OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L’ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.

Informations générales
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
  • CINQUANTE-DEUXIEME CONFERENCE DONNEE LE 15 MARS 1871.
    DE L'EDUCATION
  • Prêtre et Apôtre, XII, N° 140, octobre 1930, p. 257 à 260.
  • DA 46; CN 9.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AGRICULTURE
    1 AME SUJET DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 AMITIES PARTICULIERES
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR-PROPRE
    1 ANIMAUX
    1 APOTRES
    1 ASSOMPTION
    1 ATHEISME
    1 AUTORITE DU MAITRE
    1 BAVARDAGES
    1 BONTE MORALE
    1 CACHET DE L'ASSOMPTION
    1 CARACTERE
    1 CATHOLIQUE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONFESSEUR
    1 CONFESSIONNAL
    1 CONSTITUTION CONCILIAIRE DE VATICAN I
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 COUVENT
    1 CRITIQUES
    1 DECADENCE
    1 DEFAUTS
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DISTINCTION
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 DOMESTIQUES
    1 DROITS DE DIEU
    1 DROITS DE L'HOMME
    1 ECRITURE SAINTE
    1 ELEVES
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ETUDE DES CARACTERES
    1 FILLES DES ECOLES
    1 GARCONS
    1 GOUVERNEMENT
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INTELLIGENCE
    1 JESUS-CHRIST
    1 JOIE
    1 LIBERALISME
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 MAITRES
    1 MAITRESSES
    1 MAUX PRESENTS
    1 MEMOIRE
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 OEUVRE DE JESUS-CHRIST
    1 OUBLI DE SOI
    1 PARLOIR
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PATIENCE
    1 PENITENCES
    1 PENSIONNATS
    1 PERE DE FAMILLE
    1 PLANTES
    1 PREDICATION
    1 PREMIERS PRINCIPES
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 REPRESSION DES ABUS
    1 REPRESSION DES DEFAUTS DES JEUNES
    1 REPUBLIQUE ADVERSAIRE
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SAINT-SACREMENT
    1 SAINTETE
    1 SALUT DES AMES
    1 SEVERITE
    1 SUPERIEURE
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 TENUE RELIGIEUSE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VICAIRE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIGILANCE
    2 BERNARD DE CLAIRVAUX, SAINT
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 GREGOIRE I LE GRAND, SAINT
    2 LORIQUET, JEAN-NICOLAS
    2 SAMSON, BIBLE
    3 AMIENS
    3 FRANCE
    3 NIMES, GRAND SEMINAIRE
    3 SAINT-ACHEUL
    3 SEDAN
  • Religieuses de l'Assomption
  • 15 mars 1871
  • Nîmes
La lettre

Plan de l’auteur.

J’entends par là l’action qu’un maître, après son travail général sur tous les élèves, doit faire individuellement sur chacun. Pour cela, il faut: 1° de l’humilité; 2° du courage; 3° de l’intelligence; 4° de la charité,

Vie du maître surveillée par les élèves. Les élèves ont trois motifs de surveiller: 1° la curiosité de l’âge; 2° l’absence d’autre sujet d’observation; 3° la disposition critique de l’écolier. Tout est répété à leur public. De là les sobriquets, les ridicules, les impopularités -Les maîtres sont vite enfoncés s’ils n’ont pas une valeur réelle personnelle. – Valeur de la prédication du maître, qui prêche sans que l’on semble s’en douter. Il prêche par la piété, la tenue, le travail, la beauté du caractère.

Texte sténographié de la conférence.

Nous allons terminer nos conférences sur l’éducation en parlant, ce matin, de l’action individuelle de la maîtresse sur les élèves et de la vie de la maîtresse surveillée par ses élèves.

I. Action de la maîtresse sur ses élèves.

J’entends par là l’action qu’un maître ou une maîtresse, après son travail général sur tous, doit avoir individuellement sur chacun. C’est une très grosse question que celle de savoir si l’éducation au couvent n’est pas un inconvénient, à ce point de vue qu’elle se fait sur les masses, quand les [élèves des] pensionnats sont trop nombreux. (Le P. Loriquet à Saint-Acheul.) De là, il faut conclure que l’action principale du maître est l’action individuelle. Mais, comme toute chose en ce monde, elle présente de grands avantages et de grands inconvénients.

Les inconvénients, ce sont les amitiés particulières, les tendres épanchements d’une Soeur dans le coeur d’une enfant et de l’enfant dans le coeur de la Soeur. Vous devez être des maîtresses viriles pour former des enfants viriles. Pour cela, que votre personnalité disparaisse. Oubliez que vous êtes quelque chose, songez que vous êtes l’instrument de Dieu. L’abbé Combalot disait que les prédicateurs et les confesseurs étaient [entre les mains de Dieu] comme la mâchoire d’âne entre les mains de Samson. Soyez donc des mâchoires d’âne entre les mains de Dieu; acceptez ce rôle humble et dépendant, devenez cet instrument dont se servit Samson pour tuer mille Philistins (Iud., XV); que Jésus-Christ se serve de vous comme il lui plaira; ne songez pas à avoir d’autre action que celle qu’il vous imprimera. Oubliez les petits mauvais procédés, les petits défauts désagréables de vos élèves qui vous ont blessée; oubliez aussi leurs charmes dans ce qu’ils peuvent avoir d’attrayant pour vous, ne voyez en elles que des âmes rachetées du sang du Christ, ne vous proposez qu’une chose: former, comme je vous l’ai déjà dit, Jésus-Christ dans ces âmes.

Laissez-moi ajouter quelque chose. Pour éviter les grands inconvénients de l’éducation particulière, je vous engage fort à vous en rapporter à votre supérieure en ce qui touche la direction générale à donner aux enfants, à la consulter, à accepter l’usage qu’elle voudra faire de vous auprès des enfants. Croyez-moi, c’est le moyen de guérir bien des petites blessures de votre coeur, de réparer bien des petits froissements. « Ah! voilà qu’on ôte cette petite fille de ma plate-bande pour la transplanter dans une autre. » Les petites racines sont arrachées, les fibres du coeur souffrent. « La pauvre enfant, que va-t-elle devenir sans moi, et moi aussi, que vais-je devenir sans elle? » Grand chagrin de part et d’autre. Laissez faire; votre supérieure voit les choses de plus haut que vous, ne doutez jamais que ce ne soit pour le mieux.

Ceci accordé aux inconvénients d’une éducation trop particulière, je maintiens qu’elle a de grands avantages dans l’éducation des jeunes filles. C’est moins nécessaire pour les garçons: ils ont un caractère plus viril, plus indépendant. Vous pouvez donc avoir, par l’action individuelle, une influence salutaire sur les coeurs des jeunes filles plus faibles, plus délicates, plus susceptibles d’affection. Et pour qu’une religieuse puisse exercer cette influence, il lui faut certaines qualités. J’en distinguerai quatre: l’humilité, le courage, l’intelligence et la charité.

L’humilité. Il faut bien l’avouer, la nature humaine est ainsi faite. La maîtresse chargée dans les commencements de s’occuper de quelques enfants, c’est l’histoire du vicaire qui s’assied pour la première fois dans son confessionnal. (Histoire de deux vicaires.) Il y a deux manières de prendre [mal] les choses: les prendre gaiement et en riant, c’est la religieuse légère et dissipée; ou bien, être enflée de prétentions, se grandir dans sa charge, c’est la religieuse pleine de sa dignité et de son amour-propre. Prenez-y garde, si vous n’êtes pas très humbles, vous ne ferez pas grand’chose de bon. Les enfants s’apercevront bien vite de votre personnalité -elles ont l’oeil fin, -et votre influence sera perdue.

L’humilité, au contraire, vous portera à faire abstraction de vous-même; vous disparaîtrez sous le voile de la foi dont vous revêtirez vos paroles et toutes vos actions; les enfants vous respecteront d’autant plus qu’elles sentiront moins l’humain en vous et que vous leur apparaîtrez comme l’humble et docile instrument de Notre-Seigneur. Soyez donc humbles, et si le Vicaire de Jésus-Christ sur la terre s’honore du titre de « serviteur des serviteurs de Dieu », considérez un peu comment, dans votre action sur les enfants, vous devez être des servantes. Cela vous donnera le moyen de parler le langage de Jésus-Christ.

L’humilité vous fera tenir à l’écart et mettre Jésus-Christ en avant. Quelle condition de succès, mes Soeurs! Comme cela abat les prétentions ridicules, les démarches présomptueuses! Il y a des maîtesses qui ne doutent de rien. Leurs paroles ont toute vertu. Leur regard transperce l’âme. « Ah! je connais cette enfant, je sais comment il faut s’y prendre. D’un coup d’oeil j’ai vu le fond de son âme. Je vais la former par mes discours, je m’y entends! » Et on parle, et on parle… Avec un peu d’humilité, au lieu de tant parler, vous auriez eu un peu de patience pour l’écouter, un peu de modestie pour vous tenir à l’écart, et je crois que vous auriez fait plus de bien.

Le courage. Il faut un certain courage pour prendre de l’ascendant sur une âme, il faut avoir cette force d’âme qui se possède en restant calme et qui possède aussi ses paroles. Il ne faut pas parler dans l’agitation et l’impatience. Pour commander aux autres, il faut savoir se commander à soi- même, et les natures fortes, courageuses, savent seules le faire. Ayez donc le courage de vous contenir d’abord, ayez aussi celui de dire des choses qui, vous le savez, feront de la peine. Oui, ne vous laissez pas arrêter par cette crainte affectueuse, ayez le courage de blesser, si c’est nécessaire, ceux que vous aimez, pour les guérir. Ne dites jamais: « Je lui dirais bien telle chose…, mais elle m’aime tant! » N’ayez pas cette déplorable faiblesse; au contraire, plus vous aimez les âmes, plus vous devez aller jusqu’au fond des choses, demandant tout sacrifice au nom de Notre-Seigneur, avec ce calme et cette domination sur vous-même qui assurera votre influence.

3° Il faut faire ces choses avec intelligence; il ne faut pas avoir de parti pris, de système arrêté; il faut donner son attention aux choses et agir en conséquence. L’intelligence spéculative se développe par le travail et l’observation; l’intelligence de l’action peut se développer aussi par l’étude du caractère des enfants et aussi par l’étude des vrais principes de la science chrétienne, de la science des âmes, de la science de Dieu. Voyez quel travail! Ceci m’amène à vous faire conclure avec saint Grégoire que le gouvernement des âmes, c’est la science des sciences: Ars artuum regimen animarum.

Vous verrez alors comment vous devez gouverner les âmes, selon les situations, tantôt parler doucement et tantôt fortement, tantôt pousser avec un aiguillon et tantôt arrêter avec le frein; vous agirez d’une façon ou d’une autre, non pas au hasard ou selon votre impulsion personnelle et passagère, mais avec une expérience, une combinaison, un arrangement, à l’aide desquels vos enseignements tomberont sur une terre plus ou moins préparée. Vous retournerez cette terre, vous la labourerez, vous l’ensemencerez, vous couvrirez la semence, vous émonderez, de façon que cette terre préparée avec art soit dans les meilleures conditions possibles pour produire les plantes que vous voulez y voir fleurir. Je le répète, l’éducation, le gouvernement des âmes, c’est tout un art, et des plus difficiles. Donc, mes chères filles, vous voyez la nécessité d’arriver à cette science intelligente de la conduite des âmes.

4° Et vous ne le ferez que par la charité*. C’est la quatrième qualité que je vous demande en tant qu’éducatrices. Je m’adresse à deux ordres de personnes: les maîtresses anciennes et les maîtresses encore jeunes. Aux unes, je dirai qu’elles oublient trop, quelquefois, ce qui s’est passé en elles dans leur jeune temps; aux autres, qu’elles s’en souviennent peut-être trop. Ce que saint Bernard dit des supérieurs peut aussi s’appliquer à des maîtresses. « Un supérieur, dit-il, est obligé souvent de n’avoir pas l’air de savoir les choses, de faire comme s’il les avait oubliées, ou même quelquefois de les oublier tout à fait. » Oui, la religieuse qui s’occupe des enfants ne doit pas paraître en trop savoir, car ce serait un inconvénient, surtout pour les jeunes. Aux anciennes, au contraire, je dirai; Rappelez-vous un peu ce que vous étiez, ce que vous faisiez de votre temps d’écolières, tous les petits tours que vous avez joués à vos maîtresses, toutes vos espiègleries de classe; ce souvenir vous rendra plus indulgentes et plus charitables. Mais gardez-vous aussi de l’excès dans la bonté (histoire du supérieur du Séminaire de Nîmes), les abus s’introduisent ainsi et les maisons tombent.

En résumé, ayez un mélange de fermeté et de bonté, un peu de finesse -pas trop, -un peu de bonhomie -pas à l’excès; -ayez la connaissance des choses sans avoir l’air de les savoir, et, par-dessus tout, qu’on sente en vous la charité, l’amour. C’est pour ces âmes que Notre-Seigneur est mort, c’est pour elles que vous vivez. Jusqu’où donc doit aller votre charité? Aussi loin que celle de Notre-Seigneur, jusqu’à la croix. Soyez patientes, soyez bonnes, sachez attendre, faites pénitence, priez pour ces âmes, entourez- les de votre amour au pied du Saint Sacrement. Je vous assure que si vous aimez ces enfants selon l’amour de Notre- Seigneur, vous leur ferez le bien qui assurera leur conversion et leur sanctification.

II. Vie de la maîtresse surveillée par ses élèves.

Considérons maintenant la vie de la maîtresse surveillée par ses élèves. C’est chose certaine, si vous surveillez les élèves, vous êtes aussi surveillées par elles. Toutes les élèves qui vous connaissent connaissent aussi vos défauts; elles savent vos petites manières de faire, vos petits côtés vulnérables; elles savent quelles sont les choses qui vous vont le mieux, et, avec l’habileté des écolières, elles en profitent pour vous prendre quand vous n’y songez pas. Vous pouvez grandement en tirer avantage pour votre avancement. Croyez-moi, les enfants se trompent rarement; elles pourront vous divulguer bien des secrets de votre âme. Tâchez donc de savoir les points faibles qu’elles vous reprochent. Ne vous indignez pas, ne dites pas: « Ce sont des impertinentes, des petites bavardes. » Non, efforcez-vous plutôt d’éviter les petits défauts de caractère qu’on vous reproche, les petites imperfections qui choquent l’idée qu’on doit avoir de votre caractère religieux.

On vous observe lors même qu’on vous admire, on cherche à vous surprendre quand vous y pensez le moins: c’est la nature humaine, vous ne la changerez pas. Les moindres riens de votre conduite sont épiés. Vous êtes étudiées, jugées, critiquées, certainement blâmées, et par celles qui vous aiment le plus. Voyez donc quelle importance vous devez donner à ce contrôle sévère des élèves. Vous dites peut- être: « Je m’en moque. » Si par humilité vous vous placez au- dessous de ces sentiments, c’est fort bien. Mais le fond de votre résolution n’est-il pas de faire tout pour Dieu et rien pour les hommes? Et [dans votre réflexion] n’y a-t-il pas un secret dépit?

Prenez garde, voilà les enfants qui vous ont saisie sur le fait. « Madame une telle est une pie-grièche, je l’ai fait enrager de la belle façon. Voyez sa figure qui rougit, ses yeux qui pétillent, ses griffes qui poussent. » C’est là un bonheur pour les enfants, alors même qu’elles seraient piquées par les griffes. Elles ont tort, sans doute, mais que résulte-t-il de tout cela? Elles sont au couvent pour que vous leur fassiez du bien. Que faut-il pour cela? Vous abaisser au-dessous de ces reproches par humilité, vous élever au-dessus par charité.

Voyez Notre-Seigneur. A-t-on dit assez de mal de lui! Et vous voudriez que les enfants n’en disent pas de vous? Seulement, Notre-Seigneur n’y donnait pas prétexte; faites de même, vous imiterez Notre-Seigneur. Il était entouré par ses apôtres, gens grossiers, sans éducation; des poltrons, des envieux, des gens insupportables, enfin. Eh bien! Jésus-Christ les a formés, les a pétris; il s’est laissé surveiller par eux, sa vie a été comme percée à jour par eux. Sauf pendant de rares instants de solitude, lorsque le divin Sauveur se retirait sur la montagne pour prier, il était toujours avec ses disciples. Voyez un peu la conclusion que vous avez à tirer de cet exemple divin.

Je résume. Les enfants ont divers motifs de surveiller leurs maîtresses. D’abord, la curiosité de l’âge; je ne reviens pas là-dessus. Ensuite, l’absence d’autres sujets d’observation. L’être humain est essentiellement observateur. Vous êtes pour vos enfants la lumière placée sur le chandelier, la ville posée sur la montagne. Vous êtes un point de mire, et si par leurs observations les enfants puisent en vous un sujet continuel d’édification, voyez quelle magnifique ressemblance vous acquerrez avec Jésus-Christ.

J’ajoute que les enfants ont non seulement une disposition à critiquer, mais qu’elles répètent toutes leurs critiques à leur public. C’est ainsi qu’une religieuse peut gâter la réputation de sa communauté. Quand Madame une telle a tel défaut, tel travers, cela se répand dans les familles, dans les salons, et l’impression donnée, la maison entière est jugée et condamnée. Je dis plus, c’est par les parloirs que pourra se faire la police du couvent. Une supérieure n’aura qu’à recueillir les plaintes et les observations des parents pour être fixée sur tout ce qui se passe; elle saura tout, mais les familles l’auront su avant elle. La conduite de Madame une telle dans sa classe aura passé au grand jour de la ville, et ainsi se fait ou se défait la réputation du pensionnat. Bientôt, vous aurez perdu toute influence sur les enfants si vous n’avez pas une valeur personnelle.

Vous êtes toutes des filles de bonne volonté et vous devez chercher à augmenter votre valeur personnelle. A ce point de vue, l’oeuvre de l’éducation doit produire un travail constant de sanctification chez les religieuses. Je ne parle pas ici d’un motif humain, ce serait abominable; mais vous êtes des instruments de Dieu, vous devez respecter votre caractère et vous appliquer à être les meilleurs instruments de Dieu possibles. Voyez donc si, par vos caprices, votre amour-propre et tous vos défauts extérieurs, vous ne faites pas injure à Dieu, vous ne nuisez pas à votre Congrégation; voyez aussi si vous n’êtes pas rigoureusement obligées de faire aussi bien qu’il vous est possible de faire.

Laissez-moi vous dire également mes observations sur la valeur de la prédication de la maîtresse, faite au moment où les élèves ne semblent pas s’en douter. Vous allez garder les enfants, vos yeux sont rouges, vos joues pâles; on voit que vous avez eu du chagrin. Là-dessus, mille commentaires et autant d’impressions. C’est le moment où vous pouvez prêcher éloquemment. Oui, si l’on voit que vous dominez votre peine, que vous restez maîtresse de vous, vous faites une prédication admirable.

C’est aussi par votre sainteté prêchée naturellement, si je puis ainsi dire, que vous pourrez faire un bien immense aux enfants. Ce sera par votre tenue, par un geste, par un regard, que vous transformerez en admiration le peu de bienveillance qu’elles vous portent. Allez donc ainsi, prêchez par la beauté de votre caractère, et parce que vous serez saintes, vous formerez des saintes, Dieu daignant se servir de vous comme de son instrument.

Je termine ce que j’avais à vous dire sur l’éducation, en vous signalant un fait très grave et en vous proposant d’en saisir les heureuses conséquences. Nous pouvons trouver une consolation aux malheurs de la France dans ces deux faits. 1° Un athée me disait l’autre jour: « Sedan a tué deux choses, l’empire et l’Université,: 2° La République proclame les droits inaliénables du peuple.

Grâce à cette double situation que les événements nous font en ce moment, les catholiques peuvent s’emparer, s’ils le veulent, d’une plus grande partie de l’enseignement en France. L’Université en a tant fait que sa dernière heure, je l’espère du moins, a sonné. Les pères de famille, qui voient à quoi aboutit l’éducation universitaire, auront le courage de soustraire leurs enfants à une telle influence. A côté de cela, il y a l’affirmation de ceux qui disent que les droits de l’homme sont absolus, inaliénables. Les catholiques ont donc le droit de dire aussi: « Les droits de Dieu sont inaliénables; nous les représentons, et, dès lors, nous pouvons exiger que les catholiques soient respectés.

Vous avez en ce moment une situation admirable, et, si vous savez vous y prendre, l’éducation chrétienne est appelée à acquérir de grands développements. C’est vous dire votre mission. L’Assomption a son programme tout tracé dans les premières constitutions du dernier Concile général. C’est le cachet propre de son oeuvre aujourd’hui. Vous devez, à cet égard, prendre un caractère tout spécial. Ma consolation, c’est de penser qu’avant de mourir je verrai préparer le triomphe de l’Eglise par les idées de l’Assomption. Vous le pouvez, si vous êtes fidèles à l’esprit que Dieu a donné à votre Institut.

L’avenir est devant vous, plein d’espérances. Le libéralisme est non seulement condamné par le Concile, mais aussi par les événements qui viennent de s’accomplir. A l’heure qu’il est, le libéralisme catholique est impossible. Il n’y aura plus que deux camps. Ceux qui étaient vraiment catholiques cesseront d’être libéraux, ceux qui veulent rester libéraux cesseront d’être catholiques et passeront au camp révolutionnaire. Préparez-vous, faites votre camp de celui de l’Eglise et de la défense des intérêts catholiques. Vous vaincrez, à condition que vous soyez fidèles au programme tracé par l’Eglise. C’est le vôtre, adhérez-y de toutes vos forces et vous aurez la consolation de former de bons chrétiens, de consoler notre Mère commune, de préparer son glorieux triomphe, s’il est possible que l’Eglise puisse jamais triompher ici-bas, avant son éternel triomphe au ciel.

Notes et post-scriptum