OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • QUARANTE-TROISIEME CONFERENCE DONNEE LE 11 FEVRIER 1871
    SUR LA COMMUNION
  • L'Eucharistie, lumière de vie. Bar-le-Duc, Imprimerie Saint Paul, 1953, p. 31-45. (Cahiers d'Alzon, II.)
  • Canevas: CV 33; Texte: DA 46; CN 8.
Informations détaillées
  • 1 ACTE DE CREATION
    1 ACTION DE GRACES
    1 AME EPOUSE DE JESUS CHRIST
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 ANCIEN TESTAMENT
    1 AUGUSTIN
    1 BIEN SUPREME
    1 COMMUNION DU RELIGIEUX
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 CONCILE DE TRENTE
    1 DOUTE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 EUCHARISTIE
    1 FOI
    1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
    1 INCARNATION MYSTIQUE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA GRACE
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
    1 JESUS CHRIST VIE DU RELIGIEUX
    1 LEGERETE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PRETRE OFFICIANT
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 ROUTINE
    1 SACRIFICE DE LA MESSE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SERVICE DU ROYAUME
    1 SOUMISSION SPIRITUELLE A JESUS-CHRIST
    1 TIEDEUR
    1 TRISTESSE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIERGES CONSACREES
    1 VISION BEATIFIQUE
    1 VOCATION
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 ELIE, PROPHETE
    2 PAUL, SAINT
  • Religieuses de l'Assomption
  • 11 février 1871
  • Nîmes
La lettre

[Plan de l’Auteur.]

Considérons l’Eucharistie comme nourriture. Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus.

Prodige de l’amour de Dieu, qui par un pareil moyen veut s’unir à sa créature.

Union. Qui adhaeret Domino, unus spiritus est.

Puissance de la transformation, si nous laissons faire, et nous en avons le modèle dans la transsubstantiation.

Mais quel est cet esprit?

Esprit de destruction. Le pain et le vin changés au corps et au sang.

Esprit d’élection: fermentum electorum.

Esprit de pureté: vinum germinans virgines.

Esprit de force et de zèle: ambulavit in fortitudine cibi illus.

Esprit d’union.

Esprit divin.

[Texte stenographié de la conférence.]

Mes chères Soeurs,

Nous parlerons ce matin de l’Eucharistie considérée comme nourriture.

Il faut partir de cette admirable révélation faite par Notre-Seigneur parlant de la communion: Caro enim mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus: Car ma chair est vraiment un aliment, et mon sang est vraiment un breuvage. »(1) C’est là évidemment le prodige le plus grand de l’amour de Dieu envers les hommes. Après s’être incarné, après être mort pour nous, il veut habiter sur nos autels pour y être notre nourriture et renouveler en quelque sorte son incarnation parmi nous. C’est là le mystère d’amour par excellence, le triomphe de la puissance et de la miséricorde divines.

Etudions donc quelle doit être la communion de toute religieuse, mais particulièrement d’une religieuse de l’Assomption.

Vous le savez, la communion est un acte d’union. Or, toute religieuse est épouse, c’est-à-dire unie à Notre-Seigneur par des liens intimes, et pour elle la communion sera l’acte d’union par excellence. C’est déjà une chose admirable que ce moyen divin que Dieu emploie pour s’unir à toute âme chrétienne, et sans doute, tel chrétien, dans l’observance d’une vie très ordinaire, peut faire une meilleure communion qu’une religieuse moins bien disposée. Il n’en reste pas moins que par le cachet d’épouse que les saints voeux impriment à l’âme religieuse, la communion doit être pour elle une union plus grande et que les liens plus intimes précédant ce grand acte se consomment dans l’Eucharistie.

En tant que religieuses, en tant qu’épouses, vous avez donc le droit d’approcher de Jésus-Christ, comme il n’est pas donné aux autres de le faire, et si vous savez aimer, que ne pouvez-vous pas obtenir de votre Dieu? La condition de l’union dépendra non seulement de l’Epoux, mais aussi de l’épouse. Si l’éternel bonheur dans le ciel est l’éternelle union avec Dieu, ici-bas nous en avons le gage, le prélude. C’est pourquoi, à proprement parler, la vie d’une religieuse se résume dans sa communion. Vous n’avez pas le bonheur de consacrer, mais examinez un peu: pour qui le prêtre consacre-t- il? Pour ceux qui communient, pour les âmes surtout qui, par leur vocation, sont plus spécialement appelées à s’unir à Dieu. Evidemment, ce sont les religieuses, de sorte qu’on peut dire que ce privilège que le prêtre a de commander à Dieu et de le faire descendre sur terre, lui est donné sans doute pour tous les fidèles en général, mais plus particulièrement pour les religieuses et si saint Paul a pu dire: « Omnia propter electros: je supporte tout à cause des élus »(2), on pourrait dire aussi: « Omnia propter sponsas. » La perfection des dons de Dieu est pour ses épouses: c’est la communion.

Ici il faut tirer une conséquence rigoureuse. Si la perfection des dons de Dieu est plus particulièrement pour ses épouses, ses épouses aussi sont plus particulièrement obligées de corresponde à ce don. De là l’obligation de la communion fréquente.(3) Car il me semble que des religieuses qui communient souvent dans des dispositions convenables sont dans leur vocation d’épouses et correspondent spécialement à cet admirable appel de Notre-Seigneur.

Ceci dit, veuillez vous rendre compte de la manière dont vous traitez la communion, du peu de cas que vous en faites, du peu de dispositions que vous y apportez. Par l’effet d’une certaine tiédeur vous ne communiez pas aussi souvent que vous le pourriez, vous ne vous préparez pas comme vous le devriez. J’ai rencontré des religieuses de différentes espèces: il y en a qui ne peuvent se décider à communier; il y en a d’autres, au contraire, qui viennent à la sainte Table par routine. Examinez, voyez combien ces âmes prévariquent à leur vocation. C’est effrayant. Depuis que l’Eglise, par la voix du Saint Concile de Trente, a manifesté son désir de la communion fréquente pour tous les fidèles, traiter la communion sans façon, s’en abstenir légèrement, c’est une offense grave pour une religieuse. Je vous prie de considérer très sérieusement la situation d’une âme religieuse qui n’aurait pas pour la communion toute l’estime voulue: elle est infidèle aux sollicitations de Notre-Seigneur. Jésus-Christ veut répandre les effluves de sa grâce sur la terre; il se sert pour cela de différents moyens. « Le souffle où il veut; …nul ne sait d’où il vient ni où il va. »(4) Mais il est certain que Notre- Seigneur voulant être plus particulièrement trouvé dans l’Eucharistie, dans la communion et en faisant le canal de ses plus précieuses grâces, il y a là un appel de Notre-Seigneur et une obligation pour quelques âmes d’aller souvent au-devant de cet appel et de communier.

Quelle est donc la faute d’une religieuse peu réfléchie qui prend et laisse la communion à son gré, qui n’en fait pas le centre de sa vie et n’y apporte pas une préparation suffisante! Prenez garde, en effet: la communion fréquente peut, par vos tiédeurs et vos négligences, avoir un danger: bonne en elle-même comme moyen, elle peut, devenir un obstacle par le peu d’estime que vous en avez. Je voudrais donc vous montrer l’obligation où vous êtes de prendre la communion comme votre vie, et étant donné la gravité, le respect avec lesquels vous devez recevoir Notre-Seigneur, je voudrais que la sainte communion fût l’objet de tous vos désirs, de toutes vos aspirations, vous rappelant cette parole de saint Paul: Qui adhaeret Domino, spiritus est: celui qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui(5). »

L’Eucharistie est un sacrement que je m’incorpore, que je m’inocule de telle façon que l’âme de Jésus-Christ passe dans la mienne, que le Corps et le Sang de Notre-Seigneur s’attachent à mes entrailles. Cette âme si parfaite que je reçois s’unit à moi de telle façon que par sa grâce toute-puissante elle ne fait qu’un avec moi: unus spiritus est. Or, avez-vous songé, quand vous étiez unies à Jésus- Christ, à entrer dans les sentiments de son âme, à adorer, à aimer avec les flammes de son coeur, à vous sacrifier comme lui? Vous êtes-vous rendu compte de tout ce qui se passe dans l’âme divine de Jésus? Voilà le côté pratique, sanctifiant de la communion.

« Je m’unis, je m’attache à l’âme de mon époux, je lui demande de ne faire qu’un avec moi, que son âme devienne mon âme, qu’il imprime en moi ses sentiments, ses affections, ses désirs, que je réalise le voeu de l’Apôtre: « Hoc enim sentite in vobis, quod et in Christo Jesu: ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus. » Voilà, je le répète, le côté pratique du culte de l’âme de Jésus- Christ. Vous prenez l’âme de Notre- Seigneur et la portez dans votre vie. Comme tout est changé alors(6)!

« J’ai pris en moi l’âme de Notre-Seigneur, l’âme qui m’aime le plus, celle de mon époux. C’est une âme humaine qui a des perfections humaines très imitables. Je me transforme sous son action, et cela se fait surtout pendant mon action de grâces, quand par l’effort de ma volonté je m’attache aux perfections de Jésus, je m’unis à ces perfections, je m’illumine des perfections de Jésus; et puis quand, pendant le cours de la journée, m’inspirant de l’âme de Jésus et y puisant des sentiments tels que je n’en ai jamais eus, je mène une vie nouvelle, faisait toutes mes actions dans l’esprit très parfait de Jésus, même les actions les plus ordinaires. Et comme j’aurai eu en moi l’âme de Notre-Seigneur, c’est à elle que je remonte en allant jusqu’à la divinité: Hoc enim sentite in vobis quod et in Christo Jesu. Quand aurai-je les sentiments de Jésus? Jamais d’une manière plus parfaite que lorsque, ayant communié, j’aspire l’âme de Jésus-Christ devenue l’âme de mon âme. »

Nous l’avons déjà dit, la transsubstantiation est le modèle du mystère de la transformation qui s’opère dans notre âme. Dans quelle mesure cette transformation se fera-t-elle? Autant que vous le voudrez, C’est une question d’amour qui n’a pas de limite de la part de Jésus-Christ, et c’est de votre part une question de volonté. Jusqu’où cela ira, nul ne peut le dire. C’est beau, c’est mille fois désirable, cette grâce de l’Eucharistie qui fait que je ne le comprends pas, que je ne le comprendrai qu’au jour de l’éternité, parce que les saints au ciel seuls le savent.

La foi montre le miracle de l’Eucharistie, la première transformation. Elle m’indique le second pour lequel le premier a été fait; ma volonté s’oppose à l’accomplissement de cette seconde transformation miraculeuse. Puisque cela dépend de moi, dans quelle proportion dois-je donner ma volonté pour permettre à Dieu ce miracle? Dieu est là avec sa toute-puissance d’amour pour faire cette transformation, et elle sera telle qu’il faut attendre la patrie pour la comprendre. Mais si ce produit de l’amour de Jésus-Christ est si grand qu’il dépasse votre intelligence créée, rassurez-vous, il ne dépasse pas la portée de votre coeur. A mesure qu’il aime, il se dilate, il s’agrandit pour recevoir les flots de l’amour divin, ces flots qui à travers l’âme de Jésus-Christ jaillissent du Saint-Esprit lui-même.

Vraiment après tout ceci, que la vie religieuse ne soit pas absorbée par l’Eucharistie, c’est un vrai prodige. Oui, la religieuse est appelée à une union plus grande, parce qu’elle est épouse; et elle est bien coupable si elle ne comprend pas la grandeur du don que Dieu met à sa disposition, la puissance qu’il lui offre. Savez-vous que c’est quelque chose d’aussi merveilleux que l’acte créateur, par lequel il détruit les substances du pain et du vin et les transforme en sa chair et en son sang? Si saint Augustin, en parlant des vierges, ose prononcer cette parole si étonnante: « Habent aliquid jam non carnis in carne: elle présentent dans leur chair quelque chose qui n’est déjà plus de la chair »(7), de même on peut dire que la religieuse dans la communion est quelque chose qui n’est plus créé, elle participe à la vie divine. Jusqu’où cela ira-t-il? Encore une fois, je ne peux vous le dire. Cette union reste un mystère et un prodige. Les saints nous le représentent quand nous rencontrons leurs âmes sur le chemin de la vie, et peut-être vous-mêmes, dans les transports de votre amour, pourrez-vous quelquefois en comprendre quelque chose sur la terre. A vrai dire, c’est la vision du ciel.

Mais si c’est l’esprit de Jésus qui habite en nous par la communion, il faut se demander quel est cet esprit. J’en distingue sept caractères. C’est un esprit de destruction, d’élection, de pureté, de force, de zèle, d’union; et ceci résume tout, c’est un esprit divin(8).

1° Et d’abord, c’est un esprit de destruction. Est-ce que le pain et le vin ne sont pas détruits dans la transsubstantiation? Si donc je veux participer à ce mystère, il faut que je détruise l’élément de moi-même. Et jusqu’où dois-je aller? Jusqu’à une quasi destruction de mon âme pour mettre l’âme de Jésus-Christ à sa place. Je ne vous dirai pas quelle doit être la mesure de votre sacrifice, l’amour seul pourra vous l’enseigner. « Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret: Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique(9). » L’amour de Jésus est ici sans bornes, quel sera le nôtre? Jésus s’est donné dans des proportions immenses à la crèche, au Calvaire; ici, dans l’Eucharistie, il se donne d’une manière incommensurable. Alors la religieuse se donne par amour, se détruit par amour. Dans son action de grâces elle détruit ses défauts. Examinez, en toute sincérité s’il est une seule chose que vous puissiez soustraire à l’action destructive de Jésus.

2° C’est un esprit d’election: frumentum electorum. L’Eucharistie est le froment des élus. Quelle est la religieuse qui, dans son action de grâces, n’a pas le droit de dire: Seigneur, vous qui m’avez élue entre toute, que d’âmes ne vous connaissent pas ou qui vous connaissent mal, qui vous méprisent, qui vous blasphèment ou vous reçoivent grossièrement! Pourquoi donc m’avez-vous choisie en ma qualité d’épouse pour vous recevoir avec la perfection que vous demandez? Pourquoi, si ce n’est pour m’être un froment d’élection: frumentum electorum? La communion, c’est un gage d’immortalité donné à tous les chrétiens. Le prêtre distribuant le Corps du Seigneur dit à chacun des fidèles: « Corpus Domini Nostri Jesu Christi custodiat animam tuam in vitam aeternam: que le Corps de Notre-Seigneur Jesus-Christ garde ton âme pour la vie éternelle. » C’est un gage pour tous, mais combien plus pour la religieuse; elle sait qu’il y a plusieurs maisons dans le royaume du Père céleste et qu’elle est choisie pour habiter la demeure la plus intime, la plus excellente de la maison de son Epoux.

3° Esprit de pureté. « Et vinum germinans virgines: le vin qui fait germer les vierges(10). » A cet égard, la vie religieuse a dans son essence même un but. Quand elles manquent à ce but, les âmes religieuses sont réprouvées et il arrive ce qu’on a vu à certaines époques de l’histoire de l’Eglise: les religieux ont été maudits, parce qu’ils ont forfait à leur vocation. Vous avez à maintenir l’élément de pureté sur la terre, en face de l’élément de corruption qui l’envahit. Jésus-Christ l’a dit: Ce sont les âmes pures qui verront Dieu: « Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt: Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu »(11), et qui arriveront à l’éternelle possession de Dieu. De cette vérité il résulte ceci: le monde est infecté de malice et de corruption. Jésus-Christ s’est choisi comme certains forts détachés remplis d’une garnison excellente, de guerriers d’une vaillance spéciale auxquels il remet le soin de maintenir l’élément de la pureté dont le principe se trouve dans son Sang: Et vinum germinans virgines. Or, la notion de pureté que vous devez répandre autour de vous est quelque chose d’incompréhensible dans sa beauté. Mais pour cela il faut que vous soyez des anges, des séraphins; il faut que vous ayez auprès des âmes que vous atteignez, que vous touchez, la mission du séraphin envoyé à Isaïe, qui prit auprès du trône de Dieu un charbon ardent pour purifier les lèvres du prophète. Soyez ce charbon qui brûle tout ce qui est impur ou souillé dans les âmes qui vous sont confiées. Je vous le demande au nom de Jésus, roi et époux des vierges: « Sponsus castarum animarum: époux des âmes chastes. » Soyez des forteresses de pureté. Que les âmes se brûlent et se purifient à votre contact, et vous obtiendrez ainsi le règne de Jésus-Christ sur les âmes. Chastes, vous refoulerez au fond de l’abîme les eaux sales et fangeuses qui se sont répandues sur le monde comme la bave impure de l’enfer.

Voilà tout ce que vous avez à préparer dans vos communions. De même qu’il y a lutte entre la vérité et l’erreur, il y a aussi lutte incessante entre la pureté et la corruption. Allez au fond des choses: depuis que le péché est entré dans le monde par le fruit défendu, il y a quelque chose de matériel dans toute faute. Les âmes se souillent au contact de la matière. C’est à vous à leur rendre la pureté, à apporter à Jésus le plus d’âmes que vous pourrez, purifiées, réparées par votre action ou votre prière, de telle sorte que ce vin divin qui fait germer les vierges puisse produire ses célestes effets en vous d’abord et aussi autour de vous.

Le temps me manque pour traiter les autres considérations que je vous ai indiquées. Je m’arrête donc en vous rappelant Elie au moment de ses grands découragements assis dans le désert au pied du genévrier. Vous savez le récit des Livres sacrés et la cause des saintes tristesses du prophète, et comment ayant reçu une nourriture divine, il en mangea et en fut fortifié. A vous aussi, je le dis: Si vous avez de ces moments de découragement suprême, où l’âme semble accablée sous le poids des tristesses et impuissante à se relever, allez à l’Eucharistie; c’est l’Eucharistie qui vous rendra des forces. Vous ne savez pas où vous allez, la nuit se fait, les amis s’éloignent, les promesses de Dieu semblent vaines et la haine des méchants à son comble: courage, mangez le pain céleste; allez dans la foi, dans la force puisée en Dieu, et vous vaincrez le découragement. Elie aussi tenait votre langage: « Où va le peuple de Dieu? Voilà Israël plongé dans l’idolatrie, autant vaut que je meure devant un pareil spectacle! » Ainsi dit la religieuse découragée et attristée. Mais Elie, après avoir mangé, se leva et marcha. La religieuse reçoit l’Eucharistie, elle se revêt de la force de Dieu, elle l’introduit dans son âme et il voit tout. Peu importe alors ce que disent et ce que pensent les hommes. Il se produit des effets merveilleux: « In spiritu et virtute Eliae: dans l’esprit et la vertu d’Elie »(12), c’est-à-dire de Notre-Seigneur. Elle quitte le désert et reprend le chemin de la vie, préparée à tous les combats du Seigneur, forte à supporter les épreuves de la terre et celles du ciel. L’Eucharistie est le pain des vierges, c’est aussi le pain des forts.

Notes et post-scriptum
3. Par ses fortes exhortations le Père d'Alzon préludait au décret libérateur de saint Pie X sur la communion fréquente.
8. En réalité, les quatre premiers caractères sont seuls expliqués.1. Jean, VI, 55.
2. II Timoth., II, 10.
4. Jean, III, 8. -La régénération par l'esprit ne tombe pas par elle-même sous les sens mais ses effets sont visibles.
5. I Cor., VI, 17.
6. Philip., II, 5.
7. Saint AUGUSTIN: *De Virg., 13.
9. Jean, III, 16.
10. Zach., IX, 17.
11. Matth., V, 8.
12. Luc. I, 17.