OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • TRENTE-HUITIEME CONFERENCE DONNEE LE 29 JANVIER 1871.
    DE LA FORCE.
  • DA 45; CN 7; CV 33.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 AUDACE
    1 CADRE DE LA VIE RELIGIEUSE
    1 CONTRARIETES
    1 CRITIQUES
    1 DESOBEISSANCE
    1 DEVOIR
    1 DONS DU SAINT-ESPRIT
    1 DOULEUR
    1 EDUCATION
    1 ENERGIE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 FAUTE D'HABITUDE
    1 FLATTERIE
    1 FOI
    1 FRANCHISE
    1 GENEROSITE
    1 GRANDEUR MORALE
    1 IMPULSION
    1 INFIDELITE
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MARTYRS
    1 PAIX INTERIEURE DE L'APOTRE
    1 PARDON
    1 PATIENCE
    1 PECHE
    1 PERSEVERANCE
    1 PEUR
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURGATOIRE
    1 PURIFICATION
    1 RECHERCHE DE DIEU
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 RELIGIEUSES
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 SUFFISANCE
    1 SYMPTOMES
    1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
    1 VANITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VERTUS
    1 VICTOIRE SUR SOI-MEME
  • Religieuses de l'Assomption
  • 29 janvier 1871
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’Auteur.

La force est une vertu. Sous quels aspects peut-on considérer la force? -La crainte de l’audace.

Rang qu’occupe la force. Le martyre.

Quel péché est la crainte? -La témérité. -La grandeur d’âme. -La vaine gloire. -La patience. -La persévérance.

Don de force. -Béatitude. -Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam.

Texte stenographié de la conférence.

La force est une vertu et son nom seul dit de qu’elle est; elle peut être considérée à deux points de vue différents. C’est une vertu générale, dit St Thomas, si nous considérons qu’elle s’applique à l’énergie avec laquelle on accomplit toutes les vertus. Toutes les vertus demandent un certain degré de force. Mais elle est une vertu particulière en ce sens qu’elle a pour but de surmonter les obstacles qui s’opposent aux actions conformes à la droite raison. Donc il y a certaines actions particulières pour lesquelles il faudra une force spéciale. En prenant la force au point de vue général, vous voyez combien elle est une vertu nécessaire. J’ai de la peine à me lever, parce qu’il fait froid, il faut de la force pour m’arracher de mon lit. J’ai sommeil à l’oraison, il faut de la force pour ne pas succomber; je suis entraînée à causer en temps du silence, il faut de la force pour résister, et ainsi du reste; et cela parce que la pente de notre nature nous entraine toujours au mal; et qu’il faut sans cesse lutter contre soi. La force est une vertu qui se place entre la peur et la témérité ou l’audace. St Thomas l’explique, mais je veux vous la montrer ailleurs et j’aborde les considérations pratiques. Pour moi, la force se place très bien entre les natures faibles et les natures contradictoires. Oui, il y a des natures faibles qui cherchent un refuge dans les Couvents… Je ne m’en occupe pas; je ne crois pas que ce soit le propre de l’Assomption. Mais il y a autre chose aussi, la faiblesse amène l’esprit de contradiction. Voyez-vous cette Soeur; il suffit qu’on lui donne un conseil, qu’on lui dise de faire une chose, pour qu’elle veuille faire tout l’opposé. Une nature forte au contraire vient tout droit. Un ordre est donné; telle chose contrarie; on résiste, on murmure, c’est de la faiblesse, mes Soeurs. L’esprit de force consiste à examiner ce qui est bon selon la raison et à écarter les obstacles selon la raison aussi; avec la vertu de force, vous n’agissez pas parce que cela vous plait, mais parce qu’il est conforme à la saine raison de le faire. Un des conseils les plus pratiques que je pourrai vous donner au sujet de cette force générale, c’est de prendre la résolution de ne jamais montrer votre force en résistant à la direction qu’on veut vous donner, c’est de la fausse force; mieux encore, c’est de la faiblesse. C’est l’histoire de bien des oppositions dans les Couvents. Vous êtes affranchies de ces misères; cela arrive ailleurs. Une soeur est mécontente de sa supérieure; une autre cherche à la consoler, elle croit faire un acte de charité; on fait groupe; les uns sont faibles, les autres contrariantes, cela suffit pour mettre le désordre dans une communauté. J’admets que les Supérieurs peuvent avoir tort; mais l’obéissance ne doit s’arrêter que devant le péché; et du moment que le supérieur ne commande pas le péché, l’inférieur peut trouver une occasion de sanctification dans des ordres peu aimables, peu raisonnables même. Si je mets ma force dans la voie de la règle, de l’obéissance qui est la voie de la droite raison, j’écarte tout murmure, tout bouleversement intérieur. Vous voyez donc que la faiblesse est un principe de décadence, et la force au contraire ramène à l’énergie de la vertu et maintient dans le devoir. Jusqu’où peut aller la force? St Thomas dit que le plus grand obstacle à l’accomplissement des choses conformes à la droite raison est celui qui est tellement grand qu’il peut entrainer la mort. Par conséquent la force va jusqu’au martyre. Je ne vaux pas examiner ici cette question de martyre, mais bien la manière dont cette vertu de force peut rendre une religieuse martyre de son obéissance, de sa règle, de ses rapports avec ses Soeurs, avec les enfants, de ses défauts, de ses tentations, martyre enfin de tout l’ensemble de sa vie, précisément parce que la nature corrompue se débat et résiste quand on veut la gouverner conformément à la droite raison. Voyez qu’alors la question de la souffrance n’en est plus une; si ma force doit aller en certaines circonstances jusqu’au martyre, toute souffrance moindre est acceptée et je ne m’étonne pas de la trouver partout et toujours. Oui, il faut de l’énergie pour lutter contre soi-même, pour accepter les épreuves de la vie commune, les difficultés de toutes sortes dans notre travail d’apostolat et de charité. Reprenons le côté de la vertu particulière de force, (les événements politiques, la guerre, nécessité de souffrance et d’épreuves pour relever les caractères; le grand besoin de notre époque, c’est la force. Les événements la produiront, les caractères seront fortifiés par la douleur, nous aurons plus de Saints.) En tous les cas, mes Soeurs, c’est pour vous le moment de devenir des Saintes; vous avez toutes des douleurs profondes et légitimes; au milieu de ces brisements de votre coeur, vous pouvez vous élancer dans une perfection très haute. Il faut de la force pour supporter vos douleurs présents; quand Dieu vous en aura affranchies, vous conserverez l’habitude de la lutte contre vous-mêmes, vous vous serez fait un tempérament énergique et vous imprimerez cette énergie aux enfants qui vous sont confiées. C’est ainsi que vous pourrez dire: Salutem ex inimicis nostris. Il faudra aussi de la force pour conserver l’esprit chrétien après la guerre et ne pas vous laisser aller à des sentiments de vengeance; il faut de la force pour le pardon des injures. St Thomas demande si la peur, la poltronnerie est un péché, et il répond que oui; elle peut même devenir un péché mortel. Je n’en parle pas ici à votre point de vue personnel, mais en tant que vous devez combattre cette peur morale chez les enfants. Il y a bien des gens qui n’accomplissent pas leur devoir tout simplement parce qu’ils ont peur; quelquefois il y a des choses dures, pénibles à faire; on se récuse, on craint de se compromettre et pour y échapper on se cacherait volontiers dans un trou de souris. Ce sont des personnes de fort mauvais caractère, celles-là; et il faut prémunir vos enfants contre ces lâchetés. Quand une fois selon les règles de la prudence chrétienne, on a vu ce que la raison conseille, je crois qu’on doit avoir le courage de se compromettre, de souffrir s’il le faut et que la conduite doit être conséquente avec les principes; je crois aussi qu’avec l’éducation que vous donnez, vous devez toujours peser vos paroles pour communiquer l’énergie et établir bien nettement que lorsque la force demandera qu’on se laisse tuer, eh bien on se laisse tuer. Sans doute il ne faut pas affronter inutilement le danger car celui qui aime le danger périra; mais quand les circonstances providentielles vous y jettent, il faut savoir vous y exposer généreusement. Je vous engage de voir si vous n’avez pas à ce sujet quelques petits reproches à vous faire. Pourquoi ces suffocations, ces larmes, ces attaques de nerfs en vue d’un effort à faire, d’un péril à courir? Ah! je ne crains pas de le dire, cette petite personne si tendre, si faible, si poltonne n’est pas digne du nom de religieuse. Je ne parle pas ici des impressions physiques et involontaires, mais il faut les dominer, subjuger sa nature; c’est en quoi consiste la vertu de force. J’ai peu d’estime, je vous l’avoue, pour les personnes qui se laissent gouverner par leurs nerfs à la place du sens commun et de la raison. St Thomas nomme deux vertus comme conséquence de la force: La patience et la Persévérance. La patience qui donne la perfection à toutes nos oeuvres. La patience par laquelle le monde a été sauvé, par laquelle les saints en supportant les souffrances volontaires ou devenues volontaires, par l’acceptation ont enrichis les trésors de l’Eglise, la patience ou la puissance de souffrir qui doit être le partage de toute religieuse. Il faut donc que j’accepte la souffrance; il faut donc que je pâtisse, que j’accepte de passer par tous les ennuis, les angoisses, les douleurs; tout de qui fait souffrir enfin est l’objet de la matière de la patience et de la vertu de force dont elle fait partie. Une âme forte porte sa douleur dans le calme, la sérénité, c’est une paix amère mais c’est une paix véritable; surtout elle sait se donner à l’extérieur et faire en sorte que sa souffrance, dont elle sait porter tout le poids, ne devienne pas un fardeau intolérable pour celles qui l’environnent. Puis la persévérance. Ce n’est pas tout de bien commencer, il faut aller jusqu’au bout. « Qui autem perseveraverit usque in finem, hic salvus erit » (Matth. X/22) On a des moments de ferveurs, ce sera après une retraite après la solennité de la profession, puis viennent les années de sécheresse, les stérilités. On est avec des supérieurs qui ne vous comprennent pas, des soeurs qui éclaboussent ou qui ont mauvais caractère, des enfants insupportables; la maison nous déplaît, on ne se trouve pas traitée avec le respect qui nous semble dû. Ah! la persévérance alors c’est une chose bien fatigante! et on dit: Tant pis, j’avais pris des résolutions, pourquoi me met-on là où je ne puis les tenir, il fallait que les Supérieures me consultent, on me fait trop souffrir, ce sont des épines qui me percent continuellement, je vais en prendre à mon aise, mener une vie commode; adieu mes résolutions d’humilité, de charité, de ferveur; et voilà mes Soeurs, la décadence de l’esprit religieux, la ruine des Communautés. Je finis en parlant de la béatitude qui correspond au don de force, « Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam » (Mat. V,6) la justice c’est le règne de Dieu. A ce point de vue la vertu de force est un des caractères les plus spéciaux des Religieuses de l’Assomption (Religieux romains -ex. de décadence -pas faim et soif de justice). On a une bonne petite vie, on prend de petites habitudes bien douces, on se remplie sur soi-même. Au fait on s’est arrangé sa petite vie mieux au couvent qu’on ne l’eût peut- être fait chez soi et on aime sa communauté pour cela. Où est la faim et la soif de justice, où est ce rassasiement surnaturel, divin, de la justice? Le prophète dit: « Inebriabuntur ab ubrtate domus tuae » (Ps. 35,9) Ils seront rassasiés au ciel des joies de la maison de Dieu. Ah! mes Soeurs,il ne faut pas se faire illusion; ceux qui sur la terre n’auront pas eu cette faim, cette soif surnaturelles, ils ne quitteront pas la terre pour aller prendre leur vol directement dans les habitations célestes. Pour les Religieuses molles, lâches, qui se seront à peine traînées dans les voies de la perfection, il y aura un purgatoire peut-être de plusieurs siècles à faire. Dieu n’admettra pas dans son paradis sans de longues souffrances de purification ces âmes qui n’auront pas été altérées du désir de leur perfection et du salut du prochain. Ayez donc cette foi ardente qui consuma N.S. sur la Croix, et puis courez dans la voie des Commandements du Seigneur. Dans la mesure de la rapidité de votre course, de l’impétuosité de l’élan de vos vertus, vous passerez au sortir de cette vie au travers des flammes du purgatoire; Croyez le bien, ce qui retient un religieux dans ce lieu de purification et de souffrance, c’est la molesse, la lâcheté, la pusillanimité de la vie. Il faut donc combattre mes Soeurs, courageusement, généreusement et pour cela revêtez vous des armes de la force. « Induite vos armaturam Dei » (Eph VI/11)*, pour pouvoir lutter, souffrir, mourir s’il le faut mais pour finir par triompher et recevoir la couronne promise à celui qui livre le bon combat. Amen.

Notes et post-scriptum