OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • TRENTE-SIXIEME CONFERENCE DONNEE LE 24 JANVIER 1871.
    DE LA PRUDENCE.
  • DA 45; CN 7; CV 33.
Informations détaillées
  • 1 APOSTASIE
    1 ATTENTION
    1 AUTORITE RELIGIEUSE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 CLASSES INFERIEURES
    1 CONCUPISCENCE DES YEUX
    1 CONNAISSANCE
    1 DIEU
    1 DONS DU SAINT-ESPRIT
    1 ENERGIE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ESPRIT D'INITIATIVE
    1 ESPRIT FAUX
    1 ETRE HUMAIN
    1 GOUVERNEMENT
    1 HYPOCRISIE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INCONSTANCE
    1 INTELLIGENCE
    1 INTEMPERANCE
    1 LEGERETE
    1 LOI MORALE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MEMOIRE
    1 NEGLIGENCE
    1 PECHE
    1 PECHE D'OMISSION
    1 PENSEE
    1 PRECEPTES
    1 PREMIERS PRINCIPES
    1 PREVOYANCE
    1 PRUDENCE
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFLEXION
    1 RELIGIEUSES
    1 RUSE
    1 SAGESSE HUMAINE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SUFFISANCE
    1 SUPERIEURE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VERTUS
    1 VICES
    1 VOLONTE
    1 VOLONTE PROPRE
    2 CICERON
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
  • Religieuses de l'Assomption
  • 24 janvier 1871
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’Auteur.

La sagesse consiste à étudier la cause première, par laquelle on juge des autres et on les coordonne. Voilà le noeud entre la charité et la prudence.

La sottise contraire à la sagesse peut être un péché. Avis aux religieuses.

La prudence se rapporte d’abord à l’intelligence; c’est une vertu. Elle est la première des vertus morales, puisqu’elle les dirige et les combine.

Elle est préceptive. Lire l’art.8 de la q.47. Elle implique la sollicitude; elle s’étend au gouvernement.

Elle s’applique au général et au particulier. -Elle est dans les inférieurs? -Nous ne l’avons pas par nature, mais par l’enseignement et l’expérience.

Des parties de la prudence.

Le don de conseil.

Vices opposés: l’imprudence qui est un péché; la précipitation; l’inconsidération; l’inconstance; la négligence; la prudence de la chair; l’astuce.

Texte stenographié de la conférence.

Mes chères Soeurs, je laisse de côté les autres questions relatives à la charité que vous pourrez lire dans St Thomas; j’aborde la transition admirable établie par ce docteur entre la vertu de Charité et celle de Prudence. La charité est une vertu qui nous fait aimer Dieu et la Sagesse qui correspond à la charité est un don par lequel nous considérons la cause Ière en elle-même et à l’aide de la cause 1ère, nous coordonnons les autres causes. La cause première, c’est Dieu. Nous considérons Dieu comme cause première par le don de sagesse et nous jugeons de tout par les règles divines, et dans un ordre parfait nous faisons rapporter toute chose à Dieu cause première. La sagesse prise à ce point de vue est donc une admirable transition entre la vertu de charité et celle de prudence. Je ne parlerais pas de ce qui est opposé à la sagesse, la folie stultitia, comme l’appelle St Thomas; c’est une démence, et il va jusqu’à dire qu’il y a une sorte de démence qui est un péché; c’est la folie charnelle par laquelle on se plonge dans les choses terrestres au point de devenir inapte à percevoir les choses divines. Les religieuses peuvent être atteintes de ce mal dans un sens, car j’entends par choses charnelles les préoccupations terrestres. Il y a des personnes, même parmi celles qui aspirent à la perfection, qui se plongent dans les choses matérielles, et dans cette pente on se laisse entraîner quelquefois bien loin. J’appellerai choses matérielles la prétention de dominer, d’avoir une influence humaine dans la maison, la passion pour certaines choses, la musique par exemple. Quelquefois on a un attachement extrême pour certains objets. St Jean de la Croix fait des observations graves sur l’attrait de certaines personnes pieuses pour des chapelets d’os de poisson, à tel point qu’elles perdent le goût des choses divines. Une religieuse qui avance en âge, ce que je dis s’applique plutôt à celles-là qu’aux jeunes, est exposée à contracter de petites manies, de petits attachement qui arrêtent son âme et l’empêche de remonter à la cause première qui est Dieu. Il y a là une sorte de stupidité, de folie, de démence, comme il vous plaira, par laquelle une vierge sage devient vierge folle, non seulement parce qu’elle n’a pas d’huile dans sa lampe, c’est-à-dire que son âme est vide de choses de Dieu, mais encore parce que son huile s’est changée en eau trouble et boueuse et qu’elle devient impuissante dans la faculté de juger alors surtout qu’il s’agit de la cause suprême qui est notre fin dernière et notre souverain bien. C’est grâce mes Soeurs et je livre cette pensée à vos méditations. Ceci nous conduit tout naturellement à la vertu de prudence parce que elle règle toutes les vertus morales en tant qu’elle les coordonne. La prudence appartient surtout à la puissance intellective; elle réside dans la partie cognitive et raisonnable parce qu’elle est comme dit St Augustin: « La connaissance des choses que l’on doit rechercher et de celles que l’on doit éviter ». Connaître l’avenir par le présent et par le passé, c’est un acte propre à la raison, parce que cela exige une certaine comparaison. Mais comme la prudence ne consiste pas dans la seule considération des choses mais dans leur prise en oeuvre, il faut dire que la prudence ne réside pas dans la raison spéculative, mais exclusivement dans la raison pratique, et que cette vertu s’applique à l’action, ce qui se fait par la volonté. De là, mes Soeurs, je conclus à la nécessité de l’attention pour acquérir la vertu de prudence. On n’a pas assez d’estime pour cette qualité: l’attention, les jeunes religieuses surtout. Selon Cicéron et l’ancienne philosophie, il faut distinguer trois éléments de la prudence: la mémoire, l’intelligence, la prévision. En effet la prudence qui est éminemment pratique et conjecturale doit procéder par voie d’induction; elle s’inspire non pas tant des principes absolus, que des données fournies par l’expérience; et l’expérience provient elle-même ces plusieurs actes répétés de la mémoire. Nous trouvons dans les choses passées comme un argument qui nous conduit à la connaissance des choses futures; voilà pourquoi la mémoire des unes sert à nous diriger dans l’usage des autres. Mais pour cela il faut la réflexion, il faut méditer les choses dont nous voulons garder la mémoire. Ciceron dit: « la mémoire est sauvegardée par la méditation ». Ce qui revient, mes Soeurs à de que je vous disais sur la nécessité de l’attention. La prudence n’est donc pas une vertu infuse mais acquise, et elle s’acquiert par l’enseignement reçu par l’expérience, soit celle que nous fournit notre mémoire, soit celle que nous recevons des personnes plus anciennes. Ce qui montre mes Soeurs, le cas qu’il faut faire des conseils qui nous sont donnés par les anciennes (pourvu qu’elle ne soient pas folles) et par nos supérieures parce quelles ont l’expérience. Doctrine et expérientis voilà les deux bases de la prudence.

La mémoire met comme dans réservoir les données fournies par l’expérience, recueillies par l’observation, mais vient l’oeuvre de l’intelligence qui s’empare de ces données, les compare, les coordonne et les combine de manière à arriver à une juste appréciation d’un premier principe, d’une fin particulière. Il faut donc dire que tout mouvement dicté par la prudence émane d’un acte de l’intelligence. De plus comme la prudence roule à proprement parler sur les choses qui ont un rapport avec la fin pour les bien ordonner par rapport à cette fin, il s’en suit que la prévoyance est une des principales parities de la prudence. Dans la prudence, il faut prévoir ce qu’on fera; c’est en vue des avantages ou des inconvénients prévus qu’on juge et qu’on décide et tout cela se fait à une condition première: L’Attention. Puisque, comme nous venons de le voir, la prudence commence à Etre dans l’intellect au point de vue de la réflexion, vous comprenez la nécessité pour des religieuses qui tendent à la perfection de réfléchir, de méditer. Dans la méditation, nous coordonnons notre vie sur celle de N.S.J.C., c’est la véritable prudence, prendre les règles divines pour notre vie et nos actions. Voyez donc comme la prudence découle du don de sagesse qui nous fait remonter à la cause la plus élevée, absolument parlant, qui est Dieu. La prudence doit-elle s’exercer sur les choses particulières? Evidemment oui. St Thomas le démontre en disant qu’il appartient à la prudence non seulement de considérer les principes en spéculation, mais encore de les appliquer aux choses, ce qui est le fait de la raison pratique. Nous arrivons donc à l’action qui a pour objet les choses particulières; il s’en suit que l’homme prudent ne doit pas seulement connaître les principes universels de la raison, mais aussi les choses particulières qui sont les objets des opérations. Je vais insister sur ce point parce qu’il me semble d’une grande utilité pour vous, mes Soeurs, et que je suis convaincu que ce qui manque le plus à beaucoup de religieuses, c’est la réflexion, mère de la prudence, et en même temps nous traiterons une autre question de St Thomas qui s’y rattache; un sujet, un inférieur est-il obligé d’avoir de la prudence? Et St Thomas répond: En tant qu’inférieur, sujet, il n’est pas obligé à la prudence, il n’est tenu qu’à l’obéissance parce qu’il convient que chacun possède la raison et la prudence selon la part qu’il a au gouvernement et à la direction des autres ou de lui-même. Il est donc évident qu’il n’appartient pas au sujet, à l’inférieur de régir et de gouverner, mais plutôt d’être régi et gouverné. Mais parce que tout homme en sa qualité d’être raisonnable a sa part de gouvernement proportionné aux lumières de sa raison, il convient aussi qu’il ait une prudence relative à son état. Mes Soeurs, ceci est très applicable à votre vie. Vous devez obéir, consulter vos Supérieures et vous guider d’après leur prudence, cela est très vrai; mais dans une foule de circonstances, tout en restant parfaitement dans l’obéissance, vous aurez à décider vous-mêmes, et cela demande que vous ayez la vertu de prudence. Je disais une fois à une Soeur: Quand donc aurez-vous du sens commun? Elle me répondit: Je n’en ai pas besoin, la sagesse de ma Supérieure me suffit, je ne suis tenue qu’à l’obéissance. Vous comprenez bien que St Thomas a répondu à cette absurdité dans ce que nous avons dit plus haut. Dans la dépendance la plus étroite, la soumission la plus entière aux ordres de votre Supérieure, il restera toujours une foule de choses particulières qui ne seront pas du ressort de l’obéissance directe et pour lesquelles il faudra vous décider, agir selon vos propres lumières; donc il importe que la Prudence surnaturelle dirige votre jugement et vous actes. J’insiste là-dessus, parce que souvent les inférieurs prennent ce prétexte pour rejeter la faute de tout sur leurs Supérieures. La prudence est-elle une vertu? Oui, parce qu’elle ne réside pas seulement dans l’intelligence, mais qu’elle demande le concours de la volonté et qu’elle est l’application de la droite raison aux actes de l’homme; donc elle n’est pas seulement une vertu intellectuelle, mais elle est nécessairement une vertu morale, et la mesure et la règle des autres vertus morales. Mes Soeurs, puisque la prudence est une vertu qui coordonne les autres et les règle, vous devez en comprendre la nécessité très grande pour toute âme qui travaille à sa perfection. Un des grands dangers auxquels une religieuse est exposée est de se laisser aller à une certaine routine, une certaine nonchalance spirituelle; la sagesse et la prudence surnaturelles nous disent qu’il faut réfléchir, rentrer en soi-même, donner un sens, une valeur à tout ce que nous faisons. Ne cherchons pas le faux prétexte de l’humilité. Aucune créature ne fut plus obscure que la Se Vierge et pourtant elle est saluée par l’Eglise de ce titre: Virgo prudentissima! La prudence donne un sens à nos actions, elle nous accoutume à nous rendre compte de tout en pesant la valeur des choses; de cette façon elle abolit la routine, coordonne toutes nos actions en les soumettant à la cause première qui est Dieu. Voyez l’extension de cette vertu de prudence à toute les actions de notre vie. Il y a constamment un choix à faire entre telle ou telle manière de faire, un mot à dire qui est préférable à une autre, telle manière de s’exprimer dans une lettre qui doit porter de plus heureux fruits. La vertu de Prudence s’empare de chacune de vos actions pour vous faire voir ce qui est le mieux dans telle circonstance; ce qui n’est pas toujours le mieux d’une façon absolue. Sans doute, il ne faut pas pousser cette circonspection à la minutie et St François de Sales le recommande; mais il est évident que si vous ne réfléchissez pas vous pouvez commettre une imprudence en parlant, en écrivant d’une certaine façon. Nous avons dit que la vertu morale consiste dans un milieu déterminé par la raison selon le jugement de l’homme sage. Puisque la fin de la vertu morale est de trouver le milieu qui lui convient, que ce milieu n’est atteint que par la sage disposition des moyens par rapport à la fin, et que cette disposition appartient à la prudence, il est évident que c’est elle qui trouve le milieu propre aux vertus morales, càd qui conduit à l’exacte mesure de la vertu par le choix et l’application des moyens propres à ce but. Voilà une fille qui se sent portée à une grande mortification, à de grandes études, à des oeuvres de charité héroïques qui perd son temps quand elle ne se dévoue pas du matin au soir. Cela est très beau, mais n’y a-t-il pas excès? Si le propre de l’Assomption c’est d’avoir une certaine austérité de vie, combien avec certaines études et certaines vertus de dévouement et d’esprit de sacrifice, ne faudra-t-il pas un milieu de vertu autre pour une religieuse de l’Assomption que pour une Carmélite ou une fille de St Vincent de Paul? Donc une parfaite religieuse de l’Assomption prendra par une sainte prudence, suivant l’esprit de son institut et les conseils de ses supérieures, le milieu entre ses différentes vertus auxquelles elle se sent portée. Tout en elle sera ordonné, réglé par la prudence: son attrait pour la mortification, les oeuvres pour les pauvres, l’étude; elle gardera ce qui convient à une bonne Assomptiade. « Ordinavit in me Caritatem ». La Prudence modérera votre ardeur imprudente, tempérera votre activité, car j’en arrive avec mes vieux 60 ans à cette conclusion, mes Soeurs, que ce que l’on fait est peu de chose en soi, et que souvent notre prétendue activité n’est que de l’agitation. Faire beaucoup extérieurement; ce n’est pas là la perfection. La perfection consiste à agir avec prudence, à réfléchir à ce que l’on va faire, de sorte que les choses tombent si juste qu’on n’aura pas besoin de recommencer. Combien de fois est on obligé de refaire ce qu’on a fait parce qu’on n’a pas mûrement réfléchi avant de l’entreprendre. Je passe d’autres questions importantes. Quand vous serez Supérieures, je vous engage à lire l’article 7 question X, sur la principal acte de la prudence, le commandement. J’arrive à ceci: La sollicitude appartient-elle à la prudence? Oui, St Pierre dit: Sollicite; il ne s’agit pas d’une sollicitude superflue, intempestive, mais d’une sollicitude sans trouble. Faire attention à tout, s’occuper de tout; observer, examiner tout, cela fait partie de la perfection de la prudence. Mais remarquez qu’il faut entendre ici une sollicitude selon sa charge et qu’il ne faut pas se mêler des choses qui ne vous regardent pas. La vertu surnaturelle de prudence peut-elle se trouver chez les pécheurs? Evidemment non. Parce que la Prudence parfaite, conseille, juge et commande les choses relativement à la fin dernière de l’homme et en vue du bien suprême qui est Dieu. Parlerons nous maintenant, mes Soeurs, des vices opposés à la prudence? Trouverez vous étonnant que je vous dise que l’imprudence est un péché! Combien y a-t-il de religieuses qui sachent s’accuser d’avoir été imprudentes! On a fait telle faut; ah! c’est que je n’y avait pas pensé. C’est là précisément le mal, il fallait y penser. Pourquoi la méditation, l’adoration, la présence de Dieu, sinon pour réfléchir et savoir ce que l’on fait. Si vous aviez réfléchi en effet, vous n’auriez pas été imprudente. Vous ne sauriez croire tout ce qu’il peut y avoir de conséquences graves dans une imprudence. Oui l’imprudence est un péché dont l’importance se mesure sur le degré de négligence que se défaut implique. Il peut être mortel si on s’écarte par une sorte de mépris ou de répulsion des règles divines. Il ne sera que véniel s’il n’entraîne pas l’oubli des choses nécessaire au salut. La précipitation est-elle un péché compris dans l’imprudence? Oui, dit St Thomas. « C’est un vis par lequel un homme cédant à l’impétuosité de sa volonté ou de sa passion et dédaignant les degrés successifs marqués par la prudence est entraîné à sa ruine ». Et l’inconsidération, l’inconstance sont-elles un péché? St. Thomas répond que oui. Par vos voeux vous vous êtes soustraite à la possibilité d’une certaine inconstance, vous êtes liées au service de Dieu. Mais ce n’est pas tout. Quand on a vu et voulu le bien, il faut le poursuivre; l’inconstance vient, on a des répugnances , on trouve la perfection trop difficile. Mes Soeurs, il fallait y réfléchir avant, et toute pensée d’inconstance après les Saints Voeux, c’est une chose grave. Parlerais-je aussi de ces religieuses toujours changeantes, verventes aujourd’hui, découragées demain, qui tantôt ont besoin qu’on les porte, tantôt marchent toute seule, tantôt semblent enlevées sur les ailes des anges, tantôt se traînent sur la terre. Oui l’inconstance est un péché. Sans doute, il y a des tentations dans la vie religieuse qui ne sont pas des péchés, mais il ne faut pas céder, et le caractère positif de la prudence, c’est la constance. Du moment qu’on a pris un parti mûrement réfléchi et résolu suivant les lumières de la droite raison, il faut s’y tenir et une chose qu’on a trouvé bonne ne peut être mauvaise cinq minutes après.

La négligence: mes Soeurs, voilà encore un vice spécial signalé par St Thomas et opposé à la sollicitude qui fait partie de la prudence. Mais je laisserai St. Thomas de côté pour m’occuper plus particulièrement de la négligence dans ses rapports avec la vie religieuse. Mes Soeurs, d’où vient la décadence d’une foule de religieuses sinon de la négligence? On se laisse entraîner, on tombe petit à petit dans le péché, on n’est plus bonne à rien. Vous n’avez pas cette négligence fatale dans ce moment, mes Soeurs, les circonstances sont trop graves pour que j’aie besoin d’insister sur ce point, et si à l’heure qu’il est vous étiez négligente au service de Dieu, laissez moi vous le dire, vous seriez des misérables. Mais qu’elle puisse arriver, qu’elle se glisse dans une foule d’âmes qui la portent dans l’oraison, dans l’exercice de la présence de Dieu, dans les rapports avec le prochain, avec les Soeurs, dans la préparation des classes, ah, c’est si facile, c’est si doux de se laisser aller! Et il faut tant lutter contre le courant qui nous emporte. Considérée à ce point de vue, la négligence est un très grand péché. Je viens de vous exhorter à la vertu de prudence, mes Soeurs, vertu surnaturelle; je n’ai pas besoin de vous dire qu’il est une autre prudence, celle de la chair qui, j’aime à le croire, n’entrera jamais, jamais à l’Assomption. Non mes filles, vous ne serez jamais des filles prudentes au point de vue humain. J’espère aussi que vous n’aurez jamais un vice qui est l’exagération de la prudence charnelle et que St Thomas appelle l’astuce. Toutefois je dois vous dire que si l’astuce n’a pas pénétré ici et n’y pénétrera jamais, plaise à Dieu, elle s’introduit dans les Couvents. J’en ai été témoin, je l’ai vu avec un scandale profond,; l’astuce habite à côté des austérités, des veilles, des disciplines sanglantes, de la plus étroite pauvreté. Je l’ai entendu un jour avec horreur de la bouche d’une Religieuse d’un ordre des plus sévères. Malade et couché sur les planches nues de son pauvre lit, il m’enseignait avec la plus grande astuce les moyens d’attraper son Supérieure. C’est épouvantable, mes Soeurs, cela est pourtant, et quand on en vient à tromper ses Supérieures, bientôt après on les plante là, on s’en va Dieu sait où et l’on fait Dieu sait quoi. Je vous en conjure, fuyez ce mal comme la peste, ce mal perfide qui commence tout doucement sans qu’on s’en aperçoive, qui gagne peu à peu et aboutit à l’abomination, à l’apostasie. Mes Soeurs, croyez que lorsqu’on a fait des voeux solennels et que l’on vient à tromper Dieu et ses Supérieures, la situation est épouvantable. Marchez donc dans cette Prudence surnaturelle, la faisant remonter par le don de Sagesse jusqu’à Dieu, vous servant du don de Conseil pour régler toute votre vie sous l’action du Saint-Esprit. Ayez cette vertu qui vous fera considérer comme des vierges prudentes et sages, de façon que vous puissiez mériter de suivre toujours le droit chemin des Religieuses de l’Assomption, et que vous arriviez selon l’esprit de votre Institut à la perfection que Dieu vous demande. Ainsi-soit- il.

Notes et post-scriptum