OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES.|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS.

Informations générales
  • ES-1056
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES.|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS.
  • COMMEMORAISON DES MORTS.
  • Ecrits Spirituels, p. 1056-1060.
  • CT 42; TD 47, P. 244-247.
Informations détaillées
  • 1 CIEL
    1 EGOISME
    1 ETERNITE
    1 FINS DERNIERES
    1 JOUR DES MORTS
    1 MORT
    1 PARENTE
    1 PRIERES AUX AMES DU PURGATOIRE
    1 PRIERES POUR LES DEFUNTS
    1 PURGATOIRE
    1 VIE DE FAMILLE
  • Collégiens de Nîmes
  • 2 novembre 1878
La lettre

Une des preuves les plus touchantes de la divine mission de l’Eglise, c’est la commémoraison des morts. Voyez comme elle s’étend à tout. Tandis que l’homme de plaisirs et de corruption écarte la pensée de la mort, l’Eglise convoquait la dépouille de ses enfants dans ses temples ou autour de ses églises; la pensée de la mort était une bonne pensée. Aujourd’hui on relègue les cimetières le plus loin possible. On ne veut pas de ces souvenirs importuns. Pour nous, pensons aux morts,

1° afin de prier pour eux,

2° pour les prier,

3° pour faire un retour salutaire sur nous-mêmes.

1. Prions pour les morts

Qui sont ces morts pour lesquels nous devons prier? Les âmes de ceux que nous avons connus, aimés, que nous avons peut-être entraînés au mal. Quel homme arrivé à un âge même peu avancé ne se rappelle des personnes qu’il avait connues et qui ne sont plus? Où sont-elles? Elles sont ou en enfer, ou au purgatoire, ou au ciel. La charité ne permet pas de s’arrêter à leur damnation; la pensée qu’elles sont déjà au ciel pourrait leur être nuisible, puisqu’on se débarrasserait par là de l’obligation de prier pour elles. Ne vaut-il pas mieux croire pieusement qu’elles sont en purgatoire? Car aussitôt la pensée de les soulager se présente. Et c’est, certes, une pensée consolante que ce pouvoir donné au chrétien et qui s’étend par-delà le tombeau. Je puis être utile et je ne le suis pas. Voilà, certes, de quoi abattre les prétentions de mon coeur à une certaine délicatesse. Voyez quel égoïsme! Je ne pense qu’à mes affaires, à mes plaisirs, à mes convenances. Je laisse souffrir tant d’âmes, à qui j’ai prodigué tant de menteuses protestations d’amitié, d’affection, de tendresse. Où tous ces vains discours ont-ils abouti? A l’oubli et rien de plus.

Et qui pourtant étaient ces personnes? D’abord, mes parents que j’ai conservés un certain temps: mon père, ma mère, leurs pères et leurs mères. Il ne faut pas remonter à des générations bien éloignées pour les voir par la pensée couchés dans le tombeau. Que dis-je! Où sont les cendres de la quatrième et cinquième génération de ceux qui m’ont donné le jour? A part quelques privilégiés, quels bouleversements dans les tombes! Quels sépulcres ont gardé les ossements qui leur furent confiés? Et puis c’est une poussière; ce sont bien des cendres et rien de plus. Elevons-nous plus haut. Ces aïeux, ils avaient une âme. Où est-elle? Où sont les âmes de tant de chrétiens, auxquels m’ont uni des liens de familles? Et qui songe à prier pour elles? Où sont les âmes de mon père, de ma mère, de mes parents les plus rapprochés? Je ne le sais pas. Mais enfin, s’ils ont été vertueux, est-ce une raison pour croire qu’ils sont allés de plein vol au ciel? Etrange excuse de la paresse, de la lâcheté, que de vouloir placer si vite les siens dans le séjour du bonheur pour se débarrasser du souci de prier pour eux. Oui, il faut pour eux des prières, des expiations, précisément parce que nous ignorons leur état. Voilà cette personne qui m’a tant aimé. Elle souffre, peut-être encore au-delà de ce que la pensée humaine peut concevoir, et je ne m’occupe pas d’elle; je m’en rapporte à sa vertu que j’exagère, afin de calmer mes alarmes bien faibles déjà, parce que ma foi est elle-même bien faible aussi.

Mais si cette âme est en purgatoire par ma faute, par mes entraînements, mes scandales, une communauté de fautes accomplies de concert par elle et par moi, quel intérêt n’ai-je pas à prier pour elle, à l’empêcher d’être un jour mon accusatrice au tribunal de Dieu! Elle y a paru, sa condamnation n’est pas éternelle; mais elle est dans les flammes du purgatoire. Elle y est, parce que j’ai été coupable, et je ne ferai pas tous mes efforts pour adoucir sa peine! Mais un jour, quand mon tour viendra, ne se lèvera-t-elle pas de son lit de flammes pour demander que j’y sois étendu en proportion des souffrances que mes entraînements lui font subir? Que si je jette les yeux autour de moi et que, par la pensée, je convoque tous ceux que j’ai connus ou qui m’ont aimé, tous ceux à qui j’aurais pu faire du bien et à qui j’ai fait du mal, quelle affreuse responsabilité, et que j’ai de réparations à faire! Combien n’ai-je pas à appeler à mon aide le sang de Jésus-Christ pour éteindre des flammes que peut-être j’ai contribué à allumer!

2. Il faut prier les morts

Mais toutes les âmes connues de moi ne sont pas en purgatoire. Il en est qui sont déjà dans l’éternel repos. Les unes et les autres peuvent m’être utiles. Les habitants du ciel peuvent y intercéder pour moi, surtout si par mes prières j’ai contribué à hâter leur délivrance. Qui peut dire leur reconnaissance? Elle est égale à leur bonheur, et dans le ciel le bonheur ne rend ni oublieux, ni ingrat. Fussent-elles encore condamnées à souffrir, elles peuvent m’être d’une grande utilité; car Dieu qui ne leur permet plus de mériter pour elles, leur permet dans sa miséricorde d’intercéder pour les autres d’une manière efficace. Or, quel avantage de prendre des protectrices parmi ces âmes, puissantes pour moi, si je le veux! Et quels amis n’ai-je pas à ma disposition, si je leur donne tout ce qui dépend de moi pour les introduire dans la patrie, dans le sein de Dieu! Voilà la véritable puissance du chrétien: prier les âmes du purgatoire et les forcer à prier pour moi.

Je n’y avais pas pensé. A partir de ce moment, je donnerai beaucoup aux âmes du purgatoire et j’invoquerai ces amis inconnus, mais qui me connaissent, puisque je prends leur intérêt, et dont la reconnaissance est certaine. Heureux et fécond commerce dont les profits sont incalculables! Ah! quand mon coeur sera-t-il assez large pour dépeupler le purgatoire et accroître, comme sans mesure, le nombre des habitants du ciel!

3. Les morts doivent nous faire penser à notre avenir

Chaque jour, je vois tomber, à droite et à gauche, des personnes connues. On les porte à leur tombeau et en voilà jusqu’au dernier jour. Mais si je ne sais pas mon jour à moi, il viendra aussi infailliblement qu’est venu celui de tant d’autres. O générations écoulées, où êtes-vous donc et quel est votre sort? Encore une fois êtes-vous au ciel, en purgatoire, en enfer? Cette triple alternative m’attend à mon tour. Et si je puis espérer que j’éviterai l’éternel supplice, je ne puis guère compter que j’irai au ciel de plein vol. Que ferai-je? Quels amis puis-je implorer, quand je vois un oubli des morts si général? Ah! j’ai, si je le veux, un moyen assuré de me faire des protecteurs pour ce jour terrible, j’aurai une tendre dévotion aux âmes du purgatoire. Que les vivants m’oublient: hélas! c’est une si commune habitude; mais les morts, si j’ai pensé à eux, si j’ai prié, souffert pour eux, ne m’oublieront certainement pas!

Ames saintes, voici le traité que je vous propose. Vous souffrez dans les flammes du purgatoire. Eh bien! par l’entremise de Marie, j’offre à Dieu le peu que je puis lui présenter d’expiations jusqu’à mon dernier jour; je m’en dépouille en votre faveur, que ce que je ferai de bien vous tourne à soulagement. En retour, quand viendra mon heure, du haut du ciel ou du fond du purgatoire, supposé que vous y soyez encore, vous prierez, vous intercéderez pour moi; vous m’obtiendrez pardon et miséricorde, comme je veux tâcher de vous l’obtenir; et, en attendant, je méditerai sur votre état douloureux, afin de corriger ma vie, de diminuer mon châtiment et de mériter que la miséricorde divine m’introduise au plus tôt là où je lui demande que vous me précédiez.

Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum