OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES.|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS.

Informations générales
  • ES-1003
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES.|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS.
  • PURETE
  • Ecrits Spirituels, p. 1003-1009.
  • CT 90; TD 47, P. 356-361.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 BEAUTE DE JESUS-CHRIST
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 MARIE NOTRE REINE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PRIERE A LA SAINTE VIERGE
    1 PURETE DE MARIE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 TRINITE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VIERGES CONSACREES
    2 AMBROISE, SAINT
    2 PAUL, SAINT
La lettre

Ego flos campi et lilium convallium.

Telle est la parole du Cantique des cantiques, que l’Eglise applique à la très sainte Vierge Marie, simple créature, mais la plus pure de toutes, nous est proposée comme modèle de pureté, de virginité. C’est pourquoi saint Ambroise, s’adressant à des vierges, leur dit: Sit vobis tanquam in imagine descripta virginitas vitaque beatae Mariae, de qua velut in speculo refulget species castitatis, et forma virtutis. Mais cette chasteté, cette virginité, si belle en Marie, s’écoule d’ailleurs et je voudrais, avant de vous la montrer dans la reine des vierges, vous la faire connaître dans son principe, sa source, qui est Dieu même, et son plus magnifique canal, qui est Notre- Seigneur Jésus-Christ. Ainsi remontons à Dieu, celui qui est vierge au-dessus de toute créature; allons à Jésus-Christ, descendons jusqu’à Marie, la reine des Vierges, et contemplons-la ensuite dans toutes les vierges qui suivent l’Agneau.

Le caractère de la virginité, c’est la séparation; et l’être pur entre tous, c’est Dieu dans sa divine solitude. Il y est seul, et parce qu’il est infiniment pur et infiniment parfait, il est heureux sans mélange. La pureté de son être est une condition de sa perfection; et dans cette pureté infinie, il puise sa perfection infinie; et la contemplation de sa perfection en produit la jouissance, et cette jouissance est son éternel bonheur. Il veut être pur, parce que s’il cessait de l’être, il cesserait d’être parfait, il cesserait d’être heureux. Il veut sa pureté avec la même force qu’il veut son bonheur, et, je le répète, ce bonheur étant infini comme sa gloire, il ne donnera à personne ce bonheur, pas plus que sa gloire qu’il ne veut céder à personne: et gloriam meam alteri non dabo.

Si donc vous voulez chercher la source de toute pureté, remontez jusqu’à l’essence divine elle-même. Le paganisme, avec ses idées bornées par la faiblesse de la raison, n’a pas su aller au-delà et a vu dans la création une déchéance de la divinité. Les sages des religions antiques n’ont pu comprendre un Dieu produisant la matière sans se souiller, et bien des religions anciennes sont basées sur cette notion. Notion erronée, parce qu’il y a en Dieu deux sortes d’émanation: l’émanation par génération, et Dieu engendre son Fils dans l’unité de substance, et infini, parfait, simple, pur comme lui; et l’émanation par spiration, de qui procède le Saint-Esprit, infini, simple, pur comme le Père et le Fils, dont il procède. A côté de cette émanation intérieure dans la substance divine, il faut mettre l’émanation par création, et celle-là ne souille pas Dieu, parce qu’elle en est entièrement séparée. Dieu est si au-dessus des créatures qu’aucune de leurs imperfections ne saurait l’atteindre, puisque ce qu’elles ont de parfait, elles le tiennent de lui, et que ce qu’elles ont d’imparfait, vient du néant d’où elles ont été tirées.

Mais tout nous vient, dans l’ordre surnaturel, de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui sont cachés les trésors de la sagesse et de la science; que nous avons contemplé plein des grâces qu’il venait apporter au monde. C’est donc par lui qu’il nous faut recevoir tout ce qui nous vient de Dieu, et par conséquent la pureté. Car si la pureté est en Lui comme dans sa source, en tant qu’il est Dieu, elle est en lui comme dans un canal très parfait, en tant qu’il est homme. Nos âmes ne peuvent recevoir en elles l’immensité des perfections de Dieu; il faudrait qu’elles fussent immenses comme Dieu même. C’est pourquoi ces perfections en Notre-Seigneur se proportionnent aux limites de notre être. Mais qui dira quelle beauté, quelle grandeur, quel éclat elles conservent chez ce Fils, en qui Dieu a mis ses complaisances?

Et puisque nous parlons de la pureté, que dirons-nous de celui qui a voulu être appelé par le Saint-Esprit l’agneau de Dieu, à cause de son innocence. Il a voulu prendre une chair semblable à la nôtre, afin de purifier en nous cette chair de péché. Mais suivez-le pas à pas de la crèche à la croix, quelle pureté admirable! Et il convenait qu’il en fût ainsi en celui qui venait effacer les péchés du monde, en celui qui portait en lui, comme Dieu, la splendeur de la gloire et la figure de la substance du Père.

Suivez-le pas à pas, quelle ombre d’imperfection, quelle apparence de souillure trouverez-vous en lui? Voilà votre modèle par excellence. Sondez, scrutez, vous ne trouverez rien de plus pur, de plus chaste, de plus virginal que Jésus-Christ dans sa sainte humanité.

Mais si le Sauveur du monde, par sa divinité, est dans le sein du Père, Dieu avec lui, par son humanité il a voulu recevoir un corps de la plus pure de toutes les créatures. Il l’a pris à part, il l’a fait sortir en quelque sorte de la bouche du Très-Haut, selon l’expression de l’Ecriture: Ego ex ore Altissimi prodivi. Sans doute, par l’effet de l’acte créateur, tous les êtres ont une pareille origine; mais il y a un choix spécial pour Marie, enfantée avant les collines, c’est-à-dire dans la pensée de Dieu avant les créatures imparfaites, représentées par ces masses qui s’élèvent au-dessus du sol de la terre.

Etudiez la virginité en Marie, voyez les expressions que le créateur emploie pour en peindre la perfection. « Je suis la fleur des champs et le lis des vallées: Ego flos campi et lilium convallium. » Elle est retirée dans la solitude des campagnes, son éclat n’est point terni par la poussière des chemins du monde, et quand l’époux prendra la parole, il dira: Sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias. Telle est la supériorité de Marie au-dessus des créatures qui ne participent pas à sa pureté, un lis et des épines. Comparez. Aussi l’époux du Cantique continue: « Vous êtes toute belle, ô ma bien-aimée; vous êtes toute belle. » Quelles expressions! Il faudrait ici peindre toutes les perfections de Marie, ce qui est impossible. Ce que nous pouvons dire, c’est que de tout temps l’Eglise, qui, elle aussi, selon l’expression de saint Augustin, est vierge et mère tout à la fois, l’a toujours saluée du titre de vierge par excellence. Vierge avant la naissance du Sauveur, vierge après la naissance du divin agneau de son sein très pur, vierge jusqu’à la mort, vierge éternellement dans les cieux.

En Dieu nous avons le modèle inimitable; en Jésus, un modèle en quelque sorte accessible, parce qu’en lui se trouve l’élément humain; en Marie nous ne contemplons qu’une créature, mais la plus pure de toutes: créature qui, selon l’expression de saint Bernard, a plu au milieu de ses perfections par son humilité, a enfanté par sa virginité: humilitate placuit, virginitate concepit.

Que dirons-nous maintenant de la manière dont cette pureté s’écoule de Dieu en Jésus-Christ, de Jésus-Christ en Marie et en nous? Ah! sans doute, Marie est un canal par où la grâce arrive jusqu’à nous; mais, il faut le répéter, elle arrive surtout et essentiellement par Jésus-Christ. Marie, si je puis dire, est une mer immense de pureté qui nous communique de sa surabondance; mais la source, c’est Dieu; mais celui par qui cette source arrive jusqu’à nous, c’est avant tout Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous n’enlevons rien à la mère, à qui le fils a donné selon son amour. Mais il ne nous est pas permis de rien enlever au privilège du fils, par qui toute pureté est descendue du ciel même en Marie. Maintenant, si nous plaçant entre Jésus et Marie, nous contemplons la pureté du fils et de la mère, quelles merveilles ne se présenteront pas à nous!

Eh bien, sur la terre il est des âmes appelées à y prendre part. Qu’elles soient vierges comme Jésus et Marie, et voici quel sera leur privilège. Vous récitez plusieurs fois par jour: « Sainte Marie, mère de Dieu »… et ce privilège en un sens est le privilège de Marie. Et pourtant c’est la doctrine des saints Pères que toute vierge est la mère et l’épouse de Jésus-Christ. Ah! le prêtre, par le privilège du sacerdoce, enfante Jésus-Christ tous les jours sur l’autel; mais qu’il soit un saint ou un misérable, ce privilège lui appartient, c’est un privilège de caractère sacramentel. Au contraire, la maternité chez la vierge est un privilège de vertu qui s’accroît, à mesure qu’elle devient plus vierge par les efforts de pureté qu’elle fait, et cela s’explique d’une certaine manière.

La pureté infinie découle du sein de Dieu; elle s’épanche en Jésus-Christ pour retomber sur l’humanité. Chaque chrétien qui la reçoit la conserve ou la détruit. Mais plus ces chrétiens s’appliquent à la conserver dans sa limpidité, dans sa transparence, plus cette admirable vertu ressemble à la perfection de Dieu même. C’est là le travail des saints, et ce travail qui n’a eu aucune souffrance en Marie, en a chez les autres créatures baptisées; et c’est ce que saint Paul explique, quand il dit: « Toute créature gémit et enfante. » Qu’enfante-t-elle? Jésus-Christ. Mais les âmes qui l’enfantent le plus purement, qui le reproduisent le plus parfaitement, ce sont les âmes que saint Augustin appelle les vierges de Jésus-Christ, et à qui il promet dans le ciel une grâce toute spéciale.

Mais, me direz-vous, les vierges seules y auront-elles part? Saint Augustin répond: Il y aura une gloire commune, mais dans cette gloire commune il y en aura une particulière pour les vierges, parce que les autres sont à Jésus-Christ, mais ne sont pas ses vierges.

Que dire pourtant de tant de saints, qui ont été de grands pécheurs? N’auront-ils pas une récompense proportionnée à leur pénitence? Evidemment ils l’auront; et, si je puis me servir d’une comparaison: Voilà une eau très pure qui s’écoule dans un bassin, où on la souille. Que les souillures s’écoulent avec l’eau, et une eau pure pourra la remplacer; mais il faut savoir, si elle se renouvelle, la conserver. Ainsi fit Augustin pénitent, dont l’amour et la pénitence renouvelèrent la vie des premières années.

Que dirons-nous des fruits de la pureté? C’est un gage de salut. C’est un rapprochement de la ressemblance divine. C’est une plus grande facilité pour la contemplation. C’est une disposition plus particulière à se donner. N’insistons pas, mais prions Marie de nous obtenir cette belle vertu. Demandons-la à Jésus, l’époux des âmes chastes, et méritons de pouvoir nous perdre un jour dans l’océan de la pureté de Dieu.

Notes et post-scriptum