OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • VINGT-NEUVIEME CONFERENCE DONNEE LE 15 DECEMBRE 1870.
    DE LA BONNE VOLONTE
    SECONDE PARTIE
  • DA 45; CN 5; CV 33.
Informations détaillées
  • 1 CAPRICE
    1 DESOBEISSANCE
    1 EFFORT
    1 ENERGIE
    1 ESPRIT ETROIT
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 GRACE
    1 GRAVITE
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 HONNETETE
    1 LACHETE
    1 LEGERETE
    1 MENSONGE
    1 NOVICIAT
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 SIMPLICITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTUS
    1 VOLONTE
    1 VOLONTE PROPRE
    2 ABRAHAM
    2 BOSSUET
    2 ELIE, PROPHETE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JOB, BIBLE
    2 MOISE
    2 PAUL, SAINT
    2 THERESE, SAINTE
    3 DAMAS
  • Religieuses de l'Assomption
  • 15 décembre 1870
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’auteur

La vertu surnaturelle se compose de deux éléments: la grâce de Dieu, le concours de la volonté humaine. Ce concours s’appelle la volonté. Mais à cause de la nécessité de la lutte contre la volonté corrompue, il s’appelle aussi l’effet.

Il s’agit de lutter contre:

1° L’esprit d’indépendance,

2° L’entêtement,

3° La légèreté,

4° Le caprice,

5° La faiblesse,

6° Les habitudes prises.

A quoi il faut opposer l’effort par

1° L’énergie,

2° Le sérieux,

3° La simplicité,

4° La droiture.

Texte sténographié de la conférence.

Mes chères Soeurs -Nous abordons aujourd’hui la seconde partie de nos entretiens, et comme préambule avant de traiter des vertus, je vais vous parler de la bonne volonté ou si vous aimez mieux de l’effort. En effet, il faut poser ce principe que la vertu surnaturelle se compose de deux éléments: 1° De la grâce de Dieu- 2° Du concours de la volonté humaine. Nous verrons plus tard comment la grâce de Dieu s’adresse à l’intelligence de l’homme et comme dit la théologie, s’appelle grâce informe ou infuse tant qu’elle ne reste dans l’homme qu’à l’état d’aptitude à voir, à connaître. Puis nous étudierons sa formation, c’est à dire, le moment où elle passe de l’intelligence à la volonté et devient la vertu. La volonté humaine est donc la substance de toute vertu, car sans volonté il n’y a pas de vertu. Dans le plan premier de la Création, Dieu avait donné à l’homme la justice originelle par laquelle l’homme lui plaisait; il aimait Adam tel qu’il l’avait fait, mais une fois le péché originel accompli, voilà l’homme devenu enfant de colère. Dieu alors donne la foi en germe à l’enfant au Baptême; ce n’est pas dans son âme une vertu, c’est une vertu informe qui va se développant, se formant par des actes de la volonté de l’enfant à mesure qu’il grandit. La vertu est donc une question de formation par la volonté.

Il faut alors, mes Soeurs, que vous soyez des filles de vertu, que vous acquériez les vertus qui vous sont propres comme à des chrétiennes et à des Religieuses. De là, de grands devoirs que j’étudierai avec vous en parlant des vertus théologales et des vertus cardinales et en faisant ressortir les qualités qui de ces différentes vertus sont applicables à la Religieuse et que vous devez former plus particulièrement en vous pour les pratiquer davantage. Mais pour aujourd’hui disons que la vertu est de la part de l’homme un acte de la volonté; et comme la volonté est corrompue, pour accepter la grâce elle a besoin de faire un effort. L’ange reçoit la grâce sans effort; Adam, dans l’innocence du paradis terrestre la recevait sans effort aussi: mais nous par l’effet de notre corruption, nous avons une lutte à engager, un effort à faire. Il y a bien de loin en loin de ces grâces exceptionnelles comme celle qui foudroya St Paul sur le chemin de Damas, mais en général, à moins que le poids de la grâce vous entraîne, il faut lutter pour être vertueux.

Je veux donc examiner avec vous: 1° les points divers sur lesquels une Religieuse qui tend à la perfection doit lutter; 2° les conditions par lesquelles vos efforts seront couronnés de succès.

1° -Vous aurez à lutter contre l’esprit d’indépendance. C’est très beau de venir au couvent, mais ce n’est pas tout. On commence à parler à tort et à travers, on a son jugement, sa manière de voir et de faire. au premier mot, la Maîtresse des Novices vous arrête. Comment, cela s’appelle manquer à la charité -je ne puis pas porter ma volonté là-dessus, laisser aller mon imagination où il lui plaît…Non, non, chère Soeur. -On veut donc me plumer, me couper les ailes? Eh bien oui, vous ne serez qu’un oiseau plumé; vous serez dépendante, vous verrez les choses comme vos supérieures vous le diront. Tous les maîtres de la vie spirituelle sont d’accord la-dessus, qu’il faut soumettre son intelligence, entrer dans la pensée de ses Supérieurs. Il le faut, mes Soeurs, sinon vous auriez mieux fait de rester dans le monde une bonne vieille fille dévote; vous voulez être Religieuse, laissez votre volonté à la porte. N’obéissez pas comme le soldat qui se fait tuer, mais qui trouve que l’ordre de son capitaine n’a pas le sens commun. Ne faites pas comme cela, laissez vos idées de côté et entrez dans l’esprit d’obéissance véritable. Le postulat et le noviciat ne consistent pas à apprendre, à faire certaines pratiques, faire des enclins comme dit St François de Sales, ou bien se dire Ave ma Soeur -il consiste à savoir si vous acceptez les idées de votre Congrégation. Ou bien vous n’avez pas d’idées ou bien vous en avez; elles peuvent être fausses, cela arrive aux filles d’esprit même; ou bien vos idées sont justes. Votre temps d’épreuve vous est donné pour savoir si vous voulez sacrifier, réformer vos idées et si celles de la congrégation vous vont. Après cela, dépendez, abandonnez-vous, les chefs peuvent se tromper, vous n’avez qu’a obéir. Si une fois reçue dans la congrégation vous n’entrez pas dans l’engrenure générale, vous ne serez pas une religieuse, mais une machine religieuse à rebours.

2° -Oui, une tête de religieuse a aussi ses entêtements, nous devons les sacrifier. Vous avez fait voeu d’obéissance, mes Soeurs, n’oubliez pas cela. Ah! mes chères filles, permettez-moi de vous dire le mal que l’entêtement fait dans certaines circonstances. Si vous êtes entêtés selon votre règle et la volonté de vos supérieures, c’est une grande force pour la Congrégation, un grand avantage pour une âme. Oui, soyez de celles dont on dit qu’on ne peut les faire démordre d’une chose quand leur supérieures ont exprimé une volonté. La responsabilité pèse sur les supérieures. Quant à vous vous aurez sauvé votre âme. Dans l’intérieur de votre communauté, ayez aussi de l’entêtement pour garder votre règle, pour observer le silence, surtout le grand silence, pour sacrifier tout aux heures de l’Office, de la classe, de chaque exercice de votre vie religieuse; ayez de l’entêtement pour les pratiques de la pauvreté, dans ces petites choses qui glissent si vite inaperçues si on n’y prend pas garde; ayez ce saint entêtement de ferveur, c’est excellent! Mais l’entêtement qui consiste à dire: je vois les choses comme cela et pas autrement, ah! c’est bien dangereux. Le diable qui se sert des meilleures choses pour corrompre les meilleures choses peut ainsi perdre un Couvent.

Mes soeurs, vous savez que j’ai été mis à la porte d’un Carmel. Comme je prenais la chose fort philosophiquement, la supérieure, très sainte fille du reste, est tombée malade de chagrin de ce que je n’étais pas chagriné. Il paraît que j’aurais dû en faire une maladie; comme après un tel coup, je continuais à me bien porter, la supérieure en est morte. J’ai manqué à tous mes devoirs, je veux bien l’avouer, en ne mourant pas de douleur d’avoir été chassé; elle m’a fait appelé pour me le dire et me faire constater qu’une telle insensibilité l’avait tuée. Les Carmélites sont ainsi faites, mes chères filles, on s’y forge certaines idées et puis les voilà les plus malheureuses personnes du monde pour rien du tout. Je ne puis pas dire combien j’ai eu à lutter pour obtenir l’entrée de leur chapelle pour une quantité de pauvres gens qui, dans un quartier très éloigné de l’église de paroisse auraient infailliblement manqué la Messe. Eh bien! elles n’en voulaient pas. Pourquoi? parce que l’odeur des pauvres les incommodait! Voilà de saintes filles qui jeûnent, qui se disciplinent, qui ne pensent qu’à la mortification et aux pénitences, elles ne peuvent souffrir ce que toute châtelaine dans sa chapelle de campagne supporte sans même y penser. C’est formidable, mes Soeurs, tout ce qu’il y a de saints entêtements derrière ces grilles, ces barrières, ces rideaux d’un parloir de Carmélites. Vous les verrez, parce que la Règle ordonne d’aller de plein-pied des cellules au Choeur, mettre leurs bréviaires sur leur tête pour monter l’escalier qui conduit à la chapelle. Je vous cite ces exagérations, mes chères filles, pour vous montrer jusqu’où peut aller l’étroitesse de l’esprit si l’on n’y prend garde, même chez de très pieuses personnes. A cent lieues de là, une petite religieuse pourrait aussi vouloir mettre un peu de son petit esprit dans la largeur d’idée de l’Assomption. Tenez, mes chères filles, vous n’allez pas à la hauteur du talon d’une sandale de Carmélite; mais je vous avoue franchement que je vous aime mieux telles que vous êtes, et que je ne comprends ni certaines carmélites, ni ce qui se passe paraît-il dans certains couvents. Je vous en prie, ne vous croyez pas martyres pour une petite odeur, ne vous croyez pas victime parce qu’il faut monter un escalier ou que vous manquez d’un peu de place pour faire vos cérémonies au réfectoire. Certainement, il faut un grand respect des traditions et c’est là une question très grave. Savez-vous encore cette histoire: Il y avait non loin d’ici un certain couvent de Chartreux; vers le soir, un beau jour, le feu se mit au clocher de l’église. On sonne le tocsin; tous les braves gens d’alentour arrivent pour éteindre le feu; à deux heures du matin on en est maître; les pauvres gens avaient travaillé toute la nuit. -Vous croyez qu’on va les faire entrer, les faire reposer, les faire rafraîchir? Non, le supérieur vient, ferme la porte et les renvoie, parce que la Règle défend d’introduire dans la clôture pendant la nuit. C’est très louable de tenir à sa règle; était-ce le cas? Mon Dieu non. Quelle que soit la sévérité des règles, il y a des exceptions à faire. Je ne sache pas qu’il fut dans la règle aussi de mettre le feu au clocher. J’ai voulu vous faire voir ces traits de pieuses exagérations pour vous dire: n’ayez pas trop de petits entêtements. Je ne parle pas d’entêtements d’ensemble; cela n’est pas à redouter avec la largeur de vue de l’Assomption. Mais n’ayez pas de petits entêtements de Religieuse, de petits entêtements individuels, petites manières de faire, petites combinaisons, petites décisions, petites résolutions. Ah! mes soeurs, si on tenait ses résolutions de vertu comme on tient ses résolutions d’entêtement, ce serait merveilleux. Que d’énergie, que de volonté on met là- dedans; croyez-moi, c’est une dépense inutile de vos forces, et je vous en supplie, ne soyez pas une religieuse entêtée.

3° -A côté de l’entêtement, il y a un autre défaut: la légèreté. Je dis ce mot en tremblant, et pourtant il est vrai. J’ai entendu dire à des religieuses des choses qui m’ont fait froid au coeur; laissons cela. Mais dites moi, pourquoi cette religieuse est-elle contente le matin, triste le soir? N’y a-t- il pas là un fond de légèreté? Une religieuse est poussée dans un sens, l’esprit de contradiction la jette dans un autre; c’est caprice peut-être aussi; mais voyez comme ce maudit esprit de contradiction pousse cette religieuse, la forme, la déforme, la conforme, le reforme, son esprit n’est qu’une fumée mobile, une vapeur qui s’exhale, un vrai brouillard, pauvre tête sans plus de consistance qu’un nuage. Elle ne sera pas deux jours de suite dans les mêmes dispositions; aujourd’hui elle verra tout en rose, demain tout en noir, et il faudra que la communauté voie à travers ses yeux. Elle passera du gris au violet, au rouge, au vert; toutes les couleurs se succéderont suivant les prismes de cet esprit léger et inconstant. Comme la volonté doit aussi se fortifier contre cette légèreté qui fait de vous une plume, une fumée, une girouette; encore la girouette tient par un côté à la terre; vous par où tenez-vous, on ne sait par quel bout vous prendre? Ce sont vos nerfs, l’hypocondrie, les humeurs peccantes; on a tout dit avec cette excuse. Moi je maintiens que c’est parce qu’il n’y a pas de fond qu’aujourd’hui vous venez me dire: Je suis résolue à me convertir, je vais m’y mettre tout de bon; et demain vous direz: Oh! c’est trop pénible, j’y renonce. Cela ne se fait pas à l’Assomption; je vous garantis que je l’ai entendu dans d’autres couvents. Et à cause de ce caractère léger, on prend de même toute chose; « je le fais si cela m’amuse je le laisse du moment que cela m’ennuye. » (Pour le dire en passant, c’est pourquoi Ste Thérèse recommande tellement d’écarter du Carmel les filles hypocondriaques qui voient tout à travers leur bile noire.) Puis les esprits légers s’ennuyent, se dégoûtent; ils veulent et ne veulent pas, nous tombons dans le caprice.

4° -Pourquoi cette Soeur veut-elle cela? Parce que ma Soeur une telle veut le contraire. On donnera d’excellentes raisons à la supérieure pour ne pas faire une chose et la supérieure s’y laissera prendre. Au fond, si on pouvait y lire, on verrait que le véritable motif est l’antipathie ou la sympathie, la volonté propre, le caprice enfin sous toutes ses formes. Ah! mes Soeurs, si on ôtait de l’histoire des couvents tous les épisodes de caprice!!! Vraiment, ce serait fade! Cependant, vous êtes en face de Dieu, vous tenez à la perfection. Comment avec votre entêtement, votre légèreté, vos caprices, pourrez-vous faire la volonté de Dieu; vous voyez là l’esprit surnaturel sur lequel vous devez bâtir. Ah! pour mieux dire, vous ne bâtissez pas; sur quoi votre vie se poserait-elle? Serait-ce sur l’instabilité? Aujourd’hui vous voulez une chose, dans 48 heures une autre; vos motifs étaient bons; demain un mal de tête les fera changer; vous êtes toujours sous l’impression du moment, du temps, de votre santé, de vos dispositions. Mes Soeurs, il ne faut pas vous le dissimuler, vous avez à vous porter les unes les autres et quelque parfaite que vous soyez, la vie de ma Soeur une telle peut vous faire venir des idées que vous n’avez pas. Vous ne faites pas d’efforts parce que ma Soeur une telle vous impatiente. -C’est le caprice.

5° -Mais au fond cela repose sur une immense faiblesse et voilà le principe de beaucoup de nos chutes. Avouons le non pas pour en faire une excuse à nos fautes, nous sommes faibles, très faibles. Tout est-il dit alors? N’y a-t-il plus de ressources? Et non mes soeurs; a côté de notre faiblesse il y a la grâce de Dieu, l’appui de Dieu. « Quum enim infirmor tunc potens sum » comme dit St Paul. Ceci est grave pour une religieuse qui croit pouvoir s’arrêter tout à coup au nom de sa faiblesse; et Saint Paul dit encore: « Virtus in infirmitate perficitur » (II Cor. XII/9). La perfection de notre vertu se trouve dans le sentiment de notre faiblesse; et cependant voyez que de religieuses ne sont pas arrivées à la perfection parce qu’elles ont cru trouver un prétexte dans leur faiblesse; la conséquence a été qu’elles sont devenues des religieuses naturelles, elles n’ont pas voulu de la vie spirituelle, car si elles l’avaient voulu, elles auraient transformé leur âme, et la force de Dieu, la vertu de Dieu Virtus Dei aurait pris la place de leur faiblesse.

6° -Les habitudes prises. Je ne puis trop recommander aux supérieures de faire attention aux religieuses qui ont des habitudes et qui ne peuvent pas les quitter. Elles font consister leur vertu dans le matériel de la vertu. Et si ces religieuses ont des habitudes imparfaites, où cela conduira-t-il? Et quelle souffrance cela impose à la communauté? Veillez-y; ne contractez pas des habitudes, fussent-elles petites. Vous ne savez où cela vous entraînera et combien vos supérieures pourront se reprocher de vous avoir permis de les prendre. Je ne veux même pas vous parler ici de ces filles qui en prennent une nouvelle toutes les 48 heures.

Mes Soeurs, voilà quelques uns des dangers qu’offre votre volonté corrompue; ce n’est qu’un aperçu incomplet, mais je pense que quelques unes d’entre vous pourront en tirer des conséquences pratiques; pour cela il nous reste à examiner par quels efforts nous devons combattre ces obstacles à notre perfection.

1° -L’énergie. Mes Soeurs, j’attache une si grande importance à cette qualité pour notre Assomption que je me permettrai, avec tout le dévouement que je vous porte, de faire une obligation rigoureuse aux Soeurs appelées à donner leur vote pour l’admission des sujets, d’écarter toute fille qui n’aurait pas une certaine énergie. C’est le manque d’énergie qui nous perd aujourd’hui; nous n’avons que des caractères de papier mâché (évènements politiques). Il nous faut de l’énergie pour résister à notre grand ennemi, le diable, au monde et à nous-même, et si nous ne l’avons pas, nous sommes perdues. La Congrégation commence à décliner, mes Soeurs, quand la plupart des religieux qui la composent manquent d’énergie surnaturelle. Car, entendez le bien, je ne demande pas à tous le monde d’avoir un caractère de fer ou d’acier. Vous pouvez avoir une nature molle, pourvu que vous ayez la volonté de la vaincre et d’arriver à cette vigueur surnaturelle que la grâce peut donner. Mais toujours il faut l’effort.

2° -Le sérieux. Ce qui m’épouvante le plus, mes Soeurs, c’est de voir la légèreté, le vide de nos coeurs; on les effeuille et on n’y trouve rien. Et pourtant la plénitude, la réalité de l’Etre de Dieu implique de la part de l’âme du sérieux. Une religieuse sérieuse traite avant tout sérieusement sa vocation; elle donne à ses exercices toute la valeur possible. Mes Soeurs, il n’y à pas d’amour d’épouse sans sérieux, même d’amour humain. Faites sérieusement votre salut, votre affaire, l’oeuvre de votre sanctification. Car si vous ne remplissez pas sérieusement vos devoirs, vous les remplirez mal. Il faut donc une volonté sérieuse pour se rendre compte de ce qu’elle fait, qui voie la portée de ses actes, de ses paroles et surtout de ses sentiments.

3° -Mes Soeurs, j’ai une particulière dévotion à trois grands Saints de l’ancien Testament: Abraham, Moïse et Elie. Il y en a un 4e que j’aime beaucoup aussi, c’est le saint homme Job. Or l’écriture dit de lui: « Nunquid considerasti servum meum Job, quod non sit ei similis in terra, homo simplex et rectus. » (Job I)

La simplicité et la droiture, voilà les deux dernières qualités que je vais vous demander. Allez dans la simplicité. Ce qui m’épouvante, c’est la fausseté de l’homme. Dieu est l’Etre, donc la Vérité même. Le diable c’est celui qui n’est pas resté dans la vérité. In veritate non stetit. Entre le diable, négation de la vérité, et Dieu, la vérité par essence, il y a toutes sortes de petits mensonges humains. Satan était d’une très parfaite, le mensonge l’a viciée; vos perfections sont vos bourreaux dit Bossuet au démons; et nous nous avons des natures imparfaites et menteuses, nous manquons de simplicité, de droiture, nous ne marchons pas dans cette belle franchise qui peut être une vertu si on la rend surnaturelle, et qui est certainement une des qualités les plus marquées de l’esprit de l’Assomption. Vir simplex et rectus. Ame simple et allant droit. J’ai offert mon sacrifice dans la simplicité de mon coeur. Il faut que vous offriez votre vie toute entière, vos luttes, vos combats, votre sacrifice enfin, dans une grande et magnifique simplicité. Et cela tout droit, sans retour, sans détour. Je suis vraiment effrayé quand, examinant une bonne action que je fais, je vois tout ce que j’y mets de faux. Ce n’est pas droit, ce n’est pas simple, tout ne va pas directement à Dieu. Etudiez-vous, vous verrez toutes les petites déviations, les petites recherches, les intentions doubles que vous devez rectifier. Je fais cela pour le bon Dieu, un peu pour moi; n’est ce pas le dernier mot d’une foule d’actions bonnes dans la vie religieuse?

4° -Je termine par la droiture. Simplex et rectus. Ah! mes Soeurs, que votre habilité soit droiture, c’est là une qualité de l’humilité. (Conseil de dissimulation vis-à-vis des Supérieures, donné par un prêtre -défaut de droiture plan épouvantable du Clergé.) Vous, Religieuses, ne tombez pas dans ce défaut, et considérez ce conseil comme la peste des Communautés Religieuses s’il y était suivi. La Religieuse qui commence à manquer de droiture est bien près d’être une Religieuse perdue. Ses vertus seront fausses, sa charité sera fausse, et par-dessus la fausseté de ses vertus et de sa charité, son obéissance sera la fausseté la plus absolue. Faites-y attention, car ce que je dis là est de la plus haute gravité si vous voulez rester dans la vérité de la vie religieuse. Je sais que cela ne vous regarde en rien aujourd’hui, mais la seule pensée qu’un jour cela vous soit applicable me remplit de terreur. Ne soyez jamais de ces filles qui dévient de la droite voie et souvenez-vous que la vie dépouillée de droiture et de simplicité cesse immédiatement d’être vertu. Heureuses celles qui ne me comprendront pas! Soyez donc simples et droites, c’est là ce qui gagne le coeur de Dieu. Dieu aime Job parce qu’il était simple, droit et craignant le Seigneur. Ayez la simplicité et la droiture de Job et vous serez aimées de Dieu; vous deviendrez des religieuses vraiment vertueuses dans la vérité; vous aurez la vertu vraie* et par conséquent la plus parfaite, celle qui plaît le plus à N.S. et il ne craindra pas de vous récompenser un jour dans la lumière de sa vérité infinie.

Ainsi-soit-il.

Notes et post-scriptum