OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • VINGT-SIXIEME CONFERENCE DONNEE LE 11 DECEMBRE 1870.
    AMOUR DE L'EGLISE.
  • Prêtre et Apôtre, XI, N° 130, décembre 1929, p. 360-363.
  • DA 45; CN 4; CV 32.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 APOSTOLAT
    1 AUGUSTIN
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DESOBEISSANCE
    1 EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 EVEQUE
    1 GRACES
    1 IDEES DU MONDE
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 LOI DIVINE
    1 LOI ECCLESIASTIQUE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MAUX PRESENTS
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PREDICATION
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VERITE
    1 VIE RELIGIEUSE
    2 BOSSUET
    2 FRAYSSINOUS, DENIS-ANTOINE
    2 HUGO, VICTOR
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 PIE IX
    2 PLATON
    2 SIMON, JULES
    3 ALLEMAGNE
    3 AUTEUIL
    3 ROME
    3 SINAI
  • Religieuses de l'Assomption
  • 11 décembre 1870.
  • Nîmes
La lettre

Canevas de l’auteur. -La révolution envahissante. Un seul ennemi en face, l’Eglise, qui a pour elle la vérité, la loi divine, la grâce. A quoi nous devons: 1° l’étude, l’enseignement, la parole apostolique; 2° l’obéissance, la pratique du devoir, les vertus, la perfection; 3° l’emploi surnaturel des moyens offerts.

Vaincre la révolution; établir l’ordre surnaturel, relever le niveau des idées, des moeurs, des intelligences.

Texte sténographié de la Conférence

I. La révolution, ennemie de l’Eglise.

Mes chères Filles,

Nous allons commencer à étudier aujourd’hui le troisième caractère distinctif que nous avons cherché à donner à l’Assomption, qui est l’amour de l’Eglise. Répétons ce que je vous ai dit souvent: l’Assomption est un petit régiment de l’Eglise. J’espère que, semblables à la petite troupe des zouaves pontificaux qui, après avoir grandi en un véritable corps d’armée, vient d’être décimée en défendant des causes sacrées, nous croîtrons aussi et saurons être des serviteurs et des servantes qui un jour donneront leur vie à l’Eglise.

Nous avons affaire à un ennemi implacable, qui triomphe par tous les moyens: il triomphe par la démocratie, par l’aristocratie, par les rois et par les empereurs. C’est la révolution. Cette révolution, multiple dans ses effets, se résume en un seul mot: Non serviam, mot qui a été dit avant la création de l’homme. Ce mot, le drapeau de toute révolte, a porté le désordre dans le ciel; il a troublé la paix du paradis terrestre, il bouleverse les sociétés humaines, il porte l’hérésie au sein de l’Eglise; quelquefois il s’introduit dans les cloîtres, là où la sainteté devrait se réfugier comme dans un sanctuaire.

Quand la religieuse, dans l’égarement de son orgueil dit, elle aussi: « Je n’obéirai pas, » la révolution se fait dans son âme; elle est, par ce côté, membre de cette immense société révolutionnaire qui a pris naissance au ciel dans l’origine des temps, qui se perpétue sur la terre sous des formes diverses, mais également impies, et qui, déjà châtiée dès son principe, aura son terme éternel au jour du jugement définitif, dans les supplices de l’enfer.

Cette révolution, qui monte aujourd’hui comme un flot envahissant, commence par nier toute vérité. Ille homicida erat ab initio, et in veritate non stetit, quia non est veritas in eo. (Joan. VIII, 44.) C’est pourquoi Satan est appelé père du mensonge, père de l’erreur. Elle est contraire à la loi de Dieu, puisque sa devise est le cri de la désobéissance: Non serviam. En face de l’amour de Dieu se résumant dans ces mots de Notre-Seigneur: Sic enim Deus dilexit mundum, et Filium suum unigenitum daret (Joan. III, 16,) elle ne respire que la haine, elle a pour chef celui qui fut homicide dès le commencement, dit Jésus-Christ. Par ces trois caractères infernaux, la révolution est la grande ennemie de l’Eglise. Elle se traduit dans l’ordre des idées par la libre pensée; dans l’ordre social par l’anarchie; dans l’ordre de la vie pratique par l’immoralité, le culte du plaisir et du bien-être matérialisé; dans les relations humaines, elle se traduit par l’égoïsme personnel, poussé jusqu’à l’apothéose de l’humanité.

Que reste-t-il quand la révolution a pris ces proportions effrayantes? Dieu seul le sait. Mais il n’est que trop vrai qu’il se trouve des hommes qui suivent les prescriptions de leur chef, Satan, et qui ont reconnu son empire. On pourrait vraiment croire que le pouvoir a été donné de nos jours à la révolution, et que cette parole terrible prononcée par Notre-Seigneur la veille de sa Passion, va se réalisant encore: Sed haec est hora vestra, et potestas tenebrarum. (Luc. XXII, 53.)

Faut-il ajouter une chose douloureuse? Les princes du sanctuaire ne sont pas eux-mêmes à l’abri des atteintes de la révolution. Non pas des atteintes glorieuses de la persécution telles que Pie IX les reçoit; c’est un honneur, mes Soeurs, et il ne s’agit pas de cela. Non. Mais parce que par une défaillance de leur volonté les autres cèdent presque sans s’en douter, ils arrivent peu à peu à accorder à la révolution ce qu’elle demande et, marchant de concessions en concessions, ils ne s’arrêtent que lorsque a révolution, se tournant ouvertement contre eux, les chasse et se rit de leurs stériles efforts.

C’est là l’histoire des catholiques libéraux.

Il est triste de voir certains évêques retarder d’envoyer à Rome leur soumission aux décisions du Concile et laisser des soupçons planer sur leur foi (soumission des évêques allemands.) Il y a là de profondes tristesses, non seulement de la part de quelques chefs de l’armée de Dieu, mais de certains directeurs d’âmes. Le mal a été coupé à sa racine par la définition de l’infaillibilité, mais tant que l’arbre ne sera pas déraciné, quelques rameaux verdoyants pousseront leurs jets. L’hérésie est, elle y est, je le répète à dessein. Mais en même temps le remède y est aussi, et alors l’erreur ne peut pas produire tout le mal qu’on pourrait craindre.

Il n’y aura plus que deux camps. D’un côté, la révolution, cette femme qui nous est montrée dans l’Apocalypse montée sur un dragon tenant à la main une coupe pleine du sang des martyrs et sur le front de laquelle était écrit: Mystère (Apoc. XVII, 4 sq.;) car, en effet, ce sont des mystères d’iniquité, de mensonge, qui se trouvent dans sa pensée. De l’autre côté, le camp de Jésus-Christ. La révolution en face de l’Eglise: Satan, d’une part, Jésus-Christ de l’autre.

Mais cette situation ainsi définie, ainsi exposée, implique des devoirs très spéciaux, et nous devons bénir Dieu de ce que notre petite Congrégation de l’Assomption soit venue dans ces temps orageux, parce qu’il y a de nouveaux devoirs à remplir. C’est toujours le même ennemi, la même guerre à livrer.

Satan poursuit la lutte entreprise sous l’arbre du paradis terrestre; mais, suivant les différentes phases du combat, il faut des armes différentes. Dieu nous les met entre les mains, et quoique les fils du siècle soient plus habiles que les enfants de lumière, nous pouvons avoir l’espérance du succès. Pour cela, que faut-il faire? Combattre la révolution et défendre l’Eglise aussi chaleureusement que possible. Et comment? En prenant les moyens que l’Eglise nous donne.

Or, mes Soeurs, l’Eglise présente trois caractères principaux. Elle a pour elle la vérité, la loi de Dieu, et les conseils évangéliques, la grâce accordée à la faiblesse humaine pour pouvoir croire et pratiquer la loi de Dieu et ses conseils de perfection.

II. L’Eglise, gardienne de verité

Quant à la vérité, il est incontestable qu’elle porte en elle-même une impossibilité dans ses rapports avec l’intelligence de l’homme. Tout seul, l’homme ne s’élèvera pas à la connaissance de la vérité surnaturelle; il lui faut la grâce. Il y a de plus dans le coeur de l’homme quelque chose en opposition avec la vérité. c’est le point où elle rencontre notre orgueil pour le condamner. L’esprit humain l’a repoussée, parce qu’il ne veut pas abdiquer ses droits et que dans tout acte de foi il y a un acte d’humilité.

A ce propos, saint Augustin fait cette remarque qu’à proprement parler il avait trouvé dans Platon une certaine notion de la Sainte Trinité, mais que le Fils de Dieu se fût fait homme, il ne l’avait pas trouvé. On peut, en effet, rencontrer chez des auteurs païens des idées confuses sur certaines notions supérieures comme la nature divine, les attributs de Dieu; mais que Jesus-Christ ait été crucifié, qu’il soit mort pour le salut des hommes, on n’en trouvera pas trace chez eux.

C’est que les attributs de Dieu sont des choses magnifiques, mais n’impliquent pas de rapports directs avec la vie de l’homme; ils n’imposent pas d’efforts pour réparer ses ruines. Mais quand Dieu lui présente son Fils naissant dans une crèche, marchant toute sa vie au milieu des mépris et de la pauvreté, mourant sur une croix, notre pauvre nature humiliée commence à crier. Les protestants s’en tirent en disant que la foi sans les oeuvres suffit au salut, mais l’Eglise catholique déclare que le Christ a souffert pour nous, nous laissant un exemple à imiter (I Petr. II, 21): Christus passus est pro nobis, vobis relinquens exemplum, ut sequamini vestigia ejus. Les traces qu’il nous a laissées sont des traces sanglantes de souffrances et de sacrifices. Cela paraît trop dur, l’homme préfère ne pas croire que de suivre un tel docteur. Voilà le noeud de la guerre.

La révolution dit: « Buvons, mangeons, enivrons-nous à la coupe des plaisirs, couronnons-nous de roses et jouissons, car nous mourrons demain. (Sap. II, 6-9.) C’est la philosophie pratiquée de nos jours (Université; Jules Simon; défense de parler de Dieu dans les écoles; débauches.) C’est logique. Puisqu’ils nient l’âme, la vie éternelle, Dieu et son Eglise, la terre est le terme de la vie, le plaisir son unique but: il n’y a rien au delà.

Nous avons à lutter contre ce débordement du matérialisme avec l’arme de Jésus-Christ, l’arme de la croix. Voyez donc la beauté de la vérité, elle pénètre dans les âmes par la croix, elle se fonde sur la croix.

III. L’Eglise, gardienne de la loi divine

En outre, l’Eglise possède le dépôt de la loi de Dieu, c’est-à-dire tout ce qu’il y a de plus méconnu de nos jours. Je vous respecte trop même pour vous dire à quel point elle est violée. Celles d’entre vous qui vont au parloir, à Auteuil, peuvent en avoir quelque idée. Il y a là des abominations, depuis le blasphème jusqu’au travail du dimanche, au vol sous toutes ses formes, et à tant d’autres crimes que je ne puis même pas nommer devant vous. Et vous voulez que si Dieu a cru devoir donner des commandements aux hommes et que les hommes insensés lui répondent: Dirumpamus vincula eorum, et projiciamus a nobis jugum ipsorum. (Ps. II, 3,) vous voulez, dis-je, que la colère de Dieu ne s’allume pas contre eux! Il est dit dans l’Ecriture: Et terra infecta est ab habitatoribus suis, quia trangressi sunt leges, mutaverunt jus, dissipaverunt foedus sempiternum. (Is. XXIV, 5;) et encore: « Ils ont changé la notion du droit, ils ont voulu secouer le joug de la loi. » Vae qui dicitis malum bonum, et bonum mallum: ponentes tenebras lucem, et lucem tenebras; ponentes amarum in dulce, et dulce in amarum. (Is. V, 20.) On en est là aujourd’hui, et c’est le triomphe de la révolution.

Dieu vient. Il donne sa loi, et non seulement cette loi, mais celle de l’Eglise; car si la loi de Dieu a été promulguée sur le mont Sinaï, il veut que certaines applications de morale pratique soient renfermées dans les commandements de son Eglise. Il y a plus encore. Pour ramener l’homme à la perfection, il établira les conseils, et c’est là précisément le but de la vie religieuse. Et c’est parce que la pratique des conseils vous est imposée que les couvents sont détestés du monde.

Comment ceux qui ne veulent même pas de la loi stricte et rigoureuse des commandements toléreraient-ils la pratique des conseils de perfection? La vie religieuse, c’est la condamnation des appétits humains et sensuels. Or, l’Eglise a le dépôt de la vérité et la mission de prêcher la loi de Dieu, et elle a les trésors de secours nécessaires à l’homme pour croire à la vérité, recevoir la loi divine, la pratiquer et arriver à la perfection.

Ces trésors, ce sont la grâce, les sacrements, la prédication et les grâces intimes. Après cette première grâce que je nommerais sociale, qui introduit l’homme dans l’Eglise par le Baptême, il y a un écoulement de grâces intérieures qui ne cessent de jaillir de cette source ouverte du Baptême. L’Eglise possède tout cela. Et vous voulez que les ennemis de Dieu, ceux qui disent: « Je ne servirai pas, » ceux qui ont une intelligence et refusent de croire, un coeur et refusent d’obéir, n’aient pas contre l’Eglise une haine profonde, une haine d’autant plus acharnée et terrible qu’ils ont l’intelligence plus grande du mal que l’Eglise leur fait!

IV. Devoirs envers l’Eglise

J’arrive aux trois catégories de devoirs proposés à tous les chrétiens, à toutes les religieuses, mais plus particulièrement aux filles de l’Assomption. Les trois grands devoirs des membres de la Congrégation envers l’Eglise par rapport à la vérité, c’est l’étude, l’enseignement, la prédication par la parole évangélique.

Que vous ayez beaucoup d’intelligence ou que vous en ayez peu, mes Soeurs, vous êtes obligées de lui donner tout le développement qu’elle est capable d’acquérir, pour que vous puissiez être des soldats de la vérité, des trompettes de la vérité. Nemo dat quod non habet. Vous ne pouvez pas donner aux âmes la vérité, si vous ne la possédez pas vous-mêmes. C’est un crime de prétendre enseigner, comme certains couvents l’ont fait, sans une connaissance complète de la vérité.

De là sont venues une foule d’idées fausses qui ont préparé la ruine de la foi, en donnant lieu aux attaques de nos ennemis. Ils avaient tort d’en tirer des conséquences contre la foi, mais ils avaient raison de s’en prendre aux idées qui paraissaient sortir du catholicisme, parce que c’étaient des idées fausses. Malheur donc à la religieuse qui se mêle de vouloir donner l’instruction sans les connaissances suffisantes! Bien des religieuses le font, et il y a là un véritable crime.

Je le répète, aujourd’hui les besoins sont grands. L’Eglise vous appelle au combat, vous avez une mission toute particulière auprès des intelligences. Le grand mal de notre époque est le dépérissement de la vérité. Vous êtes coupables si vous ne donnez pas à votre intelligence toute la portée qu’elle peut avoir, si vous ne lui fournissez pas toutes les armes qui lui sont nécessaires pour combattre et vaincre. Donc devoir rigoureux envers l’Eglise pour toute fille de l’Assomption d’étudier, de développer son intelligence. Vous aurez soin sans doute de ne pas vous laisser enfler par la science, selon la recommandation de l’Apôtre, mais je veux que vous soyez les instruments de la vérité.

Il y a, aujourd’hui surtout, nécessité d’être parfaitement consolidées et fondées dans la vérité, comme dit saint Paul: In fide fundati, et stabiles, et immobiles a spe evangelii. (Col. I, 23.) Si vous voulez accomplir l’oeuvre de l’Assomption, il faut étudier. Je vous en fais une obligation en votre qualité de soldats de l’Eglise. J’excepte ici celles qui, pour une raison ou pour une autre, seraient employées en dehors de l’oeuvre de l’instruction et réservées aux petites fonctions; il faut compter aussi avec les moments de fatigue, de maladie, qui demandent des interruptions de travail. Mais, en dehors de cela, rappelez-vous cette parole: « Le royaume du ciel est semblable à un docteur qui tire de son esprit des choses anciennes et des choses nouvelles » (Matth. XIII, 52;) ce qui figure l’Ancien Testament et le Nouveau. Vous avez une tâche analogue à remplir. Il faut, par un travail constant de votre esprit, que vous cherchiez l’enseignement qui convient et qui s’applique aux besoins du temps présent.

Manière de prêcher. Autrefois, pendant cent ou cent cinquante ans, quand un prédicateur d’un certain talent mourait, on mettait ses sermons dans une caisse et l’on puisait là dedans pour les prêcher de nouveau. Qu’en est-il résulté? La révolution. C’étaient des sermons sans valeur, qui avaient perdu leur sève. Il faut faire et refaire sans cesse le travail de la distribution de la vérité. Une maîtresse modifie son enseignement, suivant celles à qui elle parle.

Les conférences de M. de Frayssinous ont fait du bien, elles n’en feraient plus aujourd’hui; les besoins sont autres, le champ de bataille s’est déplacé. Lacordaire de même, malgré son talent prodigieux. La stratégie change. En dehors de quelques Pères de l’Eglise immortels comme saint Augustin, saint Jean Chrysostome, Bossuet, c’est la loi universelle. Encore là trouve-t-on des choses qui ne vont pas à notre temps.

Vous êtes donc obligées d’étudier l’antiquité. Il faut tirer vos connaissances d’un trésor que vous vous serez fait; il faut les avoir mises dans votre esprit, les avoir réétudiées, réfléchies par un travail non seulement de mémoire, mais d’intelligence. Puis, à ce fond de science des choses anciennes, vous donnerez une forme nouvelle; ce sera un vêtement nouveau donné aux choses anciennes: Non nova sed nove. Si nous changions le fond de l’enseignement, ce ne serait plus l’éternelle vérité; nous nous contentons de la mettre à la portée des intelligences. Et il n’a été donné qu’à la parole de Notre-Seigneur d’être de tous les temps et de toutes les situations. L’Evangile aura toujours des réponses sublimes pour tous les besoins de l’âme.

Enfin, mes Soeurs, vous êtes obligées à la parole évangélique, vous devez faire pénétrer la vérité dans vos conversations, vous devez être apôtres dans vos relations avec le dehors. Quant à la loi de Dieu, il y a différentes explications, divers commentaires de cette parole vieille comme le paradis terrestre ou comme le mont Sinaï. Mais vous êtes obligées surtout de prêcher l’obéissance à la loi, l’observation intelligente de la loi de Dieu. Derrière la loi de Dieu, il y a une grande notion dont votre vie entière doit parler, la notion du devoir, et ce devoir découle des droits de Dieu. Du moment que Dieu a le droit de commander aux hommes, ceux-ci ont le devoir d’obéir.

Il faut établir ce grand principe qui ressort de la loi divine, en face de la théorie indépendante qui veut poser le devoir pour le devoir, comme Victor Hugo voulait faire de l’art pour l’art. Le devoir pour la seule satisfaction de la conscience, c’est tout simplement absurde.

Qu’est-ce que la conscience sans sanction? Qu’est-ce qu’une sanction sans autorité? Et quelle autorité peut-il y avoir, sinon l’autorité toute-puissante de Dieu. Comme tout cela est oublié! Il est indispensable que nous fassions connaître l’obligation exacte et rigoureuse du devoir par la prédication de notre vie. Ici je touche à l’ordre surnaturel. Sine me nihil potestis facere. (Joan. XV, 5.) Et ailleurs: Deus est enim qui operatur in vobis et velle et perficere pro bona voluntate. (Philip. II, 13.) Vous ne pouvez pratiquer la loi sans le secours de la grâce.

Vous avez encore plus à faire, et j’arrive à une obligation très spéciale des filles de l’Assomption. Remarquez comment aujourd’hui la notion de la perfection va se perdant chez beaucoup d’âmes. Pour peu que vous ayez quelques rapports avec des personnes du monde, même les meilleures, vous avez vu combien le sens catholique est oblitéré. Je ne vous cache pas qu’on dit de vous certaines choses peu agréables; quelquefois on me les a dites à moi-même. Le monde vous juge sévèrement. Il dit que vous êtes guindées, que vous êtes savantes, que, etc. Evidemment, dans les reproches qu’on vous adresse, il y a quelque chose de vrai.

Il y a deux manières de vous conduire en face de ces attaques: l’une qui n’est pas chrétienne [et qui consiste à] se justifier avec aigreur; l’autre qui est d’obligation pour vous [et qui consiste à] prendre la résolution d’arriver à la perfection de la sainteté, de faire aimer, comprendre, apprécier la sainteté par vos vertus, par vos exemples. Croyez-moi, c’est la plus féconde, des prédications. Verba movent, exempla trahunt. Faites cela dans vos rapports avec vos Soeurs, avec les enfants et les personnes du monde. L’exemple de vos vertus sera votre grand moyen de servir l’Eglise et de lui montrer votre amour.

Enfin, vous avez une partie de la distribution des grâces de Dieu. Les fruits des sacrements sont à la disposition des religieuses. La confession fait du bien. Qu’est-ce qui le continue? C’est vous. On prêche une retraite, la parole du prédicateur ébranle les âmes: c’est parfait! Mais qui donnera l’interprétation des sermons, qui éclaircira les pensées trop obscures, qui fera ressortir le côté pratique? C’est vous, et vous devez y mettre le sentiment profond de ce que vous faites. Qui inspirera la piété? Vous encore, et comme la piété est utile à tout, si vous inspirez une véritable piété, éclairée et non pas telle que les gens du monde l’entendent, vous la ferez passer dans toute la vie des enfants.

Voici donc les trois grands services que vous êtes obligées de rendre à l’Eglise? 1° l’étude de la vérité, l’enseignement de la vérité, la parole apostolique dans certaines circonstances; 2° l’exemple de l’obéissance à la loi de Dieu et d’une obéissance intelligente, le sentiment profond du devoir, les vertus chrétiennes, la notion de la perfection; 3° enfin l’emploi des moyens surnaturels qui sont à votre disposition.

Si vous voulez atteindre le but que vous vous proposez comme soldats de l’Eglise, il faut que vous travailliez à vaincre la révolution par les moyens antirévolutionnaires. La révolution est basée sur l’orgueil, -opposez votre humilité; sur l’indépendance, -soyez obéissantes. Vous êtes obligées, en face de Satan qui veut détruire le règne de Jésus-Christ, de rétablir l’ordre surnaturel (danger de l’école naturaliste: bonnes intentions, souffle empesté.) Vous devez lutter contre ce courant de naturalisme, bâtir sur la notion divine, chercher l’ordre divin dans la vérité. Vous devez relever le niveau des moeurs. C’est là votre grand travail de prédication dans l’Eglise par les catéchismes, l’enseignement, les associations de jeunes personnes et les relations extérieures. Tendre à relever le niveau des moeurs doit être votre effort constant par vos conversations, par votre influence.

Voyez-vous, il faut relever les coeurs. Ils s’en vont, s’abaissant chaque jour. Ils s’en vont, roulant comme la pierre détachée de la montagne et jetée dans le torrent, qui se brise et se polit et n’est plus que du sable mouvant quand elle arrive à la mer.

Notes et post-scriptum