OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • QUARANTIEME CONFERENCE DONNEE LE 7 FEVRIER 1871.
    SUR LE VOEU.
  • DA 46; CN 8; CV 33.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 DEVOIR
    1 LIBERTE
    1 PERFECTION
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VERTU DE RELIGION
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOEU DE CHASTETE
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 ADAM
    2 JUDAS
  • Religieuses de l'Assomption
  • 7 février 1871
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’Auteur.

Vovete, et reddite Domino omnes qui in circuitu ejus affertis munera, Ps.75,12.

Du voeu en général et du voeu comme base de la vie religieuse.

1. Du voeu en général.

Le voeu est une promesse faite à Dieu et qui lui agrée. Redeam tibi vota mea, quae dixerunt labia mea, ps. 65.

Obligation, convenance, excellence du voeu.

1° Obligation.

Vous n’êtes pas obligé: Si nolueris polliceri, sine peccato eris. Mais fait pour une chose meilleure, on est obligé. Quodcumque voveris, redde: multoque melius est non vovere, quam post votum promissa non reddere, Eccl.V,3.

Promissio facta Deo est obligatoria. A qui sera-t-on fidèle, sinon à Dieu? Votum est promissio Deo facta.

Quod semel egressum est de labiis tuis, observabis, et facies sicut promisisti Domino Deo tuo, et propria voluntate et ore tuo locutus es. Deuter. XXIII, 23: Cum votum voveris Domino Deo tuo, non tardabis reddere: quia requiret illud Dominus Deus tuus; et si moratus fueris, reputabitur tibi in peccatum. (Ibid.)

2° Convenance des voeux.

Rien d’utile comme le voeu, car il est fait à Dieu, non pour lui, mais pour nous. Quod ei redditur, reddenti additur, S. Aug.

Mais, dit-on, on perd sa liberté. Felix necessitas quae in meliora compellit, S. Aug.

On dira: mais il y a des dangers. Oui comme de monter à cheval. Qui observat ventum, non seminat, et qui considerat nubes, numquam metit.

Le voeu est le culte offert à Dieu. Culte de latrie.

3° Excellence des voeux.

Par le voeu on accomplit deux conseils. Ce qui est préférable, l’objet du voeu, et l’acte du voeu lui-même.

Le voeu est un acte du culte. Son principe est donc une vertu supérieure, puisqu’il se rapporte directement à Dieu. Neque ipsa virginitas, quia virginitas est, sed quia Deo dicata est, honoratur,quan fovet, et conservat continentia pietatis. S. Aug.

Plus on se met dans la dépendance de Dieu, plus on lui est agréable. C’est ce que produit le voeu. Donner l’arbre avec les fruits, c’est donner plus que les fruits. Par le voeu on donne la volonté. Perfection de la volonté fortifiée par le voeu qui est plus agréable à Dieu, comme la volonté obstinée dans le mal est le péché contre le Saint-Esprit.

Texte stenographié de la conférence.

Mes Soeurs, nous parlerons aujourd’hui du voeu pris dans son aspect général.

De tous les temps, chez tous les peuples et dans toutes les formes de culte, le voeu a été considéré comme une chose agréable à Dieu, et il n’est pas de religion où on ne voit des voeux. Ils ont été de différentes espèces, mais ils ont toujours revêtu ce caractère d’un acte excellent offert à Dieu. Il y a eu les voeux temporaires, la consécration des premiers nés chez le peuple juif. Dieu dans la loi qu’il avait donnée à son peuple s’était réservé ce droit sur les enfants d’Israël. Il est donc évident que le Saint-Esprit poussa à faire des voeux, que c’est chose agréable à Dieu. Vovete et reddite Domino omnis… La forme du voeu est donc une manière plus excellente d’offrir à Dieu une chose. Par exemple une aumône faite par voeu est meilleure qu’une aumône faite par simple acte de charité; faire un pélérinage par voeu est plus agréable à Dieu que d’y aller par simple dévotion. Etablissons donc que le voeu donne un cachet supérieur à ce que nous faisons pour Dieu. Nous examinerons le voeu en général, puis le voeu comme base de la vie religieuse.

Le voeu en général est une promesse faite à Dieu et qui lui agrée. Reddam tibi vota mea (Ps. 65). Selon cette parole le voeu porte en lui-même un caractère extérieur. Il faut qu’il soit formulé sans quoi il n’y a pas de voeu.

Examinons l’obligation, la convenance, l’excellence du voeu.

1° Le voeu n’est pas obligatoire en lui-même; rien ne vous oblige à le faire; vous restez dans une liberté entière à cet égard. Nolueris pollicere sine peccato eris. Réfléchissez donc avant de le faire, car une fois que vous l’aurez formulé, vous êtes obligé de le tenir. Quod enim quae voveris…non reddere. Le voeu est une promesse faite d’une chose meilleure. Prendre l’engagement de se venger d’un assassin ne serait pas un voeu. Mais un voeu, une fois fait, l’obligation est stricte, rigoureuse, et telle est la situation de toute religieuse après sa profession. Si elle viole ses voeux par mépris, c’est une injure faite à Dieu. Elle est tenue à les garder selon l’esprit de son Institut. Chaque Congrégation ayant sa manière d’entendre quelle est la matière du voeu, surtout pour ceux de pauvreté et d’obéissance. Une promesse implique toujours une obligation, combien plus une promesse faite à Dieu. On ne fait pas de voeu à une créature, ni même à la Ste Vierge. Quand on voue quelque chose à la Ste Vierge on prétend l’honorer par cet acte, et prendre Dieu à témoin de sa promesse, et c’est à Lui qu’on la fait. Le garant de la promesse c’est Dieu, celui à qui la promesse est présentée, c’est également Dieu. Dans l’ancienne loi l’obligation de tenir les voeux qu’on avait faits était rigoureuse. Ne tardez pas à les accomplir, était-il dit.

Puisque l’accomplissement des voeux est chose si grave, je vous dirai, ne faites pas de voeux particuliers sans la permission de vos Supérieurs, et ne vous surchargez pas de voeux; appliquez-vous plutôt à garder ceux que vous avez faits. Dans un moment de ferveur, on se laisse quelquefois entraîner à faire des voeux qu’on regrette plus tard, qui sont difficiles à accomplir. De là, il résulte une gêne de conscience qui peut être un inconvénient. Je vous engage donc à ne pas vous charger, surcharger de voeux; si ce sont des voeux moraux, on s’y embrouille; si ce sont des voeux de fait quelquefois on est tenté de dire: Jugum intolerabilem.

Convenance des voeux.

Rien d’utile comme le voeu, car il est fait à Dieu non pour lui-même mais pour nous. Quod ei redditur reddenti additur, dit St Augustin; ce qui est rendu à Dieu sera ajouté aux mérites de celui qui l’offre. Mais, dit-on, on perd sa liberté. C’est vrai, et St Augustin dit encore: Felix necessitas. En effet, si je fais voeu d’obéissance, je perds ma liberté, mais, si en la perdant je fais acte suprême de cette même liberté, je la fortifie pour le bien, je l’entraîne pour ainsi dire à la pratique de la vertu, c’est une heureuse nécessité. Je ne suis plus libre de faire un mauvais usage de ma (liberté) volonté, de disposer de mes biens, de jouir de tel plaisir, oui, mais pour ma perfection j’avais besoin de n’être plus libre. Les Saints au Ciel ne font plus de voeux, ils sont libres parce qu’ils ne peuvent plus faire le mal. Par vos voeux vous avez le bonheur d’être dans la nécessité de faire toujours pour le mieux. On dira aussi: mais il y a du danger à faire des voeux. Où n’y en a-t-il pas? Le péril est partout, la corruption dans les meilleures choses: Corruptio bona pessima. Satan est certainement plus puni au fond des enfers parce qu’il a été le plus excellent des Anges. Je ne dis pas que le voeu qui rend votre vie plus excellente, ne vous prépare pas un plus grand châtiment si vous y êtes infidèles. Mais doit-on s’arrêter pour cela et ne faut-il pas compter sur la grâce de Dieu pour conjurer les périls auxquels une âme s’expose par amour pour Lui. Il y a des natures qui ne savent jamais se décider -c’est d’elles que le St Esprit dit: Qui observat ventum non seminat et qui considera nubes non metit. Sans doute la prudence dont je vous ai tant parlé est une excellente vertu et doit être la conseillère de nos actions, mais de ce qu’on rencontre une fois une vocation mauvaise s’ensuit-il qu’il faille empêcher toutes les bonnes d’entrer au couvent. Revenons toujours à notre grand exemple NS.J.C.; parce que Judas était infidèle et traître, a-t-il dissous tout le Collège Apostolique?

Excellence du voeu.

Par le voeu on accomplit deux conseils, l’objet du voeu, l’acte du voeu lui-même. Le voeu est un acte de culte de latrie, un acte d’adoration, dit St Thomas, et cela est très parfait; son principe est donc d’une vertu supérieure puisqu’il se rapporte directement à Dieu. C’est en cela que consiste sa perfection. Prenez par exemple la virginité. La virginité n’a de prix que si elle est consacrée à Dieu, dit St Augustin. La jeune fille qui ne se marie pas n’a de mérite, ne doit être honorée comme vierge chrétienne que si elle consacre sa virginité au Seigneur. Ici, mes Soeurs, je touche le grand point entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel. Le voeu étant un acte d’adoration, il est clair que plus l’acte est complet, plus on se met dans une dépendance entière vis-à-vis de Dieu, plus on Lui est agréable. Ce que Dieu veut en face de la révolte du péché c’est la dépendance et la perfection de la sainteté. C’est logique. De sorte que l’âme qui se consacre à Dieu dans une dépendance absolue fait un acte de réparation excellent et fort agréable à Dieu. C’est la situation des religieux et des religieuses dans l’humanité, ils font des actes de réparation; le monde a été perdu par la désobéissance du premier Adam; les religieuses se vouent à l’obéissance, à la dépendance envers Dieu, ils ajoutent aux mérites des Saints. St Thomas dit aussi: donner l’arbre avec les fruits, c’est donner plus que les fruits; par les voeux on donne la volonté. L’obéissance c’est le tronc, c’est l’arbre tout entier donné avec les fruits de ma liberté humaine et tous les actes humains.

De plus la volonté se fortifie et se perfectionne par le voeu, et comme dit St Thomas, la volonté obstinée dans le mal, c’est le péché contre le St Esprit; l’acte par lequel toute notre volonté est liée à Dieu, c’est le voeu, c’est donc le plus excellent. C’est l’acte par excellence par lequel je combats de la manière la plus directe le péché contre le St Esprit. Je me donne à Dieu, personne autre que Lui a droit de disposer de moi; c’est un acte suprême d’amour dont Dieu tient toujours compte.

Parlons maintenant des voeux de la vie religieuse. Il est des personnes qui ne se réservent rien, mais qui immolent à Dieu tout-puissant leur corps, leurs sens, leur substance toute entière; ils ne sont pas parfaits pour cela, dit Origène, mais à partir du jour où ils ont tout quitté ils approchent de la perfection. Disons d’abord qu’il est consolant de voir dès le commencement de l’Eglise, dès le deuxième siècle, l’idée de la perfection religieuse établie comme nous la comprenons de nos jours. Ainsi donc voilà la perfection; tout quitter; on n’est pas établi dans la perfection, mais on marche dans la voie, on a l’espérance d’y demeurer, et d’y avancer chaque jour à mesure qu’on sacrifie ses sens, son corps, tout son être enfin. Faut-il donc faire tous les voeux possibles? St Thomas répond…

C’est clair, vous ne pouvez avoir à la fois l’esprit de tous les ordres, et être à la fois Carmélite et Trappistine, Soeur de Charité et Assomptiade. Etant donnée la base de toute vie religieuse, il est certain qu’il y a des conseils que vous n’aurez pas à suivre comme d’autres religieuses y sont obligées et réciproquement. La grande chose c’est de continuer l’esprit de fondation.

Le but de l’état religieux est la perfection de la charité, et l’état religieux, dit St Thomas, est une discipline, un exercice pour arriver à cette perfection. Pour cela les moyens sont divers; on n’est pas obligé de les prendre tous, seulement d’une art il n’en faut mépriser aucun, de l’autre il faut employer ceux fixés par sa Règle. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum