OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • VINGT-TROISIEME CONFERENCE DONNEE LE 4 DECEMBRE 1870.
    VIE DE LA SAINTE VIERGE AVANT LA PASSION DE SON FILS.
  • Prêtre et Apôtre, XI, N° 127, septembre 1929, p. 265-269.
  • DA 44; CN 3; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AUGUSTIN
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 GRACE
    1 HUMILITE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 NATIVITE DE MARIE
    1 PENITENCES
    1 PERFECTION
    1 PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 RECONNAISSANCE
    1 RELIGIEUSES
    1 SUPERIEURE
    1 VIE CACHEE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE MARIE
    1 VIE RELIGIEUSE
    2 BRIGITTE, SAINTE
    2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 FRANCOIS XAVIER, SAINT
    2 GREGOIRE DE NAZIANCE, SAINT
    2 IGNACE DE LOYOLA, SAINT
    2 ISAIE, PROPHETE
    2 JEANNE DE CHANTAL, SAINTE
    2 ROSE DE LIMA, SAINTE
    3 NAZARETH
  • Religieuses de l'Assomption
  • 4 décembre 1870
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’auteur. -Correspondance à la grâce. Progrès.

Perfection des actions ordinaires. Humiliations.

Correspondance à la grâce. -Immaculée Conception. Fecit mihi magna qui potens est. Admiration et reconnaissance. -La vocation religieuse. –In omnibus gratias agite… Efforts pour correspondre. -Point de départ unique de la Sainte Vierge, mais fidélité constante. C’est ce qui fait les saints.

Naissance. -Progrès continus. Marie, notre modèle. Différence entre Jésus et Marie: Jésus parfait manifeste ses perfections; Marie perfectionne ses vertus.

Mère de Dieu. -Vie à Nazareth. Vie commune, vie parfaite. Les couvents.

Humiliations de la Sainte Vierge. Ses rapports avec Notre-Seigneur pendant sa vie publique. Humiliations dans le noviciat, toute la vie religieuse. La sanctification de nos âmes est dans l’humiliation.

Texte sténographié de la Conférence.

Mes Soeurs,

Nous avons terminé nos conférences sur les mystères de la vie de Notre-Seigneur en cherchant à y puiser des enseignements adaptés à l’esprit particulier de notre Congrégation. Nous aborderons aujourd’hui l’étude du second caractère de l’Assomption, la dévotion à la Sainte Vierge. Pour cela, nous diviserons la vie de la Sainte Vierge en trois parties principales:

1° Sa vie avant la Passion de son Fils;

2° Sa vie pendant la Passion;

3° Sa vie après la Passion.

Nous embrasserons ainsi tout l’ensemble de la vie de Marie, depuis le moment de son Immaculée Conception jusqu’à son dernier soupir. Dans la première partie, nous considérerons l’Immaculée Conception, la naissance de Marie et ses progrès dans l’ordre de la grâce; sa vie cachée à Nazareth et les humiliations que Notre-Seigneur lui a fait subir pendant sa vie publique.

I. L’Immaculée Conception

Vous direz qu’il y a là un privilège tout spécial, une grâce insigne. Je vous l’accorde. Mais une religieuse de l’Assomption qui veut tirer une conséquence pratique du sujet que nous méditons ne peut-elle pas se dire que, tout en n’ayant pas eu les mêmes grâces que Marie, elle en a reçu beaucoup pour sa part, et ne doit-elle pas chercher à se rendre compte de la manière dont la Sainte Vierge les recevait et à en tirer profit pour tâcher de l’imiter?

Quels étaient les sentiments avec lesquels Marie recevait les grâces de Dieu? J’en distingue deux: l’admiration et l’adoration. Si vous voulez vous rendre compte de tout ce que Dieu a fait pour vous, quoique à un moindre degré, vous serez obligées de dire aussi: Fecit mihi magna qui potens est (Luc. I, 49,) et vous chercherez à avoir les dispositions avec lesquelles elle a reçu les grâces incomparables de Dieu. Vous le remercierez surtout des grâces intimes qu’il vous a accordées pour vous attirer à lui. Vous avez reçu de Notre-Seigneur la grâce du Baptême, par exemple, et vous y songez très peu. Pensez-vous également à rendre grâces à Dieu de votre vocation religieuse? Le cachet d’une bonne, d’une tiède et d’une mauvaise religieuse se remarque précisément en ceci: la bonne religieuse remerciera Dieu de sa vocation, et plus elle sera fervente, plus elle multipliera ses actions de grâces; la religieuse tiède ne remerciera presque jamais, et la mauvaise religieuse regrettera sa vocation.

Apprenez donc de la reconnaissance immense de la Sainte Vierge pour toutes les grâces reçues depuis son Immaculée Conception à l’imiter en cela, et si vous êtes reconnaissantes, vous aurez de l’estime pour votre vocation religieuse, vous apprendrez à en saisir le prix.

Chose douloureuse, la plupart du temps, nous ne savons pas être reconnaissants des bienfaits reçus, nous ne pratiquons pas le conseil de saint Paul: In omnibus gratias agite (I Thess. V, 18,), ou encore: Gratias agentes semper pro omnibus in nomine Domini nostri Jesu Christi Deo et Patri. (Eph. V, 20.) Je voudrais, par la considération de ce mystère de l’Immaculée Conception, vous pousser à une action de grâces continuelle.

Il y a quelque chose de plus. Si vous prenez la vie de la Sainte Vierge dans son ensemble, depuis le moment de son Immaculée Conception jusqu’à son dernier soupir, vous remarquerez qu’elle a été une constante correspondance à la grâce. Et vous, filles de la Sainte Vierge, imitatrices de votre Mère, ne devez-vous pas lui ressembler dans cette fidèle correspondance aux dons de Dieu? Ceci est très important. La question du péché, qui est fort grave sans doute, ne l’est peut-être pas autant, à certains égards, que le manque de correspondance à la grâce, l’abus des grâces de Dieu. « Je suis une misérable créature, comblée des bienfaits de Dieu, enrichie de ses trésors, je n’en ai pas profité; je veux désormais le faire »

Mes Soeurs, quelque abus que vous ayez eu le malheur de faire de la grâce jusqu’à présent, il faut vous remettre à l’oeuvre; si vous avez ce courage, les grâces de Dieu fondront sur vous. C’est justement cela qui effraye, on en a peur.

En lisant attentivement la légende de saint François-Xavier, j’ai été frappé de voir toutes les pénitences auxquelles il s’était porté après sa conversion par saint Ignace, et l’on attribue à cette mortification héroïque le don d’extase qu’il avait reçu et qui le faisait s’élever à plusieurs pieds au-dessus de terre lorsqu’il servait la sainte Messe.

Je ne vous demande pas d’être ravies en extase, ni même de faire les mortifications extraordinaires de saint François Xavier; je vous demande pendant cet Avent et toute votre vie de correspondre fidèlement à toutes les grâces que Dieu veut vous faire et de marcher dans cette voie de fidélité absolue, en imitation de la Sainte Vierge.

Le point de départ de la Sainte Vierge a été unique, exceptionnel dans une créature. On peut dire d’elle en un sens les paroles qu’on applique à notre divin Sauveur: Exultavit ut gigas ad currendam viam, a summo caelo egressio ejus. (Ps. XVIII, 6 sq.) Par ce privilège de l’Immaculée Conception, elle s’est élancée comme un géant qui fournit sa carrière.

Vous aussi, élancez-vous dans votre voie. Vous êtes appelées à la sainteté, et aucune de vous ne saurait dire à quel degré de sainteté elle est appelée. Il y a eu sainte Rose de Lima, sainte Jeanne de Chantal, sainte Catherine de Sienne, tant de saintes enfin. Si vous êtes fidèles constamment, qui peut dire jusqu’où vous irez?

Considérez, je vous prie, que les grâces dont la Sainte Vierge a été l’objet, bien qu’elles lui soient particulières, sont le modèle de celles que le bon Dieu nous destine. Les grâces incomparables de Marie sont là pour nous dire que nous ne pouvons pas nous figurer ce que seraient les nôtres, si nous étions fidèles. N’est-ce donc pas le moment de nous y mettre?

Nous touchons à la fête de l’Immaculée-Conception; préparons nos coeurs à recevoir la grâce de ce mystère. Quand deviendrons-nous des saints et des saintes? Mettons notre vie en deux parts. Dans la première sont toutes les grâces inutilement accordées: c’est le passé; dans l’autre sont les grâces qui nous sont encore offertes. Elles comprennent les Communions à faire, les mortifications à pratiquer, les vertus à réaliser en nous. Quand donc nous y mettrons-nous? C’est bien le cas de nous écrier avec l’Apôtre: Caritas enim Christi urget nos. (II Cor. V, 14.)

Quelle est celle d’entre vous qui n’est pas sollicitée par la grâce? Vous pouvez bien faire comme les damnés qui ferment l’entrée de leur coeur par une barrière infranchissable; mais vraiment en seriez-vous arrivées là? Ou plutôt ne seriez-vous pas de celles qui disent: « J’ai trop abusé des bontés de Dieu, je ne puis plus espérer son secours. » Mes Soeurs, puisque vous entendez cette série d’instructions, c’est bien une preuve que Dieu veut venir à vous.

Ne sentez-vous pas que la voix de Notre-Seigneur se fait entendre et que je parle le langage intime que lui-même veut vous adresser? S’il en est ainsi, pourquoi ne l’écouteriez-vous pas?

II. Naissance de Marie. Ses progrès dans l’ordre de la grâce.

Passons de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge à sa naissance et à son enfance. C’est une vie qui grandit chaque jour de vertu en vertu. Dès sa naissance Jésus est parfait, parce qu’il est Dieu. S’il est dit de lui: « L’Enfant croissait en âge et en grâces devant Dieu et devant les hommes » (Luc. II, 40), c’est pour montrer la manifestation miraculeuse qui s’opérait dans le temps, à mesure que le développement se produisait au dehors.

Pour la Sainte Vierge, il n’en a pas été de même; il y a eu progrès. Pourquoi? Voyez la bonté de Dieu et ses amoindrissements pour se mettre à notre portée. Dieu est parfait et il nous dit: Estote ergo vos perfecti, sicut et Pater vester coelestis perfectus est. (Matth. V, 48.) Oui, mais comment ferons-nous?

Nous n’avons pas la possibilité de voir Dieu. Alors Dieu se fait homme. Jésus-Christ manifeste sa perfection peu à peu, bien qu’il soit parfait du premier coup. Mais il n’a pas d’efforts à faire pour progresser, et dès lors, c’est un modèle presque décourageant pour l’homme condamné à la lutte et aux combats. Une autre créature nous est donnée; comblée de nombreuses grâces, mais qui n’est pas parfaite dès le commencement; elle correspond aux premières grâces et va se perfectionnant, recevant de nouveaux dons de Dieu pendant toute sa vie.

C’est l’histoire d’une novice, d’une jeune religieuse. Dans l’ordre de la grâce, vous êtes toutes à peu près de l’âge de la Sainte Vierge enfant; seulement, à trois ans, elle était plus parfaite que vous à vingt-cinq ou à trente. Il faut donc prendre cette sainte créature pour modèle et grandir avec celle dont les vertus vont croissant, de telle sorte qu’elle finit par mourir de la perfection de son amour.

Au Calvaire, son amour n’était pas si parfait qu’après les vingt-cinq ans qu’elle passa encore sur la terre, dans l’attente du ciel, car elle employa ce temps d’exil à mettre le sceau à la consommation de sa perfection, comme auparavant, à tous les moments de sa vie, avait eu lieu en elle un travail de progression. Bossuet le dit dans son magnifique discours sur l’Assomption de Marie.

Et vous, religieuses, si vous avez une vraie dévotion à la Sainte Vierge, vous devez marcher dans ce progrès continu qui a commencé à sa naissance et ne s’est arrêté qu’à son dernier soupir. Quand vous arrêterez-vous? Jamais. Il n’y a donc plus de repos, de halte possible dans la voie de la perfection; jusqu’à la mort il faut marcher, lutter, se donner.

Voyez donc ce que deviendrait une religieuse qui entrerait en elle-même pour honorer les mystères de l’Immaculée Conception et de la Nativité de la Sainte Vierge, et pour grandir avec elle. Quelles vertus ne pratiquerait-elle pas? « Il y a diversité de dons… et diversité de ministères, » dit saint Paul. (I Cor. XII, 4, 5.)

Si donc, à l’attrait particulier des grâces que vous fournit votre Congrégation, vous ajoutez votre attrait personnel de vertu (et qui n’a le sien!) à quelle hauteur de perfection ne parviendrez-vous pas par la correspondance aux diverses sollicitations de Dieu?

Ici j’arrive à vous parler des efforts de votre volonté. Cette grâce dont je vous entretenais tout à l’heure, c’est beaucoup, mais ce n’est pas tout; il faut aussi le concours de votre volonté. Votre volonté est sollicitée puissamment par la grâce, et que donne-t-elle? Je ne veux pas vous mettre en face de votre lit de mort, mais simplement devant la Sainte Vierge. Je vous prends comme vous êtes, pauvres petites pécheresses, ayant peut-être commis des fautes dans le monde, mais voulant désormais vous donner sérieusement à Dieu et résolues à marcher comme il vous le demandera. Eh bien! je vous le demande, quel est le concours de votre volonté, que donnez-vous à Notre-Seigneur?

Je disais hier au Tiers-Ordre que la condition de toute vie chrétienne, de toute vie tendant à la perfection, c’est la lutte. Voulez-vous lutter pour correspondre à cette grâce qui vous est offerte? Je sais la réponse universelle: « Si je commence, où m’arrêterai-je? » Vraiment, vous êtes bien à plaindre! Vous finirez par ressembler à la Sainte Vierge. Il y a réellement de quoi réfléchir avant de prendre ce parti. Pauvre fille qui, à mesure qu’elle avancera dans la vie, ressemblera davantage à la Sainte Vierge!

Il faut donc vous y mettre, mes Soeurs, une fois pour toutes, ne plus rien refuser de ces grâces que Dieu vous propose et à l’aide desquelles vous êtes obligées de faire cet effort. « Veux-je ou ne veux-je pas vivre fille de la Sainte Vierge, religieuse de l’Assomption? Veux-je ou non ressembler à ma Mère? » Voilà la question posée. A qui? A vous-mêmes peut-être, pendant que la figure de la Mère du Sauveur apparaît dans le calme, la beauté, la radieuse sainteté, et vous invite toutes à l’imiter.

III. Vie cachée a Nazareth

Voilà donc les progrès merveilleux de Marie jusqu’à ce qu’on lui annonce qu’elle sera la Mère de Dieu? A vous aussi, mes Soeurs, on a annoncé un honneur semblable. Le jour de votre profession, vous êtes devenues épouses de Jésus-Christ, comme Marie, le jour de l’Annonciation, a été saluée Mère de Dieu. A ce point de vue, il s’est établi des relations intimes entre vous et Notre-Seigneur, comme entre Marie et son divin Fils.

Pendant trente ans Notre-Seigneur était sans cesse présent à la Sainte Vierge dans la solitude de Nazareth. Il faisait sans doute des absences fort courtes, mais il revenait à la maison qu’habitait la Sainte Vierge, et elle travaillait à côté de lui. C’est là votre vie dans le couvent, mes chères filles. Vous avez Notre-Seigneur au milieu de vous, vous travaillez près de lui, vous allez l’adorer, vous avez très souvent le bonheur de le recevoir sacramentellement dans votre coeur.

Il y avait d’autres grâces pour la Sainte Vierge, d’autres consolations aussi, c’est évident, mais je veux seulement examiner ici l’intimité de ces rapports de Marie avec Notre-Seigneur, et l’intimité des relations d’une religieuse professe qui se dit: « Je suis destinée à vivre constamment avec mon Epoux, que veux-je faire pour lui être agréable? Sainte Vierge, pendant trente ans vous avez été la nourrice, la servante, la Mère de Jésus-Christ; que dois-je faire, moi qui suis appelée à des rapports aussi intimes? »

Voyez donc ce que Dieu vous demande et souvenez-vous que les Pères de l’Eglise, saint Grégoire de Nazianze et saint Augustin notamment, nomment la religieuse non seulement épouse, mais mère de Jésus-Christ. Oui, chacune de vous est épouse et mère d’un Dieu qui veut ne faire qu’un avec elle et demande à se former dans son âme pour la faire croître en perfection.

Ces mystères sublimes sont difficiles à saisir par les âmes qui ne veulent pas entrer dans l’intimité de la vie de Notre-Seigneur et comprendre son amour insensé pour une pauvre petite créature si faible et si ingrate. Or, il n’y a pas de bornes à la tendresse de Notre-Seigneur pour les âmes. Si les couvents ne sont pas des volcans dont la lave brûlante se répand par le monde pour l’embraser, c’est que les religieuses n’aiment pas Notre-Seigneur de cette flamme d’amour qui dévorait le coeur de la Sainte Vierge. Est-ce exagéré? Et s’il n’en est rien, pourquoi ne commencez-vous pas cette vie d’amour qui convient à une épouse, à une mère de Jésus-Christ, afin que du Coeur de celui-ci passent dans votre âme ces flammes de charité qui se répandent ensuite au dehors?

Ce n’est pas tout. A Nazareth, Notre-Seigneur était entièrement soumis à la Sainte Vierge. Autre ressemblance que vous avez avec Marie. Notre-Seigneur n’est-il pas pour vous d’une obéissance parfaite? Qu’est-ce que vous lui demandez en fait de dons surnaturels qu’il ne soit prêt à vous accorder? Vous connaissez le magnifique cantique d’Isaïe sur la vigne: « Je vais chanter pour mon Bien-Aimé le cantique de mon Bien-Aimé au sujet de sa vigne. Mon Bien-Aimé avait une vigne sur un coteau fertile. » (Is. V.)

C’est l’histoire de votre âme, l’histoire de toute votre vie religieuse. Notre-Seigneur fera encore plus pour cette vigne chérie et choisie, pour cette religieuse qui est son épouse et sa mère; il fera sa volonté, il lui obéira, à condition qu’elle accepte la plénitude de son amour et aussi ses exigences, il donnera tout, il se donnera lui-même mais dans la sévérité d’une vie de travail, de prière, dé silence; dans l’obscurité d’une vie cachée. Qui se serait douté, que l’humble et pauvre maison de Nazareth renfermait les trésors du ciel, Jésus et Marie, que la perfection la plus divine était cachée sous le voile de l’obscurité la plus profonde? « Et alors on ne s’apercevra pas dans mon couvent que je suis une sainte? » Mon Dieu, non. Concevez-vous Notre-Seigneur faisant des compliments à la Sainte Vierge, et la Sainte Vierge ayant autre chose que le silence du respect le plus profond pendant le temps de l’enfance de Notre-Seigneur! Que peut-on imaginer pourtant de plus saint, de plus admirable?

Voyez donc, mes Soeurs, ce que vous pouvez mettre de sainteté dans votre couvent, et combien dix, quinze, vingt coeurs d’épouses de Notre-Seigneur peuvent mettre d’ardeur pour s’embraser réciproquement! Je vous engage à réfléchir bien sérieusement sur cet amour intime de Jésus-Christ qui se donne, à condition que nous lui donnions tout. « Ma fille, vous dit-il, j’ai besoin des tendresses de ton coeur. Il ne me faut pas des larmes, des soupirs, je te veux tout entière, dans l’intime de ta vie, au milieu de l’obscurité, du travail, de l’humiliation. »

IV. Humiliations de la Sainte Vierge

Ceci nous conduit à la quatrième considération, aux humiliations que Notre-Seigneur fait subir à la Sainte Vierge. Il n’est pas tendre pour sa Mère, le divin Sauveur. Voyez donc l’Evangile. « Femme, qu’importe à vous et à moi? Mon heure n’est pas encore venue. » (Joan. II, 4.) Et encore: « Qui sont ma Mère et mes frères? » (Matth. XII, 48.) Sur le Calvaire, la dernière parole qu’elle entendra sortir de ses lèvres mourantes sera: « Femme, voilà votre fils. » (Jean. XIX, 26.)

On veut bien prétendre que, dans les langues orientales, le mot femme indique un certain respect; il est certain toutefois que Notre-Seigneur savait que la traduction populaire interpréterait durement cette expression. Il n’est donc pas douteux que, dans les trois ou quatre relations avec sa Mère que rapporte l’Evangile, Notre-Seigneur a traité rudement la Sainte Vierge. D’où il résulte que les meilleures Supérieurs sont les plus énergiques, et que si saint François de Sales a pu dire qu’on prend plus de mouches avec du miel qu’avec du vinaigre, il faut tout bonnement en conclure que les religieuses ne sont pas des mouches.

Voyez la Sainte Vierge humiliée en public, reprise, toujours forcée à se taire, à disparaître dans son obscurité. L’Enfant Jésus avait douze ans lorsqu’il disait à sa Mère: « Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois être aux choses de mon Père? » (Luc. II, 49.)

Pauvre Sainte Vierge! Elle n’est pas flattée de la manière dont Notre-Seigneur la traite. Si dans les couvents on flatte les Soeurs, on ne suit pas l’exemple de Notre-Seigneur. Si vous trouvez une satisfaction à pouvoir vous dire: « Ma Mère me traite comme le faisait Notre-Seigneur, je suis traitée comme Marie, » prenez cette consolation, je vous la permets. Mais prenez aussi la résolution d’aller au-devant de toutes les humiliations que Notre-Seigneur permettra et rappelez-vous que Notre-Seigneur a pris la voie de la fermeté. Je vous avoue que j’y pousse tant que je puis notre chère Assomption. Dites-vous donc que, de la part de Notre-Seigneur, vous n’aurez que des rebuts.

Comme cela calmerait certaines imaginations! Comme cela adoucirait les douleurs des filles qui n’ont pas suffisamment de consolations à l’oraison ou à la sainte Communion! Comme cela faciliterait l’accomplissement des ordres des Supérieurs! Quelle douceur cela mettrait dans les rapports entre Soeurs qui offriraient un peu plus d’humiliations qu’il ne faudrait!

Vous connaissez la révélation de sainte Brigitte sur la Supérieure d’un caractère désagréable qui est laissée par Notre-Seigneur pour la plus grande sanctification des Soeurs. Oui, mes Soeurs, c’est très pratique la considération des rapports de Notre-Seigneur avec sa Mère; j’y vois la grande utilité des Supérieures un peu fermes. Pour les pécheurs, Notre-Seigneur est tendre: « Venez à moi et je vous soulagerai. Prenez mon joug, il est doux et mon fardeau est léger. » (Matth. XI, 28.) Aime-t-il moins la Sainte Vierge que les grands pécheurs? Non, mais il la veut plus parfaite.

En étudiant les divers caractères de la vie de la Sainte Vierge, prenez donc la résolution de remercier Dieu de ses grâces, d’y correspondre fidèlement et de faire tous vos efforts pour entrer dans l’intimité que Marie a eue à Nazareth lorsqu’elle acceptait les humiliations qu’il plaisait à son Fils de verser dans son âme pour lui donner une grande gloire dans la sainteté. Vous aurez là une bonne et solide dévotion qui vous ouvrira la voie de la perfection.

Rentrez en vous-mêmes, soyez persuadées que vous êtes appelées à faire valoir les dons que Dieu vous accorde et qui peuvent vous mener à une très haute sainteté. A mesure que vous avancerez à la suite de la Mère du Sauveur, vous considérerez que ces merveilles ont été faites pour l’unique créature en qui il a voulu mettre toutes ses complaisances et qui est sa fille bien-aimée, mais aussi qu’il veut combler ses religieuses de faveurs spéciales pour les rendre mères et épouses parfaites, et les faire arriver à ce degré de sainteté qu’il leur réserve en ce monde, et pour lequel il leur accordera une récompense éternelle dans le ciel. Amen.

Notes et post-scriptum