OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|L’ESPRIT DE L’ASSOMPTION

Informations générales
  • ES-0699
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|L'ESPRIT DE L'ASSOMPTION
  • [VARIETES DES ESPRITS DANS LES SAINTS.]
  • Ecrits Spirituels, p. 699-710.
  • TD 41, P. 255-265; BZ 3.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DU PAPE
    1 AMOUR FRATERNEL
    1 APOTRES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DESINTERESSEMENT DE L'APOTRE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 DROITS DE DIEU
    1 EFFORT
    1 EGLISE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ESPRIT DE L'ASSOMPTION
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 FILLE DE L'EGLISE
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 GRACE
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JESUS-CHRIST
    1 JEUDI SAINT
    1 LIBERTE
    1 LITURGIE ROMAINE
    1 MERE DE DIEU
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 OBLATES
    1 OUBLI DE SOI
    1 PAIX DE L'AME
    1 PERFECTIONS DE MARIE
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINT-SIEGE
    1 SAINTE VIERGE
    1 SAINTS
    1 SALUT DES AMES
    1 SATAN
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 UNION DES COEURS
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 ARISTOTE
    2 BOUIX, MARIE-DOMINIQUE
    2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
    2 GREGOIRE XVI
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 MARIE DE JESUS DE AGREDA
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    2 SALOMON
    2 THERESE, SAINTE
    2 THIERS, ADOLPHE
    3 AUTEUIL
    3 JERUSALEM, CENACLE
    3 JERUSALEM, GOLGOTHA
    3 NICEE
    3 NIMES
    3 SYRIE
  • Oblates de l'Assomption
  • 13 février 1869
  • Auteuil
La lettre

Les oeuvres des saints ont chacune un esprit particulier. Marie d’Agréda, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse, chacune a un cachet particulier; pourquoi? Saint Thomas a dit, après Aristote: Quidquid recipitur, ad modum recipientis recipitur; aphorisme qui, applicable aux choses naturelles, l’est aussi aux choses divines: toute chose reçue l’est suivant le mode du récipient. Prenons un exemple: l’huile qui est dans le verre de cette lampe en a pris la forme arrondie et allongée; si l’on en remplissait la lampe de cuivre elle-même, l’huile en prendrait tous les contours et entrerait dans chacun de ses lobes; ce serait toujours de l’huile, mais avec une forme différente. Ainsi la grâce descend dans notre coeur; s’il est petit et étroit, elle le remplit peu; s’il est large et dilaté, elle y entre abondamment, c’est toujours la même grâce.

Appliquons ceci à l’esprit des saints. Tous ont l’esprit de Dieu, mais avec un cachet particulier. Ainsi Marie d’Agreda avait l’esprit franciscain; sainte Thérèse, quoi qu’en dise le Père Bouix, suivait la doctrine dominicaine: la Compagnie de Jésus comptait alors trop peu de théologiens, et il est évident que c’est la théologie dominicaine qui domine toutes les oeuvres de sainte Thérèse. Dieu permet et veut même une certaine diversité dans ses saints, pour éviter une monotonie qui serait fort désagréable, et afin que lorsque nous nous rencontrerons au ciel ce ne soit pas ennuyeux. Mais au fond c’est toujours l’esprit de Dieu.

Nous trouvons la même chose dans les ordres religieux. Chacun a son esprit, suivant le but que Dieu s’est proposé en le laissant s’établir dans l’Eglise. Ubi spiritus Dei, ibi libertas. Il faut une certaine liberté dans le service de Dieu. Les uns prétendent qu’il faut surtout se servir de la nature pour s’élever jusqu’à Dieu par l’usage et le développement des dons naturels qu’il nous a faits; les autres qu’il faut détruire la nature pour faire régner la grâce. Le fait est que nous devons nous sauver avec la nature et par la grâce. Ceci est une question de plus ou de moins. Ainsi un homme auquel le médecin ordonne du vin avec de l’eau, s’il aime le vin, mettra beaucoup de vin et peu d’eau; s’il aime l’eau, mettra beaucoup d’eau et peu de vin. C’est une affaire de plus ou de moins. Pour moi, sachant que je dois me sauver par la grâce, mais avec ma nature, il est évident que je ferai en sorte de mettre le plus de grâce avec le moins de nature possible; mais chacun est libre de s’y prendre comme bon lui semble: Ubi spiritus Dei, ibi libertas. Pourvu qu’il y ait l’esprit de Dieu, l’esprit de l’Evangile, peu importe la forme du récipient.

Venons-en donc à parler de votre forme à vous, de l’esprit de l’Assomption. Je ne puis le considérer sous toutes ses faces, je serais infini; je ne veux m’attacher qu’à une seule pour la méditer avec vous. Jésus-Christ, au moment d’aller au Calvaire, terminait son sublime discours après la cène par ces paroles qu’il adresse à son Père, comme sa dernière prière: Ut sint consummati in unum! Qu’ils soient consommés en un, dans l’unité.

Il ne se peut concevoir de circonstance plus solennelle que celle où Notre-Seigneur Jésus-Christ quittant ses apôtres pour aller à sa passion leur adressa ses derniers adieux, sa dernière recommandation. Il parlait alors au premier couvent de la Loi nouvelle. Car si les Carmes remontent au-delà et comptent pour leurs premiers Pères les moines de la Loi ancienne, le collège apostolique était vraiment le premier et le modèle des couvents de la Loi chrétienne. Notre-Seigneur était là, le divin supérieur; saint Pierre, destiné à le remplacer à la tête des apôtres; il y avait bien là aussi un fort triste personnage, mais il était déjà absent à ce moment.

Jésus donc prie son Père: Ut sint consummati in unum: l’unité, voilà le bien suprême qu’il leur souhaite, le dernier mot des enseignements de son Evangile. C’est aussi celui que je propose à vos méditations. Notre divin Maître demandait pour ses disciples l’unité avec sa personne sacrée, l’unité dans l’église catholique dont ils étaient le premier noyau, l’unité entre eux, l’unité dans leurs oeuvres apostoliques. Méditons ces quatre points de vue.

Supposons un instant que la très sainte Vierge fut cachée dans un coin du Cénacle et entendit ces paroles; et supposons-le, afin de nous mettre à sa place et d’écouter comme elle et avec elle les enseignements de son divin Fils. Ce qui fera que cette instruction, qui n’est pas directement sur la Sainte Vierge, sera l’instruction la plus solide sur l’imitation de notre divine Mère.

I. -Unité avec Jésus-Christ

Et d’abord l’unité, l’union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. En fut-il jamais une plus parfaite que celle de sa sainte Mère? Pensez-vous que depuis le bienheureux instant où elle le conçut dans ses chastes entrailles, Marie ait cessé un seul moment d’être unie de l’union la plus complète avec son divin Fils? Et supposez-vous que les sentiments, les pensées, les affections, les actes de la sainte Vierge fussent tant soit peu dissemblables des actes de Jésus-Christ?

C’est par cette intime union de chaque instant avec Notre-Seigneur que la très sainte Vierge a atteint la perfection sublime, qui l’a rendue si agréable aux yeux de Dieu. Elle est dans l’Eglise le modèle, si j’ose dire, des âmes dont la vocation est vulgaire et commune, et ce sont les plus nombreuses; sa vie n’eut rien d’extraordinaire que cette extraordinaire unité avec son divin Fils. Et c’est pourquoi tout chrétien, à plus forte raison toute âme religieuse, doit et peut l’imiter. Cela ne veut pas dire que vous arriverez à la perfection de la très sainte Vierge. Cela ne veut même pas dire que vous serez aussi agréable à Notre-Seigneur et qu’il aura pour vous le même amour que pour sa Mère. Et cependant il y a dans l’Evangile une parole qui doit attirer notre attention. Il est dit: « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à son épouse. » Je ne veux pas presser cette parole, car dans un sens Marie était l’épouse de Jésus-Christ, comme elle était sa mère, et, à ce double titre, elle a droit à tous les sentiments du coeur de son Fils. Mais il n’en est pas moins vrai que cette parole est une des plus consolantes que je connaisse pour une âme religieuse, une source de vie et de force dans ses heures de découragement et de tristesse.

Oui, il y a un certain sens, par lequel en ma qualité d’épouse de Jésus-Christ j’ai droit à ses plus tendres affections, et dans un certain sens il se détache pour ainsi dire de sa Mère, pour se lier à son épouse. Et ceci ouvre des horizons infinis pour une âme religieuse. Si chacune des grâces que Jésus-Christ répand sur elle et dont une si grande partie tombe à terre, si chacune de ses grâces trouvait une fidèle correspondance, jusqu’où ne monterait-elle pas?

Il est dit de Salomon, dans l’Ecriture, que Dieu lui donna la latitude du coeur comme les sables du rivage des mers: Dedit ei latitudinem cordis, sicut arenam in littore maris. La largeur du coeur pour recevoir Notre-Seigneur! Vous voyez le sable du rivage, vous mesurez les contours et les limites de l’océan, mais qui sondera ses profondeurs? Qui dira la force dilatante (si le mot est français) de l’amour de Jésus-Christ pour agrandir le coeur et y entrer davantage? Et pouvez-vous savoir jusqu’à quel point votre divin époux se livrerait à vous, vous unirait à lui, si comme la sainte Vierge, les yeux constamment fixés sur lui, vous répondiez à chacune de ses grâces par une fidélité nouvelle, à chacun de ses désirs par un nouveau sacrifice?

II. -Unité avec l’Eglise catholique

En second lieu, Jésus-Christ veut de vous l’unité avec l’Eglise catholique. Sainte Thérèse disait en mourant: « Je meurs fille de l’Eglise catholique. » Et vous, ne pouvez-vous dire avec un inexprimable bonheur: « Je vis fille de l’Eglise catholique? » On dit d’une jeune fille qui entre dans le monde et commence à jouir de sa liberté qu’elle est heureuse de vivre? Ne pouvons-nous pas de même dire que nous sommes heureuses de vivre dans cette atmosphère catholique, de respirer à pleins poumons cet esprit, pur, simple, droit, mais entier de l’Eglise, une, sainte, catholique, et apostolique. Quand je regarde les ordres religieux qui se multiplient aujourd’hui, il me semble qu’entre tous Notre-Seigneur vous a voulues particulièrement pour coopérer à ce magnifique travail d’unité, qui s’opère de nos jours dans le monde.

Notre-Seigneur a dit qu’à la fin des temps il n’y aura plus qu’un seul troupeau et un seul pasteur: Unum ovile et unus pastor. C’est vers ce résultat que nous marchons, c’est une des gloires du Pontificat de pie IX, gloire dont il me semble que l’on s’occupe trop peu. Jamais dans aucun temps de l’histoire de l’Eglise, depuis les premiers siècles, il n’y a eu autant de missions qu’aujourd’hui. Pie IX a déjà fondé plus de 170 nouveaux évêchés et pendant que les peuples étrangers à la sainte Eglise se pressent pour rentrer dans son sein, il se fait parmi les catholiques un travail de centralisation. Ils se groupent, se resserrent autour du Saint-Siège. Il y a vingt-cinq ans, si l’on avait demandé quel serait le premier dogme défini, on eut répondu: celui de l’Immaculée Conception. Aujourd’hui il est évident que le premier dont s’occupera le prochain concile, le premier à définir, c’est l’infaillibilité du Pape. Tous le croient et le proclament; on n’oserait soutenir aujourd’hui la thèse contraire. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il n’est pas opportun de définir ce dogme. Quant à la question de l’opportunité, c’est au Pape à le décider. Et si au Concile de Nicée, où siègeaient 300 évêques, il n’y en eut que 6 qui refusèrent de souscrire au symbole de la foi, au Fils de Dieu consubstantiel; il n’y en aura peut-être pas deux douzaines sur les 1.200 évêques du monde catholique qui refuseront de déclarer le Pape infaillible. Pour moi, je l’avoue, je regrette presque que ce dogme soit défini; j’étais heureux de pouvoir dire à Notre-Seigneur: « Seigneur Jésus, si l’infaillibilité de votre Vicaire n’est pas un article de foi, encore qu’elle découle évidemment des paroles de votre Evangile et des traditions de la Sainte Eglise, j’y crois cependant de tout mon coeur, parce que j’aime à aller au-delà de ce que vous commandez à ma foi. Comme en matière de perfection, à l’âme qui vous aime le précepte ne suffit pas, elle va jusqu’aux conseils. »

Vous, dans la mesure de vos forces et de votre action, vous devez travailler à seconder ce mouvement catholique d’unité, vous rallier en rangs serrés autour de la chaire de saint Pierre, développer en vous une dévotion fervente au Pape, non pas à Pie IX, à Grégoire XVI ou à leurs successeurs, mais au Pape, au Vicaire de Notre-Seigneur, au centre de la sainte Eglise, notre chef, notre pasteur unique. Car comme le disait si bien ce bon vieux berger, auquel on annonçait que la République était proclamée : « Pour moi, répondait-il, je n’ai jamais vu les moutons bien conduits, quand il y avait plus d’un berger; car alors chacun tire de son côté. » Ainsi pour que tout soit dans l’ordre, il faut nous attacher au chef suprême; autour duquel doivent se rallier tous les pasteurs secondaires, et des conséquences merveilleuses en découleront pour vous. Quelle sûreté et quelle lumière dans votre conduite, dans vos études, dans votre doctrine! J’ai vécu quinze ans dans le diocèse de Nîmes, avant qu’il eût adopté la liturgie romaine. A chaque fois les cérémonies variaient à tel point qu’un évêque, me demandant un jour quel rite nous suivions, je lui répondis: « Monseigneur, nous suivons le suisse qui marche le premier. » Depuis que nous avons le rite romain, tout est réglé, décidé d’avance; il n’y a qu’à consulter.

Eh! bien c’est cela. De la doctrine du Saint-Siège, chaire de vérité, découle toute certitude de doctrine et, en vous attachant à lui, vous êtes sûres de ne jamais errer. C’est une des aberrations de notre temps que de se lancer dans des idées très hasardées sur certains points de doctrine. Pour moi, j’avoue que souvent je n’y peux rien comprendre; les car, les si, les mais, ne servent qu’à m’embrouiller l’esprit. J’éprouve, au contact de ces sortes de discours, quelque chose de l’effroi qu’éprouvait un homme fort respectable de la magistrature française, en écoutant un homme qui a jeté un certain éclat dans la chaire chrétienne, le Père Lacordaire: « Quand je l’entends, disait-il, je crois à chaque moment qu’il va faire le saut périlleux; il retombe dans sa chaire, il est vrai, mais on a eu le frisson. » Gardez-vous à jamais de ces sortes de doctrine, n’en ayez jamais d’autres que celles qui descendent directement du centre de la sainte Eglise, une dans sa foi.

III. -Unité dans la Congrégation

Voyons maintenant la troisième unité, l’unité dans votre Congrégation. Si je considère les deux camps qui se partagent le monde, je vois le camp de Satan où règne la haine, et le camp de Dieu où règne la charité. L’Eglise lutte par la charité contre l’esprit du mal et elle rassemble pour cela toutes ses forces. Vous êtes une des armées de la sainte Eglise; Notre-Seigneur vous a voulues comme Congrégation pour combattre avec elle. Est-ce à dire que votre Mère Générale vous a fondées par une révélation miraculeuse de la volonté de Dieu? Non, je ne le crois pas. Mais était-ce par l’inspiration du Saint-Esprit et par une volonté expresse de Notre-Seigneur? Oui, évidemment, oui. Et vous en avez la preuve dans l’approbation de votre Institut par la sainte Eglise. Notre-Seigneur veut que comme filles de l’Assomption vous travailliez pour lui; pour cela, il faut serrer vos rangs dans l’unité d’esprit, dans la charité. Vous êtes déjà une Congrégation nombreuse et si vous ne l’êtes pas autant que les filles de l’Enfant-Jésus, par exemple, qui fondées il y a quelques années comptent déjà 800 religieuses, c’est que Notre-Seigneur vous a distinguées et choisies entre beaucoup, et précisément à cause de cela, le diable vous convoite. Quand on voulut bâtir une église sur les montagnes qui avoisinent Nîmes, il fallut faire venir du ciment romain, car les vents y sont si violents que les murs construits avec du ciment ordinaire s’écroulent. S’il y a dans la sainte Eglise des édifices exposés au souffle du démon, c’est à coup sûr les couvents des religieux et des religieuses. Il faut du ciment bien fort pour résister à ses attaques. C’est celui de l’unité, de la charité. Soyez unes dans votre esprit, dans votre travail et votre puissance d’action sera doublée: Vis unitate fortior est.

Mais je n’insiste pas assez sur les efforts particuliers que chacune de vous doit faire pour produire cette unité. Certainement, elle existe chez vous, et je sais que vous n’êtes pas dans un de ces couvents que l’on rencontre en Syrie, où un évêque voyant des bâtons dans la salle du Chapitre et en demandant l’usage, on lui répondit qu’ils étaient là pour fournir aux religieuses le moyen de se ramener au même avis, sans briser les meubles. Mais si les grossières insultes à l’union n’existent pas chez vous, n’y a-t-il pas des moyens plus doucereux de l’affaiblir; des mains et des griffes de fer cachées sous des gants de velours, mais qui n’en déchirent pas moins la tunique sans couture de l’unité; des paroles flatteuses et emmiélées qui sèment la division? On est fort préoccupé en général de la mission que l’on doit accomplir au-dehors, trop peu de celle qui nous est imposée au-dedans.

Solliciti servare unitatem spiritus in vinculo pacis. Soyez pleines de sollicitude pour conserver et accroître l’unité entre vous par le lien de la paix. Vous chantiez hier: « Ecce quam bonum, et quam jucundum habitare fratres in unum. » C’est très beau et très vrai. Mais est-ce que cette habitation commune consiste seulement à aller au même réfectoire, dans la même salle de travail, à avoir vos cellules les unes à côté des autres? Evidemment, non. Il s’agit surtout de la vie du dedans, de l’unité des esprits et des coeurs et c’est à quoi vous devez coopérer pour votre part, chacune avec sollicitude, comme le veut l’apôtre. C’est un examen étonnant, par les très rares personnes qui le font, que celui-ci: « En quoi fais-je mon possible pour entretenir autour de moi la paix et l’union? En quoi est-ce que je sème des paroles qui sont des semences de division? En quoi suis-je pacifiante? conciliante? » Voilà un examen que je livre à vos méditations. Un jeune homme qui voulut autrefois entrer chez nous, entra chez les Jésuites, y passa huit ans, au bout desquels l’idée lui tomba dans le cerveau que Dieu lui avait donné mission de réformer les Jésuites. Il trouvait que sur beaucoup de points les choses seraient mieux autrement; on le pria de s’en aller et il partit. C’était ce qu’il avait de mieux à faire. Il vous viendra peut-être à l’esprit que telle chose serait mieux de telle façon. Mais en vérité les choses ne pourraient-elles pas aller mieux? -Certainement, ma fille, elles le pourraient et tout irait assurément beaucoup mieux, si vous étiez plus humble, plus obéissante, plus charitable. Voilà votre affaire à vous. Agrandir l’unité dans le lien de la paix par plus d’humilité, plus d’obéissance et surtout plus de charité.

IV. -Unité dans votre mission

J’arrive à l’unité dans votre mission. Votre but, votre raison d’existence, c’est de travailler à étendre le règne de Jésus-Christ dans les âmes. Le zèle des intérêts de Dieu, la soif du salut des âmes, voilà un des cachets particuliers de l’esprit de l’Assomption; et si mon affection pour vous ne me fait pas voir de travers -il me semble que ce dévouement aux intérêts catholiques, ce don de soi aux âmes pour les gagner à Jésus-Christ, je ne l’ai nulle part rencontré, comme je m’imagine que l’esprit de l’Assomption doit les réaliser dans l’Eglise. Vous devez cet esprit à celles qui vous ont fondées. Je ne viens donc pas vous dire d’acquérir ce que vous n’avez pas, mais de développer ce que vous avez. Mais pourquoi avez-vous à travailler sur les âmes? Pour les donner à Jésus-Christ, pour les conduire à l’unité avec lui, comme vous y devez vivre vous-mêmes. Et ainsi tout revient à notre divin Maître et part de lui. C’est par votre vie d’union avec lui que vous attirez vers lui les âmes, et en ce sens j’aurais pu finir par où j’ai commencé, car le Seigneur Jésus est le principe et la fin de toutes choses. Il faut travailler pour lui et ne pas oublier qu’il est le seul maître des âmes et qu’à lui seul elles appartiennent.

M. Thiers a fait un ouvrage dans lequel il veut établir que le champ cultivé par le laboureur appartient à ce laboureur, uniquement parce qu’il est arrosé de ses sueurs. Je ne discute pas cette théorie en ce moment; mais le fait est qu’il y a en tout homme une propension extraordinaire à s’approprier le terrain qu’il cultive. Or, ce sont de charmants petits champs que vous avez à cultiver, de délicieux vergers, jardins potagers, tout ce qu’il vous plaira, que ces âmes et ces coeurs où vous voyez éclore, tantôt une fleur, tantôt un fruit à force de travail; et nous nous figurons facilement que ces âmes sont notre propriété. Nous ne faisons pas remonter à Dieu le parfum de ces fleurs, la suavité de ces fruits; nous oublions que nous sommes entre ses mains, je ne dirai pas des machines, mais d’humbles instruments par lesquels il agit. Nous dirions volontiers: quel malheur que cette enfant me quitte, il n’y avait que moi qui pût lui faire du bien! Ainsi nous mettons notre esprit, nos pensées à la place de l’esprit catholique, des pensées de Notre-Seigneur. Souvent un prêtre chargé par son évêque d’une paroisse plus ou moins nombreuse y met tellement ses manières de voir, ses idées, ses dévotions à lui, qu’on arrive à trouver dans ces paroisses, non pas l’esprit catholique, mais l’esprit de Monsieur le Curé. N’en rions pas trop, nous trouverions bien facilement peut- être l’esprit de Madame une telle.

Travaillez donc pour Notre-Seigneur et par lui accroissez son influence et non pas la vôtre. Portez Jésus-Christ aux âmes et ne vous y portez pas vous-même.

Notes et post-scriptum