- ES-1414
- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES.|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS.
- NOTE SUR LA QUESTION DES ETUDES ET SUR L'ACTION QUE LE SAINT-SIEGE DOIT EXERCER PAR ELLES SUR L'EGLISE
- Ecrits Spirituels, p. 1414-1419.
- CS 197; TD 47, P. 43-48.
- 1 APOSTOLAT DE LA VERITE
1 CAUSE DE L'EGLISE
1 CONCILE DU VATICAN
1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
1 CONGREGATIONS ROMAINES
1 DECADENCE
1 DOCTRINE CATHOLIQUE
1 EGLISE
1 ENNEMIS DE DIEU
1 ENNEMIS DE LA RELIGION
1 ENNEMIS DE LA SOCIETE
1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
1 ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
1 EVEQUE
1 FAUSSE SCIENCE
1 GALLICANISME
1 HERESIE
1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
1 LIBRE PENSEE
1 LUTTE CONTRE LE MONDE
1 MAGISTERE
1 MONOPOLE UNIVERSITAIRE
1 MORALE INDEPENDANTE
1 PAPE DOCTEUR
1 SAINT-SIEGE
1 SEMINAIRES
1 SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
1 TOLERANCE
1 ULTRAMONTANISME
1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
3 AFRIQUE
3 ALLEMAGNE
3 AMERIQUE DU NORD
3 AMERIQUE DU SUD
3 ANGLETERRE
3 CHINE
3 ESPAGNE
3 FRANCE
3 INDE
3 ITALIE
3 LYON
3 ROME
3 RUSSIE - 1870
Le Pape va être proclamé infaillible. Ce privilège, couronnement de son titre de docteur universel, lui imposera de nouveaux devoirs, et entre autres, non seulement l’obligation de condamner l’erreur, mais d’enseigner et de faire enseigner par toute l’Eglise la vérité. C’est par ce côté que je veux envisager la question des études et, pour établir un certain ordre dans ce que je vais dire, je poserai six questions:
1° Des droits de l’Eglise sur l’enseignement des sciences, et de l’utilité générale qu’il y aurait à ce qu’elle en prît la direction;
2° Des motifs plus spéciaux qui doivent porter le Saint-Siège, dans les circonstances présentes, à s’emparer de l’enseignement.
3° Des raisons toutes particulières qu’a le Souverain Pontife de surveiller, réformer, diriger l’enseignement religieux tel qu’il se donne aujourd’hui surtout dans les séminaires;
4° Quels moyens à employer pour établir cette surveillance, cette réforme, cette direction dans le monde catholique?
5° En quoi doit consister la réforme des études au point de vue catholique?
6° Quels développements à donner successivement à une université catholique?
1° Des droits de l’Eglise sur l’enseignement des sciences et de l’utilité générale qu’il y aurait à ce qu’elle en prît la haute direction.
Cette première question n’a pas besoin d’être développée pour les personnes à qui cette note s’adresse. Le droit de l’Eglise repose sur les paroles de Notre-Seigneur: Euntes… docete. L’enseignement de la vérité implique l’enseignement de tout ce qui peut contribuer à la faire connaître. Seulement si ces lignes étaient destinées au public, il faudrait montrer comment cette vérité est combattue: 1° par le monopole gouvernemental; 2° par la science indépendante allemande; 3° par la libre pensée révolutionnaire; 4° par la tolérance gallicane. Mais intelligenti pauca.
2° Des motifs plus spéciaux qui doivent porter le Saint-Siège à s’emparer, dans les temps présents, de la direction de l’enseignement.
Au nom des droits de l’Etat, on veut enseigner toutes les sciences séculières ou sécularisées et, par un respect hypocrite pour l’Eglise, on veut en séparer l’élément religieux. Au fond, cela ne tend à rien moins qu’à rendre l’enseignement des sciences athée, et les résultats obtenus par l’esprit révolutionnaire ne le prouvent que trop. Or, si la séparation de l’Eglise et de l’Etat s’accomplit tous les jours, il faut au moins en retirer ce bénéfice que l’Eglise ait le droit légal d’instruire ses enfants et de leur donner un enseignement complet: soit par des universités libres, et surveillées, dirigées, fondées; soit par des écoles de diverses espèces, de façon à ce qu’elle puisse fournir, par la supériorité de son enseignement, le moyen pour les catholiques d’acquérir une véritable supériorité intellectuelle sur ceux qui n’aspirent qu’à recevoir la science séparée de l’élément religieux.
Lorsque les Papes constituèrent les Congrégations romaines, ils établirent le Saint-Office pour défendre au sein de l’Eglise la vérité attaquée par l’hérésie, et la propagande pour porter le flambeau de la vérité chez les hérétiques et les infidèles. Après le concile du Vatican, ces deux Congrégations veulent être complétées par une troisième, la Congrégation des Etudes, qui non seulement protègera la vérité comme le Saint-Office, mais la répandra, et non pas en dehors de l’Eglise comme la propagande, mais au-dedans, en face de l’enseignement sécularisé. Je reviendrai dans un moment sur cette pensée.
3° Des raisons toutes particulières qu’a le Souverain Pontife de surveiller, de réformer, de diriger l’enseignement religieux partout où il est donné au nom des évêques, surtout dans les séminaires.
Après les doctrines émises par certains évêques au Concile; après la manière dont on a pu remarquer l’ignorance des uns, la servilité des autres, le mauvais esprit de ce qu’on appelle la minorité; après avoir constaté la funeste influence exercée par certaines Congrégations religieuses dans les séminaires qui leur sont confiés; après avoir saisi l’action délétère de l’Etat, la décadence ou l’esprit de révolte et d’hérésie dans plusieurs universités, n’est-il pas évident qu’au nom de son titre de docteur universel, infaillible, chargé de confirmer ses frères les évêques et d’instruire tous les peuples, le Souverain Pontife est obligé premièrement de s’informer de l’état des études dans tout le monde catholique, et d’en entreprendre la réforme partout où elles sont en péril? N’est-il pas évident que c’est à lui, non seulement à indiquer les règles de l’enseignement élémentaire par le petit catéchisme pour le peuple et les enfants, la direction à donner à l’instruction pour les classes des catholiques plus éclairés, mais à s’assurer, après ce qui s’est passé au Concile, que les évêques donnent partout au clergé l’enseignement catholique, tel qu’il convient dans le temps présent de le transmettre aux fidèles dans toute l’Eglise?
Evidemment, il y a ici tout un plan de combat à formuler. On se trouvera en face des gouvernements avec leurs défiances, des évêques avec leurs prétentions et des institutions avec leurs habitudes prises; mais ce n’est pas une raison pour se décourager, si l’on est résolu à porter le fer dans la plaie.
4° Quels moyens à employer par le Souverain Pontife pour établir cette surveillance, cette réforme, cette direction; et surtout cette initiative dans les études du monde catholique?
A. Comme je le disais tout à l’heure, l’établissement d’une Congrégation générale des Etudes, composée d’hommes venus de tous les points où l’on sait qu’il y a quelque abus à combattre, quelques institutions pour les laïques ou pour les prêtres à diriger, à réformer ou à fonder.
B. La création d’inspecteurs généraux des séminaires qui s’en iraient conférer les grades théologiques là où les évêques le demanderaient. Ceci voudrait des explications très faciles à donner.
C. La préparation de rapports présentés à la Congrégation des Etudes. On pourrait les faire par groupes pour la France, l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Inde et la Chine, l’Orient qui touche à l’Afrique, l’Orient qui avoisine la Russie. Ces rapports, commencés au plus tôt et contradictoirement avec les relations faites par les évêques, amèneraient la découverte de bien des abus, aideraient à fixer le remède et la direction à donner.
5° En quoi doit consister la réforme au point de vue de la science catholique.
Ceci entraînerait trop loin. Je me borne à dire que le mal présent consiste en ce que bien des gens sont catholiques comme ne l’étant pas, et vice versa ne sont pas catholiques tout en voulant en conserver le nom. C’est d’eux qu’on peut dire sous un rapport: Nomen habes, quod vivas, et mortuus es. Pour y remédier, c’est l’esprit catholique romain qu’il faut faire pénétrer au plus profond des intelligences par l’enseignement, pour les guérir de l’esprit révolutionnaire, libéral, séparé, tel qu’il existe dans une foule de bons esprits atteints, comme on l’a très bien dit, d’hérésie intellectuelle sans s’en douter.
Je remarque que je n’ai pas ici à m’occuper de ce que devraient faire les évêques. Ils ont à faire beaucoup, mais pour le dire je sortirais du sujet que je me suis proposé.
6° plan des développements à donner à une université catholique.
Cette dernière question n’est pas mûre pour moi. Je veux seulement parler de la France. Je trouve de très graves inconvénients et d’immenses difficultés à fonder des universités. Les évêques enverraient-ils des élèves là où ils ne seraient pas les maîtres? Si l’on envoie des élèves dans des établissements comme la maison des hautes études dont Lyon a été un moment menacé, quel désastre pour l’esprit catholique? Si l’on prépare une université libre dans un diocèse dont l’évêque est de l’opposition, quels obstacles?
Le problème est-il insoluble? Je ne le pense pas, mais il veut être étudié plus sérieusement que je n’ai pu le faire encore.
Conclusion
De tout ce qui précède, résulte pour moi que l’une des plus importantes questions à traiter après le Concile, sinon pendant le Concile, est la question des études. Elle est la conséquence immédiate de l’infaillible magistère du Souverain Pontife, tel qu’il va être proclamé. Elle est un des moyens les plus puissants, le plus vivant peut-être, de faire pénétrer l’action pontificale partout où pénètrera la vérité catholique; et dans un temps d’indépendance et de révolte au nom de la conscience, de la science, de la libre-pensée, à cette époque de la Révolution en un mot, elle est le moyen le plus pratique, à mon gré, de faire triompher l’action pontificale dans le monde des intelligences, comme au moyen âge cette même action triompha dans le monde politique. Mais pour cela, il importe au suprême degré que Rome ne s’arrête pas seulement à l’élément conservateur de sa mission. Il faut qu’elle accepte le devoir d’une puissante initiative, et que le Pape infaillible répète sans cesse à ceux qui sont chargés d’enseigner: Euntes, docete.