la même chose de vous. Vous êtes séparée du monde, vous êtes transformée, vous êtes devenue une créature digne d’être épouse de Jésus-Christ. Alors on vous crucifiera. La religieuse qui se persuaderait que le noviciat est une école de crucifiement, que la profession est l’effet constant du crucifiement qui doit durer toute la vie, quelle plainte pourrait-elle porter? Au lieu de tristesses, au lieu de larmes, quel devrait être son bonheur d’imiter son Epoux! Quels sacrifices ne devrait-elle pas demander pour être semblable à Notre-Seigneur! Alors la vie religieuse serait transformée par l’imitation de ce modèle de tous les religieux qu’est Notre-Seigneur.

Voyez en quel état il est réduit, lui, le grand coupable dans son innocence infinie. Vous devez donc accepter toutes les accusations, toutes les plaintes, comme Notre-Seigneur. C’est dur, excessivement dur pour la nature, et c’est pour cela que j’ai commencé par vous prêcher l’anéantissement de la nature.

Il y a, dans les trois considérations que je viens de vous présenter, matière à sérieuse méditation. N’y aura-t-il pas aussi sujet de conversion? Parmi vous ne s’en trouve-t-il pas une qui ait besoin d’être convertie à la vie religieuse, d’apprendre à accepter le couronnement d’épines, la flagellation, l’humiliation de l’Ecce homo.

Lors même que vous auriez déjà entrepris de suivre Notre-Seigneur, vous verrez si vous n’avez pas encore à vous transformer de façon à devenir semblable à ce Maître dépouillé de ses vêtements, frappé de verges, attaché à la colonne.

Qui ne sait qu’entre celui qui, avant la Cène, prononçait son admirable discours et cet homme que Pilate expose en spectacle devant le peuple, il y a eu comme un nouveau-monde de perfection parcourue? C’est le même homme, et il est Dieu, parfait toujours. Mais qui ne comprend qu’il y a dans ce mystère douloureux, une manifestation divine d’une sainteté nouvelle qui se développe suivant le temps, pour notre instruction?

Voyez donc s’il n’y a pas une occasion de conversion complète dans cette contemplation de Jésus-Christ brisé, broyé, déchiré par les fouets, si vous n’avez pas à le prendre pour modèle, si vous ne devez pas vous dévouer à procurer son règne dans le monde. Voyez, enfin, si vous ne voulez pas être prêtre et victime à la fois, immoler votre volonté, détruire votre nature. Ainsi transformées, vous arriverez à la parfaite imitation de Celui qui vous a été montré pour modèle dans la flagellation. le couronnement d’épines et le sacrifice de la croix.

Notes et post-scriptum