OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES.|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS.

Informations générales
  • ES-0687
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES.|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS.
  • LES VOEUX
  • Ecrits Spirituels, p. 687-691.
  • CT 1; TD 47, P. 107-110.
Informations détaillées
  • 1 ANTECHRIST
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 CONSTITUTIONS
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 DROITS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MANQUEMENTS A LA VIE RELIGIEUSE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PERES DE L'EGLISE
    1 REGLES DES RELIGIEUX
    1 REGNE
    1 SOCIETES SECRETES
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
    1 VERTU DE RELIGION
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOEU DE CHASTETE
    1 VOEU DE PAUVRETE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 VOEUX SIMPLES
    1 VOEUX SOLENNELS
    1 VOIE UNITIVE
    2 PIERRE, SAINT
La lettre

Mes T. C. Frères,

Les départs sur lesquels nous avons eu à gémir m’obligent à insister sur la question capitale des voeux.

Il y a cette différence entre le voeu et la simple promesse que le voeu, surtout lorsqu’il est permanent, nous engage à Dieu d’une manière plus complète et nous établit dans la continuité d’un état supérieur. La promesse est un beau fruit de vertu, le voeu est l’arbre lui-même. Aussi un religieux qui se dégoûte de ses voeux, sort de cet état permanent de vertu et ne se rend pas compte du mal qu’il se fait à lui-même.

Il y a plusieurs questions très importantes à examiner au sujet des voeux.

D’abord le lien du voeu. Sans doute le voeu simple n’a pas devant l’Eglise les effets du voeu solennel, mais il en a la force quant à la manière dont je le fais, et je ne puis le violer sans me rendre coupable de péché grave. L’Eglise peut m’en relever, mais elle exige des motifs sérieux prévus par la théologie et en dehors desquels une dispense obtenue subrepticement est absolument nulle. C’est à moi à exposer mes motifs, mais si je les expose d’une manière incomplète et mensongère, je ne suis point relevé, en vertu de cette clause toujours ajoutée aux dispenses: Si preces veritate nitantur. Et on se fait souvent illusion sur les prétextes mis en avant pour obtenir de semblables dispenses. Souvenons-nous donc que nos voeux sont une promesse faite à Dieu et acceptée par lui, un contrat passé entre Dieu et nous. Dieu ne manquera jamais à ce contrat et il nous donnera les grâces nécessaires pour que, de notre côté, nous puissions y être fidèles.

Les voeux faits doivent être observés, car, dit l’Ecclésiastique, il vaut mieux ne pas en faire que de les violer. Et combien malheureusement violent leurs voeux, au moins d’une manière vénielle, souvent parce qu’ils ne se sont pas donné la peine d’étudier les obligations auxquelles ils se sont engagés. Le voeu est un acte qui nous oblige à réfléchir à ce que nous devons à Dieu. Un religieux s’engage suivant la teneur de sa Règle et de ses Constitutions, mais plusieurs ne cherchent ensuite qu’à se soustraire à leurs obligations. Le religieux tiède se préoccupe de trouver des limites aux voeux? Comme la ferveur décline en lui, il veut faire de moins en moins; de là, ces interprétations dévastatrices des voeux qui ont amené de si déplorables résultats. Le religieux fervent au contraire ne discute point sur l’étendue des voeux, parce qu’il tend sans cesse à une plus grande perfection.

Il est utile de faire des voeux. Le soldat prête serment à son drapeau et le défend avec plus de courage, mais il est à remarquer que les promesses faites aux hommes sont dans l’intérêt de ceux à qui on les fait. Les voeux au contraire ne sauraient être faits dans l’intérêt de Dieu, c’est nous seuls qui y trouvons avantage. Notre récompense dans le ciel sera proportionnée à nos voeux. Et en effet la perfection de la loi consiste dans la charité. Or, le voeu est un acte de charité et développe en nous la charité, et la récompense du ciel est donnée à la charité. Il est donc utile de faire des voeux, avec prudence cependant, et toutes les âmes ne sont pas capables de cette perfection. S’il est utile de faire des voeux, il sera aussi très utile de pousser les autres à en faire. Ne pas agir ainsi serait ne pas pousser les âmes à la conversion.

Quel est le but des voeux? La religion, suivant le sens étymologique du mot, a pour but de nous relier à Dieu. Plus le lien qui nous unit à Dieu est parfait, plus aussi est parfaite la religion; aussi ce mot a-t-il été employé pour désigner l’état de ceux qui se sont liés à Dieu d’une manière plus stricte par les saints voeux. Notre union avec Dieu ne sera sans doute parfaite que dans le ciel où elle produira un bonheur parfait; nous pouvons donc considérer les voeux comme un moyen d’arriver au bonheur. Le religieux pour lequel les voeux ne sont qu’une chaîne lourde et insupportable montre qu’il n’a plus la charité. Le vrai religieux, au contraire, voit en eux un lien sans doute, mais un lien aimable et admirable suivant la parole du psalmiste: Funes ceciderunt mihi in praeclaris. Le voeu nous place dans un état intermédiaire entre l’ange et l’homme charnel. Au ciel on voit Dieu face à face; sur la terre nous le connaissons par les espèces et les idées générales. Dans la vie religieuse il y a en outre quelque chose de parfait dans l’ordre de l’affection, et qui se rattache comme une conséquence à la vision même de Dieu.

Le voeu divinise certaines vertus et c’est une doctrine de saint Thomas, qu’il est excellent, parce qu’il constitue un acte de latrie. Car, disent les Pères, ce n’est pas la virginité, ce n’est pas le renoncement à toutes choses qui font la vertu surnaturelle, hoc enim fecit et Crates philosophus, c’est l’intention et l’application à faire tout pour Dieu.

Le voeu donne à votre âme une véritable stabilité et nous fait par là participer en quelque chose à l’immutabilité de Dieu, en arrêtant les divagations de notre volonté.

Il nous consacre à Dieu et constitue un sacrifice parfait comme l’holocauste de l’ancienne loi, puisqu’il immole sur l’autel du Seigneur notre être tout entier. Le voeu de pauvreté détruit tout ce qui nous touche au dehors de nous, la chasteté sacrifie notre corps, l’obéissance donne à Dieu notre volonté et tout notre intérieur de façon à faire de nous de perpétuels sacrifiés, et c’est avec raison que nous pouvons nous appliquer ces paroles que nous répétons tous les jours à la sainte Messe, Sacrificium laudis. Notre sacrifice est vraiment un sacrifice de louange qui peut se renouveler tous les jours et contribuer à la gloire de Dieu.

Enfin, un motif très grave qui doit nous faire tenir à nos voeux, c’est qu’ils sont une protestation contre les ennemis du nom de Dieu. Les membres des sociétés secrètes se lient entre eux par des serments infernaux pour faire la guerre à Jésus-Christ. Toutes les questions sociales ou politiques qui se posent dans le monde moderne se réduisent toutes à une seule: Notre-Seigneur Jésus-Christ règnera-t-il ou sera-t-il repoussé? Les ennemis de Dieu font des serments au diable et forment une immense armée en faveur de l’Anté-christ. Si donc il y a une hiérarchie dans l’enfer, si cette hiérarchie se reproduit sur la terre pour le mal, c’est un motif puissant de constituer une armée de résistance en faveur des droits de Dieu. Nous devons être à la tête de cette armée et comprendre le sens de la parole adressée à saint Pierre: Amas me plus his? Il faut que nous aimions Jésus-Christ plus que les autres, que nous lui soyons attachés par des liens plus étroits qui sont nos voeux, et qu’ayant ainsi témoigné plus de charité nous recevions en récompense une force plus grande qui nous rende capables d’opérer un plus grand bien.

Notes et post-scriptum