OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • CINQUANTIEME CONFERENCE DONNEE LE 6 MARS 1871.
    DE L'EDUCATION
  • Prêtre et Apôtre, XII, N° 138, août 1930, p. 195 à 197.
  • DA 46; CN 9.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 APOSTOLAT
    1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 APOTRES
    1 ASCENSION
    1 BAPTEME
    1 BON EXEMPLE
    1 CATECHISME
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 CLASSES SCOLAIRES
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 COUVENT
    1 CREATION
    1 DIEU LE PERE
    1 DISTINCTION
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ESPRIT FAUX
    1 EUCHARISTIE
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 FEMMES
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 HABITUDES
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 INTELLIGENCE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA FOI
    1 JOIE
    1 MAITRESSES
    1 MAUX PRESENTS
    1 MEMOIRE
    1 NUTRITION
    1 ORIGINES DE L'HOMME
    1 PECHE
    1 PENSEE
    1 PREDICATION
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 PURIFICATION
    1 REGNE
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REPRESSION DES DEFAUTS DES JEUNES
    1 RESTAURATION DES MOEURS CHRETIENNES
    1 SACERDOCE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SCEPTICISME
    1 SIGNE DE LA CROIX
    1 SUPERIEUR
    1 TENUE RELIGIEUSE
    1 TRINITE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VIE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOIE UNITIVE
    1 VOLONTE
    2 JEAN, SAINT
    2 MARIE DE L'INCARNATION ACARIE, BIENHEUREUSE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 PIERRE, SAINT
  • Religieuses de l'Assomption
  • 6 mars 1871
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’auteur.

« Baptizantes eos in nomine Patris, et Filii et Spiritus Sancti. » (Matth. XXVIII, 19.) Le ministre indigne peut donner le baptême, d’éducateur indigne ne donnera pas la pureté Nemo dat quod non habet. Purification des âmes par les exemples, par les idées générales de l’horreur du mal, par les habitudes, par la règle, par la tenue, par le sentiment du bien, par la fréquentation des sacrements.

L’éducation chrétienne est une impression de la Sainte Trinité. Lorsque Dieu créa le premier homme, il le fit à son image et à sa ressemblance. L’homme détruisit cette image par le péché. Jésus-Christ la lui rend par le baptême. In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Mais c’est la perfection de l’éducation de donner la perfection de cette ressemblance: le Père par la capacité d’être, le Fils par l’intelligence, le Saint-Esprit par l’amour.

Le Père. La mémoire, l’ensemble des idées. Phénomène de l’assimilation des aliments du corps. Phénomène de l’assimilation des idées de l’âme.

Intelligence. Combinaison de ses idées, science de les utiliser.

Amour, volonté. Conclusion pratique. Le but de la vie n’est qu’un effort pour s’unir à l’Etre dont on attend le bonheur.

Texte sténographié de la conférence.

Je continuerai ce matin à parler de l’éducation, en prenant encore pour texte une parole de l’Evangile. C’était au moment de la dernière apparition de Jésus-Christ à ses apôtres avant l’Ascension, lorsqu’il était sur le point de leur donner la mission de prêcher l’Evangile à toutes les nations et de les baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Que dit le récit évangélique? « Et videntes eum adoraverunt: quidam autem dubitaverund. » (Matth. XXVIII, 17.) Les disciples le voyant, adorèrent; quelques-uns, pourtant, doutèrent encore. Ceci est rapporté, sans doute, pour la consolation des supérieures et des maîtresses de classe: quidam dubitaverunt. C’est l’histoire de l’Eglise, c’est aussi l’histoire de l’éducation.

Il n’y a pas de peine plus cruelle pour un prédicateur que de se trouver en présence d’un auditoire sceptique. Il n’y a pas de plus grande croix pour une maîtresse que d’avoir affaire à des enfants qui manquent de confiance, qui doutent. Ne vous faites pas illusion. Dans les retraites qu’on prêche à des prêtres ou à des religieuses, il y a des douteurs et des douteuses; dans vos classes, dans vos catéchismes, vous rencontrez le doute, la légèreté sceptique, tout ce qui est enfin indiqué par ces mots de l’Evangile: quidam autem dubitaverunt. C’est un des caractères les plus douloureux de l’enseignement, et c’est pourquoi le Saint-Esprit nous console par cette réflexion sur les disciples.

Au moment même où Notre-Seigneur va monter au ciel, des apôtres doutent. De quoi pouvons-nous donc nous étonner? Mais en face de ce doute, Notre-Seigneur, lui, ne doute pas; il garde la foi, lui, l’auteur et le consommateur de notre foi. C’est là le caractère que vous devez avoir; vous devez être des filles de foi, avançant toujours dans la foi.

Jésus s’approche des disciples et leur dit: Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Je me représente le moment où une enfant vous est confiée par ses parents; quelque chose de semblable à cette parole vous est dit alors Data est mihi omnis potestas. Vous avez, dès ce moment, toute puissance sur cette enfant, sur ce petit corps que vous devez conserver, sur le ciel de cette âme où vous devez faire régner Jésus-Christ. Mais pourrez-vous l’exercer entièrement? Non. Notre-Seigneur lui-même, qui l’avait au plus haut degré, n’a pas voulu l’exercer d’une façon absolue; il a converti le monde lentement, par degrés et par le ministère ses apôtres. Vous ne pouvez donc espérer convertir d’un seul coup toute votre classe. Mais cette puissance, vous l’avez en principe, in radice, comme dit l’école. Vous pouvez donc dire: Data est mihi omnis potestas, mais il faut ajouter aussi: quidam dubitaverunt.

Prenez, par exemple, votre Mère générale: elle a toute puissance sur les personnes qui sont ici. Quelques-unes reçoivent cette influence et l’acceptent tout entière, d’autres beaucoup moins. Ce n’est pas une question de tendresse. Celles qui aiment le plus ne sont pas toujours les plus saisies. (Exemples de saint Pierre et de saint Jean.) Les supérieures n’obtiennent pas toujours ce qu’elles voudraient.

Je reviens à mon texte: « Sicut misit me Pater, et ego mitto vos. » (Matth. XXVIII, 19.) Un des traits caractéristiques de notre époque, je vous l’ai déjà dit, c’est la mission d’enseigner confiée aux femmes par l’Eglise. Les paroles euntes docete… ont été dites à tous ceux qui ont une participation à la vie apostolique: c’est donc à chacune de vous qu’est donnée la puissance de Jésus-Christ. Il est évident que c’est la volonté de Dieu que les congrégations se répandent pour enseigner les nations, et vous pouvez dire qu’avec la part qui vous est faite par l’éducation des filles, c’est le sixième de l’humanité qui vous est confié.. L’honneur n’est pas petit.

1° Je vous fais observer que le baptême est à la fois une purification et une impression, c’est-à-dire un caractère imprimé. D’abord, c’est une purification: Euntes. Comment ferez-vous cet enseignement? Baptizantes eos. Il faut les purifier. L’éducation veut donc que vous formiez la vertu de pureté chez les enfants. En face de l’effroyable corruption des temps présents, les couvents ne seraient-ils institués que comme foyers de pureté au milieu du monde, qu’ils seraient déjà un immense bienfait.

Il y a deux sortes de purification des âmes dont vous êtes responsables: celle qui s’exerce par vos paroles et celle qui s’exerce par vos exemples. Souvenez-vous que c’est surtout par les exemples qu’on acquiert de l’influence sur les âmes: « Exemplum enim dedi vobis, ut quemadmodum eto feci vobis, ita et vos faciatis. » (Ioan. XIII, 15.) Que l’on voie des religieuses profondément obéissantes à leur supérieure, les enfants obéiront facilement. Qu’une religieuse porte un air de mauvaise humeur et certaine petite grimace de jalousie sur son visage, les enfants agiront de même. Il y a aussi un genre d’adulation dont les religieuses ne sont pas toujours exemptes -les femmes sont flatteuses, me disait le P. V… Prenez garde que si vos enfants le voient, on apercevra vite toute sorte de petites habiletés de pensionnaires se moulant sur les manières de faire de Mme une Telle.

On purifie aussi les âmes en rectifiant une foule d’idées fausses, au moyen d’idées générales. Remarquez qu’avant de dire: Baptizantes, Notre-Seigneur avait dit: Docete. Il faut purifier par l’enseignement. Lequel? Celui de la foi. Le Saint-Esprit purifie par la foi, par les idées générales de la foi.

Purifiez par les habitudes. Une élève qui verra une religieuse observer sa règle n’aura pas de peine à garder son règlement. Il faut être des filles de règle. Purifiez par la tenue. Je vous citerai cette parole de Mme Accarie: « Notre-Seigneur est dans les supérieures; que les enfants le voient aussi en vous. » Par tenue, j’entends deux choses: il y a la tenue de convenance que vous avez toutes, je l’espère, comme filles bien élevées. Il y a la tenue morale sous la tenue extérieure, et c’est sur celle-là que je veux insister pour vous conjurer d’avoir une belle, bonne, saine tenue morale. Une religieuse peut aller par le couvent avec plus ou moins de dignité et de majesté, on sent les vieilles habitudes mondaines, si elles y sont. Faites donc qu’on puisse dire en vous voyant: « Voici venir Notre-Seigneur. » Pourvu qu’on sente cela, je ne vous demande pas davantage.

2° Nous avons dit que dans le baptême, avec la purification, il y avait une impression, celle de la Sainte Trinité: In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Nous allons l’examiner très rapidement, en l’appliquant à l’éducation.

Qu’est-ce qu’une éducation chrétienne? La purification des âmes par l’impression du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Si vous pouvez me donner une définition plus belle que celle-là, j’accepte sa condamnation. Je ne trouve rien de plus beau que cette mission confiée à tous les chrétiens qui ont le droit de baptiser, et à la religieuse qui, par l’impulsion de l’Eglise, se voue à l’éducation. Elle imprime dans l’âmes des enfants ce triple cachet, la Très Sainte Trinité, qui se résume dans un seul, Dieu.

Comment cela? Lorsque Dieu créa l’homme, il le fit à son image et à sa ressemblance. L’homme détruisit cette image par le péché. Notre-Seigneur vint alors réformer cette image dégradée, et non seulement lui redonner sa beauté première, mais la rendre plus parfaite encore. Ce premier travail se fait en principe dans le baptême; il se développe par l’action du sacerdoce et de la religieuse. La religieuse est dans cette oeuvre de restauration l’auxiliaire du prêtre, elle imprime dans les âmes l’image de la Sainte Trinité. Oui, vous avez la manifestation de la Sainte Trinité pour former de petites âmes à l’image de l’adorable Trinité elle-même. Comprenez-vous ces choses? Y a-t-il rien de plus beau, de plus digne de vos soins?

Comment ferez-vous ce travail? Ayez une grande dévotion au signe de la croix; pensez, en le faisant, que c’est au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit que vous devez agir, et, dès lors, qu’il faut d’abord restaurer en vous l’image de la Sainte Trinité. Quand vous dites, chaque matin, votre Veni, Sancte Spiritus, vous recevez votre mission, vous avez entre les mains l’action du Père, du Fils et du Saint-Esprit pour graver dans les âmes l’empreinte de la Sainte Trinité. Quand je vois cette miséricorde infinie par laquelle Dieu accorde à de pauvres filles d’accomplir par leur foi et leur amour de pareilles merveilles, je suis ravi d’admiration et comme anéanti sous la dignité de semblables privilèges.

Qu’avez-vous à faire? Vous avez à graver dans les âmes la puissance du Père, en développant la capacité d’être de vos enfants; vous avez à les rendre plus vivantes. « Ego veni ut vitam habeant, et abundantius habeant. » (Ioan. X, 10.) Dites-vous aussi: « Je suis envoyée par Dieu vers ces petites âmes, afin que la vie, la vie véritable, celle du Christ, coule en elles à pleins bords, abondante, surabondante. Voilà ma mission dans l’éducation. Dieu le Père me communique sa puissance, et, en face de chaque enfant qui m’est confiée, je dois répéter les paroles du Créateur: « Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. » (Gen. I, 26.) Créons de nouveau sous l’action divine, réparons l’image du Père dans sa puissance. De même que Dieu créa le monde, de même j’ai le pouvoir de créer comme une nouvelle créature en cette âme, je peux en faire une sainte. Mon Dieu, vous qui avez créé toute chose de rien, faites que je recrée ces âmes et qu’on sente en elles un travail divin de restauration, la puissance d’une vie divine. »

Vous avez à graver l’image du Fils par l’intelligence. Le prophète disait: « Da mini intellectum, et scrutabor legem tuam. » (Ps. CXVIII, 34.) Vous devez scruter la loi, apprendre à ces pauvres enfants à scruter la vérité; vous devez la féconder par votre enseignement et l’amour que vous apportez à sa connaissance. (Digression sur les tristes fruits de l’enseignement universitaire.) Il y aurait beaucoup moins de sceptiques si, par l’éducation, cette impression de la Sainte Trinité, cette communication de Jésus-Christ était donnée avec une foi plus grande, avec une intelligence plus profonde. Il est bien facile de répéter aux enfants quelques petites phrase de dévotion, mais quant à aller au fond des choses, à trouver partout Jésus-Christ, auteur et consommateur de tout, à montrer que tout se réunit dans l’unité de l’éternelle vérité, que Jésus-Christ est le noeud de toute question, le centre de tout et qu’il faut toujours revenir à lui, cela exige du travail, des prières et beaucoup d’instruction.

Que dirai-je, en finissant, de cette impression d’amour par le Saint-Esprit? « Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum, qui datus est nobis. » (Rom. V, 5.) Que de jeunes personnes quittent le couvent sans connaître l’amour de Dieu! Il fallait l’imprimer, le graver dans leur âmes, mais à la condition de faire disparaître tout amour inférieur. Sans doute, certaines affections vous seront permises; vous pouvez aimer vos supérieures, vos Soeurs, vos enfants, les pécheurs, Jésus les a aimés; mais que tout cela soit comme perdu dans l’amour du Saint-Esprit.

Rappelez-vous que c’est dans cet amour que se trouve le bonheur, car l’amour n’est qu’un effort pour s’unir à l’être dont on attend le bonheur. Dites-vous donc: « J’invite ces âmes à la véritable joie, en mettant en elles cet amour qui dissipe toutes les affections désordonnées de la terre; je grave en elles le Saint-Esprit, je forme son image vivante. Mais ai-je fait mon oeuvre? Ai-je imprimé la trace de la Très Sainte Trinité d’une manière assez profonde, pour que, malgré les séductions du monde, les entraînements du péché, cette enfant conserve l’empreinte divine, de façon à reproduire l’image de Dieu, à faire respecter Dieu par sa seule présence, comme par ma présence j’étais chargée de le montrer et de le former en elle? »

L’éducation est aussi une alimentation. Les théologiens nous apprennent que lorsque nous communions notre chair reçoit un gage d’immortalité. En dehors de cette communion par laquelle l’homme se transforme en Jésus-Christ, il y a le grand et magnifique travail de l’éducation par lequel nous reformons l’être et nous venons en quelque sorte en aide à Jésus-Christ dans l’Eucharistie, en communiquant la puissance de vie par le Père, l’intelligence par le Fils et l’amour par le Saint-Esprit. Qu’ai-je donc à faire, à partir de ce moment où je sens que la Sainte Trinité s’interpose entre moi et l’âme de mes enfants?

Je veux prendre la résolution d’avoir une dévotion particulière à la Sainte Trinité, d’être son instrument, son ambassadeur, son envoyé, afin de pouvoir étendre, agrandir l’action de Dieu dans les âmes, de lui procurer des adorateurs plus nombreux, plus intelligents et plus saints. Vous serez ainsi les plus belles images de Dieu en ce monde, et ce sera pour vous le meilleur moyen d’être à jamais unies à lui dans le ciel.

Notes et post-scriptum