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Informations générales
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  • VIE DE MADAME BARRAT
  • L'Assomption, II, n°46, 15 novembre 1876, p.177-178.|Semaine religieuse de Nîmes, 12, n°40, 26 novembre 1876, p.487-488.
Informations détaillées
  • 2 AGRICOLA, CNAEUS JULIUS
    2 CONSTANTIN LE GRAND
    2 FOUCHE, JOSEPH
    2 MADELEINE-SOPHIE BARAT, SAINTE
    2 PIE IX
    2 TACITE
    2 VARIN, JOSEPH
    3 BESANCON
    3 JOIGNY
    3 PARIS
  • 15 novembre 1876
La lettre

Tacite, dans la vie d’Agricola, félicite son beau-père de l’opportunité de sa mort. Je serais bien plus tenté de féliciter la fondatrice du Sacré-Coeur de l’opportunité de sa naissance.

La fille de l’humble vigneron de Joigny vit le jour au moment où l’Eglise allait subir les plus graves catastrophes, préparées, il est vrai depuis longtemps, et où une grande disette de prêtres allait rendre plus nécessaire le concours des congrégations de femmes pour un nouveau genre d’apostolat.

La persécution devenait, une fois de plus, féconde: le bien arrêté dans un sens allait pousser dans un autre. On voulait supprimer l’enseignement donné par l’Eglise aux jeunes gens, cet enseignement allait, bientôt, reprendre sa place au foyer de la famille et tandis qu’une foule d’institutions populaires enseignaient la religion aux enfants des campagnes et des plus humbles hameaux, une petite bourgeoise sous l’action d’un Jésuite, Horrendum! se formait avec quelques autres petites bourgeoises à donner l’enseignement aux classes upérieures de la société européenne et américaine. Or, tout cela poussa très lentement et presque sans s’en douter: à un Jésuite il vint s’en joindre d’autres. Tout tournait à bien à ces êtres, exécrés de la Révolution et du despotisme; ainsi le P. Varin est expulsé de Paris par un arrêté de Fouché, régicide et plat valet du despote (tout cela s’allie très bien); aussitôt il part pour Besançon et profite des loisirs que la persécution lui fait pour calquer, avec Mme Barrat, qu’il appelle auprès de lui, les constitutions du Sacré-Coeur, sur la règle de saint Ignace. Ah! messieurs de la libre pensée, vous ne voulez pas des Jésuites ? eh bien! vous les aurez malgré vous, et par dessus le marché, des Jésuitesses. Et voilà le terme des Révolutions: c’était bien la peine d’en faire! Ceci soit dit pour établir que l’histoire du Sacré-Coeur est le prélude de l’histoire de l’enseignement supérieur.

Mais revenons à Mme Barrat, cette femme extraordinaire eut deux dons, la foi et l’humilité: la foi qui ne lui permit de douter d’aucune bonne entreprise; l’humilité qui lui fit accepter toute épreuve venant du dehors et du dedans. Foris pugnae, intus timores.

L’auteur de sa biographie a mis une grande charité à ne laisser lire qu’entre les lignes. Quand tous les acteurs auront disparu de la scène, quand certains noms seront oubliés, on pourra parler plus clairement. Il semble, en effet, que le silence n’est pas toujours le meilleur moyen de louer Dieu dans ses Saints; pour connaître combien il a été généreux dans son assistance, il faut savoir à quel point ses serviteurs ont eu besoin d’être assistés. L’étendue des secours d’en haut ne s’apprécie que par la terreur des épreuves. Mme Barrat en a subi de tous côtés et c’est là un cachet de son humble sainteté qu’il sera bon plus tard de mettre en relief. Dieu l’exalta parce qu’elle fut humble et simple; ses succès ne l’enivraient pas, la persécution ne put l’ébranler, elle allait semant, si l’on peut dire ainsi, ses religieuses sur tous les points de l’Europe et du Nouveau-Monde. Quand la graine poussait, elle renvoyait tout à Dieu, quand les plantes frêles encore étaienbt brisées par le souffle révolutionnaire, elle recommençait ailleurs; ce cachet de sainte persévérance est une des plus puissantes leçons que donnent la foi et l’humilité de cette grande servante de Dieu.

Ajoutons que sa force fut dans une idée jetée dans son âme par le P. Varin qui l’avait recueillie lui-même d’un jeune religieux enlevé prématurément. Cette idée maîtresse fut le Sacré-Coeur. Elle groupa tout, autour de l’amour de l’Homme-Dieu. Quelles que soient les formes données à cette dévotion, il faut en revenir à celle que Pie IX lui a imprimée dans l’acte de consécration demandé par lui à une congrégation romaine et dont quelques lignes sont de sa propre main. Et dès lors, on comprend l’énergie communiquée à une famille religieuse par l’amour jaillisant d’un Coeur divin en face des flots de haine vomis par l’enfer.

Il est bon de contempler l’esprit qui veille sur l’Eglise, allant choisir dans les classes obscures de faibles instruments et les embellissant de ses dons; disant au monde étonné, comme à Constantin: C’est par ces signes que je vaincrai!

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum