- ES-0907
- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS
- INCARNATION DE JESUS-CHRIST DANS L'AME RELIGIEUSE
- Ecrits Spirituels, p.907-913.
- Orig.ms. CV 10.
- 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
1 ANNONCIATION
1 DIEU LE FILS
1 DIEU LE PERE
1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
1 GLOIRE DE DIEU
1 GRACE
1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
1 INCARNATION MYSTIQUE
1 LOUANGE
1 REGNE
1 RELIGIEUX
1 SAINT-ESPRIT
1 TRINITE
1 VERTU D'OBEISSANCE
1 VERTUS DE LA SAINTE VIERGE
2 GABRIEL, SAINT
2 GEDEON - vers 1877
Ecce ancilla Domini.
Telles furent les paroles, par lesquelles une humble créature adhéra à la plus grande oeuvre de Dieu, à celle dont le prophète avait dit: Excita potentian tuam, et veni, ut salvos facias nos. A la création, Dieu avait agi de lui seul; à l’Incarnation, il consulte sa créature. Grand enseignement, plein de leçons pratiques; car, si Marie devient la vraie mère de Dieu, à une distance immense le mystère de l’Incarnation peut s’accomplir en nous, au sens où l’apôtre souhaite que Jésus-Christ habite en nous par la foi chrétienne: Habitare per fidem in cordibus nostris.
Etudions l’Incarnation de Jésus en Marie, afin d’apprendre ce que doit être l’incarnation de Jésus en nous: Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis. Nous étudierons: 1° Ce qu’est la grâce de Dieu qui nous prévient et nous accompagne; 2° Quel doit être le concours de notre volonté.
I. Grâce de Dieu
L’annonce
Les temps sont accomplis, l’ange de Dieu va être envoyé vers la Vierge de Nazareth, un Dieu va se faire homme dans le sein de la plus pure des créatures: créature fille d’Adam et créature pourtant immaculée, parce que l’abondance des grâces qu’elle a reçues s’élève à un inexprimable degré. L’ange lui a dit: Ave, gratia plena. Sans doute la plénitude des grâces n’est pas en elle, comme en Jésus-Christ, plenum gratiae et veritatis. Cependant, le Seigneur qui l’avait possédée dès le commencement de ses voies, a voulu faire en elle et pour elle de grandes choses dans l’immensité de sa puissance: Fecit mihi magna qui potens est. Mais tous ces privilèges, Marie les doit à Dieu; c’est à lui qu’elle les rapporte.
Et moi aussi, quoique à un moindre degré, j’ai reçu les grâces de Dieu. Un des esprits administrateurs, préposés à la surveillance de ceux qui doivent recevoir l’héritage du salut, m’a été donné; il ne dépend que de moi de l’écouter. Il me dira que le Seigneur est avec moi, comme l’ange le dit à Marie, comme un autre ange le dit à Gédéon et à tant d’hommes illustres de l’ancienne loi, comme Jésus le dit à ses apôtres, au moment de monter au ciel: Ecce vobiscum sum.
Comme Marie, j’ai une portion de grâces, moindre que la sienne, mais je puis, comme elle, dire que le Seigneur est avec moi, bien plus que les simples chrétiens. Dans tous les cas, le temps de mon noviciat m’est donné dans ce but. J’ai dû l’employer à former Jésus-Christ en moi, et depuis que j’ai fait profession, Jésus-Christ a dû croître sans cesse dans mon âme. Or, de même que l’ange met Marie en relation avec les trois personnes de la Trinité, de même j’entre, si je le veux, en relation avec les trois adorables Personnes.
L’ange dit à Marie: Ecce concipies in utero, et paries filium. Voilà le but de la vie religieuse: former Jésus-Christ en soi. Filioli, quos iterum parturio, donec Christus formetur in vobis. Concevoir Jésus-Christ en soi, voilà la vie intérieure; enfanter Jésus-Christ au dehors par sa vie, le manifester par ses paroles, ses actes, ses vertus, voilà la vie intérieure telle que nous devons la pratiquer, pour qu’on puisse dire de nous: Dominus tecum.
Les trois Personnes divines
Quant aux moyens, rien de plus grand. Spiritus sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi obumbrabit tibi. Concevoir Jésus-Christ, l’enfanter par l’opération du Saint-Esprit, sous la protection du Père, quoi de plus admirable en Marie! Et de même qu’au commencement, Dieu fit l’homme à son image et à sa ressemblance, Jésus-Christ forme en nous le chrétien, le religieux encore plus, réalisant en lui les traits du Dieu fait homme et incarné en Marie.
Tel est le chef-d’oeuvre de la puissance du Père: Et virtus Altissimi obumbrabit tibi. Dabit tibi Dominus sedem David patris sui, et regnabit in domo Jacob in aeternum, et regni ejus non erit finis. La prophétie s’est-elle assez réalisée pour Jésus-Christ ? Quel homme a régné aussi universellement et aussi longtemps que lui ? Il règne d’un bout du monde à l’autre. Il y a bientôt vingt siècles qu’il règne, et l’on ne voit pas que son règne soit sur le point de prendre terme.
Or, ce règne de Jésus-Christ, par la puissance du Père nous pouvons le former en nous et autour de nous: en nous, en lui donnant un empire absolu sur nos puissances, sur notre intelligence, notre volonté, notre coeur, nos sens, et le règne absolu de Jésus-Christ dans nous, c’est la sainteté: nous pouvons former le règne de Jésus-Christ autour de nous par le zèle à le faire connaître, et cela c’est l’apostolat. Or, tout cela, comment s’accomplira-til ? Par un commerce avec la Sainte Trinité, semblable à celui de Marie. Jésus-Christ se formera en moi par la foi, sous l’intervention du Saint-Esprit et par l’intervention du Très-Haut. Quand, pénétré de l’honneur qui m’est fait, commencerai-je, une bonne fois, à me donner tout entier à cette merveilleuse action des trois personnes divines sur mon âme ?
Or, je dois laisser la Sainte Trinité agir en moi pour y former le Royaume de Jésus-Christ. Voici un ordre de contemplation tout nouveau. Je laisserai la Sainte Trinité former Jésus-Christ en moi, comme elle a formé Jésus-Christ en Marie. Et plus je serai souple, obéissant, abandonné, plus cette image de Jésus-Christ sera parfaite. Oh! quel prodige et quand m’y perdrai-je tout entier ?
Mais pour combien de temps ? Pour aussi longtemps que le règne de Jésus-Christ. Et ce règne n’aura pas de fin: Et regni ejus non erit finis. Quelle merveilleuse durée! Me voilà immortel comme Dieu, devenu dans un ordre ineffable mon maître, mon roi, et pour toujours: Et regni ejus non erit finis. Ah! Seigneur, que cet empire, en effet, ne cesse jamais; qu’il soit éternel et que, de plus, je puisse contribuer à l’étendre au loin, et qu’instrument de votre puissance, je travaille à reculer vos conquêtes, et qu’autant que j’en suis capable, partout je répète ce cri: Adveniat regnun tuum! Mais vous avez voulu que votre grâce ne fît pas tout, vous avez voulu le concours de ma volonté. Je vais en examiner les conditions, dans la réponse de Marie à l’ange.
II. Concours de notre volonté
Obéir
Que répond Marie à de telles promesses ? Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum. Telle est la réponse de toute créature. Dixitque Deus: fiat lux, et facta est lux. Mais voilà la différence: Dieu dit: Que la lumière soit faite, et la lumière est faite. Dieu dit: Faciamus hominem, et l’homme est fait. Mais quand il s’agit de la formation surnaturelle de l’homme, il en va tout autrement. Dieu crée l’homme sans sa permission; ce ne sera pas sans sa permission que l’homme spirituel sera formé. Pour former Jésus-Christ lui-même, il faut le concours de l’humble et pure créature qui lui servira de mère. Pour former Jésus-Christ en nous, il faut que nous nous déclarions les serviteurs de Dieu et que, comme Marie, nous disions: Fiat mihi secundum verbum tuum. Oui, il faut toujours en revenir là, l’obéissance et l’obéissance la plus complète. Elle commence à Nazareth, elle se consomme à la Passion, mais elle n’a son terme qu’au moment où Jésus-Christ brise les liens mortels qui retenaient encore Marie à la terre. Il a fallu tout ce temps, il a fallu cette perfection, pour qu’elle pût dire en toute vérité: Dilectus meus mihi, et ego illi qui pascitur inter lilia. C’est au milieu des lis qu’il réside; son séjour ne peut se fixer qu’au sein des âmes qui sont de vrais lis de pureté: Qui pascitur inter lilia. Il faut que j’accepte de faire, toute ma vie, des efforts pour entrer dans une pureté plus grande, afin que Jésus-Christ entre en moi avec plus de consolation et de joie: Dilectus meus mihi, et ego illi qui pascitur inter lilia.
Louer Dieu
Et quels sont, pendant que Jésus se forme en Marie, les sentiments de cette mère admirable ? Elle-même nous le dira. Elle ne songe qu’à louer Dieu et à publier sa gloire: Magnificat anima mea Dominum. Tel est son but; sa vie n’en a pas d’autre. Elle se perd dans la pensée que Dieu qui se suffisait, qui n’avait besoin de personne pour se donner la gloire qui lui convient, a voulu s’en procurer une par les créatures, mais que pour donner une valeur convenable à leur louange, il avait ordonné à son Fils de se faire homme. Le Verbe s’est fait chair, et toute créature qui s’unit au Verbe, à la parole divine, peut arriver à une très pure louange de Dieu; et de même que cette louange est l’occupation des anges dans le ciel, elle sera aussi celle des saints dans la patrie, après l’avoir été sur la terre. Qu’eux aussi doivent donc dire: Magnificat anima mea Dominum.
Tel est le transport de toute âme chrétienne, qui comprend le travail de la perfection. Et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo. Quels transports l’âme qui ne fait pour ainsi dire qu’un avec Jésus-Christ, n’éprouve-telle pas ? Pourquoi ? Parce que le Seigneur voit la bassesse de sa servante, et il la relève. Voyez Marie. Est-elle assez humble, assez pauvre assez inconnue ? Quia respexit humilitatem ancillae suae : ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. Voilà encore la prophétie, et la prophétie réalisée dans tout son éclat à travers les siècles. L’Eglise, tous les jours, chante la prophétie que le temps confirme chaque jour davantage, dans le triomphe de l’humilité: Quia respexit humilitatem ancillae suae : ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes.
Que faire pour arriver à ce bonheur ? Etre obéissant et dire à chaque instant du jour : Ecce ancilla Domini. Que faire de plus ? Se consacrer entièrement à la gloire de Dieu et être l’instrument le moins imparfait de Jésus-Christ pour l’avènement de son règne. Que faire encore ? Ne mettre son bonheur que dans la pensée des perfections de Dieu : Et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo. Au milieu de ces bienfaits conserver l’humilité la plus profonde : Quia respexit humilitatem ancillae suae; et contribuer à la gloire divine par l’amour de sa propre humiliation; proclamer sans cesse les bienfaits de Dieu et tout rapporter à lui : Fecit mihi magna qui potens est, et sanctum nomen ejus. Heureuse l’âme qui, à la suite de Marie, se perd ainsi par un amour absolu de sa volonté et de son amour dans les plans de Dieu sur elle!
Conclusions
Que conclure de tout ceci ? C’est que nous n’avons qu’à laisser Jésus-Christ agir dans nos âmes et le laisser s’y former de la manière qu’il l’entend. Ce ne sera jamais que d’une manière très pure, très parfaite et très propre à nous unir à Dieu.
En second lieu, nous prendrons les vertus de Marie pour modèles des nôtres, dans l’obéissance, l’humilité, la contemplation, l’amour. Ce seront les conditions les meilleures pour assurer le triomphe de Jésus-Christ dans les âmes. Nous nous dévouerons à l’oeuvre, pour laquelle le Fils de Dieu est descendu sur la terre. Nous nous consacrerons au triomphe de l’Eglise, que Jésus-Christ a enfantée au Calvaire et qu’il s’est acquise par son sang.
Enfin, nous nous souviendrons que de même que le Fils s’est incarné en Marie, par l’opération du Saint-Esprit, à l’ombre de la vertu du Père, de même devons-nous former par la foi Jésus-Christ en nous par la toute-puissance de Dieu. Qu’il en soit ainsi et que l’adorable Trinité, agissant tout entière dans nos âmes, se complaise à y faire son séjour, afin que nous méritions d’habiter en elle in perpetuas aeternitates.