OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|RETRAITE SUR LA CONNAISSANCE DE NOTRE-SEIGNEUR JESUS-CHRIST

Informations générales
  • ES-0879
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|RETRAITE SUR LA CONNAISSANCE DE NOTRE-SEIGNEUR JESUS-CHRIST
  • II. ANEANTISSEMENTS DE JESUS-CHRIST
  • Prêtre et Apôtre, XIII, N° 145, mars 1931, p. 61-62.
  • Ecrits Spirituels, p. 879-883.
  • BQ 1-2; TD 52, P. 249-253.
Informations détaillées
  • 1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 CRECHE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    2 DAVID, BIBLE
    3 NAZARETH
  • 1873
La lettre

Quel spectacle que celui d’un Dieu, plénitude de l’être, allant toucher comme aux limites du néant! Et ce spectacle, le Fils de Dieu, Dieu lui-même, veut nous l’offrir dans le mystère de son Incarnation.

Ce sont ces anéantissements qu’il faut étudier dans leurs degrés divers. Prenons pour guide saint Léon 1er, le docteur du mystère de l’Incarnation. Montrons-le contemplant le prodige d’un Dieu anéanti. Salva igitur proprietate utriusque substantiae, et in unam coeunte personam, suscipitur a maiestate humilitas, a virtute infirmitas, ab aeternitate mortalitas. La majesté, la puissance, l’éternité divine descendue jusqu’à l’homme, voilà les trois degrés de l’anéantissement d’un Dieu devenu volontairement humble, infirme, mortel pour nous sauver. Ce sont ces trois degrés que nous devons méditer pour apprendre à offrir à Dieu le rien que nous sommes, notre infirmité et toute notre vie jusqu’à la mort.

1° Humilité de Jésus-Christ

Suscipitur a maiestate humilitas. Qu’est le Verbe? Saint Paul nous répond (Hebr. I, 3): « La splendeur de la gloire de Dieu et la figure de sa substance, splendor gloriae et figura substantiae eius« . « Il est Dieu de Dieu, lumière de lumière. Deum de Deo, lumen de lumine, Deum verum de Deo vero. » Que faut-il de plus? Voici maintenant un autre spectacle. Voyez ces deux voyageurs, un charpentier et sa jeune femme cherchant un asile dans la ville de leurs pères, où les force à se rendre, pour se faire inscrire, l’édit d’un empereur romain. Ils ne trouvent aucune retraite, et parce que l’heure d’enfanter était venue pour la jeune épouse, elle met au monde un enfant dans une étable et le pose dans une crèche après l’avoir enveloppé de langes. Et ce pauvre enfant, c’est un Dieu; et le signe auquel on le reconnaîtra, c’est un enfant enveloppé de langes et posé dans une crèche. Est-ce descendre assez bas? Il semble que tout orgueil humain est ici assez confondu. Quelle mère rêvera jamais pour son fils de le mettre au monde dans une étable? Quel homme, ayant le choix, se vantera d’avoir eu pour berceau une crèche? C’est cette étable, c’est ce berceau que choisit pourtant le Fils de Dieu fait homme pour son premier palais et pour son premier trône.

Il s’est abaissé dans le sein de Marie, non horruisti virginis uterum. Il prévoit d’avance toutes les humiliations qui l’attendent; il accepte tout jusques à sa condamnation à mort au milieu des cris de la populace, des sarcasmes des pharisiens, des blasphèmes des prêtres; oui, tout est accepté.

Et nous, orgueilleux, pleins de vanité et de prétentions, nous qui éprouvons comme la faim et la soif des approbations et des applaudissements, quand nous résoudrons-nous à accepter les abaissements de l’humilité, les mépris et les dédains des hommes? Quand sacrifierons-nous nos hommages d’emprunt dont nous sommes si jaloux? Quand foulerons-nous aux pieds nos prétentions glorieuses? Il est temps de laisser le mensonge de toutes ces aspirations menteuses; il faut mettre à la place l’amour de la vie abaissée, l’amour des humiliations, ou bien admettre que nous n’acceptons pas les enseignements d’un Dieu anéanti pour nous.

2° Infirmité de Jésus-Christ

Suscipitur a virtute infirmitas. Saint Paul (Hebr. I, 3) nous représente le Fils de Dieu portant toutes choses par la parole de sa puissance, portansque omnia verbo virtutis suae. Il est le verbe de Dieu, il est la puissance de Dieu, Christum Dei virtutem.

A quoi se condamne-t-il en naissant, ce pauvre petit enfant enveloppé de langes, ne pouvant soutenir son faible corps et couché à cause de cela dans une crèche, pannis involutum et positum in praesepio? A Nazareth, vous le verrez faible ouvrier, dans toutes les infirmités du travail. Il a des mains faites pour porter et le sceptre de David et le sceptre du monde, et elles ne tiennent que la scie et la hache du charpentier. A sa mort, il montre son infirmité, il connaît vraiment l’infirmité, cet homme de douleurs, virum dolorum et scientem infirmitatem (Is. LIII, 3). Sa divine faiblesse se cache dans l’Eucharistie où il vient résider pour nous. Qui l’y protège contre les chrétiens tièdes, indifférents, distraits? Qui l’y défend contre les sacrilèges?

La faiblesse est un des caractères auxquels il semble tenir le plus. Quel contraste avec toute ma vie! A peine ai-je cru faire un peu de bien qu’aussitôt je m’en glorifie. Toute cette auréole que je veux tant mettre sur ma tête, il faut la déposer si je veux entrer en relation avec Jésus-Christ. Je veux donc désormais repousser mes vaines prétentions à la force, à l’énergie, quand il s’agira de mon salut. Ah! sans doute, je puis tout en Celui qui me fortifie, mais il me faut avoir recours à lui. Les infirmités, les impuissances me doivent être chères. C’est là où Jésus-Christ me communiquera son pouvoir de combattre et de triompher. Virtus in infirmitate perficitur. (II Cor. XII, 9).

Seigneur, je veux être faible, infirme comme vous, et je ne veux rien pouvoir que par vous, par la vertu de vos divines infirmités.

3° Puissance de mourir de Jésus-Christ

Suscipitur ab aeternitate mortalitas. Quel contraste! Un Dieu éternel et un Dieu mourant, et un Dieu mort. Et cette mort d’un Dieu, scandale et folie, c’est l’état que le Verbe éternel veut accepter pour nous apporter la vie. Vous représentez-vous un Dieu cessant de vivre? Quelle confusion! Quel chaos! Quel retour au néant!

Mais que devient le monde avec un Dieu mort? Un Dieu ne saurait mourir, c’est impossible. Et pourtant, voilà le mystère accompli dans un Dieu incarné. Un Dieu expérimenta ces choses. Un Dieu ne fera qu’une personne avec une humanité. Et il mourra, et il sera attaché à une croix, et quand il aura rendu le dernier soupir il sera déposé dans le tombeau, et la divinité unie à ce corps privé de son âme accompagnera ce corps derrière la pierre scellée par la haine des docteurs de la loi. Il veut aller jusque là; il veut poursuivre le péché, principe de la mort, jusque dans ce dernier retranchement; voilà pourquoi il veut mourir.

Voilà ce qu’il accepte en s’incarnant. Il accepte la vie de l’homme, il en accepte aussi la mort. Une autre fois, nous étudierons les détails de cette mort divine. Ce qu’en ce moment je veux considérer, ce sont ces destructions, ces ruines sous lesquelles un Dieu va en quelque sorte s’enfouir. Or, voici la grande question. Veux-je aller à la mort de moi-même? Veux-je faire de ma vie une mort continue par tout ce que j’y détruirai, pour détruire le péché, principe de la mort de mon Dieu? Veux-je, en mourant à moi-même, extirper tous les principes funestes à mon âme qui sont en moi? Quelle destruction veux-je apporter à ma nature, fille de colère?

Je détruirai mes idées humaines, mes sentiments indignes d’un chrétien; je m’humilierai; j’accepterai mes faiblesses, je ne les couvrirai pas de mon orgueil; je mourrai à moi-même et je cacherai ma vie avec Jésus-Christ fait homme, pour revivre en Dieu qui me donnera sa gloire, sa puissance, son éternelle vie.

Notes et post-scriptum