OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • TRENTE-DEUXIEME CONFERENCE DONNEE LE 20 DECEMBRE 1870.
    SUR LA FOI
  • DA 45; CN 5; CN 6; CV 33.
Informations détaillées
  • 1 ASCESE
    1 AUGUSTIN
    1 CARACTERE
    1 CHATIMENT
    1 CORRUPTION
    1 DEFAUTS
    1 EFFORT
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 OUBLI DE SOI
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 TRAVAIL
    1 TRINITE
    2 AGNES, SAINTE
    2 AMBROISE, SAINT
    2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
    2 DOMINIQUE, SAINT
    2 ESQUIROL, DOCTEUR
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 THERESE, SAINTE
    3 ITALIE
    3 ROME
    3 THABOR
  • Religieuses de l'Assomption
  • 20 décembre 1870.
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’Auteur.

Revenons sur deux effets de la foi: la transformation du caractère et le renouvellement de la société.

1° La transformation du caractère.

Le caractère est par l’effet de la nature corrompue porté ou à la paresse -et par là à la nullité-, ou a l’égoïsme et à la personnalité ou à la haine du prochain.

La foi nous prêche la loi du travail et de la lutte, la foi nous prêche l’obligation de la vraie grandeur. Humilité et grandeur chrétienne.

La nature est porté à l’égoïsme, à la personnalité, à l’ambition; la foi nous prêche l’oubli de soi, le sacrifice et le dévouement.

La nature s’irrite contre les oppositions à son intérêt propre; de là, les antipathies, les jalousies, les haines. La foi nous prêche le don de soi et l’amour des âmes, surtout des âmes pécheresses.

Beauté du caractère des Saints, des vierges, des confesseurs, des martyrs, des apôtres, des patriarches, de la Sainte Vierge, de Notre Seigneur. Et tantam habentes impositam nubem testium, par patientiam curramus ad propositum nobis certamen.

Texte stenographié de la conférence.

Mes Soeurs, nous reviendrons sur deux effets de la foi que je n’ai pas pu traiter dans mon dernier entretien; aujourd’hui nous parlerons de la transformation de caractère par la foi. Nous partirons de ce principe: La foi enseigne que Dieu est infiniment parfait et que cette perfection peut être dans une certaine mesure imitée par nos vertus. C’est ce que N.S. nous enseigne quand il dit: « Estote ergo vos perfecti, sicut et Pater vester coelestis perfectus est » (Math V/48).

La foi donc nous oblige à croire à un Dieu en trois personnes : Père, Fils et Saint Esprit. De plus nous avons à imiter Dieu. La puissance du Père en donnant à notre âme toute la vigueur possible, la sagesse du Fils en donnant à notre intelligence tout le développement dont elle est capable dans l’ordre surnaturel; le Saint Esprit qui est charité, en aimant Dieu avec une intensité d’amour dont nous ne sommes pas capables de nous-mêmes, mais que le Saint Esprit nous donne. « Caritas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum, qui datus est nobis » (Rom. V/5).

Nous sommes obligées de croire au Mystère de l’Incarnation et d’imiter autant qu’il dépendra de nous N.S. naissant, grandissant, vivant parmi les hommes, sa vie toute entière depuis sa venue au monde petit enfant, jusqu’au terme « Virum perfectum« . Nous sommes tenus à le faire car lui- même a dit: « Exemplum enim dedi vobis, ut quaemadmodum ego fece vobis, ita et vos faciatis » (Joan XIII/15). Nous sommes obligées de croire à un Dieu rédempteur qui a souffert, qui s’est sacrifié, et nous devons aussi vivre d’une vie de sacrifice. Tous ces principes, mes Soeurs, sont des vérités de moyen que tout chrétien doit accepter et pratiquer pour faire son salut. Nous allons tâcher de les appliquer à la transformation du caractère. Ce mot transformation de caractère implique un changement, un passage d’un caractère dégradé, déformé, à un caractère surnaturalisé. Je n’examine pas ici les qualités naturelles du caractère; je veux seulement vous montrer comment on surnaturalise un caractère mauvais et comment on rend doublement précieuse par la foi les qualités naturelles. J’établirais donc d’abord que par l’effet de la nature corrompue le caractère est porté à plusieurs défauts parmi lesquel je distinguerai ceux-ci: la paresse et par suite la nullité, l’égoïsme, la personnalité et la haine (le mot est un peu fort), l’entipathie du prochain. Comme remède à premier défaut de paresse, la Foi nous enseigne la loi du travail; voilà une nature bonne mais elle est paresseuse, molle, elle a comme un penchant à l’inaction. Or la vie se manifeste par l’action; Dieu n’est pas actif, il est, comme dise les théologiens, un acte pur. En opposition avec cet être infiniment parfait qui est toujours ce qu’il peut être, il y a le néant qui n’est rien du tout. Eh bien, la pauvre nature humaine par son inclination à ma paresse, à l’inaction, involontairement s’enfonce dans la nullité. C’est là une tentation des Couvents cloîtrés et cet inconvénient peut bien se rencontrer même dans les couvents non cloîtrés. Voulez-vous un exemple? Vous êtes dans une Congrégation à Supérieure Générale. Il est question d’une fondation à faire. Aussitôt la chose proposée, ne se trouve-t-il pas quelque St Pierre pour dire: « Bonum est nos hic esse » (Math XVII/4). Ah! je suis bien ici dans la Maison Mère et dans mon Noviciat. « Tria tabernacula etc… » Faisons trois appartements, un pour N.M. Gle., un pour la supérieure particulière, un pour la maîtresse des Novices et restons nous aussi. « Bonum est nos hic esse« . Voilà le langage des Apôtres et celui de bien des religieuses. Voyez-vous la sainte Eglise concentrée dans 6 personnes sur le Thabor! N.S. n’entend pas ainsi; il veut un effort, le travail. La foi nous dit: entre l’Incarnation et la Création il y a eu le péché originel et le péché introduit dans le monde à amené cette conséquence terrible « In sudore vultus tui, etc… » (Gen III/19), en d’autres termes le travail forcé de l’homme. Voyez quel caractère prend le travail, c’est un châtiment. Si nous ne comprenons pas la nécessité du travail, c’est que nous n’avons pas la foi. Mes Soeurs, il y a un avantage aux caractères occupés, ils ne sont pas tatillons. Avez-vous rencontré de ces petites personnes oisives qui n’ayant rien à faire occupent leur esprit à donner de l’importance à des niaiseries. Ma chère Soeur, savez-vous comment la chose s’est passée? Et voilà un déluge de rien du tout. Puis on se préoccupera parce que ma Soeur une telle a regardé de telle façon et autres enfantillages de ce genre. Il y a des caractères de cette espèce qui se perdent dans des nullités. Les caractères occupés sont peut-être un peu impatients; mais prenez un homme d’affaire par exemple, s’il offre son travail à Dieu comme expiation du péché, dans le sentiment d’humilité avec lequel il accomplit son travail, il trouvera un préservatif contre l’impatience que l’embarras de ses occupations peut causer. Une fille humble est rarement impatiente. Vous voyez comme le travail réforme le caractère et combine c’est facile; ce sont des principes tout simples. A côté du travail il y a la lutte. Si je suis coupable du péché originel et de tous les péchés actuels commis depuis le Baptême, je dois lutter pour réparer les ruines faites par le péché et pour mettre à la place l’action de la volonté de Dieu. La vraie grandeur de l’homme est dans la lutte, le combat. Il est déchu, il est tombé de sa grandeur première, il n’y revient que par la réparation, par la lutte et la victoire. Qu’est ce qui fait la grandeur des Saints? C’est d’avoir combattu le bon combat. St. Paul arrivé au terme de sa carrière le dit: « Bonum certamen certavi » (IITim IV/7). Lui l’apôtre des nations, le premier avec St Pierre parmi les 12, sa vie a été une malice continuelle. « Militis est vita hominis super terram » (Job. VII/1). Mes Soeurs, c’est de tous les temps et de tous les peuples; au-dessus des avocats, des orateurs, des administrateurs, il y aura les militaires qui combattent, qui ont le courage de répandre leur sang. Prenez l’histoire des peuples, c’est le triomphateur militaire qui a la plus grande gloire dans les annales de la nation. La victoire pourra être souillée, la gloire ternie, je n’examine pas cela; je constate seulement le fait; là où il y a combat, il y a principe de grandeur. Avez-vous rencontré de ces physionomies de Religieuses qui portent profondément empreintes les traces du combat; la lutte contre le monde, contre Satan, contre elle-mêmes est gravée dans leurs traits; elles ont soufferts, elles ont résisté, elles ont attaqué l’ennemi de front, ce sont des vétérans de l’armée du Seigneur, et on sent déjà sur leur voile la couronne de laurier, je dirai mieux, la couronne de justice que N.S. posera lui-même un jour sur leur tête. Quelles sont les nations glorieuses? Celles qui combattent. Quelles sont les nations qui méritent un jour de s’enfoncer dans la boue des hontes et des humiliations? Celles qui ne savent pas combattre.

Le Chrétien et la Religieuse sont sûrs de vaincre, et par quel moyen? « Haec est victoria quae vincit mundum, fides nostra » (I Joan V/4). C’est par la foi; donc la foi qui donne la victoire est un principe de grandeur. Où trouverez vous les beaux caractères si ce n’est chez ceux qui ont combattus, qui ont vaincu; et que sont les Saints sinon ceux dont il est dit: « Manna abscondita vincenti » (Apoc. II/17). Et qu’est ce qu’ils ont combattu sinon le péché; ils ont lutté contre la chair et le sang, contre les démons, les puissances des ténèbres, « adversus principes etc… »(Eh. VI/12); ce sont des soldats de la foi. Vous voyez donc comment de ce principe de la foi découle la véritable grandeur. En effet la véritable grandeur du caractère se trouve chez les peuples religieux, et il s’affaiblit, s’annihile chez les peuples irreligieux. Prenons la question à un autre point de vue. Lamennais dans son « Essai sur l’indifférence en matière de religion », fait remarquer d’après une statistique du Dr Esquirol que l’Italie donne 6 fois moins de fous que les pays protestants. J’ai eu occasion de parler de cela avec le Docteur à Rome. Il m’a dit qu’il n’avait pas eu la prétention d’établir que les pays catholiques ont moins de fous que les pays protestants, mais seulement que les pays qui ont la foi ont beaucoup moins de fous que les pays qui n’ont pas la foi. C’est donc une question de croyance religieuses. J’accepte cela et c’est consolant d’entendre la science médicale constater que la santé naturelle de l’âme c’est la foi, car la folie n’est pas autre chose qu’une maladie de l’intelligence. Si une foi même erronée peut causer la santé à l’intelligence en lui donnant pour aliment des pensées d’un ordre plus relevé et où se trouve toujours un fond de vérité, que sera-ce de la véritable foi? Quelle force, quelle vigueur, quelle pureté inaltérable ne donnera-t-elle pas à l’âme! Soumettez donc votre intelligence à la foi, vous y puiserez la véritable grandeur.

La foi prêche donc la loi du travail, la loi de la lutte, de la véritable grandeur, en un mot la foi dit: « Estote ergo vos perfecti, sicut et Pater vester caelestis perfectus est » (Matth. V/48). Il y a ici une chose très belle à laquelle vous n’avez peut-être pas réfléchi. Il n’y a pas de perfection sans humilité. Mais me direz-vous, est-ce possible? Le sentiment de la grandeur ne donne-t-il pas naissance à l’amour-propre? Comment concilier ces deux principes en apparence si opposés? Mes Soeurs, c’est la foi qui nous prêche l’union de la vraie grandeur et de la vraie humilité et en même temps elle nous en donne les moyens. Mes Soeurs, il sera éternellement vrai que la plus parfaite des créatures et en même temps la plus humble des créatures, c’est la Sainte Vierge. Il sera éternellement vrai qu’elle a été la plus parfaite des créatures parce que elle a toujours correspondu à la grâce, et qu’elle a été la plus humble parce que le principe de sa grandeur était dans la grâce reçue. Si elle avait cessé un seul instant de reconnaître l’effusion de la grâce dans son âme, sa grandeur aurait cessé aussi. Appliquez ce principe à tous les Saints, vous n’en verrez pas un seul qui soit très grand par un certain côté en même temps que parfaitement humble. Voyez la Sainte Humanité de Jésus-Christ; pouvez vous rêver quelque chose de grand, de plus parfait? Qu’y a-t-il de plus humble que celui qui a dit: « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur« .

Nous venons de voir comment la nature corrompue est portée à la paresse et les remèdes que nous trouvons dans la foi. Le caractère de l’homme est encore enclin à l’égoïsme, à la personnalité, à l’ambition et à toutes ses conséquences. L’égoïsme qui n’aime que soi, la personnalité qui rapporte tout à elle, l’ambition qui veut s’étendre au dehors. Rien n’est vil comme l’égoïste, rien n’est insupportable comme la fille personnelle, rien n’est intolérable comme la Religieuse à prétentions. Or la foi nous prêche l’oubli de nous-mêmes. Le chrétien pénétré des grandes vérités de la foi n’a pas le temps de penser à soi. Qu’est-il? Un néant en face de Dieu: et substantia mea tanquam nihilum ante te » (Ps 38/6). Si cela est, je dois m’oublier, me perdre en Dieu; l’humilité arrive par la foi. Qui estimera-t-on le plus dans une Communauté? Sera-ce la fille qui dira: « Aimez moi »? Non, ce sera celle qui aime tant en se donnant qu’elle n’a d’autre préoccupation que de s’oublier en se donnant. Une fille susceptible, qui prétend qu’on ne pense pas à elle, qui a des droits, des prétentions, mais c’est un vrai buisson, un fagot d’épines, on ne sait par quel bout la prendre. Et la religieuse qui s’oublie, qui se donne, qui n’a d’autre personnalité que celle d’être impersonnelle, que c’est chose rare et précieuse dans ce monde! Peut-être à l’Assomption y en a- t-il beaucoup de celles-là, mais ailleurs !!! Voyez-vous cet oubli de vous-même qui repose sur la pensée de ce que l’on est en face de Dieu, comme cela est fécond, comme cela écrase l’amour-propre et rabaisse nos folles prétentions. Comprenez-vous cette manière d’aller chercher dans la foi le secret de faire ressortir les autres et de descendre se cacher dans les fondations, de disparaître le plus possible. Mes Soeurs, ne croyez pas que là votre action soit nulle et que vous n’apportiez pas votre tribut à l’oeuvre générale. Les pierres qu’on cache dans les fondations sont peut-être les plus grossières, mais ce sont les plus solides, elles portent l’édifice et si on les retirait tout croulerait. La fille humble quand même elle ne ferait rien porte l’édifice de sa congrégation mille fois plus que celles qui font beaucoup sans être humbles. Il faut donc se faire oublier, et cette vertu de l’humilité n’est pas dans l’ordre des vertus naturelles. Avant Jésus- Christ l’homme ne s’en doutait pas; il fallait la foi pour enseigner à l’homme orgueilleux, superbe, qu’il faut s’oublier, qu’il faut être humble. Quel beau caractère que celui de cette religieuse -elle se laisse mettre de côté, mais aussi elle se laisse faire; à côté de cet oubli d’elle- même, elle se dévoue, elle s’immole, c’est une fille de sacrifice. Elle s’écarte, elle s’efface pour laisser passer celles qui sont pressées, elle aime à rester dans l’ombre, négligée, oubliée. Mais du moment qu’on veut la mettre sur le chandelier, elle se laisse faire. J’avais préféré l’obscurité mais puisque l’obéissance me pousse en avant, comme je suis l’épouse de J.C. victime, je veux moi aussi me sacrifier, m’immoler; et quand une fois j’aurai dit que je tiens à n’être rien du tout, je serai tout ce que vous voudrez. Mes Soeurs, quels’ caractères aimables, précieux, et c’est la foi qui fait ces merveilles. Convenez que c’est la conséquence de la méditation de la vie de N.S., depuis la Crèche jusqu’à la Croix. L’anéantissement et le sacrifice ce sont les deux traits saillants de la vie de N.S. Devant rester 33 ans sur la terre, il a voulu en passer 30 dans l’oubli; puis après le dévouement de sa vie apostolique, est venue la consommation du sacrifice, la mort sur la croix. Une religieuse ne prendrait que cette résolution: je vais me faire oublier, je vais me dévouer comme N.S. naissant dans l’étable, caché à Nazareth, s’immolant sur le Calvaire, quelle perfection déjà; quelle simplicité, quelle beauté, quelle fécondité dans les principes! Comme vous touchez à la sainteté! Est ce que la personnalité; l’égoïsme, l’ambition ne disparaissent pas du même coup? Si vous voulez être l’épouse de J.C. quel plus charmant, quel plus délicieux caractère pouvez-vous vous donner que celui qui résulte de la vie d’une religieuse qui forme son caractère sur la vie de N.S. Voyez comme c’est simple et comme c’est parfait. Une religieuse alambiquée pourrait elle vouloir rien de plus?

Mes Soeurs, nous venons d’étudier la nature concupiscible comme disent les théologiens; c’est celle qui rapporte tout à soi comme à son centre, qui veut toutes les distinctions, les attentions, les honneurs, les prévenances délicates. Nous l’avons vue subjugée par la foi -Il y a aussi en nous la nature irascible qui se soulève, qui repousse, qui s’irrite contre les oppositions à son intérêt propre. Je ne puis souffrir cette Soeur parce qu’elle est ainsi. Je pars, que c’est ennuyeux; je reste, je suis découragée. Voilà le caractère irascible, les antipathies, les jalousies, les susceptibilités, les indépendances. Eh bien, voyez ce que vous prêche la foi -Le renoncement chrétien, le don de soi. « Christus dilexit me et tradidit semetipsum pro me » (Gal. II/20). Je dois donc me donner. Qu’est ce que la vie religieuse sinon un don complet de soi? et qu’est ce que poser un but à notre vie si nous ne voulons pas marcher vers ce but? Si le but de ma vie est la perfection je dois y tendre dans l’imitation de N.S. Je me place en face de Dieu pour lui faire le don de moi-même. Seigneur, vous êtes le propriétaire universel de tout ce qui existe; vous possédez la terre et le ciel, vous me possedez aussi et quand je fais don de moi-même je ne fais qu’adhérer à ce droit souverain que vous avez déjà et par lequel je suis votre propriété. Si je suis à Dieu, je ne m’appartiens plus à moi-même; toute ma vie n’est plus que l’exercice de mon activité personnelle sous l’effet de la propriété de Dieu. Dieu est mon propriétaire, il sème dans son champs qui est mon âme certaines vertus et me commande de les faire croître; cela ne m’appartient pas; je puis donner mon consentement, adhérer aux volontés de Dieu parce que j’ai la conscience de ce que je fais; mais je n’ai aucun droit de repousser la divine semence, de m’opposer au travail de Dieu. Croyez vous qu’une filles qui prendrait la chose ainsi ne se transformerait pas? quel beau caractère elle aurait!

J’adore le Verbe, sagesse infinie; je vais m’appliquer à ne rien faire que par les principes de l’éternelle vérité. Où serait le caprice chez cette fille? Vous offrez à la seconde personne de la Sainte Trinité l’hommage d’une intelligence éclairée par la foi, illuminée des principes de la foi, et ne voyant et ne jugeant rien que dans la lumière où l’éternelle Vérité les voit et les juge. Alors une foule de petites tristesse, de murmures, de froissement tombent de l’âme parce que elle voit les choses dans la lumière de Dieu. C’est N.S. en tant que seconde personne de la Sainte Trinité que vous adorez dans cette disposition. Puis la troisième personne de la Ste Trinité, c’est l’amour. « Caritas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum, qui datus est nobis » (Rom V/5). Du moment que l’amour infini de Dieu est répandu dans nos coeurs par le St Esprit qui nous a été donné, y a-t-il place dans nos âmes pour aimer autre chose? Partez de ce principe: Vous êtes les temples du St Esprit, c’est lui qui réside en vous, et, mes Soeurs, je vais vous donner un moyen très simple de porter les petites peines de la vie. Si on vous offense, consolez-vous, c’est le St Esprit qu’on a offensé et pas vous; si vous avez offensé et qu’on s’en plaigne, répondez: c’est le St Esprit qui l’a fait; prenez vous en à lui et non pas à moi. C’est cruellement vrai pour nos petites exigences, pour nos petits droits, pour notre amour-propre. Si vous voulez témoigner de l’amour à Dieu, il faut aimer Dieu comme il s’est montré. Par exemple, qu’est ce que N.S. a aimé, qu’il est venu chercher sur la terre? Non veni voccare justos sed peccatores. Voilà cette petite fille insupportable, désagréable, vaniteuse, jalouse, on ne peut rien tirer d’elle. Eh bien je vais m’attacher à elle comme N.S. s’est attaché à moi. Voilà ce qu’il faut faire. Une religieuse de l’Assomption devrait demander, si elle se sent capable d’un tel dévouement, à être chargée de l’enfant la plus désagréable du pensionnat. Non veni voccare justos. Ah! comme ce principe faciliterait aux supérieures la distribution des enfants à soigner. Appliquez ceci à toutes les oeuvres de zèle, à vos rapports avec les gens du dehors; que ce soit toujours une disposition naturelle qui vous conduise au parloir, ne désirez pas d’y aller, mais quand l’obéissance vous y envoie, aller y pour chercher des âmes. -Voilà des réformes de caractère, qu’en pensez vous? Cela dit, je vous prie d’examiner avec moi la beauté des caractères des Saints. Quel plus beau type que celui de la Vierge chrétienne, de la vierge comme le christianisme la fait! Rendez vous compte de cette dignité, de cette pureté, de cette couronne virginale, de cette flamme si pure de son coeur. Prenez maintenant les confesseurs: St François de Sales, Dominique, Augustin, Ambroise, Chrysostome…Quoi de plus beau que ces belles figures qui apparaissent de loin en loin dans l’histoire de l’Eglise. Le protestantisme, la paganisme, sont-ils capables de donner des types pareils, resplendissants de majesté et de sainteté? Croyez vous qu’un ministre protestant soit jamais capable d’imiter St Paul! Le sacerdoce catholique est seul capable de marcher sur les traces des apôtres. Montons plus haut encore, prenez le caractère de la Ste Vierge. Avez-vous jamais étudié le caractère humain de la Ste Vierge? Ce sont des formes enivrantes de beauté. Et notre divin Sauveur! quel type plus admirable que celui de sa sainte Humanité, telle que l’Evangile nous la présente.

Voilà les types que la foi nous montre. Les types des vierges Ste Agnès, Ste Catherine de Sienne, les vierges dans le cloître, Ste Thérèse, les vierges dans le monde, Ste Rose de Lima; voyez quelle beauté! et si vous vivez par l’étude de la foi en compagnie de ces modèles, quelle grandeur n’êtes vous pas capable d’acquérir. N’y aura-t-il pas une transformation, un relèvement dans votre caractère? L’habitude de réfléchir sur le caractère des Apôtres, de la Ste Vierge et de N.S. ne vous fera-t-elle pas contracter quelque chose de la beauté de ses âmes auprès desquelles votre pensée vit? Que voulez-vous de plus beau? Remarquez que je ne vous présente que des âmes qui ont réalisé en elle le caractère divin. N.S. dans son adorable Humanité, il réfléchit le type de la très Sainte Trinité. Et vous, à quoi êtes vous invitées? à quelque chose de semblable. « Estote perfecti etc… » Et comment en viendrez vous à bout? Dans la lumière de la foi et par la puissance de la grâce. Si j’insiste sur cette question, mes Soeurs, c’est qu’aujourd’hui, le besoin s’en fait grandement sentir. Les caractères sont déformés, il n’y a plus de grandeur morale. On ne rencontre plus de ces belles et majestueuses figures qui dominent leur siècle et relèvent le niveau des âmes. Je serais si heureux si, grâce aux principes que je viens de poser, un travail de transformation des caractères commençait à l’Assomption et si chacune de vous se proposait de se refaire pour ainsi dire dans l’ordre surnaturel. Transformez vous, mais chacune en gardant le type qui lui est propre, développez-vous dans une certaine liberté de vos aptitudes. Parmi les Saints que je vous présente pour modèle, il y en a de toutes sortes: les apôtres, les martyrs, les confesseurs, les vierges; et sans aller bien loin, vous avez devant vous deux beaux types quoique différents, votre mère Générale, et M. Thérèse Em. Choisissez donc parmi des types ce qui vous ira le mieux, et gardé le votre quand vous l’aurez transformé dans la grâce. Devenez des filles de foi, « per patientiam curramus ad positum nobis cetamen » (Hebr XII/1); courrons au combat, de combat c’est la réforme de nous-même par ce moyen, la Foi. Il faut que notre caractère déformé par le péché, se reforme, se transforme, se divinise; et puissant dans les modèles de N.S. de la Ste Vierge et des Saints une imitation pratique, vous vous souveniez que vous devez devenir parfaites dans votre caractère. « Estote perfecti » -Quelle miséricorde de Dieu, en offrant à de misérables créatures un type si parfait, de leur donner aussi les moyens sinon de le réaliser en elles, ce qui sera à jamais impossible, du moins d’approcher de ce divin modèle et de pouvoir espérer par une fidèle imitation sur la terre d’être un jour transformées dans la gloire et les splendeurs éternelles. Ainsi-soit-il.

Notes et post-scriptum