OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-1024
  • OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|TEXTES DIVERS PARUS DANS LES ECRITS SPIRITUELS
  • MYSTERE DE L'ASSOMPTION
  • Ecrits Spirituels, p.1024-1028
  • Orig.ms. CV 11.
Informations détaillées
  • 1 ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 GRACE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 INCARNATION MYSTIQUE
    1 MERE DE DIEU
    1 PERFECTION
    2 ADAM
    2 EVE
  • vers 1877
La lettre

Veni de Libano, veni coronaberis.

Au terme de cette retraite et des dispositions où je suis convaincu que vous êtes, rien ne me paraît plus opportun que de vous parler du mystère sous l’idée duquel notre Congrégation se trouve placée. Nous ne l’avons pas choisi, il s’est pour aisi dire imposé de lui-même. La pierre placée sur la porte d’entrée de notre maison était gravée plusieurs années avant que nous ne vinssions prendre possession du berceau de notre famille religieuse. On peut dire que ce n’est pas nous qui avons choisi Marie triomphant deans les cieux pour notre protectrice; c’est Marie, du haut du ciel, qui semble avoir dit: Cette maison m’a été donnée, et je vous la donne, à mon tour. Croissez dans les pensées que ma gloire doit vous inspirer et soyez de vrais fils de mes victoires, de mon triomphe, de mon couronnement.

Aussi, mes frères, viens-je vous exhorter à vous pénétrer tous les jours davantage des grandes et fécondes leçons, que Marie dans son Assomption nous donne. Que voyez-vous en effet comme religieux dans cette faveur spéciale accordée à une créature, mère de Dieu, établie reine des anges et des saints ? Rien de plus utile, de plus encourageant à étudier.

Prévenances de la grâce

D’abord, rendons-nous compte de ce que Dieu peut faire pour son humble servante. Il l’a affranchie de la loi universelle, il l’a établie pure entre tous les enfants d’Adam et d’Eve. « Vous êtes toute belle, ô ma bien aimée, et en vous il n’y a aucune tache. Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te« . Privilège exceptionnel, mais privilège partagé par nos premiers parents, qui y répondent par une chute d’autant plus épouvantable. Marie a été inondée de bienfaits, mais elle y a correspondu.

A quelle perfection ne puis-je pas m’élever si, à partir de ce moment, j’entre dans le vrai travail de la perfection ? Ce sont là de ces questions où la pensée se perd. Quel est en ce moment l’état de mon âme ? Quel peut-il devenir si je le veux bien ? Ai-je un vrai désir de m’élancer vers les hauteurs des vertus chrétiennes ? Quelle est la sincérité de ce désir ? J’aperçois des horizons immenses et je sens bien que mes forces ne suffiront jamais à en atteindre la profondeur. Mais Dieu est là qui donnera, si je le veux, la vigueur à mes pieds; que dis-je ? qui me donnera des ailes, et alors je ne marcherai pas, je volerai. Quis dabit mihi pennas sicut columbae, et volabo, et requiescam. Mais je ne m’arrêterai dans ce vol, puissant, rapide, que quand j’aurai trouvé le lieu de repos que Dieu me prépare, et, en attendant, j’irai comme les vrais serviteurs dont il est dit: Ibunt de virtute in virtutem. Les vertus s’accroîtront toujours en moi. Le yeux fixés sur ma reine dans sa gloire, je verrai bien la distance qui me sépare d’elle, et sans écouter les tristes tentations du découragement, je dirai à Marie: « Oh! que vous êtes loin de moi! Mais je ne vous demande pas de vous incliner vers mes misères, je vous demande de m’attirer à vous ».

Ah! qui dira où je parviendrai si ma prière est sincère, si mes efforts sont généreux ? Car, à mesure que ma course se poursuivra, que les distances diminueront, je verrai mieux ce que Dieu me demande et ce que je dois lui donner; je verrai mieux quelles perfections ont été réalisées en Marie et comment je dois les imiter. Peut-être m’éblouiront-elles du premier coup, mais n’importe. J’irai à Marie, et Marie me donnera le secret des charmes si touchants de son âme virginale.

Naissance du Christ en moi

Or, je comprendrai mieux mes devoirs et mes relations avec Dieu, à mesure que je me pénètrerai davantage des prodiges accomplis en Marie. Marie, choisie de toute éternité, reçoit dans ses chastes entrailles un Dieu qui veut y prendre notre nature. Mais n’ai-je pas reçu, au saint baptême, un germe divin que je dois développer en moi ? Ne suis-je pas moi-même fils de Dieu ? N’ai-je pas reçu, accueilli Jésus-Christ ? L’évangeliste dit: Quotquot autem receperunt eum, dedit eis filios Dei fieri. Mais de même que l’enfant croît sans cesse, par quel esprit de foi et d’amour dois-je développer Jésus-Christ en moi et le faire croître ? De quelle façon dois-je croître avec lui ?

Marie a porté Jésus dans ses chastes entrailles pendant neuf mois. Comment dois-je porter Jésus dans mon coeur, lorsqu’il y est descendu par l’Eucharistie ? Quelle transformation s’opérait entre la Vierge par excellence, dans cette concentration de son être autour de l’Enfant-Dieu, qui, parfait sans doute dès le premier instant de sa conception, versait dans le sein de sa mère les grâces les plus abondantes et la nourrissait des dons spirituels les plus exquis, tandis qu’il lui demandait le plus pur de son sang maternel pour se former un corps semblable au nôtre ? Comment dois-je faire, moi aussi, un échan,ge de tout mon être avec l’être de Jésus ? Vivo jam non ego, vivit vero in me Christus. Qui me donnera de comprendre cette substitution, par laquelle un Dieu prend ma vie et me donne la sienne ?

Vie du Christ manifestée en moi

Mais il ne s’agit pas seulement d’une vie secrète, intime; il s’agit d’une vie que le monde devra connaître, dût-elle être la condamnation des esclaves du monde. Et Marie mettant Jésus au monde, apporte le jugement de ce monde: Nunc judicium est mundi. Le chrétien, lui aussi, doit manifester Jésus-Christ par sa vie tout entière.

A partir de sa naissance jusqu’à trente ans, la vie de Marie et celle de Jésus ne font qu’un, et c’est là que je dois aller chercher des leçons, je dois me faire instruire par Marie des perfections de Jésus dans sa vie cachée. O enseignement admirable! Et quel modèle pour un noviciat, dont la maîtresse des novices est Marie et dont le novice est Jésus! J’écouterai sans doute les leçons de mes directeurs : mais que leur action serait facilitée, si je prenais avant tout les leçons de Marie pour devenir semblable à Jésus!

Ne puis-je pas suivre Marie à la croix, qui termina la vie apostolique de son Fils ? Si toute ma vie la croix est le but de mes travaux; si je travaille, j’agis, je prêche, j’évangélise, je souffre pour me préparer à être moi-même un digne disciple de la Croix, n’aurais-je pas le droit d’aller me placer quelquefois entre Marie et Jésus, aux pieds du divin crucifié, pour apprendre à me sacrifier et à mourir ?

Enfin quand j’aurai appris de Marie à vivre de la vie de Jésus, imitant autant qu’il peut dépendre de moi ses perfections et ses vertus, ne pourrai-je pas espérer que Marie, mon espérance, spes nostra, me fera participer à sa couronne et à la gloire de son Fils, dont j’aurai été le fidèle serviteur ?

Notes et post-scriptum