OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • TRENTE-SEPTIEME CONFERENCE DONNEE LE 26 JANVIER 1871.
    DE LA JUSTICE.
  • DA 45; CN 7; CV 33.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ADORATION
    1 AME
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 AUMONE
    1 BON EXEMPLE
    1 BONTE MORALE
    1 CARACTERE
    1 CHARITE APOSTOLIQUE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 CHRETIEN
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 CORPS
    1 DEVOIR
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DEVOTION
    1 DIEU
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 DROITS DE DIEU
    1 EDUCATION
    1 ENVIE
    1 ESPRIT DE L'EDUCATION
    1 EVANGELISATION DES PAUVRES
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 FORTUNE
    1 HONNETETE
    1 JUSTICE
    1 LEGERETE
    1 LIBERALISME
    1 LOI HUMAINE
    1 LOISIRS DES ELEVES
    1 PAUVRETE
    1 PECHE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PUISSANCES DE L'AME
    1 RECONNAISSANCE
    1 RELIGIEUSES
    1 RENONCEMENT
    1 RESPECT
    1 SAINTETE
    1 SALUT DES AMES
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VERTU DE RELIGION
    1 VERTUS
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
    2 PAUL, SAINT
  • Religieuses de l'Assomption
  • 26 janvier 1871
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’Auteur.

La justice est une vertu par laquelle nous rendons à chacun ce qui lui appartient.

Notion du droit.

Notions des droits de Dieu.

Notion de l’adoration.

Notion du culte, du serment, du voeu.

Envers le prochain.

La justice.

Les droits du corps. -Ne pas voler. -l’assistance.

Les droits de l’âme. -L’aumône spirituelle, basée sur la société des âmes. -L’exemple.

Caractères tendant à s’effacer, qu’il faut relever.

Texte stenographié de la conférence.

Mes Soeurs, nous parlerons aujourd’hui de la Justice. La justice est une vertu par laquelle nous rendons à chacun ce qui lui appartient. Les consultés la définissent: « une volonté perpétuelle et constante de rendre à chacun son droit ». Remarquons avant d’aller plus loin qu’il y a des choses qui vous appartiennent, d’autres qui ne vous appartiennent pas et qu’à une époque où tout le monde parle de ses droits, il est bon que des femmes chrétiennes livrées à l’éducation sachent souvent parler des devoirs, du devoir, officium, selon le mot latin, mais aussi dette. Si une fois nous établissons que nous sommes débiteurs, il faut payer la dette et elle est de différentes espèces. Envers qui? C’est une métaphore de dire que nous avons des devoirs envers nous-mêmes. Tous nos devoirs se rapportent à Dieu ou au prochain. Dès lors nous devons considérer quels sont nos devoirs envers Dieu, qu’est-ce qui lui appartient puisque nous sommes obligés de payer cette dette, supposé que nous en soyons dépositaires. Nous devons donc examiner ce que nous devons à Dieu. C’est bien simple, nous lui devons tout: l’être, l’âme, le corps, les membres de ce corps, les facultés de cette âme, la puissance de connaître, de vouloir, d’aimer et les différents objets où peuvent s’appliquer notre connaissance, notre volonté et notre amour. La justice étant la vertu qui règle la volonté dans nos rapports avec Dieu et le prochain, est la plus élevée des vertus morales, et il est impossible de pratiquer quoique ce soit sans justice; elle est la plus excellente comme l’Eucharistie est le plus excellent des sacrements, quoique pas le plus nécessaire. Ainsi il faut que nous soyons justes si nous voulons appartenir à Dieu et, seconde condition, il faut que nous aimions notre prochain. Appartenir à Dieu, aimer nos frères, voilà la justice. Vous le voyez, le principe de toute sainteté est là. Du moment qu’il faut tout rapporter à Dieu, la vie entière est comme saisie par la justice, chacune de nos actions paye une partie de la dette vis-à-vis de Dieu. C’est pour cela que dans l’Ecriture on parle des justes, ce sont ceux qui ont rapporté à Dieu tout ce qui lui appartient. Je reviens, mes Soeurs à ce que je vous disais sur la nécessité de prêcher le devoir dans le monde, parce que la notion du devoir est éteinte, surtout du devoir envers Dieu et qu’on ne sait plus ce que c’est que la véritable justice, l’obligation de rendre à chacun ce qui lui revient et à Dieu par dessus toutes choses. Et pour nous, mes Soeurs, nous sommes obligés d’examiner aussi dans quelle mesure notre vie est prise par la justice, du moment que nous avons formé la résolution de rendre à Dieu tout ce qui lui appartient. Je vous l’ai déjà dit, toute sainteté est là. St Thomas fait observer que la justice et la sainteté sont soeurs, selon cette parole du Benedictus: « serviamus illi in sanctitate et justitia ». Vous êtes donc dans l’obligation de servir Dieu dans la sainteté et dans la justice tous les jours de votre vie, càd dans la justice qui est votre sanctification. Vous êtes injustes si vous ne vous appliquez pas à servir Dieu dans une grande sainteté. Ut sine timore; vous entendez, la justice donne la force; sans crainte, sine timore, vous le servirez. Mais si cela est, si la justice et la sainteté sont la même chose, au nom de la justice, vous êtes obligées d’être des saintes. De là ce mot de N.S. à St Jean lorsqu’il vient sanctifier les eaux du Baptême.: « Sic enim decet nos implere omnem justitiaum ». (Matth. III/15) C’était la vie chrétienne dont N.S. déposait le germe dans les eaux du Baptême, qui fait que l’homme à partir de ce jour pouvait servir Dieu dans la justice et la sainteté. Pas un des battements de mon coeur, pas une pensée de mon intelligence, pas un mouvement de ma volonté qui ne doive être dirigé vers Dieu, parce que mon coeur, mon âme, ma volonté appartiennent à Dieu. S’il en est ainsi, mes Soeurs, vous rendez-vous compte de ce que c’est que le péché? Le péché c’est un vol fait à Dieu. Tout ce que j’enlève à Dieu de mes sentiments c’est un larcin, une injustice. Sans doute il me permet d’aimer ma famille, mes Soeurs, mes amis, mais à la condition que je rapporte cet amour à Lui et que je l’aime par-dessus toutes choses. Il faut que tout en moi au nom de la justice, de la propriété, des droits de Dieu soit marqué de son sceau, de son caractère. Votre sainteté doit reposer sur cette notion de justice et sur un hommage rendu aux droits absolus de Dieu.

Nous avons vu dans St Paul l’obligation fondamentale d’aimer le prochain; dans un sens cette obligation est contenue dans celle des devoirs envers Dieu. La justice veut que j’étudie les droits de Dieu par rapport à moi et les droits du prochain aussi. D’abord, mes Soeurs, vous êtes Religieuses et vous devez vous sanctifier, mais je laisse cette considération pour prendre celle-ci: vous devez faire du bien aux pécheurs, c’est un devoir, mes Soeurs, comme Religieuses de l’Assomption destinées à étendre le règne de J.C. dans les âmes. Vous avez auprès des âmes un travail constant à faire, chaque jour vous devez leur donner quelque chose, et de plus en plus tous les jours de votre vie. Voilà votre obligation de vous dépenser pour le prochain et d’accomplir le texte de St Paul: « impendam et superimpendar ipse pro animabus vestris » (II Cor.XII, 15).

Prenons un autre point de vue. Nous devons tout donner aux droits de Dieu. Je ne reviens pas sur ce que j’ai déjà dit au point de vue de l’adoration. St Thomas dit que nous devons à Dieu le culte, la religion, vertu par laquelle nous relevons de Dieu. « Venit hora adorabunt Patrem in spiritu et veritate. » Qu-est-ce qui en résulte, mes Soeurs? Mon culte doit donc être vrai. Voilà une Religieuse qui assiste à la messe, qui récite son office, ses prières, qui va à l’adoration, à la Ste Communion, qui reçoit la bénédiction du St Sacrement; en faisant tout cela elle accomplit un devoir de justice envers Dieu. Et qu’est-ce que le sacrifice n’est autre chose qu’un acte de réparation, de justice. Et que sera une Religieuse qui aura l’esprit de sacrifice? une Religieuse réparatrice; elle paye ses dettes, les siennes et celles du prochain et cela à titre de justice par rapport à Dieu. St Thomas va plus loin; il dit que la dévotion, la piété sont des actes de justice. De façon que si je développe ma piété, ma dévotion, je ne fais qu’accomplir un acte de justice. Je dirai encore un mot du Voeu; il est un acte de justice en ce sens que bien que le voeu ne soit pas obligatoire en soi, du moment qu’il est fait nous sommes obligés de le tenir. Le voeu ainsi se transforme en acte de justice. Mes Soeurs, je me résume et j’embrasse la question d’un seul mot: la justice envers Dieu c’est tout. Qui dit tout n’excepte rien.

Passons aux droits du prochain. Ils sont de deux sortes: les droits du corps, ceux de l’âme. Mon prochain a droit à ce que je respecte son corps selon cette parole de l’Esprit St: « Carnem tuum ne despexeris. » (Is. 58) Le prochain est pétri du même limons que moi; je suis obligé de prendre soin du corps de mon prochain. Je suis obligé aussi de ne pas voler mon prochain, c’est évident et il faut encore que je l’assiste dans ses besoins. Votre voeu de pauvreté rend cette question peu pratique pour vous, mes chères filles; mais vous devez l’étudier pour la faire connaître aux enfants. C’est à elles qu’il importe d’approfondir cette grave question du superflu. Les évènements actuels vous facilitent cette tâche; la guerre impose des privations bon gré malgré dans ce moment. Il faut en profiter pour persuader aux enfants que nous sommes condamnés à cette indigence relative ou absolue à cause de nos fautes et de l’abus que nous avons fait du bien-être et des richesses, et que les circonstances témoignent combine nous pouvons nous passer des choses qu’il y a peu de temps nous croyions indispensables. Vous ne m’ôterez pas de l’esprit que les Prussiens sont l’instrument de la providence pour rétablir des idées nettes sur cette question de superflu et que vous devez y concourir auprès des enfants et par là exercer une influence sur la réformation de la société. Il ne faut pas seul faire d’illusions; si de sourds et menaçants murmures s’élèvent des bas-fonds de notre société corrompue, c’est comme une protestation contre le sordide emploi du superflu. Une des missions des Religieuses, surtout des Religieuses de l’Assomption, c’est d’apaiser cette haine du pauvre contre le riche en montrant à celui-ci ses devoirs et l’usage qu’il doit faire du superflu. De là, mes Soeurs, découlent toutes les oeuvres de charité que vous pouvez embrasser selon l’esprit de votre Institut, les secours donnés aux pauvres, les associations, les réunions de femmes et de jeunes filles. Ma associations, les réunions de femmes et de jeunes filles. Ma conviction profonde c’est que la société sera en grade partie sauvée par les oeuvres de charité envers les pauvres. Ainsi donc la charité est d’une obligation rigoureuse qui seul confond avec la justice; votre voeu de pauvreté vous affranchit de l’aumône matérielle, mais vous devez inculquer à vos enfants ces vertus de charité qui seront aussi une partie du salut de la société. Est-ce tout ce que nous devons au prochain? Non. Le fils de l’homme n’a pas eu une pierre où reposer sa tête: « Filius autem hominis non habet ubi ca put reclinet ». (Mat. VIII/20). St Jean-Baptiste n’avait pas le sous. Jamais la vérité, jamais la justice n’a été accomplis comme par ces deux pauvres, l’un le plus brau des enfants des hommes, l’autre le plus grand parmi ceux nés de la femme. Ils donnent la justice la plus excellente. Quelle est-elle? La justice envers les âmes. St Paul dit: Vous ne devez rien à personne sinon la charité, et il faut entendre par cette charité celle envers les âmes. De même que l’âme est autant au-dessus du corps que le ciel est au-dessus de la terre, de même les besoins, les nécessités de l’âme sont au-dessus de ceux du corps, et par conséquent, l’amour des âmes sera mille fois supérieur à celui des corps. J’ai la prétention de vous faire l’aumône en parlant à vos âme; je crois que le travail auquel je me livre pour vous instruire, la nourriture spirituelle que je vous donne est un bienfait bien supérieur à ce que je pourrais faire en vous donnant 100.000 fr. dans vos besoins temporels. Il y a donc dans l’étude et dans la distribution de l’étude un accomplissement de la justice, vous faites par là un acte de charité. Telle religieuse de l’Assomption pourra donner à ses élèves une instruction plus sérieuse que tel de Messieurs les aumôniers, et répandre parmi des Soeurs des idées plus claires, des lumières plus chrétiennes par suite du soin qu’elle aura mis à s’instruire. Je dis plus: vous êtes responsables les unes envers les autres de cette aumône spirituelle et vous êtes obligées de la donner aux enfants; et certes jamais moment ne fut plus propice; vous pouvez verser une magnifique aumône spirituelle dans ces pauvres intelligences qui ont si grand besoin de la vérité. « Dispersit dedit pauperibus« . (Ps.III/9) Quel champ immense! Vous faites plus que les Congrégations qui s’adressent aux corps pour atteindre les âmes. Votre influence est directe et elle est féconde, vous vous adressez à des enfants, à des jeunes religieuses; vous avez la possibilité de former ces âmes et de répandre une semence de vérité qui porte des fruits dans d’autre âmes. Vous rendez-vous compte de l’aumône spirituelle que seul une religieuse qui s’applique à relever le niveau des conversations aux récréations de communauté! Il faut seul détendre, je vous l’accorde. St Jean, lui l’aigle spirituel par excellence, s’amusait avec une perdrix. J’admet parfaitement dans les récréations des religieuses un peu de bonne gaieté, de franche distraction, mais quand on y laisse glisser quelque chose qui va s’affaissant, on n’est pas loin de tomber dans les cancans, les susceptibilités, les petites antipathies, les petites sympathies, les petites préférences, une foule de misères auxquelles la nature entraîne. Une religieuse, qui sans être un bas bleu, ni pédante, s’appliquerait à relever les conversations en les transportant dans une sphère supérieure, en ouvrant des horizons élevés; éclairés d’un jour plus chrétien, croyez vous que cette religieuse ne fairait pas un bien immense, qu’elle ne distribuerait pas l’aumône spirituelle? Elle seul rappelle les grands principes, elle en tire des conséquences nouvelles, sa conversation est intéressante, elle éclaire, elle instruit; vous remplissez là un acte de justice. Il faut une intelligence élevée pour cela, je vous l’accorde. Mais au moins ayez l’intelligence de ne pas y faire opposition; si vous ne pouvez pas atteindre vous-même ce genre plus relevé de conversation, du moins n’y mettez pas obstacle. Une petite Soeur qui interrompt, qui babille, qui détourne constamment le sujet de la conversation, elle fait tort à sa Communauté, elle la vole positivement. Puis, mes Soeurs, si vous n’avez pas d’esprit, si vous devez rester dans la terre à terre du côté de l’intelligence, ne pouvez vous du moins donner le bon exemple? Soyez donc toutes des religieuses entraînantes par vos bons exemples, c’est une question de justice, vous vous devez l’édification réciproque. Verba movent, exemple trahuna. Vous faite plus par vos actions que par vos paroles; en face les une des autres, vous êtes obligés d’être des religieuses édifiantes, car il n’y a pas de milieu entre cela ou être une religieuse scandaleuse, ou bien nulle c’est à dire qui ne solde jamais la dette du bon exemple. Si vous vous rendez compte de ce que c’est que l’amour de la justice, voyez aussi comme dans ce moment où les événements vous prêtent un si pénible concours, vous devez travailler à relever les caractères, retremper les âmes, inspirer de grandes notions du devoir et de la vérité. Déjà un mouvement seul manifeste, le sentiment du devoir seul ranime et seul relève. Profitez de cette résurrection morale pour inculquer aux enfants qu’une des conditions fondamentales de la beauté du caractère c’est l’amour de la justice, le sentiment profond qui fait rendre à chacun ce qui lui appartient. Et vous aussi aimez la justice et prenez la résolution de payer vos dettes envers le prochain au point de vue matériel, moral, intellectuel; vous verrez que vos caractères grandiront et avec la Charité et la Justice vous arriverez à payer toutes vos dettes envers Dieu et le prochain et vous serez certaines d’arriver à accomplir toute cette justice que N.S. dépose dans les eaux du Baptême quand il fut baptisé par St Jean; non pas seulement cette justice qui convient à des chrétiennes mais à des religieuse appelées à servir Dieu in sanctitate et justitis, tous les jours de votre vie. Ainsi-soit-il.

Notes et post-scriptum